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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 29 septembre 2022

Pourquoi pas un aïoli avec l'huile du Château de Lastours

Voici un plat festif très rapide à préparer pourvu qu'on dispose de bons ingrédients. Bien entendu la version luxe exige des bulots, quelques langoustines, des artichauts poivrade mais la présentation que je vous propose est déjà très satisfaisante.

Le poisson a été cuit au micro-ondes sans matière grasse. Les pommes de terre, carottes et fenouil ont été cuits à la vapeur. L’œuf a été cuit dur (j’ai prévu un demi par personne).

Il va de soi qu'on peut modifier le choix de légumes, en faisant avec "les moyens du bord". J’ai eu la chance de pouvoir encore couper dans le jardin quelques feuilles de roquette fraiche et de cueillir deux tomates de variété ancienne qui ont été ajoutées en morceaux, crus bien sûr. Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas surchargé avec les fleurs bleues de la bourrache que j’aime tant, mais c’était envisageable.

Je dois dire que c'est parce que j'ai trouvé par hasard du cabillaud, très beau, et à un prix correct et parce que j'avais ramené cette excellente huile de mon séjour dans les Corbières que je m’étais décidée à cuisiner cet aïoli.

Je vous recommande le domaine du Château de Lastours pour une virée œnologique. Vous ne serez pas déçu.
On y produit une huile d’olive Vierge Extra qui 'est le résultat d'un assemblage de cinq variétés âgées de 10 à 15 ans : Lucques, Picholine, Aglandau, Petit Ribier et Olivère, une variété rustique, typique de la région.
Sa définition de Vierge Extra est due à son goût intense et fruité. La robe est brillante aux reflets vert clair profonds. Les arômes sont doux avec une ardence et une amertume prononcée. L’aromatique est complexe avec des notes de fruits secs (amande, noisette) et de subtils arômes de pomme verte.

C’est d’une grande facilité de monter la mayonnaise avec cette huile. J’ai ajouté à la fin 3 gousses d'ail écrasées.
Nous l’avons dégusté -en toute modération- avec un vin blanc présentant une belle minéralisé comme par exemple, La Bergerie de Lastours blanc 2021 AOP Corbières (Vermentino, Roussanne), histoire de rester sur les produits du Domaine.

Les jus sont sélectionnés pour leur complexité aromatique, pleine de fraîcheur et de structure. Au nez, des notes de fleur d’amandier, d’agrumes et de pêche de vignes. La bouche est légère et minérale, d’une belle fraîcheur avec des arômes dominants d’agrumes, une touche de pêche blanche et d’abricot. Un très bel équilibre, persistant sur une touche de fleurs blanches.

Il est idéal pour accompagner les apéritifs entre amis, les fruits de mer, des poissons grillées et donc l’aïoli. A servir entre 8 et 10°C.
Cette huile est parfaite également avec des mets révélant son intensité et son caractère : carpaccio, tartare, salade composée (ci-dessus avec des tomates anciennes, des fleurs de bourrache et d'immortelle), poissons au grill avec des légumes à la plancha et cuisine méditerranéenne (ratatouille à la provençale, mille- feuilles d’aubergines et d’anchois, tapas). A l’apéritif, c’est une gourmandise à elle seule.

mercredi 28 septembre 2022

Concert de mariaFausta pour la sortie de son second album Better, like a machine

J’avais déjà entendu mariaFausta en concert en décembre 2017et je pensais la connaître même si j'hésite toujours sur la manière d'orthographier son nom. Avec seulement un F majuscule positionné au milieu des lettres.

Cette fois elle m’a d’emblée plus électro que jamais, alors que la douceur ne lui est pourtant pas étrangère. Elle nous en donna la preuve, quoique tardivement, après les saluts, avec Turn out the light où elle se révèle être une formidable pianiste, jouant avec une infinité de nuances.

Elle alterna des titres de son second album Better, like a machine (dont la sortie est malheureusement un peu retardée puisqu’il faudra attendre le 15 octobre, mais il est disponible sur les digital stores et sur les plateformes de téléchargement légales depuis plusieurs mois) et du premier, Million Faces sorti en 2017. On perçoit nettement une mariaFausta plus déterminée que jamais, maîtrisant la moindre vocalise, soucieuse de la moindre note, et vigilante au moindre effet.
On la découvre debout à côté de son piano droit, réglant les niveaux sonores de l’accompagnement de Detach Me FromThis Path (piste 1). Ça commence très fort, à tous points de vue. Suivra Rememberin’Me (piste 8 du premier album) avec un joli travail sur la réverbération. L’alternance revient avec The Colors Of Rust (piste 3 du second), un titre qui colle à la perfection aux accents de sa voix rauque puisque Rust signifie Rouille.

Elle rend aussi hommage au cours de la soirée à David Bowie, dont elle interprétera deux titres appartenant à la période berlinoise du chanteur (1976-1979), alors qu’il vivait avec son ami Iggy Pop et qu’il commençait une collaboration avec Brian Eno (Low fut leur premier album ensemble). Dans le second morceau elle témoignera de sa capacité à jouer des graves et des aigus. On sent qu'elle aime les contrastes et procurer des sensations fortes à son public, quitte à revenir plus tard à une forme plus douce, comme avec Loneliness (piste 5 du premier album).
Elle explique le contexte de chacun de ses choix. Ainsi c'est en songeant à ses jeunes nièces à qui elle souhaite de vivre de belles choses sans leur promettre qu'elles éviteront les soucis qu'elle a composé Little Girl (piste 6). Elle leur dit de ne pas avoir peur de faire des erreurs et qu'un nouveau printemps arrive toujours. La partition musicale est très belle. MariaFausta est d'ailleurs une pianiste formidable.

Car mariaFausta est une grande musicienne. Elle est auteur-compositeur-interprète, multi-instrumentiste (violoniste, pianiste, chanteuse), directrice d’orchestre, se produit sur de grandes scènes internationales, en Italie, France, Suisse, Chine, etc. Elle explore différents styles : DJ, solo acoustique, et un panel d’autres esthétiques, collaborant avec des formations très variées allant du baroque à la pop, en passant par le rock, le rock progressif, l’électro, le blues et le jazz. Elle cultive depuis l’enfance sa passion pour le chant et creuse sa propre dimension expressive sans tomber dans les stéréotypes.
Si elle chante en anglais c'est parce qu'elle aime les sons de cette langue. C'est la musicalité des mots qui l'attire, tout comme les paroles inventées par Bowie dans la chanson qu'elle a choisie et qui m'ont fait penser à l'atmosphère des films d'Emir Kusturica.

La musicienne est animée de fortes convictions. Elle dédie un titre à une sicilienne qui s’est opposée à la mafia par les chansons.
Il y eu un autre moment d'émotion lorsqu'elle a évoqué un de ses maitres, Didier Lockwood qui, peu de temps avant de disparaitre, était venu interpréter avec elle trois morceaux dans ce même théâtre de Nesles.  Tous les deux au violon, c'était magique. Et ce soir mariaFausta a ressorti son alto pour interpréter un titre qui alors n'était qu'au stade de projet et qui figure dans le nouvel album, I want to paint it all (piste 7).
Didier Lockwood avait pleinement raison de penser qu'elle a une âme comparable à celle d'une Janis Joplin. Mais on pourrait citer bien d'autres noms de la pop internationale, en l'écoutant interpréter Adrenaline Rush (piste 2), voulu pour être un choc électrique soudain et incontrôlable qui traverse notre volonté, notre corps et nos sens, nous rendant vulnérables.
L'écoute des onze morceaux de Better, like a machine, tous composés et arrangés par mariaFausta elle-même, touchent à des thèmes liés à la mémoire, au transhumanisme, aux états du subconscient, à nos peurs. Face aux changements qui bouleversent notre vie aujourd’hui, l’amour, la poésie, le rêve demeurent, dans cet album, comme autant de bouées de sauvetage auxquelles l'artiste nous propose de nous accrocher pour préserver notre humanité.
Sa présence sur scène est très forte. Le cadre de la salle en sous-sol du Théâtre de Nesles lui convient parfaitement même si elle pourrait facilement donner de la voix dans un lieu plus vaste. Apprécions donc à sa juste valeur le cadeau qui nous est fait. Un second concert est programmé au même endroit le 30 septembre à 21 heures.

Et pour terminer en voici un extrait live d'un morceau :
 Festival 7.8.9 au Théâtre de Nesles - rue de Nesles - 75006 Paris

mardi 27 septembre 2022

Votre maman de Jean-Claude Grumberg
, dans la mise en scène de Wally Bajeux


Je connais bien Votre maman dont j'avais vu une éblouissante mise en scène au Théâtre de l'Atelier en juillet 2017, avec Catherine Hiegel, Bruno Putzulu, Philippe Fretun et Paul Rias.

Si j'ai accepté de venir assister à la générale ce soir c'est parce que la présentation qui avait été faite à l'annonce de la programmation de saison du Studio Hébertot était des plus convaincantes. Mais je pense sincèrement qu'il faudrait rester sur sa première impression et s'interdire de risquer les comparaisons.

Voilà d'ailleurs pourquoi j'avais refusé d'aller voir Les chaises au festival d'Avignon cet été, malgré les compliments que j'avais entendus. Je voulais conserver intacte la magie de la version de Stéphanie Tesson avec Catherine Salviat et Jean-Paul Farré au Théâtre de poche. Et voilà pourquoi, je ne suis pas près de noter un Hamlet dans mon agenda depuis que j'ai été secouée par celui de Gérard Watkins avec Anne Alvaro dans le rôle titre. Je ne veux pas davantage aller voir une nième adaptation de Combat de nègres et de chiens ou du Misanthrope (celui de Thomas le Douarec détrône toutes les autres).

Ceci étant dit, l'interprétation de Colette Louvois est un bijou et Marc F. Duret comme Jean-Paul Comart lui donnent admirablement la réplique. Titouan Laporte (en alternance avec Morgan Costa Rouchy et Mathis Duret) ne démérite pas.
Un fils et un directeur de maison médicalisée s’affrontent autour du personnage central de la maman.
Tandis qu’entre le rire et l’oubli elle rassemble les souvenirs de sa mémoire éparpillés par un traumatisme d’enfance, la maman recrée une drôle d’histoire dont il devient impossible de démêler le vrai du faux.
Jusqu’à en bouleverser le cours des choses…
La version que Wally Valerina Bajeux
 donne de la pièce est sans nul doute fidèle au texte puisque l'auteur, évitant les didascalies, ne livre aucun élément de jeu. Mais l'absence de décor m'a dérangée. L'usage de voiles complique les déplacements des comédiens et devient vite répétitif. La présence constante d'un tulle à l'avant-scène estompe la visibilité et laisse présager qu'il accueillera des projections vidéo. Il n'y a donc aucun effet de surprise lorsqu'elles arrivent. Et les images choisies sont assez conventionnelles pour évoquer l'univers de la Shoah.

Je n'ai pas éprouvé les émotions qui m'avaient cueillies lorsque j'avais découvert la pièce il y a cinq ans. Mais il est possible que le fait que je la connaisse ait pesé dans ma réception. Car, je le répète, Colette Louvois est une de nos grandes comédiennes et je suis très heureuse de l'avoir vue jouer ce rôle avec tant de naturel, de dérision et de malice. Elle y est prodigieuse.

Un dernier détail : soyez attentif à l'horaire de la représentation que vous choisirez car la pièce se joue soit à 21 heures (le mardi) soit à 19 (le mercredi).

Votre maman de Jean-Claude Grumberg
Mis en scène par Wally Valerina Bajeux

Avec Marc F. Duret, Jean-Paul Comart, Colette Louvois et en alternance Titouan Laporte, Morgan Costa Rouchy, Mathis Duret
Au Studio Hébertot - 78 bis Bd des Batignolles - 75017 Paris - 01 42 93 13 04
Du 27 septembre au 21 décembre 2022

lundi 26 septembre 2022

The Words are there (Les mots sont là) de et par Ronan Dempsey

Quelle découverte que cette pièce au Théâtre de Nesles, dans le cadre de leur très éclectique (et de haut niveau) Festival 7.8.9 que je connais depuis plusieurs années !

J’étais prévenue que The Words are there (Les mots sont là) étaient joués en anglais et c’est parce que ce spectacle arrive précédé d'une réputation excellente que je me suis lancée dans l’aventure. Le public français n’a pas l’habitude de voir une pièce en langue étrangère qui ne soit pas sous-titrée.

The Words are there est une pièce écrite, mise en scène et interprétée par le magistral Ronan Dempsey pour dénoncer avec tendresse, poésie et finesse un désastre dont on parle peu, la maltraitance des hommes par leur conjointe. Il a de plus réussi à insuffler une dose de drôlerie qui prend racine dans un humour tout ce qu'il y a de britannique.

Ronan Dempsey est un écrivain, acteur et réalisateur basé à Dublin, en Irlande. Il a été formé à la Gaiety School of Acting de Dublin et dans l’Ecole de Jacques Lecoq à Paris. En tant qu'acteur professionnel, il a joué des rôles dans des productions telles que L'ombre d'un homme armé, Juno and the Paycock, The Plow and the Stars, A Comedy of Errors, A Midsummer Night's dream, Twelfth Night et AgamemnonRonan Dempsey est aussi professeur d’art théâtral en Irlande. 
L’artiste a écrit en écho aux nombreuses histoires d’hommes qui, en Irlande, se suicident régulièrement suite à des situations familiales dramatiques. Les statistiques montrent que pour trois incidents signalés, l'un d'entre eux est contre un homme. Il a choisi le théâtre d’objets, la marionnette et le mime pour faire passer les émotions, positives ou négatives. C’est formidablement réussi !
Mick attend Trish dans son appartement en bord de mer dans la rêveuse Bettystown. La vie l'a laissé sans voix, mais dans son silence se cache une histoire. Au milieu des mensonges de l'enfance et des souvenirs fragmentés, il a du mal à trouver les mots pour un jour très important. Explorant avec sensibilité et puissance les abus et la violence domestique, en particulier la violence domestique envers les hommes et qui reste pour beaucoup un sujet tabou.
On peut lire au début Trish sur le plateau. Connaissant la chef Trish Deseine il ne fait aucun doute pour moi que c'est un prénom féminin. L'homme arrive, redresse le cadre qui pend au mur (il restera malgré tout penché), remet la pendule à l’heure, pose son sac de courses, avance pieds nus, vêtu de  haillons.

Il va nous raconter toute l'histoire en remuant les lèvres sur une bande-son préenregistrée en luttant contre un bégaiement qui suscite l'empathie (pour nous parce que la femme le lui reprochera). La voix off est en anglais et on se prend à rêver que la production puisse faire d'autres bandes, en fonction de la langue du pays qui accueillerait le spectacle, tout en conservant le principe du play-back parce que ce procédé installe la situation de manipulation qui ligote le personnage alors que lui-même manipule une multitude de choses dans la pure tradition du théâtre d'objets.

Le comédien se concentre pour … mimer des actions avec énergie. Il écrit à sa dulcinée avec du papier WC ou à la bombe de peinture. Le balai -symbole de la douce ménagère- devient une jeune femme qui va progressivement le terroriser. Les séquences se suivent, avec chacune son illustration musicale, parmi lesquelles je reconnais une chanson de Madonna sur laquelle le couple danse, et plus tard des arpèges de piano répétitifs et troublants.

Car il ne fait pas de doute que l'homme n'est pas seul sur scène. Même si la présence de sa partenaire est "in your mind", évidemment. 

C’est tendre, poétique, drôle… et terrible. La soirée du 14 février ne sera pas une Saint-Valentin de tout repos. Il n’est pas nécessaire de comprendre chaque mot de la langue de Shakespeare pour apprécier ce travail remarquable qui mérite être programmé plus longuement.
Sa création à Dublin en 2018 a suscité un débat national sur le problème de la violence conjugale envers les hommes. Il faut voir ce travail qui a été récompensé à juste titre au Edinburgh Fringe 2019 et qui a reçu plusieurs prix en Grande-Bretagne.
The Words are there (Les mots sont là) de et par Ronan Dempsey 
Festival 7.8.9 au Théâtre de Nesles - rue de Nesles - 75006 Paris
Le dimanche 25 septembre 2022 à 15h, ainsi que le lundi 26 et le mardi 27 à 19h 
A partir de 16 ans 
Le festival se poursuit jusqu’au 30 septembre 2022 avec une très belle programmation, y compris en musique.


dimanche 25 septembre 2022

Un Général, des généraux, une BD de François Boucq et Nicolas Junker

Nicolas Junker et François Boucq se sont emparés de faits réels pour en faire une farce grotesque. Le premier a bâti le scénario et le second a dessiné.

L’objectif était audacieux. Le résultat est époustouflant. Il a reçu, en toute légitimité le Prix du Livre d’Histoire contemporaine qui récompense annuellement un livre couvrant la période de la IIIe République à nos jours. Il est décerné au Panthéon par un jury d’historiens, d’universitaires et de journalistes, lors d’une cérémonie ouverte au public.

On connait les faits, mais sans doute pas dans tous les détails et cet album remet, si je puis dire, les pendules à l’heure.
Mai 1958. Alger s'embrase contre un nouveau gouvernement qui, à Paris, semble prêt à dialoguer avec les indépendantistes. Des milliers de colons se soulèvent, obligeant l'armée et ses généraux à choisir leur camp : rester loyaux à l'état ou à l'Algérie française, dernier vestige du grand empire colonial Français.
Dépassés et galvanisés par la situation, les généraux s'embarquent dans un coup d'état qui devient rapidement incontrôlable… Et si seul un vieil homme à la retraite, le « dernier héros français », était capable d'arrêter cette machine folle et éviter une guerre civile ?
Le contexte est explosif. Les quiproquos s’enchaînent. On se dit souvent que c’est « too much » car l’humour est plutôt corrosif et pourtant tout est rigoureusement exacts. A tel point que l’on en frissonne. Quelle belle idée de nous raconter cette épopée ! Et pour ceux qui douteraient quelques pages reprennent le déroulé des faits de manière littéraire.

Un Général, des généraux, de François Boucq et Nicolas Junker, aux Éditions le Lombard, en librairie depuis le 4 février 2022
Prix du Livre d’Histoire contemporaine 2022

samedi 24 septembre 2022

Nicolas Baldeyrou, Raphaël Perraud et Geoffroy Couteau au festival de l'Orangerie de Sceaux

C'est le 1623 ème concert de la série et le dernier pour moi en ce qui concerne l'édition 2022 du Festival de l'Orangerie de Sceaux, ce samedi 24 septembre à 17 h 30.

Avec encore une fois un très beau programme puisque sont rassemblés Nicolas Baldeyrou, clarinettiste, Raphaël Perraud, violoncelliste et Geoffroy Couteau, pianiste.

C'est une évidence, mais elle mérite d'être soulignée : la musique de chambre étant jouée sans chef d'orchestre elle exige davantage d'écoute de la part des musiciens.

Le concert commença avec le Trio N°4 Opus 11 (1797) de Ludwig Van Beethoven (1770-1827) qui a été composé à une époque où les instruments à vent connaissaient un gros succès.

Il est surnommé "Gassenhauer", en français "tube de ruelle" en raison de l'air populaire du dernier mouvement, souvent sifflé et chanté dans les ruelles de Vienne. On comprend alors que ce Trio fut dédié à la comtesse Maria Whilhelmine von Thun, protectrice de Beethoven à Vienne.
Suivirent ensuite quatre des Huit pièces Opus 83 (1910) de Max Bruch (1838-1920), un compositeur très connu à l'époque. Il écrivit les pièces pour clarinette à la fin de sa vie, alors qu'il n'avait plus rien à prouver. Est-ce là l'explication de la tendresse et de la nostalgie qui s'en dégagent ?

Enfin le Trio en la mineur Opus 114 (1891) de Johannes Brahms (1833-1897) qui, lui aussi, écrivit tardivement pour cet instrument. On remarquera beaucoup de similitude de climat et d'(atmosphère avec le compositeur précédent.

C'est sa rencontre avec un clarinettiste jouant avec une extrême maitrise technique et un lyrisme remarquable qui décida Brahms à se remettre à la composition alors qu'il venait d'annoncer qu'il arrêtait. Mozart suivra une voie semblable à la fin de sa vie.

Il est surprenant mais agréable de s'apercevoir que al clarinette peut donner un son mélancolique, quasiment crépusculaire, plaçant ce trio en quatre mouvements parmi les chefs-d'oeuvre de notre répertoire.
En bis, la sixième pièce des huit précédemment citées, op. 83 Nachtgesang (Nocturne) de Max Bruch qui compose un Andante con moto admirable de sensibilité.

Nicolas Baldeyrou a démontré que son instrument de prédilection peut permettre des variations. Il joue de deux clarinettes afin de choisir la tessiture la plus adaptée au morceau, plus ou moins haute, plus ou moins basse.
Je rappelle que le parc est (aussi) un très bel espace de promenade.

vendredi 23 septembre 2022

Découverte du Domaine du Château de Lastours

C’est une expérience unique que j’ai été invitée à faire au coeur du massif des Corbières maritimes, dans le domaine vallonné du Château de Lastours dont l'activité ne cesse de se développer. Certifié en agriculture biologique depuis 2020, c’est l’un des précurseurs en Languedoc.

Campé sur plus de 850 hectares dont une centaine d’hectares de vignes et 10 hectares d’oliviers le Château produit trois gammes de vins en appellation Corbières en blanc et rouge et deux Languedoc rosé, ainsi qu’Optimus de Lastours 2019, sans soufre ajouté en Vin de France.

Le dépaysement est immédiat une fois franchies les portes du domaine, marquées par un totem symbolisant le A majuscule de la famille Allard qui en est propriétaire et la silhouette des sapins modelés par le vent.

Ici l’oenotourisme n’est pas un mot vain. On peut se promener dans une garrigue embaumant le fenouil sauvage, le romarin et le thym. La balade prend vite une allure sportive en raison du dénivelé mais la récompense est en haut du chemin. Avec une vue panoramique sur la campagne, les côteaux, les étangs saumâtres …

On est surpris de découvrir un immense parc d’éoliennes mais il devient légitime quand on apprend que c’est là que fut installée la toute première de l’histoire, alors de hauteur modeste, mais qui ne résista pas à la force des vents soufflants à plus de 150 km/h le jour de l’inauguration. La tramontane l'a pliée mais l'objet est resté sur place, en souvenir. Depuis, la technologie s’est perfectionnée et j’ai constaté que, même si on estime que ces oiseaux défigurent le paysage, ils ne sont pas bruyants et se font vite oublier.

Les vignobles s’étendent en sorte de terrasses parfois bordées de murets de pierres, longés par des chemins caillouteux ponctués de cyprès qui s’élancent vers le ciel, plantés par l’homme comme autant de traits de pinceaux, évoquant la campagne toscane.

Des parcelles d’oliviers, plus ou moins jeunes alternent avec les vignes, permettant la production d’une huile très fruitée qui se déguste sur des crudités et qui apporte à un ceviche une note épicée. Cette année malheureusement la récolte sera très faible. Les fruits se forment sur les pousses de l’année précédente et l’année dernière ne fut pas propice à la croissance des arbres.

Six ruches sont placées sur le domaine et produisent un peu de miel de garrigue, très charpenté.

Les voies d’accès sont très pendues, justifiant l’emploi de 4x4. L’endroit attire quelques constructeurs automobiles satisfaits de pouvoir tester de nouvelles motorisations, en toute modération, comme on le dit dans le domaine du vin. Rassurez-vous, c’est le calme qui domine et l’endroit est propice au repos.
Une dizaine de chambres sont proposées en gite. D’autres devraient être prochainement ouvertes. Un restaurant, la Bergerie, permet de prendre un repas bistronomique autour de plats conçus pour mettre en valeur les vins élevés sur place, surtout les blancs et les rouges.
Les rosés ne sont pas oubliés. Et quoi de plus agréable que de les découvrir en bordure de plan d’eau, en accompagnant le verre d’une coupelle de ces olives croquantes et juteuses que sont les Lucques de la maison L'Oulibo. Le moment sera idyllique à la tombée du soleil.

Les jeudis soirs, en été, des musiciens se joignent à un public venu pour profiter des apéro-dinatoires organisés devant l’entrée du chai.

L’ensoleillement est optimal. La tramontane apporte un peu de fraîcheur, pour le bien-être de la vigne. Que demander de plus ? 
Mon séjour aura été instructif puisque j’ai pu, l’espace de quelques heures, me mettre dans la peau d’un vendangeur. J’ai enfilé le polo, les gants, pris le sécateur et le seau pour récolter des grappes. Le travail n’était pas bien compliqué mais il fallut une certaine patience pour retirer, parfois un à un, les grains endommagés par les dents des sangliers ou le dard des guêpes. Ces insectes n’en laissent que la peau qui forme une sorte de demi-cloche. On les comprend : les baies sont ultra-sucrées. un vrai délice et je me suis raisonnée pour ne pas succomber.

Les grappes sont ensuite collationnées dans les bacs rouges, qui sont descendues au chai. Les basculer dans les citernes est un travail de forçat car elles pèsent dans les 50 kilos. Mais c’est une belle satisfaction. Le cadre est d’une propreté absolue et il impressionne par son volume. Le bâtiment étant demi-enterré, la vue est exceptionnelle, insolite et probablement unique au monde, rendant l’endroit agréable à visiter. Surtout quand, en septembre, on est autorisé à goûter le jus en cours de fermentation, par exemple un futur rouge dont la saveur de framboise est surprenante, complémentaire aux habituels arômes de mûres.
Pour achever de vous mettre dans l’ambiance, je vous invite à regarder quelques images prises dans les vignes, puis celles d’un repas de dégustation avec mes commentaires sur les vins qui furent servis, et enfin des photographies de l’hébergement sur place.
Ces vins sont d’un rapport qualité/prix remarquable puisque la bouteille la plus chère se situe en dessous de 20 euros, Tous ne sont pas AOP mais je rappelle qu’ils sont tous bio, sans aucune exception, à partir des millésimes 2020.

Château de Lastours 11490 Portel des Corbières
Email : contact@chateaudelastours.com 11490 Portel des Corbières - Tél : +33.04.68.48.64.74
http://www.chateaudelastours.com
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont d'Aurélie Soulat (Vinconnexion) que je remercie.

mercredi 21 septembre 2022

Chat-necdotes de Benjamin Valliet

Les éditons Favre aiment les chats. Après avoir publié un dictionnaire des expressions familières intitulé Donner sa langue au chat, cet animal a l’entière vedette sous la plume de Benjamin Valliet.

Intitulé Chat-necdotes, le titre donne le ton … ô combien décalé et nous prévient que l'auteur va tirer son sujet par la queue, constamment et dans toutes les directions.

J'ai été surprise par le foisonnement des idées, parfois déroutantes.

Le lecteur trouvera moult références à des records publiés au Guiness. Il suivra peut-être les comptes Twitter ou Insta qui évoquent les pensées de chats plus ou moins fictifs. Les prouesses félines sur les réseaux intéressent beaucoup de monde, on le sait.

Les anecdotes fourmillent. depuis la tombe d'un chat décoré en 1949 pour avoir décimé une colonie de rats pillant un navire de al marine britannique (p. 25). Car, c'est bien connu, les chats font merveille dans la protection des récoltes, mais aussi des sacs postaux attaqués par les rongeurs. Ils ont été utilisés en Belgique pour livrer le courrier et ont joué des rôles d'espion.

Leurs frasques comme leurs actes héroïques semblent sans limite. Rien d'étonnant à ce qu'il y ait même des bars et des hôtels les acceptant comme clientèle un peu partout dans le monde, et bien sûr même à Paris.

L'auteur célèbre les compétences de cette race en. tordant le cou aux stupides superstitions, surtout celles  qui jettent l'opprobre sur les chats noirs (p. 172).

On découvre aussi de page en page les facéties de son propre animal, un certain Brayou très photogénique.

On apprend également des choses sérieuses avec les explications du vétérinaire Philippe Dauty. Comme le phénomène de griffade (p. 64), pourquoi ils aiment tant les cartons (p. 139) et pourquoi une statue de chat levant la patte droite signifie la fortune à travers toute l'Asie (p. 78). On remerciera Newton au passage puisqu'on lui doit l'invention de la chatière, dispositif qui lui permet de retrouver sa concentration en le délestant de la corvée d'ouvrir sans cesse la porte à son animal et grâce auquel il put se focaliser sur son travail et faire les découvertes qui ont changé le cours de nos vies.

Tous les chats ont leur place dans ce livre, y compris les compagnons de célébrités (p. 179 et suivantes) aussi diverses que Churchill, Dali, Cocteau, Brassens, Giacometti, Picasso, Vinci, Colette et même Frida Kahlo. Certains sont passés à la postérité comme Delo, le chat noir de Georges Perec, immortalisé en 2002 avec son maitre sur un timbre-poste.

Chat-necdotes de Benjamin Valliet, éditons Favre, en librairie depuis le 22 septembre 2022

mardi 20 septembre 2022

Revoir Paris, un film d'Alice Winocour

Revoir Paris est un film qui traite le double sujet délicat de l'amnésie et des attentats du 13  novembre 2015.

Cette incapacité est systématiquement liée à un traumatisme, comme le démontre, mais avec humour, Murielle Magellan dans La page blanche.
Mia (Virginie Efiraest traductrice de russe à la radio, son compagnon chef de service à l'hôpital. Un dîner entre amoureux au restaurant est interrompu par une "urgence" et la jeune femme termine seule le repas. Un orage la surprend sur le chemin du retour rendant dangereuse la poursuite du trajet en moto. Mia se réfugie alors au hasard dans un restaurant, L'Étoile d'or. Quelques instants plus tard, le destin bascule. Le restaurant est attaqué par des terroristes, qui mitraillent la clientèle et achèvent tout ce qui bouge. Mia, sous la table, demeure face à l'atroce.
Mia est partie en province. Mais trois mois après les évènements, peinant toujours à avancer dans sa vie et partiellement amnésique, elle décide de retourner à Paris. Elle fera alors connaissance avec Thomas (Benoît Magimel).
Alice Winocour connait bien le contexte puisque son frère se trouvait au Bataclan ce fameux soir (il en est rescapé). Elle explore dans ce film les traumatismes des victimes d'un attentat, inspiré par ce qui s’est passé à Paris, et la reconstruction psychique nécessaire qui peut être aidée par la mise en commun des souvenirs pour aller au delà.

Il est intéressant de ne pas se limiter au trauma évident de l’acte terroriste. Mia se rendra compte qu’il cache autre chose. Le chemin est long mais nécessaire avant de fendre l’armure, ce qui ici se symbolisera par l’abandon de son blouson de motarde.

Les différents types d’angoisse sont admirablement suggérés : la nuit noire, la chaussée luisante de pluie, le bruit d’une vitre sur laquelle on cogne, la basse de la musique, et bien sûr plus tard les coups de feu. On lira sur le visage de Mia les marques d’une tension permanente quand elle revient dans la capitale.
Se souvenir c’est le début de la guérison. Mais comment se faire aider quand il n’y a pas (plus) de témoin ? J’ai apprécié que la réalisatrice ait pensé aux victimes sans papiers, employés dans les restaurants, qui n’ont pas été répertoriés et qui ont été contraints de s’évaporer. Les Sénégalais, Maliens et Sri lankais sont surnommés les photocopieurs dans le domaine de la restauration parce qu’ils sont capables de réaliser n’importe quel plat d’après photo.

J’ignorais qu’il y avait des visites des lieux et des réunions de type AA pour les victimes. Le film aborde beaucoup de sujets sans aucune fausse note. Et bien entendu la capitale est elle-même un personnage. A voir !

Revoir Paris d'Alice Winocour
Scénario d'Alice Winocour avec Jean-Stéphane Bron et Marcia Romano
Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Amadou Mbow, Nastya Golubeva Carax, Anne-Lise Heimburger, Sokem "Kemso" Ringuet, Sofia Lesaffre
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2022 en sélection parallèle du Festival de Cannes 2022.
En salles depuis le 7 septembre
Le film fait partie des 5 films pré-sélectionnés pour représenter la France aux Oscars 2023 dans la catégorie du meilleur film international.

lundi 19 septembre 2022

Chronique d'une liaison passagère de Emmanuel Mouret

Il me semble qu'il faut voir des signes dans chaque plan de Chronique d'une liaison passagère.

Depuis l'affiche qui montre le couple de Charlotte et Simon (Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne) en arrêt devant l'immense tableau composé de 250 panneaux installés au Musée d'Art moderne de Paris.

Réalisé par Raoul Dufy en 1937, en réponse à la commande de la Compagnie parisienne de distribution d'électricité, et intitulé La Fée Électricité, il peut représenter une allégorie au coup de foudre.

A l'inverse, plus tard, les images du film de Bergman, Scènes de la vie conjugale, apparaitront comme une antiphrase. Quant à la chanson de Serge Gainsbourg, La javanaise, dont les accords reviennent régulièrement, elle dit bien que "nous nous aimons le temps d'une chanson".

C'est un peu la promesse de départ que se sont faits Charlotte et Simon qui ne s'engagent à se voir que  pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux en ne faisant surtout pas de plans sur la comète. Mais leur complicité grandit et avec elle, peut-être les sentiments, bien que le spectateur sache que les moments heureux donnés à vivre aux personnages sont promis à une fin annoncée en raison du terme de "liaison" annoncé dans le titre.

Ce serait idyllique de ne se retrouver que pour le plaisir. Sauf quand imaginant pouvoir se passer d'éprouver des sentiments n'est peut-être pas si facile que ça. Les exprimer étant interdit la liaison pourra-t-elle durer ?
La tendresse par contre est très présente. C'est le métier de Simon (hapnothérapeute) et les plans sur les mains sont très beaux. Emmanuel Mouret filme les corps avec une sensualité tout en finesse, y compris quand il s'agit juste de faire une pâtisserie, ou quand un personnage est de dos mais qu'on devine malgré tout l'immensité des émotions qui le traverse alors que le partenaire insiste : on est amoureux ou pas ?

Dans un couple, le danger provient souvent d'une tierce personne. On pourrait penser ici que la femme de Simon est un facteur de risque. Pourtant il viendra à l'initiative d'une autre, Louise (Georgia Scalliemais je ne peux pas le raconter au risque d'en dire trop.

Outre Gainsbourg, que l'on entend à plusieurs reprises avec différents titres, la bande-son est porteuse de diverses énergies avec Ravi Shankar, Mozart et Poulenc.

D'Emmanuel Mouret j'avais beaucoup aimé Une autre vie, un peu moins Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait. Le réalisateur voulait y démontrer que pour  construire une relation durable il fallait s'appuyer sur des projets communs plutôt que sur un plaisir appelé à être éphémère.

Il est amusant de constater qu'il cherche à le prouver avec Chronique d'une liaison passagère en prenant le contrechamp du même postulat. Le terreau de l'amour est-il la prudence ou l'insouciance ?

Je suis presque impatiente de découvrir le prochain film de notre Woody Allen français.

Chronique d'une liaison passagère de Emmanuel Mouret
Scénario  Pierre Giraud et Emmanuel Mouret
Avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scallie
Sélection officielle Cannes 2022
En salles le 14 septembre 2022

dimanche 18 septembre 2022

Michel Portal et Guillaume Perret au festival de l'Orangerie de Sceaux

C'était une première dans le festival de l'Orangerie de Sceaux. Deux concerts gratuits étaient proposés, en lien avec les Journées du Patrimoine et le succès fut au rendez-vous, comme la météo d'ailleurs.

C'est simple : nous avons partagé un moment de bonheur et il faut espérer que les organisateurs récidiveront (si les finances de l'association le permettent) car cette initiative permet d'apprivoiser un public qui n'aurait peut-être pas osé se rendre à un concert dit "classique".

Quand on invite un artiste de la pointure de Michel Portal on lui laisse carte blanche. Et il en a profité en conviant Guillaume Perret qui est saxophoniste mais qui maitrise les effets et qui s’entend à merveille avec lui. C’était d’ailleurs leur second concert ensemble.

Michel Portal est un clarinettiste, saxophoniste et compositeur de réputation mondiale mais il a gardé toute la simplicité nécessaire à l'improvisation qui, comme on le sait, ne "s'improvise pas" en ce sens qu'il faut avoir immensément pratiqué pour que le cerveau puisse jongler avec les accords et en faire surgir de nouveaux.

Les musiciens étaient installés sur le plan d'eau et plusieurs rangées de transat accueillirent les spectateurs. Ce dispositif en cercle complet permet à tout un chacun d'être quasi à égale distance des musiciens.

Michel Portal est quelqu’un qui a besoins de jouer pour un public. Il a donc particulièrement souffert pendant la pandémie qui est arrivée au moment où il était en plein travail de composition après dix ans de silence discographique. Son dernier album reprend ses initiales et son âge : MP 85, où il virevolte, promenant sa clarinette basse, sa clarinette et son saxophone soprano dans des compositions inspirées par l'Arménie, l'Afrique, l'Amérique ou les Balkans, entre airs de fêtes, hymnes à la joie et relents de fanfares... MP 85 valut au musicien une Victoire du Jazz en tant qu’album de l’année 2021.

Il est adepte du free jazz, parce qu’il a rencontré des musiciens américains qui le pratiquaient. Il a vécu cette expérience dans les années 1970, avec son groupe, "Unit". Il s’est aussi passionné aussi pour le tango, a réalisé avec les musiciens funk de Prince un disque qui a fait date, "Minneapolis", a composé des musiques de films qui lui ont valu 4 Césars ... Le musicien est aussi interprète de Brahms, Mozart ou Telemann, et de partitions contemporaines.
Mais ce qu’il aime par dessus tout c’est faire entrer en résonance les musiques classique et contemporaine. Improviser à deux en se passant la balle tout en acceptant de se laisser entraîner plus loin, en quelque sorte voyager, et bien entendu apprendre aussi, c’est le propre de toute une vie.

Le jazz a plusieurs couleurs. Guillaume Perret, né à Annecy en 1980, joue avec un saxophone électrifié et utilise des dispositifs d’effets pour couvrir toutes les fréquences et ainsi remplir tous les rôles des instruments de l’orchestre. De fait il peux utiliser son instrument comme une percussion, une grosse causse, caisse claire, mais aussi basse, guitare, synthé, et même choeur … il en ressort des mélodies et des rythmiques improbables, puisque les instruments de départ ne sont pas "normaux".
Avec des loopers il découpe et reconstruit une suite thématique. Michel Portal est toujours l’immense virtuose que l’on connait et il suit, précède, brode autour de ce que lance Guillaume Perret avec une énergie, une fantaisie et un plaisir évident. Le public, qu’il soit connaisseur ou néophyte, a grandement apprécié.
Cette après-midi j’ai cru reconnaitre des accents médiévaux et me sont revenus des souvenirs de danse, et plus tard une tendance orientaliste qui a provoqué la protestation des oiseaux, puis une évocation à Michel Legrand et ses demoiselles de Rochefort. Mais je me suis aussi laissée porter par la musique, comme tout un chacun, sans chercher volontairement à mettre des noms sur des petits bouts. Le propre de l’improvisation est d’être unique !
Encore quelques concerts à venir, pour notre très grand plaisir !
Et d’ici là promenons-nous dans le parc et visitons, allée des Clochetons, l’exposition photo Faces à Faces, dont voici un exemple ci-dessus avec le buste de Molière, visible place Emile-Cresp à Montrouge (92).

vendredi 16 septembre 2022

Concert de Anne Gastinel, David Grimal et Philippe Cassard au Festival de l'Orangerie de Sceaux

Aujourd'hui, le festival de l'Orangerie de Sceaux affichait complet à 18 h 30 pour le concert de Anne Gastinel (violoncelle), David Grimal (violon) et Philippe Cassard (piano) autour de Beethoven et Brahms.

Les joggueurs s’essoufflaient derrière les vitres de l’Orangerie sous un ciel magnifique tandis que résonnaient les accords du Trio avec piano N°7 Opus 97 (1811) surnommé "À l’Archiduc" dans lequel Beethoven nous entraînait dans le voyage intérieur auquel sa surdité le contraignait. Un morceau qui marque une sorte d'apothéose dans l'art du trio. Les parties sans l'emploi d'archet sont magnifiques et donneraient envie de danser … si cela pouvait être permis.

La connivence entre Anne Gastinel et David Grimal était éclatante. Leurs instruments se répondaient comme l’auraient fait des amis en promenade sous les grands arbres. Des instants de mélancolie se glissaient entre des parties joyeuses où les notes cascadaient parfois en une course effrénée, dictée par le tempo imposé par le piano.

Les visages des musiciens étaient plus sérieux, plus concentrés aussi pour interpréter le Trio N°1 Opus 8 en Si majeur de Brahms (1853/1854) qui fut recomposé trente-cinq ans après avoir été créé, dans un esprit plus romantique. Chaque instrument y entraine les autres à tour de rôle, jusqu’à ce que le piano frôle la dissonance avant de revenir léger, délicat, subtil. 
Une jolie ritournelle (l'Opus 70 n°2 de Beethoven) fut offerte en bis au public évidemment conquis par des musiciens dont les échanges de regards et de sourire trahissaient une longue connivence.
Il paraitrait que Schubert y aurait puisé de petites formules pour certains de ses Impromptus.
Le président de la manifestation, Jean-Luc Bérard, a toutes les raisons de se réjouir du succès de cette édition.
Beaucoup d’autres belles après-midis et soirées attendent le public jusqu’au 25 septembre. Et comme les horaires des concerts sont variables, et souvent tôt en soirée ils peuvent se promener dans le si beau parc du château où les jardiniers ont eu la riche idée cette année de planter des espèces qui ne réclament pas beaucoup d'eau et qui se développent en quasi liberté.

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