Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 31 août 2011

La cuisine au vin se renouvelle

Allez savoir pourquoi j'en ai eu envie ... l'influence du film Tu seras mon fils, la volonté de tenter de nouvelles associations, l'approche de l'automne ... les Petits plats au vin que Charlotte de Turckheim vient de ressortir pour Tana éditions m'ont mis le vin à la bouche.

Elle nous rappelle qu'il n'y a pas que le bœuf bourguignon ou le coq à cuisiner avec une bouteille de rouge. On peut changer de couleur en réalisant par exemple un granité avec un rosé de Provence.

Déposé dans le creux d'un demi-avocat il offre un assaisonnement plus léger que la traditionnelle mayonnaise.

En marinade, en liquide de cuisson, en sauce et même en gelée, il y a de quoi réviser ses classiques au travers de 35 recettes modernes avant de prendre une leçon d'accords mets-vins en fin d'ouvrage, que l'on consommera en toute modération comme d'habitude.

Petits plats au vin, de Charlotte de Turckheim, Tana éditions , août 2011, 96 pages, Prix : 12 €

mardi 30 août 2011

Autour de la folie de et par Arnaud Denis au Lucernaire

Arnaud Denis ne tourne pas autour de la folie comme une abeille au-dessus d'un pot de miel. Il plonge dedans et nous avec qui ressortons de la petite salle du Lucernaire le cœur chaviré et l'esprit en ébullition.

Un peu comme ces attractions qui, du coté de Marne-la-Vallée, propulsent dans un pays imaginaire qui effraie et enchante à la fois. Qui font perdre les repères en donnant l'envie pourtant d'y retourner sans délai.

A peine assis sur les coussins moelleux on se dit qu'on ne se fera pas avoir, qu'on connait les ficelles et puis, l'instant suivant, on s'étonne d'avoir déjà abandonné toute résistance alors que le comédien n'est même pas encore apparu sur la scène.

La voix, les voix, nous ont happés dans son monde. Malgré la langue étrangère, malgré (ou à cause) de l'absence de sous-titrage. Çà commence fort !

Cela fait au moins quatre ans qu'Arnaud Denis potasse le sujet. Textes et musiques ont été choisis et préparés aux petits oignons pour composer un menu de scénettes très contrastées, exploitant chacune une facette de la folie. On se dit qu'on a déjà entendu ou lu cela quelque part, mais sans situer parfaitement tant l'interprétation est personnelle. Pas d'inquiétude, vous aurez le menu complet en fin de spectacle au bas des marches ... pour pouvoir vous replonger dans le pot de miel.

Comme ces tartines de Maupassant, Flaubert, Lautréamont, Michaux et Shakespeare sont gouteuses ! Surtout entrelardées de Karl Valentin et de Francis Blanche. Car si la folie peut être gênante elle a aussi le droit d'être drôle. Le comédien est un artiste hors pair, de la trempe d'un Philippe Caubère pour ceux qui se souviennent de la Danse du diable. Capable de faire surgir un nouveau personnage en une fraction de seconde, modifiant et sa diction et son allure. Ce transformiste de l'émotion explore les limites de l'espace et de la conscience en nous prouvant que toutes nos idées de proportion sont fausses. Sans la moindre triche.

On sera les premiers à dire demain aux copains mais allez-y donc ! Qu'est-ce-que vous attendez ? C'est trop top ! A tel point qu'on en bafouillera le titre de la pièce que la majorité désigne déjà sous le titre prometteur d'Éloge de la folie.

Pas de doute que le feu brûle dans cette ancienne usine de chalumeaux devenue théâtre.

Autour de la folie, au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des champs, 75006 Paris.
Standard : 01 42 22 26 50, réservations : 01 45 44 57 34
Du mardi au samedi à 20h jusqu'au 16 octobre, les dimanches à 17h
www.lucernaire.fr

lundi 29 août 2011

Crème de maïs et Gâteau aux noix pour pique-nique jaune

Qu'apporter quand on s'est engagée à participer à un pique-nique "jaune" au parc Montsouris alors que les copines bloggeuses culinaires vont à la fête de Ganesh et qu'on aimerait bien être raccord ?

On élimine orange, ananas, abricot en se disant que d'autres y penseront. On cherche parmi les ingrédients de la "bonne" couleur et on se dit que maïs et curry devraient s'associer avec bonheur en tentant de se souvenir d'une version de soupe froide vue il y a un moment sur le magazine Saveurs.

Et bien commençons par une crème de maïs puisque cet ingrédient est de la couleur imposée. Le résultat sera d'un jaune pâlichon que l'adjonction de curcuma aurait dopé mais avec le risque de donner une désagréable amertume.

Pour la réussir il faudra éviter de craquer en épluchant 4 à 5 oignons, à les émincer et à les faire blondir dans une cuillère à soupe d'huile d'olive. Ensuite on versera deux petites boites de maïs en grains égouttés (environ 600 grammes) et deux cuillères à dessert de curry en poudre. A vous de choisir l'épice que vous aimez. Ce pourrait aussi bien être un curry des Philippines qu'un Madras, ou même un raz-el-hanout.

Après avoir laissé coloré une à deux minutes on ajoute une dose de bouillon (bœuf ou volaille, j'avais opté pour le bœuf) une boite de lait de coco et un volume d'eau équivalent (sauf si le bouillon est liquide), sel et poivre et laisser mijoter une dizaine de minutes.

Restera à passer au mixer. J'ai utilisé mon blender, mais honnêtement il ne blende pas assez même si personne ne s'est plaint des petites peaux de maïs qui subsistaient. Il est recommandé de servir très froid, mais la dégustation à chaud a fait considérablement baisser le niveau tant c'était bon.

Cette méthode présente l'intérêt de rendre le maïs parfaitement digeste.

Craignant que cette soupe glacée ne fasse pas l'unanimité je m'étais lancée une heure avant de partir dans la confection d'un dessert que je comptais sortir en joker. J'étais loin d'imaginer que ce serait une "tuerie" comme on le dit d'un plat qu'on adore alors qu'on est déjà totalement repu, et au-delà.

J'avais trouvé la recette parmi les 30 recettes culte d'Ilona Chovancova employant le lait concentré sucré, paru chez Marabout dans l'excellente collection les tout-petits. Vous pouvez la retrouver page 30 mais je vous indique ici la marche à suivre pour réussir ce gâteau aux noix.
Réduire en poudre des biscuits type petits-beurre et les mélanger à proportion de 100 grammes de poudre pour 50 de beurre et en tapisser le fond d'un moule, préalablement recouvert de papier sulfurisé (capital).

Répartir une couche de chocolat noir rapé grossièrement. Inutile de se compliquer la vie : il suffit de gratter avec un couteau à dents. Compter 150 grammes.

Puis une couche de noix de coco râpée. Cela ne pèse pas lourd : 70 grammes suffiront.

Puis des cerneaux de noix hachés grossièrement. Ne les achetez pas entières pour les casser ensuite ... Mon conseil, même si je radote, orientez-vous vers les épiceries de banlieue qui proposent des produits exotiques et achetez au kilo. C'est 4 à 5 fois moins cher que par sachets de 150 grammes en grande surface. Ou allez chez Detou rue Tiquetonne pour les parisiens.

On termine en versant une boite de lait concentré sucré (397 grammes). Admirez la précision, surtout que vous ne parviendrez pas à faire couler la totalité du produit. J'y ai versé le lendemain une tasse de café pour ne rien laisser perdre ... Enfournez à 180° pour 35 à 40 minutes.

On laisse refroidir. On coupe en petits morceaux. On saupoudre de sucre glace malgré les plaintes (tu crois pas que c'est assez sucré comme ça !) en expliquant que c'est juste pour faire joli.

On propose à la dégustation et on attend les commentaires : non ce ne sont pas des noix de pecan, non y'a pas de caramel, non pas de cannelle, non ce n'est pas un strudel ... mais au fait et si on ajoutait la prochaine fois une couche de carrés de pommes justes revenues un moment dans une poêle beurrée ...

Vous retrouverez bientôt sur le blog de Marie-Laure joliment intitulé ô délices toutes les photos et les recettes des plats des autres participants. Pour l'heure elle a mis en ligne celle de ses petits choux au citron.

On aurait du logiquement ensuite s'activer physiquement pour éliminer le trop perçu en calories. On a choisi une gymnastique intense mais intellectuelle avec force parties de Time's up consistant à découvrir un maximum de personnages célèbres en un temps limité au cours de 3 manches consécutives de plus en plus restrictives et d'autant plus drôles. Nous avons enchainé avec Dobble, un jeu d’observation et de rapidité dans lequel tous les joueurs jouent en même temps et qui nous a bien "énergisé".

Nous fumes tous contents de ces 24 èmes rencontres organisées en ce dernier dimanche d'août par ô délices dont l'emblème pourrait être cette réalisation d'un monsieur du même nom par la Reine Angélique des gâteaux rigolos.

Pour ceux et celles qui voudraient se lancer dans une recette culte sucrée, le choix est vaste, entre lait concentré, petit ourson guimauve ou petit beurre Lu à travers un cœur de poires façon Bourdaloue ou un cheesecake plus classique. Je les ai tous essayés et approuvés.

L'Authentique petit Ourson Guimauve, les 30 recettes culte, de Catherine Quévremont, photographies de Ilona Chovancova, collection les tout-petits de Marabout, 3, 50 €
Véritable petit beurre Lu - Les 30 recettes culte de Catherine Quevremont, collection Mini marabout, février 2011, 3,50 €
Lait condensé sucré, les 30 recettes culte, textes et photographies de Ilona Chovancova, collection les tout-petits de Marabout, 3, 50 €

dimanche 28 août 2011

Eléctrico W d'Hervé le Tellier

J’avais beaucoup apprécié Assez parlé d’amour, dont j’ai tant regretté qu’il ne franchisse pas la barrière des présélections pour le Grand Prix des lectrices de ELLE en 2010.

J’ai embarqué sur l’Eléctrico W avec d’autant plus d’intérêt en reconnaissant ici et là le penchant oulipien de l’auteur qui ne peut se défendre d’écrire toujours en trompe-l’œil, même si beaucoup d’éléments sont exacts. A commencer par la biographie de Jaime Montestrela, page 35, écrivain et poète portugais, né le 12 juin 1925 à Lisbonne, mort à Paris le 8 novembre 1975, qui mériterait d’enrichir la page que Wikipédia lui consacre.

Eléctrico W pourrait être un nom de code. Mais pas tout à fait. A Lisbonne un eléctrico est synonyme de tramway. On les désigne non par des lettres mais par des nombres. Et il semblerait que la ligne W d’Hervé Le Tellier soit la pittoresque 28 qui justement effectue la traversée des quartiers historiques (Bairro Alto, Alfama, Graça).

Le prologue pourrait avoir été conçu a posteriori en guise d’explication. Mais non, ce sont bien les premières lignes du manuscrit. Il permet de s’installer dans la lecture comme un lever de rideau prépare le spectateur à une pièce plus conséquente.

L’avant-dernière phrase de l’épilogue a un air de déjà lu. Mais pas exactement. Il renverse le célèbre incipit que Léon Tolstoï a été bien inspiré d’écrire avant de démarrer Anna Karénine. « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. »

Hervé le Tellier a mis vingt ans à terminer ce livre alors qu’il semble avoir été rédigé il y a quelques mois, d’une seule traite, et avec facilité. On lui fera donc le plaisir de prendre le récit au pied de la lettre, la W bien sur, même si le tramway qu’il veut nous faire prendre ne roule pas sur des rails convenus. Il nous offrira en cette rentrée un moyen de repartir en vacances en droite ligne au Portugal pour nous parler une nouvelle fois d'amour, évidemment, et au pluriel.

Hervé le Tellier sera au Livre sur la place à Nancy le week-end des 17 et 18 septembre prochains. Et je loupe encore une occasion de le rencontrer et de lui soutirer une dédicace !

Eléctrico W de Hervé Le Tellier, Éditions Jean-Claude Lattès, 18 €

samedi 27 août 2011

Petits bricolages pour doigts de fée pour adoucir la rentrée

Voici une série que Tana éditions consacre au collage ou au pliage de serviettes, aux scoubidous, à l'origami, à la feutrine, au point de croix et aux perles. Certains sont des rééditions, d'autres de vraies nouveautés.

Un peu de travail manuel allait me rincer le cerveau après les intenses lectures estivales pour publier sans délai les critiques des livres "de la rentrée".
Les modèles sont simples et je me suis vite mise à l'ouvrage. J'étais tentée par cette bague (photo ci-dessus), vue en page 17 du livre sur les perles, et qui me semblait être dans mes cordes. La réalisation a été un peu délicate même si tout avait facilement commencé.
Vous remarquerez sur la photo ci-dessous le tissu en velours sur lequel j'ai travaillé. Et si j'ai un petit conseil à donner c'est de toujours se poser sur un morceau qui freinera la glissade des perles au moment fatidique. On constatera que mes réserves sont importantes puisque j'avais quasiment les coloris préconisés. et que le résultat est proche du modèle. J'ai pourtant fait avec les moyens du bord. Je n'ai pas pu m'empêcher de modifier la recette en formant non pas deux mais quatre feuilles dorées entre les pétales bleu turquoise. J'arbore maintenant une bague 100% faite main pour briller aux prochaines avant-premières théâtrales ou cinématographiques.J'ai aussi réalisé un petit sac où glisser le strict minimum pour sortir : portable, clés et agenda.
Reste à me lancer dans une série de bagues en feutrine pour offrir autour de moi et à finaliser un joli carnet de recettes. Un peu de futilité servira à oublier la fin des vacances ...

Perles, collection Petits doigts de fée, juillet 2011, Tana Editions, Format : 164 x 211 mm, 64 pages, 4, 90 euros
Point de croix, collection Petits doigts de fée, juillet 2011, Tana Editions, Format : 164 x 211 mm, 64 pages, 4, 90 euros
Feutrine, collection Petits doigts de fée, août 2011, Tana Editions, Format : 164 x 211 mm, 64 pages, 4, 90 euros
Site de l'éditeur : http://www.tana.fr

vendredi 26 août 2011

Tu seras mon fils, film de Gilles Legrand, coscénarisé avec Delphine de Vigan

J'aime ces soirées qui bousculent l'ordre de parution de mes billets. Un livre magnifique, l'interprétation bouleversante d'une pièce de théâtre ou d'un film qui me poussent à écrire dans l'urgence alors que j'avais prévu de publier ce jour-là une autre chronique. Et tant pis pour la ligne éditoriale, ce qui est prêt pourra attendre 24 ou 48 heures de plus.

Tu sera mon fils est sous-titré : On ne choisit ni ses parents, ni ses enfants !
Le pluriel a son importance parce que le scénario nous raconte la difficulté de plusieurs générations à se sentir des affinités avec leur famille légitime alors qu'il n'y n'aurait aucun problème de communication avec d'autres personnes. Il explore la question de la transmission, qu'il s'agisse de biens matériels, ici en l'occurrence un prestigieux vignoble bordelais, mais aussi de valeurs morales. Il interroge aussi la question de l'attachement à ses racines, et la fidélité aux êtres dont on a été proche.
Paul de Marseul (Niels Arestrup) travaille avec son fils Martin (Lorànt Deutsch) sur le domaine familial. Vigneron exigeant et passionné, il aurait souhaité un fils plus talentueux, plus charismatique… plus conforme à ses fantasmes de père ! Cet idéal est incarné par Philippe (Nicolas Bridet), le fils de son régisseur François Amelot (Patrick Chesnais) qu'il reconnaitrait volontiers comme son fils, au détriment de Martin. Celui-ci acceptera-t-il d'être évincé de la succession ? Philippe chaussera-t-il les bottes qu'on lui tend ? Paul s'adoucira-t-il ? François se réjouira-t-il de l'avenir tracé pour son fils ?
Les réponses seront données dans le film. Encore que certains doutes subsistent. On se demande ce qu'il aurait fallu pour empêcher le pire. Même s'il n'est pas certain que précisément ce ne soit pas le pire qui ait été évité.

Je suis sortie enthousiaste de la projection du film de Gilles Legrand, ce qui à de quoi étonner pour une tragédie. C'est que les acteurs sont tous parfaits. Niels Arestrup le premier dont on se demande si les sentiments qu'il affiche sont à prendre au premier degré. Patrick Chesnais est incroyablement juste. Les deux fils potentiels sont d'un naturel confondant. Et les femmes ne sont pas cantonnées à des rôles de faire-valoir.

La bande-son catalyse les émotions comme un verre décuple les parfums d'un grand cru. Une musique d'opéra dès le début imprime ce genre au long-métrage. Malgré la tragédie, il y a une quantité infinie de petits moments presque humoristiques. C'est Martin effeuillant une marguerite devant un cercueil. Je t'aime, un peu, beaucoup, pas du tout ... C'est Paul expliquant qu'un planning n'est pas un Power Point mais un tableau avec des croix tracées à la craie. C'est Paul et Philippe partageant un bain de raisin. C'est François demandant à son fils s'il est bien dans ses pompes.

On trouvera des références à Kipling pour la proximité avec le titre de son œuvre, Tu seras un homme, mon fils. Mais aussi à des longs-métrages où le héros se choisit (ou l'inverse) un autre père comme Into the Wild , ou l'Homme qui voulait vivre sa vie, où déjà jouait Niels Arestrup. Bashung fait revivre les Mots bleus de Christophe, une reprise qui date de 1992. Avec une sensualité particulière. J'ai aussitôt pensé à Delphine de Vigan dont je sais qu'elle a l'habitude de l'écouter en boucle quand elle travaille. C'est donc sans surprise que j'ai lu son nom au générique en qualité de scénariste. Gilles Legrand a eu bien raison de la solliciter et je trouve admirable qu'elle ait pu si bien se couler dans ces relations familiales particulières alors qu'elle venait d'enquêter sur les siennes.

La photographie est signée Yves Angelo. Il sait adoucir les paysages comme personne. Nous sommes immergés dans le monde de la vigne avec pédagogie, nous donnant un seul regret, celui de n'avoir que des images à déguster.

Delphine de Vigan vient de publier Rien ne s'oppose à la nuit, chroniqué sur le blog lundi dernier.
Niels Arestrup remontera le 1er octobre (et jusqu'au 31 décembre) sur les planches du théâtre de la Madeleine pour interpréter Diplomatie, une pièce qui avait été un énorme succès en avril dernier et pour laquelle il a frôlé le Molière.

jeudi 25 août 2011

Petits oursons guimauves en attente d'assemblage culinaire

Carambar, crème de marrons, Vache qui rit, Nutella, coquillettes, lait condensé sucré, sardines à l'huile, véritable petit beurre Lu, nous avons tous au moins un de ces produits dans nos placards et les éditions Marabout leur ont consacré un livre de recettes culte en mai dernier.

Aujourd'hui la collection s'enrichit avec cinq nouveaux opus autour du fromage Kiri, du bonbon Michoko, des petits gâteaux spéculoos, des chamallows ... et de l'authentique Petit ourson.

Encore une brassée de livres de recettes culte publiés par Marabout parmi lesquels il est difficile de faire son choix.

Travailler les spéculoos me tentait puisque j'avais publié en début de mois une recette avec des petits gâteaux soit-disant périmés.

J'adore les chamallows et je les emploie déjà en brochettes, ou pour réaliser cette gourmandise célèbre au Canada et découverte au dernier pique-nique des bloggueurs culinaires de Bercy.Mais j'avais dans le fond de mon placard deux paquets de petits oursons de guimauve enrobés de chocolat qu'il était stupide de thésauriser plus longtemps. Aussi succombai-je à la promesse de l'éditeur : « Des recettes à préparer avec du coca-cola. Une cuisine d'assemblage ultra simple. »

... même si je ne suis pas une fan de la célèbre boisson et que je ne voyais pas, a priori, ce qu'elle venait faire dans la cuisine. En fait je ne me suis pas arrêtée, malgré leur intérêt, sur les propositions de cuisine rapide. Parce que je rêvais depuis longtemps de tester une recette de brownies et que je n'en avais pas trouvé dans le pourtant formidable ouvrage de Trish Deseine. Je me suis donc lancée dans la version que vous trouverez page 32.

Pour commencer j'ai fait griller 50 grammes de noisettes que j'ai ensuite mixées grossièrement. J'ai, depuis, vérifié les prix au kilo des unes et des autres, et franchement cela vaut le coup de faire chauffer une poêle antiadhésive pour cela.

J'ai fait fondre 20 grammes de chocolat noir avec 150 de beurre et attendu que cela refroidisse pour y incorporer 4 œufs, un à un, avant d'ajouter 100 grammes de farine et 1/2 sachet de levure. Théoriquement il aurait fallu verser entre temps 150 grammes de cassonade mais n'en ayant pas sous la main j'ai remplacé par 2 cuillères à soupe de miel. Le résultat ne m'a pas déçue.

Ensuite il suffisait d'ajouter la poudre de noisettes et 3 petits oursons Guimauve coupés en trois. Catherine Quévremont met aussi quelques noix de pécan mais j'ai préféré les garder pour la décoration. Je n'en ai aucun remords.

Après avoir mélangé j'ai versé dans un plat rectangulaire garni de papier sulfurisé.

On préconisait 30 minutes de cuisson à 180° et de poser au bout de 15 minutes 3 Petits oursons sur le dessus.

J'ai encore composé en en mettant 6 pour que chaque dégustateur en ait un à se mettre sous la dent ultérieurement.

Allez savoir pourquoi, le résultat est assez éloigné de ce que vous verrez page 33 du livre, du moins sur le plan esthétique. parce qu'en terme de texture, de moelleux et de goût tout le monde a apprécié.

Moralité : même si je l'ai quelque peu modifiée je suis très heureuse d'avoir cette recette sous la main. Je conserve le principe, en version miel, avec les noix de pecan en déco et pour guider le couteau (on adapte donc leur nombre à la quantité de parts souhaitées). Par contre je couperai tous les oursons en morceaux et les mettrai à l'intérieur du gâteau et limiterai la cuisson à 25 minutes.

Les morceaux seront assez gros pour laisser place à des grottes qui étonneront les convives.

Un autre jour, profitant que le four était en marche, j'ai préparé un duo de pommes au four en glissant un petit ourson à l'intérieur au bout d'un quart d'heure de cuisson démarrée classiquement avec beurre et sucre. Aucune surprise cette fois, je dépose dans l'assiette quelque chose qui ressemble à la photo du livre, même si je me demande où le chocolat a bien pu se sauver ...
Le livre recèle beaucoup d'autres idées sympathiques, surtout pour les enfants.
Et pour retrouver la recette réalisée avec un autre livre de la collection, les sardines en boite, cliquer ici.

L'Authentique petit Ourson Guimauve, les 30 recettes culte, de Catherine Quévremont, photographies de Ilona Chovancova, collection les tout-petits de Marabout, 3, 50
Sardines en boite, les 30 recettes culte, de Garlone Bardel, photographies de Valérie Guedes, collection les tout-petits de Marabout, 3, 50
I love cake, Collection Beaux livres, éditions Marabout, février 2009,19,90 €, 256 pages

mercredi 24 août 2011

La femme au miroir d'Eric-Emmanuel Schmitt

On doit beaucoup de satisfactions diverses à Eric-Emmanuel Schmitt. Depuis une décennie son nom s’affiche partout, en littérature, au théâtre et au cinéma. Son énergie débordante lui permettait même de publier deux livres par an. N’allait-il pas finir par se diluer malgré son talent ?

Il n’y aura qu’une production en 2011, impressionnante en terme de nombre de pages, et annoncée comme son retour au roman et que l'auteur présente en ces termes :
Anne vit à Bruges au temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale du début du siècle, Anny Lee à Los Angeles de nos jours. Trois destins, trois aventures singulières, trois femmes infiniment proches tant elles se ressemblent par leur sentiment de différence et leur volonté d'échapper à l'image d'elles-mêmes que leur tend le miroir de leur époque. Tout les éloigne de ce que la société, leur entourage, les hommes ont décidé à leur place.
Anne la Flamande ressent des élans mystiques qui l'entraînent vers le béguinage. Hanna, une des premières patientes d'un disciple de Sigmund Freud, enfreint tous les codes familiaux et moraux de son temps. Anny, dont le talent annonce une fulgurante carrière d'actrice, pourrait se révolter contre le modèle hollywoodien. Également insoumises et rebelles, laquelle trouvera, et au prix de quels combats, sa vérité et sa liberté ?
La femme au miroir est typiquement ce que j’appellerais un roman de gare. A entendre comme un compliment ! Parce que rien n’est plus difficile que de choisir le bouquin susceptible de vous intéresser plusieurs heures alors que vous vous trouverez en situation captive, c’est-à-dire d’en l’impossibilité de revenir voir le libraire en suppliant un échange standard.

Il faut que l’objet soit suffisamment léger pour être lu dans le bruit, et mobiliser votre cerveau si rapidement distrait par les conversations ou les altercations voisines. Mais aussi suffisamment haletant pour vous maintenir en éveil alors que votre wagon bat l’amble.

Si je vous dis Kennedy, Levy, Musso, en un peu plus … voyez-vous davantage ce que je veux dire ? J’ai eu beaucoup de chance que ce livre m’accompagne pour supporter plusieurs heures de train, le temps de rallier (au hasard ...) le Lot où j’étais attendue dans une belle et accueillante région. Je l’ai dégusté en m’étonnant moi-même d’être tant captivée par cette histoire, laquelle étant triple le plaisir l'était tout autant.

Ce roman tranchait comparativement aux témoignages plus ou moins autobiographiques que j’ai lus à la même période. Je me suis attachée à ces trois femmes hors du commun dont on peut se demander s’il ne s’agirait pas d’une seule et unique personne.

Éric-Emmanuel Schmitt ne risque pas d’être accusé de misogynie. Il s’y entend à merveille pour décrypter l’âme féminine, ses tourments, ses aspirations et surtout les doubles injonctions auxquelles la société soumet les femmes en permanence. Il démontre que rien n’a beaucoup changé sous le soleil depuis le Moyen-âge.

Divertissant et dopant à la fois ce roman, qui vient juste d’apparaitre en librairie, adoucira la rentrée autant qu’il aurait embelli vos vacances.

La femme au miroir d'Éric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, depuis le 18 aout 2011 en librairie

mardi 23 août 2011

Tartelette Paris Biarritz au chocolat, piment d'Espelette et pommes confites

J'aurais pu lui donner le nom d'Ezpeletako Biperra, en référence au nom basque du piment d'Espelette qui donne une puissance particulière à ce dessert. Paris Biarritz était plus simple et j'espère pour cette recette le même succès que celui du Paris-Brest dont elle partage les mêmes initiales.

J'avais envie depuis longtemps de trouver une version sucrée à l'emploi d'une pâte à tartiner de chocolat noir, épicée au piment d'Espelette, et dont Charles, qui en est le créateur, préconise plutôt une dégustation en apéritif. Certes, l'association avec le foie gras était tentante mais un peu riche, caloriquement parlant.

D'où cette petite tarte une fois surmontée la difficulté de cuire la pâte sablée à sec.

J'ai trouvé une bien meilleure façon de procéder en appliquant la méthode "tatin" consistant à contourner une difficulté en procédant à l'envers.


Vous découpez la pâte avec la tourtière en guise d'emporte-pièce et vous posez le morceau obtenu sur le moule posé sur une plaque.

C'est mieux d'intercaler deux bandelettes de papier sulfurisé disposées en croisillons entre le métal et la pâte pour éviter qu'elle ne colle.

Et de strier celle-ci pour qu'elle n'ai pas l'idée de gonfler.Cela fonctionne très bien.
Après cela je vous laisse juge de la puissance que vous souhaitez donner à votre dessert sachant que le piment d'Espelette n'est pas ce qu'on fait de pire en la matière. Sur l'échelle de notation en fonction de la sensation de brûlure provoquée par la quantité de capsaïcine cet épice se situe entre le paprika et le Cayenne.

Dans cette graduation le poivron est neutre, le paprika doux, l'Espelette chaud, le Cayenne torride, le tabasco volcanique et le piment habanero explosif ... bon à savoir si vous voulez corser l'affaire.

Avant toute chose, goutez donc la pâte à tartiner à la petite cuillère. Elle vous paraitra douce, très douce. Et puis soudain vous comprendrez que ce n'est pas du tout que du chocolat. C'est pourquoi je suggère une proportion tant pour tant de crème fraiche et de cette pâte à tartiner au piment d'Espelette. D'abord pour assouplir la préparation qui, sans cela, serait difficile à employer pour recouvrir le fond de tarte sans le briser. Ensuite pour adoucir la puissance conjointe du chocolat et du piment sans les dénaturer.

A poser sur la pâte refroidie. Ensuite j'ai disposé des tranches de pommes confites. Le résultat sera sûrement parfait avec des golden même si j'ai pris ce qui m'est tombé sous la main, façon de parler ... Je rentrais d'une promenade dans un parc où j'avais ramassé en toute bonne foi, puisqu'elles étaient à terre, quelques pommes sans en connaitre la variété.

Mais il fallait croire que c'étaient des pommes d'or à voir la tête de la gardienne surgissant pour m'invectiver ... J'ai vérifié depuis. Aucune loi n'interdit le glanage mais ce n'est pas davantage autorisé. La pratique date du Moyen-Age et on a tous en mémoire ces enfants qui s'en allaient glaner au champ, passant la nuit dans le tonneau d'un boucher, jusqu'à ce que ... bref n'étant pas du tout certaine que le bon Saint Nicolas ferait le voyage pour me sauver la mise j'allais laisser tomber la récolte au sens propre comme au figuré.
- Vous vous rendez compte de ce que vous faites ? Qu'est ce qu'on va offrir aux visiteurs pendant les journées du Patrimoine (17-18 septembre) si vous prenez tout avant ? - Tout ? Et après la mi-septembre que deviennent les fruits ?
- Plus rien. On les laisse pourrir.
J'étais donc venue trop tôt ... pour prétendre glaner puisque ce qui le différencie du vol c'est qu'il faut passer dans les champs après la récolte faite par son propriétaire. La fonctionnaire n'avait pas l'habitude d'entendre un tel discours. A moins que ce soit mon sourire qui l'ait désarmée. Ou qu'elle était dans son jour de bonté. Elle m'a simplement fait promettre de ne pas recommencer.
Il n'y avait dans mon panier que des fruits abimés. Certains n'avaient plus que la peau sur les pépins et j'ai triché sur la photo pour les rendre présentables et appétissantes en masquant les quartiers pourris. Je ne vois pas ce que les gardiens auraient pu en faire à part de la compote ...

Les pommes ont été épluchées, dorées (pas brûlées) à la poêle dans un beau morceau de beurre. On peut ajouter du sucre pour caraméliser. J'ai procédé autrement en retirant les fruits de la poêle pour y verser une cuillère à soupe de sucre glace et autant d'eau. Une fois obtenu une sorte de sirop j'ai remis les lamelles de pomme qui n'ont pas caramélisé mais qui sont devenues en quelque sorte confites.

Je les ai alors disposées encore tièdes en soleil sur le chocolat.

Après vous consommerez tel que ou vous customiserez au choix avec Chantilly ou quenelle de glace vanille, voire noix de coco ou même citron pourvu que ce soit blanc.

Régalez-vous en lisant un livre qui achèvera de vous dépayser comme le dernier Ovaldé en cherchant les points communs avec cette tartelette.

Vente en ligne des pâtes à tartiner de Charles sur http://www.pateatartiner.fr/

lundi 22 août 2011

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

(dernière mise à jour 7 sept 2011)
L'an dernier c'était Geneviève Brisac qui m'avait bouleversée avec Une année avec mon père. Cette rentrée littéraire est fournie elle aussi de livres écrits sur ou autour de la perte d'un proche. David Foenkinos évoque le décès de son grand-père. Charles Berling celui de sa mère. Delphine de Vigan consacre un livre à la mémoire de la sienne. Et Jean-Philippe Blondel à tout un pan de sa famille.

Chacun a été accompagné par une chanson. Osez Joséphine de Bashung pour Delphine qui lui emprunte le titre de son livre. Rich de Lloyd Cole pour Jean-Philippe.

Tous deux écrivent cependant dans un style et une forme radicalement différents. La première a pris la plume presque à chaud alors que le second a laissé s'écouler une vingtaine d'années. Elle a fouillé la réalité. Il a cherché à la fuir. Elle a mené une enquête. Il a laissé affleurer les souvenirs. Elle se tourne vers la nuit. Il scrute les levers de soleil.

L'un comme l'autre ne sont pas écrivains de métier. Ils ont commencé à écrire alors qu'ils exerçaient une profession exigeante, en termes d'horaires ou d'implication. Quand on a la discipline de démarrer sa journée à 5 heures du matin devant un clavier cela augure forcément qu'un jour ou l'autre on cèdera à l'autobiographie. Delphine de Vigan avait déjà beaucoup livré d'elle-même dans ses précédents romans. Mais l'anorexie et le harcèlement au travail ne sont que de faibles maux comparativement à la perte d'un proche, même si on sait que la mort est inéluctable de la vie.

De son coté Jean-Philippe Blondel nous avait offert une joyeuse récréation en nous racontant ses heures passées dans la classe G 229 où il officie en qualité de professeur d'anglais.

La chronique d'aujourd'hui devait se focaliser sur ces deux auteurs que j'ai lus dans un même souffle mais par crainte de "faire trop long" je n'en publierai aujourd'hui que la première partie.

Le livre de Delphine de Vigan surprendra tous les lecteurs. C'est plus un journal qu'un roman. Il me semble que sa forme n'est pas complètement aboutie mais c'est cela qui, paradoxalement, participe à son intérêt. Elle a déjà reçu le Prix Roman Fnac 2011 ! Et elle est annoncée en première sélection du Goncourt 2011.

En 2008 c’est elle qui découvre sa mère, Lucile, quelques jours après son décès à l’âge de soixante et un an. Outre la tristesse et le désarroi, elle éprouve surtout le sentiment d’être victime d’un abandon. Peut-être un cocktail de culpabilité (les enfants se sentent toujours responsables des souffrances de leurs parents ou du moins ils craignent d’y être pour quelque chose). Alors à la fois pour tenter de comprendre et d’admettre, Delphine se met à fouiller la vie de sa mère.

Elle ne sait pas encore au juste ce qu’elle cherche, ne pouvant cette fois maitriser la trajectoire de ses personnages, dont elle ne connait que la fin de l’histoire. Suicidée, en quelque sorte, estimera le petit-fils. Foutue en l’air, écrira-t-elle, et avec de bonnes raisons d’en arriver là (p.16). Et c’est là le sujet. Non pas le pourquoi de cette fin mais le comment de ce temps étiré à l’extrême, jusqu’à ce qu’il soit devenu impossible de poursuivre.

Courageusement, là où d’autres auraient esquivé les images peu glorieuses ou les auraient modifiées (Personne n’y aurait trouvé à redire puisque le livre affiche son appartenance au genre du roman) Delphine de Vigan va creuser franchement malgré une souffrance palpable. Quand on cherche on trouve, parfois plus qu’on ne souhaite. Et c’est toute la famille qui trinque.

La vérité apparait par à coups. Car le lecteur ne peut s’empêcher de penser que c’est pour de vrai, en quelque sorte … même si nous avons tous pleinement conscience de glisser dans un sujet galvaudé qui flirte entre la fiction et la réalité. Le voyage conduira l’auteur très loin sur le terrain miné de sa propre enfance, et nous avec, assistant à son dédoublement entre la femme qu’elle est, la fille qu’elle fut, et la romancière qu’elle demeure.

La façon qu’a l’auteur de désigner Lucile par son prénom, comme elle parlerait d’une amie ou d’une sœur la met à distance. Essayez de penser à votre père ou à votre mère ainsi. Cela change tout.

Autant elle extériorise la relation, autant le lecteur fait le chemin inverse. Il entre dans cette famille si particulière, du moins peut-on l’espérer, où personne n’est à sa place. Ou l’on vouvoie ses enfants tout en pratiquant le naturisme. Cela trouble. Et moi par-dessus tout parce que j’ai enregistré des concordances de temps, d’espace et de nom avec cette famille joyeuse et dévastée.

Delphine de Vigan savait sa mère maniaco-dépressive. Une maladie dont on ne guérit pas encore et sur laquelle quelques livres-témoignages permettent à peine à lever le voile. Elle cite d’ailleurs l’Intranquille de Gérard Garouste (p.113). On pense aussi à Personne de Gwenaëlle Aubry, publié la même année au Mercure de France, et couronné par le prix Femina.

Lucile avait bien d’autre raisons de craquer que le syndrome bi-polaire. Enfant modèle, elle posait pour des magazines. On sait les ravages que l’idéalisation peut provoquer chez un enfant en pensant au superbe film d'Eva Ionesco My little princess. Tout le monde ne sort pas indemne de la surexposition. Lucile fut un enfant de total mystère selon sa mère, Liane, dont le prénom est tout un programme. Quant à ce qu’elle fut pour son père …

Delphine de Vigan ne s’arrête pas à cette vérité là. Elle exhibe la vitalité de Lucile, son humour, son aptitude à la fantaisie, son énergie, non pas celle des phases maniaques mais la force qu’elle a mobilisée pour changer de métier et affronter le cancer.

Elle explore l’entièreté du lexique familial pour se délivrer des fausses images d’une mythologie étouffante, rêvant déjà, et nous avec, au livre qu’elle écrira après, lorsqu’elle sera délivrée de celui-ci (p.204) et qu’elle aura cessé d’avoir peur.

Jean-Philippe Blondel a fait le chemin inverse, publiant presque une dizaine de livres avant Et rester vivant, pour arriver à semblable conclusion en espérant que, désormais, plus aucun de ses livres ne sera un hommage. La seconde partie de cette chronique sera consacrée à son livre. Elle sera très prochainement mise en ligne ... et la voici ...

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan, roman aux éditions Jean-Claude Lattès, en librairie depuis le 17 août.
Et rester vivant de Jean-Philippe Blondel, roman publié chez Buchet-Chastel, en librairie le 1er septembre 2011.


Précédent livre de Delphine de Vigan, les Heures souterraines, également chez JC Lattès, 2009

dimanche 21 août 2011

Soupe froide pastèque-framboises dans la tradition d'un gaspacho

Après le gaspacho que je vous ai suggéré de faire avec des concombres voici une association très rafraichissante de pastèque et de framboises. A servir aussi bien en entrée qu'en accompagnement d'un dessert. Tel quel ou en cocktail, sans alcool (ou avec, mais alors avec modération) puisque c'est dimanche aujourd'hui.

Il vous faudra un quart de pastèque (tout dépend me direz-vous de la taille du fruit). On dira l’équivalent de ce votre blender peut contenir en morceaux. Une barquette de framboises, quelques gouttes d’essence de verveine (plus délicate que des feuilles de menthe) et ½ citron vert bien mur.

Attention avec ces petits fruits, les framboises sont aussi fragiles que les œufs. Il serait imprudent de déverser une barquette d'un seul coup dans le blender. Je vous conseille de faire comme avec les œufs, c'est-à-dire en les mettant plutôt un par un en s’assurant qu’il n’y a aucune trace de moisissure.

Sucrez si cela vous parait nécessaire, pas pour moi.

Si vous souhaitez "allonger la sauce" ou si le résultat vous semble trop épais vous pouvez augmenter le volume en versant une limonade ou autre soda à votre convenance.

Et pour les glaçons voici le secret cooking du jour. J'emploie des petites plaques de coffret de chocolat. C'est inusable, réemployable à l'infini, plus léger et plus souple que ce qu'on achète en silicone, et bien sûr totalement gratuit.

Preuve en images, avant, après.

Il me semble aussi que la glace prend plus vite ... Peut-être parce que l'épaisseur d'eau n'est pas énorme.

Je trouve les formes originales et sympathiques. Avec en prime la garantie que cela les glaçons ne déborderont pas.

Résultat correct pour du bricolage.

Pas d'accord ?


samedi 20 août 2011

Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé

Véronique Ovaldé avait créé de toutes pièces l'univers fantastique de Ce que je sais de Vera Candida publié en août 2009, Grand prix des lectrices de Elle en mai suivant. Un endroit situé dans un nulle part et néanmoins familier, en Amérique latine, baptisé Villanueva, où elle est revenue installer les personnages de son dernier roman. Avec la même propension pour l'insolite.

Adepte des très longues phrases qui peuvent se déployer sur une demi-page, et des digressions incessantes (elle peut ouvrir des parenthèses à l'intérieur d'autres parenthèses) l'écriture de Véronique est ornementée, luxuriante, panoramique, zoomant et dézoomant chaque plan sans relâche.

Elle a une façon toute personnelle de juxtaposer des mots savants ou des envolées lyriques à proximité d'expressions colorées ou populaires, bâtissant des oxymores en cascades. Un désordre sédimenté, des tragédies minuscules, voilà quelques ingrédients pour alimenter une lecture savoureuse.

Les références sont précises, exactes, vérifiables. Premier chapitre, deuxième paragraphe, l'allusion à un livre sur Valerie Jean Solanas, née le 9 avril 1936 dans le New Jersey, décédée le 26 avril 1988 à San Francisco, n'est pas fortuite. Cette femme était une féministe américaine notoire, connu pour son manifeste, et pour avoir tenté de tuer Andy Warhol.

Une immense recherche se combine à une extrême simplicité. A l'instar de ces palaces de marbre nu exhibant une orchidée orpheline dans un vase au long col élancé. L'écriture en devient en quelque sorte luxueuse. On peut affirmer qu'il existe désormais un style Ovaldé, surréaliste, composé d'élégantes associations d'images oniriques qu'un détail saugrenu fait promptement revenir à la réalité.

Exemple (p.24) : Quand il était gamin il voulait devenir professeur ou avocat ou ethnologue. Là d'où il vient, au village, personne ne sait ce que signifie le mot "ethnologue", alors il fanfaronnait en se croyant supérieur au reste du monde. Et finalement il est devenu flic. Ça tout le monde sait ce que ça veut dire.

Avec aussi ce qu'il faut d'humour pour que le lecteur ressente un agréable picotement. Comme, p. 180, avec cette voiture énorme (ridiculement disproportionnée) à la suspension surélevée pour parer à la montée des eaux et toiser vos contemporains qui se noieront.

Des vies d'oiseaux commence comme un roman policier. Véronique livre avec naturel toute l'histoire au fil des trente premières pages. Le lieutenant Taïbo n'est pas là pour démêler l'intrigue. Et pourtant le lecteur n'aura pas forcément saisi les indices qui lui sont offerts. Je lui conseille d'ailleurs de relire les premiers chapitres une fois le livre achevé.

On retrouve, comme dans le précédent ouvrage, des caractères féminins volontaires, animés par la quête d'un idéal, lequel n'est atteignable qu'avec le secours d'un homme. Qu'il s'agisse de Madame Izarra, Vida pour les intimes, ou de sa fille Paloma. Des noms romantiques par excellence si l'on songe à la boisson citée par Hemingway dans son premier roman, Le soleil se lève aussi.

Ou si l'on sait que les Basques émigrés en Amérique du Sud avaient débarqué avec des bouteilles d'Izarra, pour la savourer avec nostalgie en se souvenant que le mot veut dire étoile dans leur langue. Quant à Paloma personne n'ignore qu'il signifie colombe. Un nom de volatile pour des vies d'oiseaux.

Paloma et Adolfo sont d'infatigables coucous (p.127). Le bel Adolfo, l'étrange coucou que c'était (p.133). C'est dit et redit. Mais cela reste à décrypter. Les deux jeunes gens ne font pas que squatter des villas en l'absence de leurs propriétaires. Ils ont adopté le comportement des gamins qui font coucou en jouant à cache-cache. Et on ne peut pas s'appeler colombe sans devenir un vecteur de paix, à plus ou moins long terme.

Vida est une sorte de pigeon voyageur aimanté vers son village natal. Elle est aussi peu à sa place sur la colline Dollars que le bébé cygne au milieu de la couvée de petits canards. Son mari, Gustavo, a un comportement de coq qui ne cesse de faire penser à celui de Monsieur Arpel, le riche parvenu, adepte de modernité, qui s'est fait construire une villa somptueuse, mais totalement inadaptée à la vie de famille.

Le petit miracle c'est que Véronique Ovaldé nous embarque dans un imaginaire où nous avons notre place. J'entendais le crachotis constant d'un poisson-fontaine en bruit de fond. Je n'ai pas remis la main sur les photos que j'avais prises de la « scène du poisson » du film mon Oncle, réalisé en 1958 par Jacques Tati, et choisi par Christophe Mallemouche pour l'édition 2000 du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, mais j'ai trouvé un court extrait qui montre la reconstitution en studio de la maison du film, conçue initialement par le cinéaste en collaboration avec le décorateur Jacques Lagrange. Je n'ai pas pu résister à vous faire partager ce souvenir :

Villa arpel par domeauperes

On ne fait pas des enfants pour soi. Un jour ou l'autre ils prennent leur envol. Ce moment, Véronique Ovaldé nous le fait vivre du point de vue de la jeune fille (p. 180) qui vient de décider de ne pas retourner chez ses parents :
... parce qu'on est le matin très tôt encore, parce que l'automne est encore doux et que le soleil fait rougoeoyer les immeubles du front de mer, parce que les études de droit ne la passionnent pas et ne la passionneront jamais, parce qu'elle a vingt et un ans, qu'une partie d'elle-même croit encore qu'elle est immortelle, et qu'une autre lui dit impatiemment que le temps presse, parce qu'elle a une folle envie de déposer sa confiance dans les paumes d'Adolfo alors qu'elle le connait si peu mais que le peu qu'elle sait de lui la bouleverse et lui donne l'illusion d'être vivante.
La mère semble avoir des certitudes moins inébranlables (p. 126). Comment savoir si ce qui compte tout à coup tant pour vous compte tout autant pour l'autre ?

Véronique Ovaldé retourne le dicton populaire : si jeunesse savait, si vieillesse pouvait. La fille montre le chemin à la mère pour se défaire de ses entraves et conquérir la liberté d'exister. Un beau roman à mettre entre toutes les mains, annoncé déjà en première sélection du Goncourt 2011.

Véronique Ovaldé, Des vies d'oiseaux, éditions de l'Olivier, aout 2011

vendredi 19 août 2011

Le financier cadurcien de Jérôme Moulinou (46)

Vous allez me dire, un financier, c'est banal. Ce fut ma première réflexion quand on m'a entrainée pour aller goûter celui d'une pâtisserie ouverte depuis un an sur la place du marché de Cahors.

Je n'allais pas refuser et je me suis attablée tranquillement pour le déguster. Ce fut une révélation et je n'exagère pas. Il est admirable d'équilibre en terme de goût, de parfum et de texture.

Étant persuadée avoir percé le secret de fabrication de son créateur j'ai contacté Jérôme Moulinou qui a confirmé mon intuition. Dès mon retour dans la région je serai initiée à cette fabrication dont la première exigence est d'être "du jour".

Pour vous qui y résidez ou qui y passez en coup de vent ne loupez pas une incursion dans cette pâtisserie où la baguette aux graines vaut à elle seule un petit détour.

Jérôme Moulinou
Pâtissier-chocolatier, 27 rue Nationale, 46000 Cahors -
05 65 35 09 35
ou 09 64 46 84 91

jeudi 18 août 2011

Tuer le père d'Amélie Nothomb

L’omerta est levée. Depuis aujourd’hui, minuit une, on a le droit de parler du nouveau Nothomb qui arrive ponctuellement comme un gâteau d'anniversaire, trois mois avant le beaujolais nouveau. Le cru 2011 en a la fraicheur et la fluidité. Belle cuvée élevée recto verso sur des petits cahiers à petits carreaux. Livrée sous jaquette rouge et noire.

Comme à son habitude l’auteure fait la couverture.Visage adolescent en surimpression sur des colonnes d’un précédent livre, Biographie de la faim (2004). Après la reproduction d’un portrait conçu par Pierre et Gilles pour Le Fait du prince, (2008), les studios Harcourt pour Le voyage d’hiver (2009), Sarah Moon pour Une Forme de vie (2010) c’est un cliché d’Agnès Rosenstiehl qui a été choisi pour être retravaillé par Miss Tic dans la palette de couleurs préférées de cette artiste, avec une dominante rouge sang comme le rouge à lèvres habituel d’Amélie Nothomb.

Le rouge et le noir est aussi une référence littéraire s’inscrivant dans l’univers du jeu, en parfait accord avec le thème du livre. Visage en faux trois-quarts, mèches indisciplinées, regard en biais, bouche mutine. Le cadre jaune prévu initialement a fort heureusement disparu. Le résultat est pur, hésitant entre le japonisant et le gothique.

L’énigme lancée au lecteur interroge: allez savoir ce qui se passe dans la tête d’un joueur.

A défaut de répondre à cette question Amélie Nothomb nous livre ce qui se passe dans sa tête d’écrivaine qui connait bien les États-Unis, un pays qui va bientôt l’avoir inspirée autant que le Japon. Une Forme de vie racontait l'an dernier un échange épistolaire (fictif) entretenu plusieurs mois avec un militaire américain basé en Irak. On s'est éloigné des soldats mais il s'agit encore d'un combat, sous forme de duel.

Cette fois elle s’est emballée pour le monde de la magie et de la jonglerie, s’inspirant d’une utopie moderne qui se déroule rituellement chaque dernière semaine d'août dans le désert du Nevada. La concomitance avec la date de sortie du livre n’est qu’une coïncidence, si ce n’est qu’elle a écrit celui-ci comme tous les autres en un an et qu’elle a séjourné au Nevada l’été dernier.

L’histoire racontée dans le roman démarre le 6 octobre 2010, un mercredi. Et pour cause puisque c’est le jour d’ouverture hebdomadaire de l’Illegal Magic Club. L'assemblée fêtait ce soir-là les dix ans du club. Amélie ne donne pas l’adresse mais les faits cités sont exacts et constituent le prétexte à raconter une fable moderne.

Le festival Burning Man est une grande rencontre artistique et bariolée qui se tient dans le désert de Black Rock, à 150 km au nord de Reno. Un rassemblement de plus de 50 000 personnes dans un endroit où il n’existait rien avant et où il ne devra subsister aucun déchet après. Une sorte de Woodstock post hippie où l’argent et l’automobile sont prohibés.

Rien d’anormal à ce que le sujet ait fait tilt dans la tête d’Amélie Nothomb. Après le déclic les idées se sont enchainées en cascade et ont dégringolé sur le papier comme des pièces dans un gobelet king size tendu sous la gueule d'une machine à sous. Un point de départ véridique et tout le reste n'est que fiction. Joe Whip comme Norman Terence ne sont pas les plus grands magiciens du monde. Leur conflit est un scenario. Le meurtre ne sera que symbolique.

On ne peut tout de même pas s'empêcher de constater que le crime est un thème récurrent dans l'œuvre d'Amélie Nothomb, réapparaissant à intervalles réguliers, comme un cauchemar provoqué par des champignons hallucinogènes. Ce serait stupide de lire Tuer le père pour gagner un sujet de conversation en société. Il y a bien davantage à y gagner que de traquer l'anecdotique.

Amélie Nothomb a un talent affirmé pour tisser récits et dialogues, brouiller les pistes entre réalité et fiction. La magie s'y emploie entre l'illusion et vérité, amenant l'autre à douter du réel. La romancière a ce point commun avec cette forme d'art où elle est devenue maitre. A l'inverse de l'avant-dernier on n'est pas cueilli au final par un vrai retournement de situation. Ce qui est une façon inattendue de créer la surprise.

Lire Nothomb c'est l'assurance d'un double voyage, géographique et socio-culturel. Car on y apprend toujours quelque chose. Cette fois des noms de tours de carte, le bestiaire de la danse du feu et des verbes qu'on n'aurait pas songé à employer comme siester (p.28), prester (faire une prestation, p83) et quelques adjectifs comme abstruse (p.134, difficile à comprendre). On entre avec elle dans la tête d'une jongleuse (p.85) et on se surprend à ressentir les effets du dubstep (p.90) alors qu'on ne savait pas que c'était un style musical quelques minutes auparavant.

Pour quelqu'un qui prétend avoir horreur de l'informatique et ne pas utiliser Internet on se demande comment elle parvient à rassembler une documentation aussi fouillée sur les thèmes de ses ouvrages. On a beau être cultivée et beaucoup lire il y a tout de même des sujets qui échappent aux connaissances usuelles.

Son succès tient à la fois de cette aptitude à immerger le lecteur dans un domaine jusque là ignoré de lui et à lui raconter une histoire comme un griot le ferait sous un arbre pour une large assemblée. L'alternance des dialogues et des descriptions explicatives est captivante.

A ceux qui lui reprochent de ne pas écrire comme une intellectuelle se devrait de le faire j'aurais envie d'opposer les mêmes arguments que ceux qu'elle emploie pour démontrer la supériorité de l'anglais sur le français (p.87). Amélie Nothomb fait crépiter les mots et les idées. Avec de temps en temps un "je" qui se glisse dans le texte, comme un lapsus.

Son procédé d'écriture est feuilletonnesque. On n'a pas envie de lâcher. On y prend un plaisir constant, attisé par des pointes d'humour. Ne serait-ce qu'en considérant l'usage qu'on peut faire d'une voiture (p.121) ... J'ai fait de ce livre une lecture gloutonne. Et je suis déjà impatiente du prochain parce que je sais déjà que ce sera une nouvelle aventure.

Tuer le père
, Amélie Nothomb, roman, Albin Michel, 17 août 2011, 152 pp, 16 €
L’Illegal Magic Club est ouvert les mercredis au Shywawa - 7 rue du Petit Pont - 75005 Paris de 23h 59 à 5 heures du matin
Billet consacré à Une forme de vie

mercredi 17 août 2011

Les cupcakes de Clément

Très franchement l'idée d'avoir des cupcakes au dessert ne m'emballait pas. Je n'apprécie pas de sacrifier à cette mode. Mais ma bonne éducation m'a contrainte à faire bonne figure. Et j'ai été pleinement récompensée parce que c'était très bon. Clément a bien raison de penser qu'il est le roi des cupcakes.

Et j'ai de la chance qu'il ne garde pas jalousement sa recette pour lui seul. Vous aussi par la même occasion.

Pour obtenir une vingtaine de gâteaux il vous faudra :

3 œufs entiers
75 grammes de sucre
50 grammes de farine
95 grammes de beurre
85 grammes de chocolat noir fondu


On refroidit la préparation "œufs-sucre-farine" au moins 15 minutes avant d'y incorporer le mélange chocolat-beurre.

On introduit un carré de chocolat blanc dans chaque cupcake et si on manque de munitions on prend du noir. La cuisson s'effectue à 180° pour 8 minutes.

Le jeu consistera ensuite pour les heureux convives à piocher un gâteau de la couleur désirée, prétexte à une nouvelle tentative en cas de malchance, et ce jusqu'à épuisement du stock.

Une autre idée à tester : remplacer le carré de chocolat par un demi-chamallow.

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