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vendredi 9 septembre 2022

Ouverture du festival Paysages de Cinéastes et avant-première des Amandiers

 Le festival Paysages de Cinéastes est lancé, avec une belle compétition de longs-métrages dont je vais rendre compte bientôt.

La manifestation entre dans sa vingtième édition. Sans avoir pris une ride. C’est toujours un énorme plaisir de se retrouver, entre publics de tous horizons pour découvrir les choix qui ont été faits par Carline Diallo, la Déléguée générale du Festival.

Pour la seconde année consécutive, la météo n’a pourtant pas été favorable et n’a pas permis que la soirée d’inauguration se déroule dans le cadre magique de la Vallée-aux-Loups. Nous avons malgré tout évidemment fort apprécié une première partie musicale très agréable.

Xavier Bornans à la trompette, Vinh Le au piano, Jean-Luc Arramy à la contrebasse et Thierrry Tardieu à la batterie ont interprété de légendaires musiques de film puis Ella Rabeson a rendu hommage à Michel Legrand en reprenant ses titres les plus célèbres, avec en rappel une jolie version de C’était l’été 42.
Nous avons pu découvrir ensuite en avant-première Les amandiers de Valéria Bruni Tedeschi qui avait été présenté en sélection officielle au dernier Festival de Cannes.
Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.
C’est un film étonnant. On en sort avec un état d’esprit mi-figue, mi-raisin, et on se surprendra le lendemain et les jours suivants à repenser aux diverses séquences.

Je crois que ce qui dérange c’est d’une part de voir les comédiens cloper sans arrêt alors que cette pratique est désormais interdite en intérieur. Et d’autre part d’assister à leurs conversations enflammées pour des sujets que l’on n’aborde plus.

On frémit de l'inconscience de cette jeunesse des années 80 face aux ravages de la drogue, à la montée du sida et à la conduite automobile à hauts risques. On admire cependant le courage, par exemple face à la difficile décision de l'avortement (même s'il est devenu légal). On  avait oublié ces cabines téléphoniques à partir desquelles il était si problématique de joindre quelqu'un. Les téléphones étaient encore accrochés avec un fil et Tchernobyl nous a fait trembler. Mais quoiqu'il arrive on sait que toujours The show must go on

La bande-son est l'occasion de réentendre le sautillant Pop-Corn de Hot Butter, le nostalgique Daydream des Wallace Collection, le non conformiste Andy des Rita Mitsouko, le bouleversant Chanteur de Balavoine promettant : Je remonterai sur scène / Comme dans les années folles / Je ferai pleurer mes yeux / Je ferai mes adieux.

Mais, comme je l’ai exprimé plus haut, il n’en demeure pas moins que le propos est profond et nous interpelle. Il ne fait aucun doute que la réalisatrice sait de quoi elle parle, alors qu’elle n’a pas cherché -et c’est tout à son honneur- à restituer une vérité absolue. Même sans avoir soi-même côtoyé des comédiens on comprend les enjeux car la caméra multiplie les plans serrés, ne cachant rien du stress des auditions, et nous permettant de les vivre de l'intérieur, quasiment comme si nous appartenions au jury. Par moments le film frôle le documentaire. Elle témoigne aussi de l'esprit de camaraderie qui s'instaure très vite : Si tu as honte (de ce que tu viens de faire sur scène) c'est que tu te dévoiles dit le personnage d'Adèle. 

On comprend l'état d'esprit ancré dans le service public qui avait poussé Patrice Chéreau et Pierre Romans à créer au Théâtre des Amandiers de Nanterre en 1986 (d'où le titre car à l'époque il n'y avait d'Amandiers que Nanterre) cette école d'acteurs, fameuse parce que gratuite, et parce que l'exigence a fait qu'en sont sortis une cohorte impressionnante d'artistes comme BrunoTodeschini, Vincent Pérez, Agnès Jaoui, Marianne Denicourt, Thibault de Montalembert, Eva Ionesco et aussi … Valeria Bruni Tedeschi. Des milliers de candidatures affluèrent pour la seconde promotion et le nombre d'élus fut de 19 mais Valeria se limitera à un groupe de 40 dont émergeront 12 apprentis-comédiens pour ne pas surcharger le scénario.

Elle retrace l'histoire, avec l’aide à l’écriture de Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy, feuilletant avec nous un album souvenirs fictionné où les différents chapitres sont encadrés par de superbes images des arbres dont le feuillage révèle en quelle saison nous sommes. L'hiver est suggéré de toute beauté.

Les scènes de théâtre sont judicieusement choisies, montrant qu'on travaillait tout le temps, ne cachant pas les exigences d'un Chéreau parfois à la limite de la cruauté : aucun intérêt de regarder des gens qui font semblant d'être. Si vous jouez comme ça j'annule tout !

Il est astucieux d'avoir modifié les prénoms des protagonistes pour éviter le piège de l'imitation. On reconnait néanmoins, et si on la connaissait par exemple par le film My Little Princess, le personnage d'Eva Ionesco derrière Adèle (formidable Clara Bretheau dont il faut retenir le nom). Et bien entendu Valeria chez Stella (Nadia Tereszkiewicz, non moins excellente), Agnès est Juliette (Liv Henneguier), Thibault est Stéphane (Oscar Lesage), Laurent est Frank (Noham Edje) … Par contre, il aurait été ridicule de modifier les noms de Patrice Chéreau et de Pierre Romans (Micha Lescot)Le premier est incarné superbement par Louis Garrel qui ne cherche pas à le copier.

Il faut citer parmi les acteurs Sofiane Bennacer (Etienne), parfait en acteur maudit et Suzanne Lindon (la serveuse) très juste en jeune première prête à tout pour obtenir un rôle.

C'est en compétition officielle que la réalisatrice revient à Cannes en 2022, trente-cinq ans après y avoir présenté Hôtel de France, adaptation francisée et contemporaine par Patrice Chéreau avec ses premiers élèves de la pièce Ce fou de Platonov, une œuvre de jeunesse de Tchekhov, programmée dans Un certain regard.

Apprendre à devenir acteur auprès d’un tel génie, découvrir l’Actors Studios chez Lee Strasberg à New York, se confronter à la vie adulte, avec les bouleversements que le SIDA provoqua, tels sont les axes que Valeria déroule en combinant le parcours initiatique et la réflexion sur le métier d'acteur. A ce titre Les amandiers devient un témoignage historique.

Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi avec Nadia Tereskiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel, Micha Lescot, Clara Bretheau, Noham Edje, Vassili Schneider, Eva Danino, Liv Henneguier, Baptiste, Oscar Lesage, Alexia Chardard , Suzanne Lindon, Franck Demules, Isabelle Renauld, Sandra Nkake, Bernard Nissille. Sortie en salles le 9 novembre 2022

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