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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 31 août 2022

Les poupées persanes d’Aïda Asgharzadeh

On peut avoir vu beaucoup de spectacles au festival d’Avignon en juillet et avoir malgré tout manqué une pièce essentielle comme Les poupées persanes.

Aïda Asgharzadeh, qui joue dans la pièce, a écrit un texte bouleversant. S’inspirant d’une histoire d’amour mythique des légendes perses, elle restitue l’horreur des années 70, quand l’Iran voit arriver au pouvoir un régime islamique alors que le pays pensait avoir combattu contre la dictature du Shah.

On suit le destin haut en couleur de quatre universitaires et de leurs enfants qui nous tire autant les larmes que les rires, grâce à l’inventive mise en scène de Régis Vallée dans un décor qui suggère tantôt l’Iran, tantôt un chalet savoyard, à Avoriaz (où soit-dit en passant se déroule chaque année le festival du Film fantastique, depuis 1973, mais il ne faut sans doute pas y voir une quelconque relation de cause à effet).

Les comédiens sont formidables, passant d’un rôle à un autre en changeant un accessoire, si bien qu’on sera surpris, aux saluts, qu’ils ne soient pas plus nombreux.

L’accompagnement musical est magnifique, ajoute de la poésie, et permet de glisser dans l’ambiance pour partager ensemble la seule vérité qui existe, celle de l’émotion.

Les images d’archives ajoutent de l’authenticité et nous empêchent de rester dans l’univers agréable de la comédie où nous entraînent les pulls caractéristiques des Noëls entre amis, comme les remarques toujours décalée de la mère.

On passe du conte à la dure réalité historique pour mieux revenir à la dimension philosophique. Les tempêtes sont multiples, qu’elles soient politiques en Iran ou météorologique en France cet hiver de décembre 1999.

L’amour de Bijan et de Manijeh sera plus fort que tout et triomphera. Qu’il ne nous fasse cependant pas oublier que la situation politique reste catastrophique pour des millions d’individus, ce qui fait qu’on repart d’autant plus bouleversé, en méditant la maxime de Jean-Farouk : on n’a qu’une vie.
Les Poupées persanes d’Aïda Asgharzadeh
Mise en scène de Régis Vallée
Avec Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot, Ariane Mourier
Au Théâtre des Béliers Parisiens - 14 bis rue Sainte-Isaure - 75018 Paris
Depuis le 24 août 2022
Du mardi au samedi à 21 h et le dimanche à 15 h
Infos et Réservations : 01 42 62 35 00

mardi 30 août 2022

La fille de l'ogre de Catherine Bardon

Peu de gens connaissent la vie compliquée de la riche (mais pas héritière) fille de l’Ogre des Caraïbes. Il fut un mari autoritaire, colérique, inflexible, violent qui effraya tant sa mère (p. 11), et un père tout aussi peu sentimental dont les ordres, jamais, ne se discutèrent.

On peut disposer d’énormément de dollars sans parvenir à être heureuse. Et ce n’est pas par caprice que Flor de Oro voit sa vie défiler comme un mauvais roman-photos.

Le travail de recherche, mené encore une fois avec une précision infinie par Catherine Bardon - à qui on doit la formidable saga des Déracinés- éclaire une figure importante de cette République dominicaine qui lui doit beaucoup.

On voyage avec elle depuis cette île jusqu’à Venise, en passant par New-York, Miami, Berlin et Paris … A sa manière, elle est, elle aussi, une déracinée … et à ce titre ne pouvait que susciter l’intérêt de la romancière.

J’ai eu grand plaisir à discuter avec elle de ce destin peu ordinaire dans un des bars préférés de Flor, le Ritz, évidemment, qui est cité p. 218.

C'est dans cet espace cosy et chargé d'histoire que j'ai pris les photos qui illustrent cet article. On pourrait croire que c'est un bar de grand hôtel comme il en existe tant mais le Bar Hemingway a ceci de particulier qu'il a été créé initialement pour les femmes parce qu'elles n'avaient pas le droit d'accéder à ces endroits.

Voilà pourquoi, au début du XX° siècle, il s'appelle le Ladies' Bar, puis Le Petit Bar, avant de lui donner en 1994 le nom du écrivain Ernest Hemingway. Il demeure réputé pour ses cocktails dont le Bloody Mary, qui selon la légende fut créé pour l'écrivain afin que sa femme, Mary Welsh, n'y détecte pas l'odeur de l'alcool, le jus de tomate ayant la réputation de masquer le parfum de la vodka.
Aujourd'hui, l'endroit est tel que l'a connu le Prix Nobel de littérature avec ses boiseries, ses fauteuils en cuir capitonné et ses éléments de décor, photographies, gants de boxe, trophées … Il est ouvert Place Vendôme du mardi au samedi de 18 h 30 à 2 h du matin.

Le cocktail qui a la faveur des habitués depuis 1994 s’appelle The Serendipity, un nom qui correspond totalement à la situation puisqu’il qualifie le don de faire une découverte inattendue, en l’occurrence pour nous celle de cette femme. A consommer avec modération, il est composé d’un mélange de Calvados, normand cela va de soi, de menthe fraîche, de jus de pomme doux-amer et de Champagne pour la pétillance. Chaque verre est servi décoré d’une splendide rose blanche. 
Le destin de Flor est touchant. Le séjour en pension en France à partir de 9 ans la prive de l'amour de sa mère. L'affection que lui témoignera son père sera intéressée et motivée par son appétit sans limite pour le pouvoir. Flor n'est pas dupe. C’est elle qui le dit : je suis la fille de l’ogre des Caraïbes (p. 170).

Pourtant Catherine est persuadée que paradoxalement elle a dû être aimée par son père mais d'une relation qui fut décevante. La raison est peut-être à chercher dans cette fameuse goutte de sang de "couleur" qui était une tare à une époque où l'Amérique ne cherchait qu'à blanchir la race. Alexandra Lapierre traite cet aspect dans sa biographie de Belle Greene. Et Catherine Bardon fait régulièrement allusion à ce sang noir (p. 317) dont le père a horreur autant que des origines plébéiennes de sa fille.

Flor aurait souhaité que son père lui confie plus longtemps un rôle diplomatique et culturel pour lequel elle avait toutes les aptitudes. Et puis, par dessus tout elle aurait voulu avoir un enfant. Elle ne put jamais concevoir alors que son père lui donna une myriade de demi-sœurs et frères.

Cette femme, qu'on a parfois du mal à plaindre car l'argent l'aura malgré tout aidée à surmonter bien des tourments, devient touchante au fil des pages. Sans être candide ni naïve sur les monstruosités dont son père est coupable (et auquel le lecteur ne trouve aucune circonstance atténuante) elle suit un chemin de résilience et elle doit, pour survivre, refouler ces pensées et ces images, les tenir à distance (p. 148). La suite des événements démontrera néanmoins que ce n’était pas la bonne méthode.

On éprouve donc de l'empathie pour Flor qui n'a jamais connu la liberté, la vraie, car elle fut (presque) toujours sous la coupe d’un mari, d’un nom et surtout toute sa vie d'un père pour qui tout individu devait lui servir à accomplir son grand rêve, développer ce pays qui devient peu à peu sa propriété privée et régner sur lui en maître incontesté (p. 85). En résumé, elle ne fut pas maîtresse de son destin. Et pourtant sa vie fut exceptionnelle.

Elle collectionna les maris mais resta toujours attachée au premier, Porfirio Rubirosa, véritable play-boy qui dit-on, servit de modèle au créateur de James Bond, et dont le nom de famille désigne encore dans les restaurants un poivrier rotatif géant, en raison d'une de ses particularités anatomiques.

Dans les livres d'histoire, Flor n'est pourtant "personne" (p. 351) et sa tombe n'est plus entretenue depuis longtemps. On comprend pourquoi sa personnalité a tant intéressé Catherine Bardon qui, patiemment, et un peu à la manière d'un puzzle, a reconstitué la trajectoire au fil de chapitres très séquencés. Elle donne finalement une place à celle qui est inconnue même de Wikipédia.

L'auteure est très douée pour ce travail de chercheur et d'historien et excelle à suivre une personnalité comme s'il s'agissait d'un jeu de piste. Elle fouille tant le passé qu'au final elle n'a pas grand chose à inventer.
Alors trinquons à la mémoire de Flor et au talent de sa marraine qui a eu raison de nous ouvrir les coulisses de la création (p. 401) et d'ajouter des photographies, même si celles-ci sont de qualité médiocre. Elles apportent de l'authenticité à un récit touchant qui s’apparente à une confidence.

La fille de l'ogre de Catherine Bardon, éditions Les Escales, en librairie depuis le 18 août 2022

lundi 29 août 2022

Jour bleu d'Aurélie Ringard

Jour bleu est un premier roman fort bien écrit. On sent combien le texte a été cent fois remis sur le métier, peaufiné, ciselé.

Chaque chapitre, bref au demeurant, a la force d'un tableau de Denis Hopper. On s'attend à ce qu'il se produise un évènement particulier, mais … rien n'advient véritablement. Aurélie Ringard en convient qui nous prévient des intentions de son personnage : une présence muette dans ce huis-clos ferroviaire. Ne rien ajouter au bruit qui encombre (p. 19).

Chloé, 35 ans, enfant de divorcés depuis 30 ans, attend dans un café un homme qui ne viendra peut-être pas (p. 26). Beaucoup d'amoureuses s'angoisseraient. Mais elle a pris délibérément le parti d'observer, d'imaginer et surtout de laisser sa pensée s'envoler.

L'auteure nous rappelle à l'ordre quand on aimerait qu'il se passe quelque chose d'un peu exceptionnel, pour le moins surprenant, n'hésitant pas alors à passer du "je" au "elle" : Ainsi, p. 83 : Elle est venue pour en découdre avec son imagination. Pour se réfugier dans un espace rétréci avant la tempête. En coulisse de l'ordre du monde. Elle s'est fermée aux vibrations en sourdine, aux rires lointains, aux portes métalliques, aux sifflements stridents. Quand elle regarde par la fenêtre, de la buée trouble sa vision de l'extérieur. Comment ils se débrouillent, les autres, avec le réel ?

Cette navigation entre la première personne du singulier et la troisième est intéressante en permettant au personnage de ne pas rester autocentré, ce qui à la longue aurait peut-être agacé le lecteur. Mais elle est troublante parce qu'on ne sait pas toujours laquelle a la parole. On peut s'interroger à propos de la question qui est posée. Est-ce Chloé ou Aurélie qui la formule ? Si c'est l'auteure, comme on est supposé le croire puisque la phrase est dans la continuité de ce qui précède, elle exprime une sorte d'empathie à l'égard du personnage. Si c'est Chloé on peut alors ressentir une forme de colère.

Car la jeune femme semble lucide sur sa présence qu'elle juge avoir quelque chose d'insolite et d'évident à la fois (p. 43). 

Chaque chapitre est bref, construit comme un plan séquence d'un épisode d'Histoires sans paroles, pour ceux qui se souviennent de ces petits films qui constituaient des sortes d'amuse-bouche entre deux émissions télévisées. Ils s'enchaînent. L'auteure prend de la hauteur avec la situation qui nous sont décrits d'une plume qu'on dirait accrochée à un drone.

Aucun doute que l'héroïne se trouve bien en captation permanente, une machine à observer à l'affut du moindre signe révélateur de rumeurs lointaines (p. 25). Il est amusant de constater que le métier de l'homme dont elle est passionnément amoureuse est photographe (comme dans Eloge de la passion). Il faut croire que savoir regarder est une qualité indéniable en matière d'amour. On retrouve aussi dans ce livre des souvenirs de montagne, et des pensées écologiques (par exemple p. 88 avec le recul des glaciers alpins).

Ce qu'elle livre de l'état amoureux est parfois profond, parfois familier. C'est crevant, l'amour (conclut-elle p. 125) surtout pour les romantiques, ou ceux qui a minima sont sentimentaux. Alors on comprend que l'héroïne se soit mise à écrire car, comme elle le pressentait dans les premières lignes, Ecrire ne guérit de rien, mais libère (p. 46).

Née en Bretagne, à Guingamp, Aurélia Ringard a d’abord vécu à Washington, aux États-Unis, et à Paris avant de s’installer à Nantes. Diplômée en pharmacie, elle se consacre aujourd’hui à sa passion pour les mots et la littérature. Elle anime des ateliers d’écriture et participe à l’organisation d’événements pour la promotion de la lecture.


Elle a écrit Jour bleu suite à sa participation à un concours organisé par l’école d’écriture Les Mots, et a reçu le coup de cœur du jury.

Si au début de l'article je faisais référence à Hopper c'est au Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden par Otto Dix en 1926 que la couverture m'a fait penser. Le peintre accosta la poétesse au Romanische Café, haut lieu du monde littéraire et artistique du Berlin de l'époque. Avec sa coupe à la garçonne et sa robe au motif géométrique, elle incarne à elle seule la Neue Frau, la femme libérée, l'équivalent pour l'Allemagne de Kiki de Montparnasse ou de Gabrielle Chanel.

Cette femme qui fume et qui boit seule en public marque durable­ment les esprits. L'image sera reprise par Bob Fosse en ouverture et à la fin de son film Cabaret (1972), et je lui trouve un étrange ressemblance avec la couverture de Jour bleu.

Jour bleu d'Aurélie Ringard, Frison Roche, en librairie depuis le 1er juin 2021

dimanche 28 août 2022

Graines, l'exposition ! Au Cent Quatre Paris

Sauvages ou cultivées, merveilles de forme et de couleur, symboles de vie, de croissance, de diversité et de culture, les graines racontent aussi l’histoire de l’Humanité.

Depuis la nuit des temps, les semences d’arbres, céréales, fleurs, fruits et légumes circulent à travers le monde. C'est l'histoire de ces grandes voyageuses que raconte cette exposition, mêlant les dimensions artistique, scientifique, pédagogique et écologique.

L'immense fresque de Fabrice Hyber (dont une partie est en photo ci-contre) masque l'entrée de la fascinante collection de photographies de Thierry Ardouin qui nous permet d'approcher l'infiniment petit.

Cette exposition, qui hélas se termine le 4 septembre, offre aussi la possibilité de faire un vœux au cœur des installations interactives et poétiques de Duy Anh Nhan Duc, avant de contempler les œuvres tout en graines de Jade Tang.

Il est également permis de voir, toucher et sentir des graines des quatre coins de la planète et enfin de découvrir le jardin caché et la pépinière du Cent Quatre Paris.

Visite … en photos des spécimens qui m'ont le plus étonnée :
Le visiteur est invité à tourner la manivelle extérieure pour regarder voleter les graines qui retombent ensuite.
Les graines de l'Arbre du Voyageur (Strelitziaceae),  dont la dispersion s'effectue par les animaux. cette plante arborescente, originaire de Madagascar, dont elle est l'emblème. Son nom vient de ses grandes feuilles qui, lorsqu'on les coupe, présentent à leur base l'eau accumulée par les pluies, tel un verre offert au visiteur.
Son fruit abrite six graines protégées par une enveloppe bleu cobalt. Cette couleur vive attire les oiseaux, qui se chargent, après ingestion, de disperser les graines.

samedi 27 août 2022

Les volets verts, film de Jean Becker

Quoiqu'on dise de lui, j'aime tant l'acteur Gérard Depardieu que je ne louperais aucun de ses films. Il m'a encore une fois convaincue de son grand art dans Les volets verts, le dernier long-métrage de Jean Becker, alors que le scénario par contre ne m'a curieusement pas enthousiasmée.

La première scène se passe entre le médecin de famille et Jules Mangin (Gérard Depardieu), acteur au sommet de sa gloire, disons le carrément, montre sacré reconnu pour son talent, et homme totalement incontrôlable au tempérament excessif, alcoolique incapable de se modérer.

La mise en abîme est-elle intentionnelle ? Gérard est plus que naturel dans ce rôle qui lui va à merveille, surtout en ayant pour partenaire Fanny Ardant qui fut celle de La femme d’à côté (François Truffaut - 1981).

Il n’a que 66 ans mais au rythme où il boit son coeur ne tiendra plus très longtemps. L’injonction de se modérer n’est pas supportable pour l’homme qui ironise que sans alcool ni trop d’émotion ça va être la belle vie … L’acteur joue à peine tant il semble lui-même être Jules.

J’ai reconnu des théâtres dans lesquels je vais souvent. Et la salle du Bœuf sur le toit, qui fut un lieu mythique où se retrouvaient les artistes. Sans être très datée, l’action se déroule plausiblement dans les  années 70, alors qu’il était encore permis de fumer dans les restaurants.

Serge Reggiani chantait alors Il suffirait de presque rien, qui parut dans l'album Et puis… sorti en 1968. Écrite par Jean-Max Rivière et composée par Gérard Bourgeois, elle raconte l’amour impossible d’un homme âgé pour une femme plus jeune, exactement ce qui pourrait arriver avec Alice (Stéfi Celma, formidable interprète), la souffleuse du théâtre que l’acteur emmène dans la maison aux volets verts pour découvrir la mer avec sa petite fille. Cette maison qui donne son nom au film dont le scénario est inspiré du roman éponyme de Georges Simenon écrit en 1950.

L’histoire montre le déclin du grand homme, ravagé par l’alcoolisme (il va jusqu’à boire l’eau de toilette) et le rejet de son amour pour sa partenaire dans la pièce qu’ils jouent tous les soirs. Jeanne Swann (Fanny Ardant) lui préfère un « renard argenté » dira-t-il en se moquant. Elle n’ouvre même plus les lettres qu’il lui adresse. Pourtant Jules a des amis. A commencer par le fidèle Félix (Benoît Poelvoordequi rapplique dès qu’il le sonne. Et son habilleuse (Anouk Grimberg), dévouée et probablement amoureuse, jalouse en tout cas de l’intérêt de son patron pour la jeune Alice.

On suit les mésaventures de Jules en espérant soit une prise de conscience qui ouvrirait une voie positive, soit un évènement carrément tragique. Quand on aime, est-ce qu’il ne faut pas toujours espérer ? On peut appliquer au film la question de Jules à propos de ses sentiments à l’égard de Jeanne mais le scénario, pourtant signé Jean-Loup Dabadie s’enlise un peu. C’est dommage.

Restera le souvenir d’une bande-son remarquable, de plusieurs plans de Paris filmé avec tendresse, de la célébration d’un certain art de vivre et quelques scènes où les acteurs sont tous excellents, malgré une partition sans surprise.

Les volets verts, film de Jean Becker
Avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Benoît Poelvoorde, Stéfi Celma, Anouk Grimberg
En salle depuis le 24 août 2022

vendredi 26 août 2022

Les corps solides de Joseph Incardona

J’ai rarement été déçue par un livre publié chez Finitude. Les corps solides est un de mes derniers coups de coeur. Plus encore, ce roman de Joseph Incardona  est un uppercut.

On le classera dans les romans sociaux (comme le dernier Olivier Dorchamps Fuir l'Eden). Il est aussi de la veine de Changer le sens des rivières de Murielle Magellan, Un jour viendra couleur d’orange de Grégoire Delacourt, Feel good de Thomas Gunzig

On pensera aussi à Einstein, le sexe et moi d’Olivier Liron à l’annonce du Jeu (avec un J majuscule). Si je donne tant de références, ce n’est pas du tout pour pointer d’éventuelles similitudes mais une communauté de pensée.

Anna, ancienne championne de surf, vit à l’écart du monde sur la côte Basque avec son fils Léo depuis le décès de son mari en Californie. Chichement mais en équilibre, comme le sportif sur une haute vague. Il suffit de perdre son boulot, pour risquer de se voir saisir son mobile home et lâcher tout le peu qu’elle s’est construit avec patience à l’écart du monde (p. 64). La dégringolade est imminente, entraînant avec elle son fils Léo dans "une succession de chutes, un vertige ininterrompu et, le centre de gravité, le malheur". (p. 53).

A moins d’inverser le cours des choses … mais si l’énergie, le courage, l’obstination et la constance suffisaient, cela se saurait, non ? 

Joseph Incardona a sa touche très personnelle pour raconter, en 27 chapitres estampillés d’un mot, rarement plus, renvoyant aux règnes animal, minéral puis végétal, une fiction qui frôle tant la réalité qu’elle nous prend par les tripes et ne nous lâche pas jusqu’à la fin. On croit l’intrigue cousue de fil blanc mais c’est un fil noir qui nous prend au lasso.

À partir de quand le monde s’est-il complexifié au détriment des individus ? Depuis quand la procédure et la bureaucratie ont pris le dessus sur le bon sens ? (p. 36) La société est bien malade. On le sait et on en fait régulièrement l'expérience a minima mais cette fois on le vit totalement à travers la bascule qui s'opère dans la vie d'Anna et de son fils.

Doit-on en vouloir au destin ou à la société ? Le roman interroge le concept de solidarité, entre femmes, entre personnes de la même classe sociale, et de la fidélité aux amis, aux idées, aux serments, sans oublier les liens filiaux et le respect de la parole donné. L'auteur pose la question (p. 145) : Qui sait si une promesse peut aider à traverser l’enfer ? Il démontre aussi comment, paradoxalement, on en vient à être indifférent à tout à force d'épuisement (p. 209).

Quand l’équilibre est fragile, la précarité n’est pas loin. Le cerveau d’Anna tourne en boucle : il ne s’agit même plus d’imaginer un futur, mais de ne pas perdre le peu qu’elle a réussi à avoir. Réussira-t-elle à force d’énergie, de courage, d’obstination et de constance à se sortir dignement d'une situation fabriquée par des cyniques ? Son expérience du surfing lui sera-t-elle salvatrice ?

Le changement de ton est radical dans la seconde partie, consacrée au Jeu, dont on découvre le règlement à mesure, instaurant ainsi un suspens supplémentaire. Les spectateurs assidus de Koh Lanta découvriront une version plus terrible de l'épreuve des poteaux.

L'auteur a réussi, tout en imaginant une fiction peu probable, et qui s'achève de manière surréaliste, à secouer nos consciences. Du grand art.

Les corps solides de Joseph Incardona, éditions Finitude, en librairie depuis le 25 août 2022

jeudi 25 août 2022

Crédit illimité de Nicolas Rey au Diable Vauvert

Crédit illimité est annoncé comme "premier roman de pure fiction" (on est soulagé de le savoir une fois qu’on l’a lu) de Nicolas Rey, entre polar et comédie de mœurs : délicieusement immoral !
Fils déchu totalement ruiné à l’approche de la cinquantaine, Diego Lambert n’a qu’une seule issue, demander de l’aide à son père, directeur d’une multinationale de céréales. Celui-ci, maitre en manipulation, lui propose 50.000 € s’il accepte de remplacer sa DRH, en arrêt maladie le temps de la restructuration de l’entreprise, et d’effectuer son plan social. Diego accepte et prend les choses en main, mais pas exactement comme son père l’aurait souhaité 
On devine le père et le fils sur la couverture. Le combat sera sans merci, brossé de chapitre en chapitre, courts, suffisamment longs en fait parce que la plume est incisive, facile à lire, l’écriture cinématographique, dans la double veine du roman social et du thriller. 

La description du personnage du père n’attire aucune empathie bien que l’homme, leader incontesté, PDG  reconnu, affichant les meilleurs bilans, estimé par les actionnaires et les salariés (…) inspirait à ses proches une confiance hors du commun" (p. 22). Celle de la société, dont le bénéfice reposait sur l’intoxication de la terre (ce n’est pas nouveau), ne fait pas davantage pitié. On se réjouit même que des lois aient (enfin) été prises pour encadrer les OGM et que les écologistes se manifestent.

On se demande comment le fils du boss va pouvoir se tirer d'affaire "dans le rôle de la pire des putes : celui de liquidateur, au poste de pseudo-DRH, en fait chef du personnel, faisait de moi l’affreux capitaliste qui allait devoir se séparer de quinze salariés. (p. 23)"

Réussira-t-il sa mission ? On peut deviner qu'il boira à notre santé en suivant le principe de Churchill, toujours prêt à déboucher une bouteille de champagne, nécessaire en cas de défaite, indispensable en cas de victoire (p. 33).

L'auteur est ironique envers lui comme envers les autres. C’est du Nicolas Rey pur jus. Il n'y a sans doute pas grand chose d’autobiographique dans ce roman -et c'est notre souhait-si ce ne sont "la barbe de trois jours et des cheveux hirsutes" (p. 23), ses "cinquante ans qui se pointent à toute vitesse (p. 162 "quand atteindre un sixième étage sans ascenseur relève de l’exploit ")

On retrouve avec grand plaisir l'humour qu’on aime chez lui. Par exemple, toujours p. 162 : je prends largement conscience que les cinquante années qui vont suivre (il est optimiste mais passons, souhaitons lui d’être au moins centenaire comme Micheline Presle) vont être largement moins marrantes que les cinquante années précédentes. La mort est un truc franchement détestable. Elle existe depuis la nuit des temps. La partie se termine toujours de la même façon et on ne voit personne se révolter contre çà.

Il nous distrait avec cette histoire assez rocambolesque mais il aborde aussi des thèmes qui sont de plus en plus prégnants dans les actualités, en particulier celui de la misère sociale : on commence par compter ses sous, et c’est déjà trop tard. On descend les marches les unes après les autres. Ensuite, on dégringole (p. 12).

Il me semble qu'il est de plus en plus le fil conducteur de la rentrée littéraire. On le retrouve nettement dans Les corps solides de Joseph Incardona.

Mais lavée dans l'encre de Nicolas Rey, la réalité devient supportable, et même joyeuse.

Nicolas Rey a déjà publié dix romans au Diable Vauvert dont Mémoire courte (Prix de Flore 2000), et avec Emma Lucchini le scénario La Femme de Rio, César du court-métrage 2015. Longtemps chroniqueur sur France Inter, il a créé en 2015 avec Mathieu Saïkaly le duo les Garçons Manqués qui s’est produit dans toute la France. 

Crédit illimité de Nicolas Rey au Diable Vauvert, en librairie le 25 août 2022

mercredi 24 août 2022

Des prunelles à la japonaise

Je profite de mon séjour sur Oléron pour cueillir des mûres et en faire de la gelée … enfin plutôt du coulis car je ne les cuis jamais suffisamment, mais c'est bien aussi bon.

Cette année j'ai subi la double influence de Frédérique Martin et d'Ito Ogawa. Comme quoi lire un roman peut vous pousser dans les broussailles.

J'y ai cherché des prunelles que j'ai préparées, en suivant les conseils de Frédérique. le résultat est japonisant, proche des prunes dites à la japonaise.

Une fois lacto-fermentés, ces fruits être conservés et servis "au naturel", à l'apéritif, à la manière des olives (on pourrait même les ajouter à une huile d'olive douce) ajoutés à une salade ou disposés sur une assiette de hors d'oeuvres. On pourrait aussi les dénoyauter et utiliser la pulpe dans différentes préparations.

Grâce à la fermentation, on peut les garder très longtemps, ce qui permet d'en consommer régulièrement en attendant une prochaine récolte. Dans la tradition japonaise, il suffirait d’en consommer une par jour pour vivre longtemps et en pleine forme …

Le goût de cette prunelle est très particulière. En perdant son astringence, elle gagne en sucre et, bien évidement, en sel. Mais si la saumure n'est pas sur-dosée le résultat est tout à fait agréable.

La lacto-fermentation est une technique de conservation très ancienne que j'avais d'ailleurs pratiquée il y a quelques années. Je ne m'explique pas pourquoi je n'ai pas poursuivi.Elle a l'avantage de conserver les vitamines, voire même d’augmenter la teneur totale en vitamines des aliments lacto-fermentés.

La méthode est simple. On cueille les fruits sauvages dans les haies. On les lave et les sèche rapidement. Puis on les tasse jusqu'à 2 cm du bord dans un bocal de verre de taille adaptée, lavé puis ébouillanté quelques secondes.

On prépare alors la saumure. Il est conseillé de respecter la proportion de 1 volume de sel pour 3 volumes d'eau, ce qui donne une concentration de sel à 25%. Par exemple 200 g de sel d'Oléron (autant prendre celui qui est récolté sur place) pour 600 g d’eau déchlorée (que l’on a laissée plusieurs heures dans un contenant ouvert afin que le chlore s’échappe). On verse cette saumure presque jusqu'en haut du bocal, en veillant à ce que les fruits soient totalement recouverts.
Certaines personnes préfèrent répartir le sel entre les différentes couches de légumes pour mieux en extraire le jus, et compléter par l'eau bouillie et refroidie. Mais je pense que la technique de la saumure assure une meilleure conservation. Le volume qui me fut nécessaire était très exactement de 120 grammes de sel pour un demi litre d’eau.

Quoiqu'il en soit il faudra bien tasser et pencher le bocal pour faire remonter les bulles d'air (car elles provoqueraient du pourrissement). Arrêter le remplissage du bocal à environ 2 cm du bord supérieur : la fermentation produit souvent des bulles qui font s'échapper le liquide. Plus on remplit haut, plus on a de risque de fuites (prévoir une serviette pour poser les pots !)
L’étape la plus délicate consiste ensuite à faire en sorte que les prunelles restent sous l’eau (sinon elles pourriraient). Si on en a un sous la main, on placer le petit panier des pots de cornichons sur les fruits, avant de refermer le couvercle. On le remarque sur le pot de gauche, à sa couleur verte. Certaines personnes utilisent un anti monte-lait en Pyrex (ébouillanté cela va de soi).

Fermer les bocaux, sans serrer, et laisser à l'ombre et à température ambiante deux ou trois jours, pour que la fermentation commence.

Ensuite on les fermera à fond et on les rangera dans un endroit frais, toujours à l'ombre. On peut si nécessaire les transvaser dans des bocaux mieux adaptés (ébouillantés au préalable). Ma préférence va aux bocaux de type le Parfait avec une rondelle de caoutchouc et je n'en avais pas sur mon lieu de vacances. J'en récupère de conserves du commerce de manière à en avoir sous la main de petits volumes.
Le produit sera prêt au bout de trois ou quatre semaines, passées au réfrigérateur, mais autant le laisser un peu plus longtemps : il sera encore meilleur. Réfrigérer le bocal pour éviter qu’il "explose" à l'ouverture (comme une bouteille de bière ou de champagne qu'on aurait secouée).

Vous constaterez que les prunelles sont devenues roses sous l'action du sel. A ce stade, elles peuvent être consommées et soient conservées dans ces bocaux soient mises dans d'autres contenants en les couvrant d'huile d'olive.

On peut avec la même méthode préparer toutes sortes de légumes pourvu qu'ils soient propres et détaillés (râpés, coupés en rondelles, en cubes, en bâtonnets...). Pour un résultat élégant on alternera des couches de légumes différents et ajouter toute sorte d'aromates (ail, oignon, laurier, estragon, graines de moutarde, poivre …). Il faut que les légumes et/ou les fruits soient frais. On ne prendra donc pas ce qui a gelé ou qui aura été congelé.
Une fois que les légumes auront été mangés on pourra rééutiliser le jus de la lacto-fermentation pour remplacer le vinaigre dans une sauce salade ou pour réensemencer de nouvelles lacto-fermentations, un peu comme on le fait avec les yaourts ou le levain.

mardi 23 août 2022

Pour Lily de Marie Desplechin, à l’Ecole des loisirs

N'oublions pas les enfants. La rentrée littéraire les concerne également.

Je leur recommande Pour Lily de Marie Desplechin, tout à fait lisible à partir de six ans, si on est "bon" lecteur
Jérémie, 11 ans, est arrivé dans son collège juste après les vacances de Noël. "Tu te feras de nouveaux amis", lui avait promis sa mère. Mais à cette période de l'année, c'était trop tard, les groupes étaient déjà faits.
Alors, sa mère lui a payé un vélo, un vieil engin avec lequel il sillonne le quartier. C'est peut-être comme ça qu'il va se faire des amis, en croisant par hasard des élèves de sa classe... Lily, par exemple qui est assise deux rangs devant lui ?
Un jour, elle va lui proposer de signer une mystérieuse "validation de reconnaissance"... 
Jérémie ne sait pas trop ce que c'est, mais à l'idée de la signer, il se sent très heureux tout à coup.
Marie Desplechin alterne semble-t-il facilement entre l'univers des adultes est celui de la jeunesse, se situant parfois à la frontière entre les deux, par exemple avec le formidable Enfances co-réalisé avec Claude Ponti et qui devrait accompagner tous les collégiens dans leur cartable de rentrée.

Elle s'intéresse désormais à l'univers de la banlieue, qu'elle peint dans la série "Quartier sensible" où l'on retrouve des figures bien connues. Il y a le gamin sans père qui distribue des coups avant de discuter. La mère aimante mais dépassée qui planque le passé parce que le passé fait mal (p. 120). Et puis un vélo seul compagnon de jeu à ne pas faire d’histoire. parce que s'intégrer dans un nouveau quartier n'est pas chose facile.

Voilà une histoire d’égalité et de loyauté, douce amère, traitée avec un certain humour, qui aborde la question du harcèlement avec subtilité et qui forcément se terminera bien.

Pour Lily de Marie Desplechin, illustré par Olivier Balez, Ecole des loisirs, à paraitre le 7 septembre 2022

lundi 22 août 2022

Zizi Cabane de Bérengère Cournut

Après De pierre et d'os (déjà chez Le Tripode), en 2019, roman baigné d’écologie et de spiritualité dans le monde eskimo qui a révélé son œuvre au grand public, Bérengère Cournut revient cette fois dans nos paysages, ce qui ne l'empêche pas de nous emmener un moment en Amérique du Nord (p. 194).

Elle n’a pas changé de plume pour autant et c’est encore par le biais de la poésie et des contes qu’elle nous parle de l’absence et de la volonté de continuer à vivre.

Chaque chapitre est une voix différente. Tout le texte n’est que conte et poésie mais il est aussi intercalé de vrais poèmes.

Et puis, découvrir au détour d'un poème (p. 108) que celle qu'on croyait être l'eau est devenue le vent pour nous emporter tous / plus loin encore / là où le chagrin et la mort / ne sont plus rien.

Le dialogue est mystérieux et compose une ode aux quatre éléments, entre un père, ses trois enfants, sa belle-sœur, son beau-père (supposé) et sa femme, disparue depuis plusieurs années, dont les noms de chacun sont ultra-signifiants.

Du côté des vivants le désarroi est palpable. Le père cherche comment survivre à tout ça (p. 147). Il fait tout ce qu'il peut pour que la vie suive son cours mais hurlant malgré tout sa détresse : Mais toi Odile où es-tu ? Tu as disparu, et je te sens partout. (…) T’aimer, c’était comme descendre un cours d’eau, je me laissais porter par le courant (…) je n’en peux plus de ton absence. Je n’en sortirai pas.

Le voyage est multiple, surprenant comme l’est le titre, Zizi Cabane, évident lorsqu’on en apprend la signification. Comme l'est aussi la couverture, illustrée d'un tableau d'Astrid Jourdain qui correspond totalement à l'histoire et qui se comprend à la toute fin.

Ce roman est magnifique jusqu'à la dernière ligne de la dernière page, composant une dédicace que l'habitude place logiquement en début d'ouvrage.

Les métaphores sont constantes et de toute beauté. Je n'en retiendrai qu'une : Ils vont à la mer et la mère est là.

Il faut se laisser porter par cette langue d’une richesse inouïe, un peu comme on le fait en bord de mer, sans lutter contre les vagues, avant de nous retirer sur la plage de nos propres souvenirs en admirant le ressac dont le spectacle est infini.

Zizi Cabane de Bérengère Cournut, éditions Le Tripode, en librairie depuis le 18 août 2022

dimanche 21 août 2022

Les jardins de la Boirie à Saint-Pierre-d'Oléron

Je souhaitais depuis très longtemps visiter les Jardins de la Boirie parce que je pensais qu'il s'agissait d'une sorte de Conservatoire de la Sauge.

Il en reste beaucoup comme la Sauge Love and Wishes (ci-contre) mais, sans doute à cause de la canicule, les propriétaires ont mis l'accent sur d'autres plantes. Toujours est-il que le label de Jardin remarquable est pleinement justifié.

Il reste un mois pour vous y rendre car la fermeture annuelle (dont la date est variable en fonction de la fenaison) est programmée en 2022 au 30 septembre. L'endroit sera fermé à l'occasion des Journées du patrimoine, probablement parce qu'il est privé et que son accès est payant, aussi bien pour les adultes que pour les enfants et les groupes.

Par contre il n'est pas nécessaire d'acquitter le prix de l'entrée pour celui qui souhaiterait acquérir des plantes en pot. Il est néanmoins conseillé de se renseigner sur les variétés disponibles.

Voici quelques photos de l'endroit que l'on arpente à son rythme (compter une bonne heure). Outre des plantes magnifiques, dont quelques sauges, on remarquera des succulentes qui sont tant à la mode depuis quelque temps. Des idées d'aménagement et de décoration continuent également de jolies sources d'inspiration.
Il y a aussi quelques bégonias (ci-dessus le Bégonia Rex, sur la table et le Dragon Wing, par terre à droite), ce qui m'amène à vous recommander particulièrement l'exceptionnel Conservatoire national du Bégonia de Rochefort.
Jetons en premier un coup d'oeil sur les sauges. On remarquera plusieurs pots de Sauge Love and Wishes (ci-dessus) mais aussi de Sauge rouge, dont les fleurs ne sont pas si vives qu'on pourrait le croire.
Est-ce pour cela qu'on est tenté de lui préférer la Gogopurple, une Sauge hybride, très florifère, aux fleurs pourpre violacé, qui malheureusement sont sans parfum, de même que ses feuilles sont sans odeur ? Vivace et de forte croissance, cultivable en annuelle, elle atteindra 1 m de haut en quelques mois.
Certains pieds sont rares comme la Sauge amante (ci-dessous à gauche) ce que mentionne l'étiquette. Ses feuilles ressemblent énormément à la Sauge ananas que j'apprécie tant dans mon jardin car ses feuilles et ses fleurs sont consommables et très parfumées. On la voit ci-dessous à droite.
Enfin il y a aussi la Sauge Guarani, d'un beau bleu très florifère (ci-dessous à gauche) jusqu'à l'automne et qui dégage un parfum anisé. A côté, la Sauge Uliginosa (dite Sauge des marais), encore peu connue des jardiniers, dont on devine la hampe florale bleu ciel. Contrairement à la plupart des sauges que l’on connait pour supporter la sécheresse et la chaleur, celle-ci est une sauge des milieux humides : elle est originaire des zones ouvertes et marécageuses d’Amérique du sud. Sa floraison d’arrière-saison permet de fleurir le jardin en automne, jusqu’aux gelées, où elle est une source de nourriture encore disponible providentielle pour les insectes.
Plus curieuse encore, la sauge arbustive Améthyste Lips, dont le coloris varie avec la température. Les fleurs seront soit blanches, soit violettes, soit bicolores selon la saison, et se renouvellent de l'été à l'automne si le sol reste frais. Elle forme rapidement un petit buisson dense, vêtu d'un feuillage aromatique. Cette variété rustique jusqu'à -10°C s'avère robuste, économe en eau et de faible entretien pourvu qu'elle soit placée dans un sol très bien drainé, même médiocre, et qu'elle bénéficie d'une exposition ensoleillée ou mi-ombragée.
La première allée avait évidemment retenu mon attention puisqu'y ai reconnu des volubilis Ipomea Indica de la variété Edith Piaf, aussi beaux que ceux qui se trouvent au Conservatoire des Convolvulacées de Chatenay-Malabry.

samedi 20 août 2022

Le Prix Hors Concours 2022 est lancé

Depuis 2016, l'Académie Hors Concours met en avant autrices et auteurs de littérature francophone et contemporaine, publiés par des maisons indépendantes.

Chaque année, plus de 500 personnes (300 professionnels du livre et 200 du grand public en France et dans le monde) découvrent la sélection réunie dans la Bibliothèque Hors Concours.

J'applaudis sur le fait qu'il y ait 10 premiers romans parmi les 40, soit 25%. Donc de belles découvertes en perspective.

Les éditeur·ices ont choisi un court extrait pour chacune des 40 oeuvres qu'ils présentent. Ils nous invitent à les découvrir, à prendre des notes dans les marges ou à compter sur notre mémoire, mais nous devons garder en tête utile faudra garder uniquement les 5 extraits qui nous auront le plus marqué·e, touché·e, surpris·e.

Cet été encore, j'ai donc feuilleté et re-feuilleté la sélection pour réussir à n'en retenir que 5. Je dois envoyer mon bulletin de vote avant le 30 septembre. Il est encore temps vous aussi de vous inscrire sur le site de l'Académie.

Mon choix n'est pas encore définitif. Il m'en reste 8, preuve que les ouvrages retenus méritent grandement d'être promus.

Mon premier critère demeure l'envie de poursuivre la lecture au-delà de l'extrait qui nous est proposé. mais je sais que je devrai justifier mon choix avec des arguments.

Je compte bientôt en chroniquer quelques-uns en particulier comme je l'ai fait les éditions précédentes.

vendredi 19 août 2022

Womanizer de Baptiste Pizzinat

Baptiste Pizzinat nous offre une vision poétique du Womanizer, qui fut un des premiers sex-toy à être popularisé.

C'est Cécile Coulon qui lui en offre l'opportunité dans la collection L'Iconopop qu'elle dirige chez l'Iconoclaste et dont j'avais découvert il y a quelques semaines Décomposée de Clémentine Beauvais.

C'est une lecture plaisante. Comment pourrait-il en être autrement  avec un tel sujet ? Mais il faut croire qu'elle dérange la morale puisque Blogspot a bloqué toutes mes publications sans doute parce que j'avais illustré l'article d'une photo avec le livre posé (pudiquement bien entendu) sur mes genoux. La photo ci-contre -elle- n'a pas été censurée.

L'objet, inventé par un couple de sexagénaires allemands et entièrement dédié à la stimulation du clitoris, aura été une révolution pour l’orgasme féminin. Depuis 2014, il s’impose comme une référence, devenant même un symbole des nouveaux mouvements féministes.

Il méritait qu'on en parle, et l'auteur le fait avec beaucoup d'a propos et de poésie, avec une mise en page d'un grande élégance, comme tous les livres de cette collection qui se déploie en rouge et jaune.

Né en 1982 et sociologue dans une autre vie, Baptiste Pizzinat est aujourd’hui poète et écrivain.

Womanizer de Baptiste Pizzinat, dans la collection l'Iconopop, éditions de L'iconoclaste, en librairie à pa    tir du 15 septembre 2022

jeudi 18 août 2022

Biche de Mona Messine

Quelle bonne idée de m’avoir fait suivre Biche de Mona Messine sur mon lieu de vacances !

La connaissance inouïe de l'auteure du monde sylvestre et cynégétique (la forêt et la chasse) dont elle maîtrise le lexique rend ce premier roman d’une puissance envoûtante et d’une maîtrise insensée.

Nul doute qu’on va entendre parler de cette autrice qui défriche, me semble-t-il, un nouveau genre littéraire, à mi-chemin entre hyperréalisme et surréalisme, que beaucoup vont classer dans l’univers du conte.

On suit avec une exaltation particulière les 24 heures en forêt de Alan, le garde-forestier dont on apprendra (p. 167) l’origine de sa vocation, en rapport avec la destinée tragique de Bamby (le faon immortalisé par Walt Disney), Gérald, le chasseur solitaire et son beagle Olaf, Linda, la rabatteuse canadienne, Basile l’adolescent urgemment pressé d’en découdre avec la chasse, Hakim, un charmant petit hérisson qui traverse régulièrement l’histoire (quelle jolie idée de l’y avoir placé et de le désigner par un prénom), sans oublier Biche, et toutes les sœurs de la tribu.

Les biches subiront-elles la traque et les coups de fusil sans jamais résister ? La question est posée page 196. 

Je ne connaissais pas cette maison d’édition indépendante Livres Agités (dont le site est en construction) mais je vais m’y intéresser. Le credo de cet éditeur est de favoriser la naissance des nouvelles voix littéraires de demain, d'autrices qui par leur mots témoignent de leurs temps et imaginent le futur.

Mona Messine cumule les trois qualités essentielles qui lui ont valu d'être repérée : elle est audacieuse, éclaireuse et conteuse. Son récit prône des valeurs féministes, avec une certaine idée de la justice sociale et surtout un regard écologiste.

Le roman sort aujourd'hui en librairie, à quelques jours de l'ouverture générale de la chasse (le mardi 23 août au matin). Prix après-demain … façon de parler, mais me suis-je déjà trompée quand je le pressentais ?

Biche de Mona Messine, Editions Livres Agités, en librairie le 18 août 2022
Sera disponible en édition MonPoche le 17 août 2023.

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