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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 29 février 2020

Nouvel album de Duplessy & The Violins of The World

Le nouvel album, le troisième, de Mathias Duplessy, m'a totalement ravie et fait voyager très loin ... vers l'Est. Le concert qu'il a donné avec ses musiciens, les Violins of the World, au Café de la Danse le jeudi 27 février 2020 a été un grand moment de partage et de plaisir.

La soirée a commencé avec quelques morceaux de Macha Gharibian, une pianiste étonnante, capable de jouer assise ou debout, des deux mains comme d'une seule. Sa voix volcanique a sculpté l'atmosphère de la salle. Elle a enchanté nos oreilles avec une première chanson, Sari Siroun Yar, qui est un chant traditionnel arménien qu’elle avait eu l’habitude d’entendre chanter par son père, le guitariste Dan Gharibian, dont je rappelle qu'il est le co-fondateur de l'immense groupe Bratsch.

Elle dédia à toutes les femmes la quatrième, co-écrite avec Pierre de Tregomain, The Woman I Am Longing To Be,  et nous a ensuite tous fait chanter. Le seul regret est de ne pas avoir réussi à la faire revenir pour un rappel alors que nous l’applaudissions chaleureusement. Retenez son nom, et son prénom, et le titre de son troisième album, Joy Ascension, sorti le 24 janvier 2020 (Meredith Records/Rue Bleue/Pias).

On peut en dire qu'il oscille entre jazz, soul-folk et blues, et qu'il a contribué parfaitement à nous préparer à la suite du concert. Mathias Duplessy (dont c'est lui aussi le troisième album, sortie le 24 janvier chez Absilone) est arrivé avec avec sa guitare folk et non pas trois, mais quatre musiciens, parmi lesquels Stephen Bedrossian, son compagnon de route contrebassiste depuis vingt ans.

Il était bien entendu accompagné des trois grands maîtres de vièles traditionnelles, qui composent le groupe des Violins of the World Guo Gan, maître de la vièle chinoise erhu, reconnaissable à sa longue robe grise, Epi (Enkhjargal Dandarvaanchig) à la vièle mongole à tête de cheval, et l'impétueux Aliocha Regnard à la vièle scandinave, le ou la nyckelharpa qui est un instrument de musique traditionnel à cordes frottées d'origine suédoise, plus précisément de la région d'Uppland, au nord de Stockholm.

Ensemble ils ont le goût des aventures sonores et des voyages imaginaires. Si le plaisir qu'ils ont à jouer et chanter ensemble ils ne sont pas bavards et chacune de leurs compositions s'apparente à une petite cérémonie.

Mathias aime introduire un concert, non pas avec un morceau nouveau mais de manière rituelle avec le très beau et mélancolique morceau Montagnes, extrait de l'album "Crazy Horse" sorti en 2016 qui sera très applaudi. Il est seul à chanter avant d'être rejoint par les autres. Personne n'a de partition devant les yeux. Seule la "set-list" les guidera d'un morceau à l'autre.

vendredi 28 février 2020

Double Jeu de Brigitte Massiot au Théâtre du Gymnase

En entrant dans la salle du Théâtre du Gymnase j'avais repéré une sculpture posée sur le plateau, représentant trois singes en position totémique, le premier se bouchant les oreilles, le second les yeux et le troisième la bouche. Il s'agissait de toute évidence d'un message codé.

Je comprendrai plus tard que l'objet symbolise la volonté de plusieurs personnages à ne pas voir la réalité.

Mais, pour le moment, la soirée commence quasiment joyeusement dans une ambiance jazzy plutôt décontractée alors que Charly (Charlotte Kady) s’apprête à recevoir dans son appartement parisien ses invités dans le cadre de "juste une soirée amicale entre vieux potes de lycée"… 35 ans plus tard tout de même. On imagine que l'eau a coulé sous les ponts et on sent qu'il y a de la révélation dans l'air, justifiant pleinement le second degré du titre, Double Jeu.

Une maitresse de maison, six invités et un absent dont le souvenir pèse lourd puisqu'il est décédé. On a compris que la soirée ne va pas se dérouler comme de simples retrouvailles dans une atmosphère bon enfant. C'est d'ailleurs pour cela que nous, public, sommes venus, pour assister au jeu de massacre. Nous allons rire mais ce sera un vrai cauchemar sur le plateau pour certains. Comme le pressent une des participantes : On danse sur un volcan et on va tous sauter.

Ils sont pourtant tous venus de leur plein gré et semblent heureux de se revoir. Certes, ils ont différemment "réussi" et les premières tensions apparaissent entre Simon (Bernard Fructus), le flic, Pierre (Philippe Roullier), le psy médiatisé, Caroline (Olivia Dutron) la maman (provinciale) de cinq enfants et son désormais mari Luc (Pierre Deny), Abigail (Juliette Degenne), l'écologiste à l'allure gitane, qui voudrait faire le bien autour d'elle en cherchant à convaincre qu'on ne diminue pas le bonheur en le partageant, et dont la personnalité est si diamétralement opposée à celle de son amie Marjorie (Nathalie Marquay-Pernaut) qui joue la scandaleuse de service.

Charly tire les ficelles mais on s'interroge sur ses motivations. Sont-elles bienveillantes ou aurait-elle une arrière-pensée ? A-t-elle tout manigancé ou aurait-elle un(e) complice ? Personne n'a-t-il vraiment revu aucun de ses camarades (hormis bien entendu le couple formé par Caroline et Luc) ? Chacun de nous a son avis à propos de la finalité du jeu des devinettes. Une chose est sûre et ce proverbe africain se vérifie : Le hasard est le chemin que Dieu prend s’il veut voyager incognito.

Ils ont tous des choses à cacher et les masques vont tomber successivement comme sous l'effet d'une force bousculant une rangée de dominos.

Brigitte Massiot a tissé des dialogues très tendus, et le public le soir de ma venue, le 23 février, était très réactif, ayant du mal à se retenir d'exprimer son opinion, autrement qu'à travers des rires et des applaudissements très nourris. C'est elle qui a choisi les costumes et les tenues achèvent de nous donner des indications sur les tempéraments des personnages.
L'auteure nous interroge subtilement sur le frontière entre le pas responsable, le pas coupable, et le pas complice. Double Jeu est une excellente comédie psychologique, formidablement interprétée et mise en scène avec précision par Olivier Macé.

Double jeu de Brigitte Massiot
Avec Nathalie  Marquay-Pernaut, Olivia Dutron, Juliette Degenne, Charlotte Kady, Pierre Deny, Philippe Roullier, Bernard Fructus.
Mise en scène d'Olivier Macé
Décor d'Olivier Prost
Lumières de Mathieu Le Cuffec
Musique de Frédéric Château
Costumes de Brigitte Massiot
Au Théâtre du Gymnase Marie Bell - 38, boulevard de Bonne Nouvelle - 75010 Paris
A partir du 5 février 2020
Du Mercredi au Samedi 19h00, le Dimanche 16h00

La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Fabienne Rappeneau

jeudi 27 février 2020

Le Clinamen Show du Groupe Bekkrell

J'ai vu hier un spectacle difficilement classable, entre théâtre et cirque. Et ce n'est pas la seule originalité de la création du Clinamen Show.

L'histoire oscille entre tragédie grecque, enquête policière, numéro de clown. Le show est féminin, féministe, artistique jusqu'à l'éblouissement. Certains le diront "osé". Je dirais plutôt "courageux".

Il s'adresse à tous ceux qui ne craignent pas de gratter le visible. Par contre, je ne le trouve absolument pas "tout public dès 12 ans", et je ne le recommande pas avant 16 ans.

Le Clinamen Show est un cirque itinérant et mystérieux qui choisit de s'agrandir en multipliant les numéros, présentés en majeure partie par des femmes. Mais qui sont ces femmes qui prennent la parole? Quel est le lien secret qui unit ces disparitions et le Clinamen Show 

À travers la brume des nuits de pleine lune, ou dans les clairs-obscurs du chapiteau, Michel le Gass - officier de police amnésique- et Dolorès Dumèse - journaliste fascinée par la notion de Clinamen mènent l'enquête car une femme a disparu dans la partie ouest de la forêt.

Mais c'est quoi ce Clinamen ? Une conception de la nature entière, une théorie des chocs, une pratique de la rencontre, une érotique de la catastrophe, un carnaval des places… Les portes s'ouvrent et les femmes-créatures se déploient dans cette zone intermédiaire, nuage de perches littéralement suspendu au dessus d’un sol flou.

On y verra l'ascension élégante d'une acrobate chaussée de louboutins avant de se livrer à un strip-tease élégant.

La chanson Purple Room interprétée par Gordo raconte le viol vécu dans une chambre. L'émotion est forte mais on apprendra qu'il n’y a rien de plus fort qu’une femme qu’on a brisée et qui s’est reconstruite.

Il y aura aussi une blague autour de l’histoire d’un têtard à qui on demande l’heure. Il croit qu’il est tôt mais il était tard ( têtard). Attendez-vous à être complètement perdus. C’est normal et il faudra savoir changer de point de vue et vous souvenir qu'enquête en grec se dit Historia.

Sur la scène les 4 acrobates du Groupe Bekkrell sont prodigieuses et inoubliables ... elles sont en réalité 5 : Fanny Alvarez, Sarah Costet, Heini Koskinen, Océane Pelpel et Fanny Sintès. Leur travail est incandescent et mérite que l'on clame qu'il existe, jusqu'au 7 mars au Monfort.

Le Clinamen Show
Conçu par le Groupe Bekkrell
Du 25 février au 7 mars
Du mardi au samedi à 20h30
Au Monfort - 106 rue Brancion - 75015 PARIS
01 56 08 33 88

mercredi 26 février 2020

Le retour de Richard 3 par le train de 9h24

(mise à jour mai 2020 puis mai 2023)
J'ai souvent la chance de visionner des films en avant-premières. J'ai beaucoup apprécié Le retour de Richard 3 par le train de 9h 24 (qui dans quelques semaines va résonner avec particulièrement si la France entière doit se confiner).

En effet ce long métrage, qui a été tourné il y a plus d'un an, est à sa façon une allégorie d'un isolement -certes consenti-

Il avait été présenté au cinéma Utopia, lors du dernier festival d’Avignon 2019 et a été sélectionné et remarqué dans de nombreux festivals, notamment aux USA. Il a remporté de nombreux prix (mentionnés à la fin de cet article).

Voilà une comédie inédite dans laquelle Éric Bu relie ses deux passions : le cinéma et le théâtre. (Le film sera d’ailleurs également adapté pour la scène et créé pour un prochain festival d'Avignon avec la même équipe).

Le titre est un clin d'oeil à Shakespeare comme le prénom du personnage de William que le scénariste Gille Dyrek interprète lui-même et qui, dès les premières minutes, prévient le spectateur : La réalité n'est pas suffisante pour construire des personnages.

Il sait de quoi il parle et il va jouer sur ce registre en offrant plusieurs rebondissements en s'appuyant sur un des grands principes du spectacle comme de la littérature : la vérité n'existe pas. Il n'empêche que l'on va en quelque sorte plaider le faux pour faire émerger le vrai. Alors même l'impossible (comme un simple pique-nique) deviendra possible.

Du théâtre, on note le huis clos, dans une grande maison bourguignonne située non loin de Tonnerre (quel plaisir pour moi de retrouver le cadre de mon enfance !) à l'exception d'une scène de pique-nique au bord d'un cours d'eau. On remarque une distribution qui offre de jolis rôles à des comédiens qu'on a l'habitude d'applaudir sur les planches, comme par exemple Sophie Forte que j'ai tant aimée dans Chagrin pour soi (et tout récemment dans Mon Isménie) et plus fugitivement Elodie Menant, exceptionnelle au théâtre dans le biopic Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?, qu'elle a créé avec Eric Bu en Avignon, en 2018, ce qui leur vaut une double nomination aux prochains Molières.

mardi 25 février 2020

Colors, le spectacle culte d'Esteban Perroy à la Pépinière Théâtre

(mise à jour le 9 mai 2020)

On dit que c'est un spectacle-culte et on a raison.

Tenir l'affiche pendant douze ans chaque dimanche soir à 21 heures sans avoir recours à un texte du répertoire, et avec une distribution fluctuante, chapeau !

Après le Gymnase, le Casino de Paris et le Théâtre Michel, Colors est désormais bien installé sur la scène de la Pépinière Théâtre et a déjà diverti et fait rire plus de 100 000 spectateurs. La troupe compte bien reprendre à la rentrée de septembre 2020 ... ou un peu plus tard.

Les règles sont constantes. Le maitre de cérémonie est toujours Esteban Perroy, directeur de l'école française d'improvisation théâtrale, alias Mister Purple, facilement reconnaissable à sa chemise violette. Il partage la scène avec au moins quatre comédiens qui sont identifiés eux (et elles) aussi par la couleur de leur vêtement. Un invité extraordinaire est habillé de blanc et joue le jeu de s'intégrer au groupe un peu au débotté. Ils (elles) sont environ 500 à avoir relevé le défi.

Parmi eux Gregori Baquet, Thierry Beccaro, Liane Foly, Sophie Forte, Virginie Lemoine, William Mesguich, Patrick De Valette des Chiche Capon ... Le soir de ma venue c'était Xavier Lemaire, comédien, metteur en scène, que j'avais souvent applaudi sur scène, plutôt dans un registre dramatique d'ailleurs.

Si vous connaissez, pas besoin d'aller plus loin. Vous êtes forcément acquis. Si ce n'est pas le cas je vous raconterai juste que dans la file d'attente on vous sollicitera pour proposer des sujets aux comédiens, sou forme d'une expression, d'un titre de film, d'une question, ... il n'y a aucune limite à votre propre imagination. Et si vous croyez que vous réussirez à les piéger ... et bien essayez !

Tous les petits papiers seront pliés en quatre et rassemblés dans un aquarium dans lequel, plus tard, on puisera les thèmes sur lesquels les comédiens devront improviser en temps réel. Cela se fait en deux temps. D'abord chacun "pitchera" sa proposition et ensuite on en retiendra une qui sera développée.

Dimanche dernier il y eut les verrues plantaires, le tango, faire les boutiques, la Joconde... des indications apparemment impossible à traiter comme "pourvu qu’elle soit douce", et "le côté de la biscotte", et puis aussi un thème qui devait plutôt concerner les comédiens : vendre sa pièce au festival d’Avignon. Nous ignorions alors que le prochain festival n'aurait pas lieu !

Ils sont tous admirables et l'invité particulièrement puisqu'à de rares exceptions il n'a pas cette habitude. Improviser ne s'improvise pas. C'est un immense travail qui repose sur la confiance et l'écoute. Ce soir là ils en ont tous fait la démonstration et le public n'a pas senti le moindre temps mort. je suis certaine que c'est tout le temps le cas même s'il y a certainement des moments plus forts que les autres.

Aucun ne tire la couverture à lui. Chacun a son moment de "gloire". C'est tout le "secret" de l'attention que le metteur en scène porte à son équipe. Sans se départir d'une grande bienveillance il pousse les comédiens à aller plus loin et le cas échéant il infléchit les registres. Le public lui-même est très vite complice. On en sort tous dopés.

Il ne faut pas oublier le rôle de la musique, jouée en direct, qui adoucit ou pimente, c'est selon.

En avant-programme, on découvre quelques élèves, improvisateurs amateurs, de l'école créée par Esteban Perroy et qui font un peu office de chauffeurs de salle à partir des contraintes que les spectateurs leur fixent. Cette disposition offre au public la possibilité d'entrer en salle jusqu'à 21h30 mais il me semble important d'arriver néanmoins à l'heure car il est essentiel pour ces élèves dont certains font leurs premiers pas sous les lumières de ne pas jouer devant des rangées clairsemées.

Colors, créé et mis en scène par Esteban Perroy avec la complicité de Franck Porquiet
Création lumières : Antho Floyd
Avec en alternance : Prisca Demarez, Guano, Alexandra Bialy, David Garel, Camille Giry, Bastien Jacquemart, Ars Dankar, Mathilde Bourbin, Pablo Rey, Julien Tréfeu, Batiste de Oliveira, Guillaume Beaujolais, Aurélia Coulin, Franck Porquiet, Julia Marras, Etienne Huon, Nicolas Perruchon, Flavie le Boucher, Antonia de Rendinger, Esteban Perroy, Erwan Le Guen (violoncelle), Jérôme Klur (guitare), Eric Le Guen (piano), Kordian Hérétynski (violon)
Théâtre La Pépinière - 7 rue Louis Le Grand - 75002 Paris
Tél. : 01 42 61 44 16
Dimanche 21h30, première partie dès 21h.
Plus de renseignements sur http://www.colorsimpro.com

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Si vous voulez en apprendre davantage sur Esteban Perroy et sur la manière dont il traverse le confinement je vous invite à écouter l'interview qu'il m'a accordée pour Needradio, programmée à l'antenne le jeudi 7 mai, et qui est accessible en podcast ici.

Vous remarquerez combien il est resté ultra actif depuis le début de la crise, tout en respectant le confinement. Sa vision de la "réponse collective que les artistes peuvent donner à notre monde qui saigne" est très intéressante et témoigne de sa profonde humanité.

lundi 24 février 2020

16 ème édition du Salon du Fromage

J'aime beaucoup étudier la carte des fromages de France. Elle me permet de réviser mes classiques et de noter de me risquer à bousculer mes habitudes. Cette fois elle me donne envie de gouter le Ty Pavez (breton), le Bargkass (vosgien), le Curé (nantais), le Bethmale (ariégeois) ou encore le A Filetta (corse). Je me promets de le faire un jour ...

Je ne les ai pas vu au Salon du Fromage et des Produits Laitiers qui a lieu en ce moment Porte de Versailles (du 23 février au 26). Il n'est programmé que tous les deux ans car venir quatre jours à Paris représente un énorme effort. Et il s'adresse uniquement aux professionnels. C'est un rendez-vous intéressant à plus d'un titre.

La première édition a eu lieu à Villepinte en 1960 et ne s’adressait alors qu’aux grossistes comme nous l'a raconté son créateur Alain Dubois (à gauche de la directrice, Céline Glineur) qui évoque avec émotion l'année 1989 car elle a dépassé le millier de visiteurs.

L’objectif a toujours été de présenter des fromages de qualité. La France en compterait 1000 à 1500 (avec seulement 350 à 400 "vrais"). Il y a peu d’innovation mais beaucoup d’améliorations précise-t-il en ajoutant qu'au plan mondial le plus vendu reste le Cheddar et qu'en Russie on l’appelle Chester. La politique du salon a toujours été d'éviter les grands groupes même si le fondateur du salon affirme ne rien avoir contre eux. On ne trouvera donc pas de stand Bel ou caprice des Dieux. Et si Lactalis est présent, c'est sous ses marques, comme Graindorge.

Ses parents BOF (vendant du Beurre, des Oeufs et du Fromage) l'ont initié tout petit à cet univers. Il se souvient avec émotion des moments passés avec son papa dans les vieilles Halles de Paris. Sa passion ne l’a pas quitté quand il est devenu ingénieur. Interrogé sur les nouvelles directives en matière d'hygiène il souligne que les fromagers ne les ont pas attendues pour passer 60 % de leur temps chaque jour dans du nettoyage. Son credo est la passion et la recherche du bien.

Cette année la manifestation rassemble 281 exposants dont 45 % d’étrangers, avec un pavillon bulgare, 46 exposants espagnols, et aussi pour la première fois un producteur grec et un estonien (dont je parlerai plus loin). Impossible d'être exhaustif. Ma visite se focalisera sur quelques-uns et j'ai plaisir à partager quelques anecdotes :
Le camembert a été inventé en 1791 par Marie Harel qui lui a donné le nom de son village. On sait tous que le camembert est "moulé à la louche". Il faut (pour obtenir un fromage de 350 grammes en fin d'égouttage) 2, 3 litres de lait cru, que l'on fera cailler. On remplira chaque moule avec 5 louches du caillé de la veille, à raison d’une louche toutes les 40 minutes. Mais rien à voir avec le modèle dont on dispose à la maison. Sa contenance d'environ 300 ml est bien supérieure et vous remarquerez que chaque mouleur dispose de son matériel, gravé à son nom sur un manche plus ou moins incliné, selon l'ergonomie souhaitée par l'utilisateur.

dimanche 23 février 2020

Les Ritals de François Cavanna, mis en scène par Mario Putzulu

Voilà encore un spectacle essentiel et il se joue lui aussi à La Scène Parisienne qui offre pour sa réouverture une programmation de grande qualité.

Une table de bois avec une toile cirée fleurie comme on en a tous connue chez nos grands-parents ... cela semble pauvre comme décor mais c'est bien l'élément essentiel symbolisant alors la vie d'un foyer.

Coté jardin, une vareuse pend à un cintre et rappelle la mémoire du père.

Coté cour, un accordéoniste (Gregory Daltin) qui fait bien davantage qu'accompagner le spectacle.

Nous sommes à Nogent-sur-Marne, chez des immigrés italiens qu'on appela d'abord les Macaronis jusqu'aux années 1935, et puis qu'on désigna ensuite par le terme, sans doute pas plus élogieux de Ritals. On était les seuls étrangers explique le petit garçon (Bruno Putzulu). J'avais beau parfaitement savoir que François Cavanna (1923-2014) avait écrit Les Ritals (publié chez Belfond en 1978) et avoir entendu l'auteur en parler j'ai été tellement happée par l'histoire de ce petit garçon parlant de lui, quand il était gosse, en jurant que c’est rien que du vrai que j'ai complètement oublié l'origine du texte.

Sachant le comédien d'origine italienne je suis allée jusqu'à croire qu'il me racontait sa propre histoire familiale. Seules les dates m'ont fait tiquer. Bruno ne pouvait pas avoir 12 ans en 1935 : ça ne collait pas. J'ai failli le rencontrer à la fin du spectacle et j'aurais fait une belle gaffe en l'interrogeant là-dessus. ou peut-être non. Il aurait sans doute pris ma naïveté pour un immense compliment. Rien n'est mieux que de croire à ce qu'on voit sur la scène, non ? Surtout pour quelqu'un comme moi qui va beaucoup au théâtre.

Revenons au sujet. François Cavanna (dont on remarquera que le prénom ne pouvait pas être plus "français") offre, dans un roman autobiographique, un vibrant hommage à son père, sans pour autant renier sa mère et sans masquer sa colère contre les coups du sort. Manman, dit-il en gonflant les joues, ... quelle bourrasque ! Et le spectateur imagine très bien chaque scène parce que la drôlerie, la tendresse et le dynamisme de l'écriture sont respectés, quasiment sublimés.

Le roman a déjà été adapté au cinéma, mais c'est la première fois qu'il est joué sur une scène de théâtre. Si l'interprétation coule de source la performance est réelle et je peux dire que le comédien "mouille la chemise" pour interpréter tous les personnages, père, mère, enfant ... copains, et même une fille de joie… et pour chanter aussi, avec la complicité du musicien qui est un vrai partenaire, pendant une heure quinze, et sans jamais sortir de scène.

Pour la première fois de sa carrière, aussi belle au cinéma qu'au théâtre, ce grand acteur de la Comédie Française assume un seul-en-scène. Il était jusqu'à quelques jours le juré numéro 8 de Douze hommes en colère au Théâtre Hébertot, celui-là même interprété interprété au cinéma par Henri Fonda, qui ne lève pas la main parce qu'il n'est convaincu ni de l'innocence ni de la culpabilité de l'accusé, et dont la conscience fait tout basculer.

Ici il passe aisément du phrasé parisien aux vocalises italiennes. Il a en commun avec Cavanna (et je crois aussi avec Grégory Daltin) d'avoir eu pareillement une mère française (normande) et un père italien (sarde) qui, lui aussi a tout fait pour s'intégrer, allant jusqu'à franciser son prénom de Giovanni, devenu Jean, y compris sur sa pierre tombale. Celui de Cavanna, Luigi (1880-1954), était devenu Louis en obtenant la naturalisation en octobre 1939 à la suite des menaces de renvoi en Italie pendant les années 1930La différence tient à ce qu'il n'a découvert le racisme subi par son père que lorsqu'il est allé travailler à l'usine où les camarades lui ont alors raconté quelques anecdotes.

Du coup (mais cela ne minore pas son mérite) il a sans doute été naturel de se glisser dans la peau de ce petit garçon à l'enfance modeste au sein d'une famille où l'on "tout fait pour ses enfants". Par contre, si François était enfant unique, Bruno avait un frère, Mario, et c'est lui qui le met en scène.

Moins médiatique que son frère, Mario Putzulu (né en 1952) partage avec Bruno (né en 1967) la passion du théâtre. Licencié en philosophie, il a exercé de nombreux métiers : manutentionnaire, ouvrier spécialisé, vendeur, régisseur… et il fut longtemps professeur des écoles. Mais Mario fut aussi comédien. De 1986 à 1988 il a suivi une formation au Théâtre des deux rives à Rouen, avec Catherine Delattres et Michel Bézu. Il a joué dans 19 pièces. Bruno dit volontiers que c'est grâce à lui qu'il est devenu comédien parce que c'est lui qui l’a fait monter sur scène la première fois. Comme il a eu raison de lui confier la mise en scène du spectacle!

Tout a commencé pour les Ritals avec la proposition faite par Rocco Femia, directeur de la revue Radici, à Bruno Putzulu et Grégory Daltin, d’intervenir à la Mutualité de Paris lors de conférences sur l’émigration italienne, en 2016, avec un extrait du texte de François Cavanna. Le public est partagé entre émotion et rires. Alors Bruno s'attelle à l'adaptation et Grégory à la musique. Une lecture mise en espace a lieu en octobre 2017 à Toulouse. Le succès se confirme et Mario est appelé pour la mise en scène.

De Cavanna, l'histoire retient la célébrité et les coups de gueule. Mais il faut savoir que n'ayant pas envie de poursuivre ses études il entra à la Poste en septembre 1939 (était-il influencé par sa mère qui aurait rêvé d'épouser un employé des Postes plutôt qu'un maçon ?) et perdra son emploi suite à des compressions de personnel. Il deviendra commis d'un marchand de fruits et légumes, puis travaillera dans plusieurs entreprises du bâtiment. Fin 1942, ironie de l'histoire, il sera recruté comme maçon par le service d'entretien d'une firme nogentaise, avant d'être requis pour le STO (début 1943).

On se souvient plus de lui comme chroniqueur, illustrateur et humoriste, souvent féroce avec ses contradicteurs. Il avait fondé Hara Kiri et Charlie (fusionnés en Charlie Hebdo), il ne faut pas oublier. Mais il était aussi capable d'une infinie tendresse et le comédien la restitue à la perfection, sans faire oublier la pauvreté, en sublimant les joies simples du quotidien. Les anecdotes pourraient faire rire mais elles ne font que sourire et l'on voudrait nous aussi serrer entre nos bras ce papa qui ne se révolte jamais.

Le spectacle commence comme le roman par l'évocation du père maçon, fabriquant de nouveaux mètres avec les bouts de mètres cassés ramassés sur les chantiers : Le dimanche matin, […], papa ouvre la fenêtre, […], et il répare des mètres. […] Avec un paquet de vieux mètres, papa en fait un neuf. Quand il est fait, il le regarde au soleil, content comme tout. Il y a juste le nombre de branches qu'il faut, cinq pour un mètre simple, dix pour un double mètre, juste le nombre, pas une branche de plus ou de moins, merde, c'est pas un con, papa. Je suis très fier de lui.

Nous quitterons la cuisine pour aller nous promener sur les bords de Marne, à Nogent, découvrir les guinguettes, les bals populaires, tout cela en marge du Front populaire et d'une crise économique.

Il s'achève de la même façon sur cette conclusion : J'étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu'en fin de compte j'ai surtout raconté papa.

Je ne sais pas si le texte a une valeur universelle. Ce que je sais c'est qu'à de nombreux moments j'ai eu le sentiment de voir le mien de papa, qui n'est pourtant pas italien, mais qui a lui aussi subi une forme de racisme, celui d'être né dans une famille de paysans que l'on traitait de culs-terreux. Dans les années cinquante le mépris touchait tous ceux qui n'avaient pas la chance de "faire des études" et qui n'étaient pas pour autant des illettrés.
Puisse ce spectacle ouvrir les yeux sur tout ce que l'humanité a de simple et de beau. Et faire comprendre qu'on peut être humble sans risquer l'humiliation.

Plusieurs moments sont d'une intensité spéciale et les larmes me sont souvent montées aux yeux. Ah ... le chômage des années 1932-33 qui exacerbe la montée d'un racisme ordinaire, par ceux qui accuseront toujours les autres de venir prendre leur travail, (leur pain) et de toucher le chômage par-dessus le marché. On aurait voulu qu'après avoir participé à l'économie et fondé une famille ils rentrent subitement sur les terres de leur famille, alors que chez nous est devenu chez eux ?

Ah ... le mythe de l'employé des Postes que sa mère aurait rêvé d'épouser. Ah ... le calme du père qui ne proteste rien et qui tait sa honte. Ah ... l'histoire de la petite pêche qui deviendra un arbre. Ah ... le parapluie. 

Et s'il nous est permis de faire un voeu, on aimerait bien que le trio se penche aussi sur la suite du récit de sa vie que Cavanna raconta dans Les Russkoffs (1979), à moins qu'il ne travaille d'abord sur la poursuite de l'enfance et sur la mère qui sont au coeur de L'Œil du lapin (1987).

Les Ritals de François Cavanna,
Mis en scène par Mario Putzulu
Avec Bruno Putzulu et Gregory Daltin (Aurélien Noël en alternance)
En tournée sur toute la France
Puis du 16 janvier 2020 au 26 avril 2020
A La Scène Parisienne
34, rue Richer, 75009 Paris
Du jeudi au samedi à 21 heures
Le dimanche à 18 heures

Programmation interrompue pour cause d'épidémie.

samedi 22 février 2020

Le monde nouveau de Charlotte Perriand à la Fondation Vuitton

Bernard Arnault a voulu faire de la fondation Louis Vuitton un lieu de découverte de la création artistique contemporaine. Il a confié la réalisation du bâtiment à l’architecte américain Frank Gehry, et l'ouverture au public a eu lieu en octobre 2014,  Je n’explique pas que je n’y sois pas encore allée mais cette exposition qui se termine le 24 février autour du monde nouveau de Charlotte Perriand (1903-1999) m’en a donné l’occasion. Et j'étais loin d'imaginer que ce serait une de mes toutes dernières sorties avant le grand confinement.

Cette grande exposition, ouverte depuis le 2 octobre dernier, est consacrée à cette femme libre, pionnière de la modernité, et qui fut l’une des personnalités phare du monde du design du XXe siècle en contribuant à définir un nouvel art de vivre.

Il était logique qu'un hommage lui soit rendu. Elle fut une architecte très créatrice et visionnaire et l'exposition aborde parfaitement les liens entre architecture et design.

Elle retrace le travail de cette femme dont l’œuvre anticipe les débats contemporains autour de la femme et de la place de la nature dans notre société. Elle offre aux visiteurs la possibilité d’entrer de plain-pied dans la modernité, grâce à des reconstitution, fidèles scientifiquement, intégrant des œuvres d’art sélectionnées auxquelles on sait que Charlotte Perriand témoignait un grand intérêt et qui incarnent donc sa vision de la synthèse des arts. Le spectateur est invité à repenser le rôle de l’art dans notre société : objet de délectation, il est aussi le fer de lance des transformations sociétales de demain.

Je ne m’attendais pas à une exposition aussi complète et mon emploi du temps ne m’a malheureusement pas permis de la visiter entièrement en y consacrant le temps nécessaire. Je regrette particulièrement de ne pas être allée jusqu’à la Maison au bord de l’eau que Charlotte a imaginée alors qu’elle avait déjà presque 90 ans. J’aurais voulu voir comment elle procure le sentiment que la plate-forme en bois flotte au-dessus des galets. J’ai loupé l’immense "parapluie" vert suspendu par 18 tiges de bambou mais je suis heureuse malgré tout d’avoir pu voir de près l’essentiel des créations que l’on doit à cette femme remarquable, ce qui m’a permis de comprendre davantage la personnalité avec qui j’avais commencé à faire connaissance à l’Institut de France à travers ses photographies il y a dix jours.

vendredi 21 février 2020

Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde

J’ai été extrêmement surprise par Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde dont beaucoup de personnes m’avaient dit le le plus grand bien mais sans me préparer à ce que j’allais voir.

De ce fait, le spectacle qui se déroulait sous mes yeux m’a déroutée parce que je n'avais pas imaginé, pas une seconde, que Laetitia Gonzalbes (autrice et metteuse en scène) avait écrit une fiction. J'aurais dû lire ce qu'on en disait avant de m'y rendre mais je voulais garantir mon impartialité.

Et ne pas me laisser influencer par le réalisme de l'affiche.

Et pourtant dieu sait combien les deux comédiens sont exceptionnels, le mapping prodigieux et d'un esthétisme rare, les chorégraphies extrêmement soignées, les ombres chinoises très suggestives, les mimes et bruitages très réussis. Je suis sûre que j'aurais adoré si j'avais été mise en garde. Je ne me serais sans doute pas agacée d'entendre la chanson J'irai revoir ma Normandie sous prétexte que l'homme est né à Honfleur. J'aurais sans doute supporté la danse de la comédienne, nue sous un voile, alors que la voir ainsi considérée comme un objet m'a prodigieusement agacée. 

Ça commence avec une partie de cache-cache alors que l’on reconnaît évidemment la musique de Gymnopédie No.1 que le musicien a tout de même composé à seulement 22 ans. Ça continuera avec un parapluie et de l'eau qui coulera et ça se terminera sous la pluie et sans parapluie. Rien d'étonnant à ce que l'artiste soit mort d'une pleurésie. Mais voilà que je déraille moi-même ...
Je ne suis pas davantage d'accord avec cette réplique, Nous sommes des loosers magnifiques. Je les trouve plutôt héroïques. Par contre Satie a raison de dire N’écoutez jamais les critiques !

Alors ne m'écoutez pas et faites-vous votre propre opinion. Soyez prêts à vous émerveiller de ce spectacle qui est une vraie prouesse. Tout cela a forcément un sens.
Prenez-le comme une fiction pleine d’humour qui vous plongera dans la vie et l’œuvre du génial compositeur Erik Satie, artiste hors norme, avant-gardiste virtuose, qui composa des musiques aujourd’hui jouées dans le monde entier, telles les célébrissimes Gymnopédies. Il fit de sa vie un véritable roman, avec humour et légèreté, et fut l’ami des grands artistes de son époque : Debussy, Cocteau, Picasso... mais je crois qu'il n'aimait guère Poulenc.

Laetitia Gonzalbes est ce qu'on appelle une artiste plurielle, comédienne dès l’âge de neuf ans, metteuse en scène à quatorze, puis danseuse. Elle a joué dans des spectacles musicaux, a été modèle pour photographes... exerçant ses talents aussi bien sur scène qu’au cinéma ou à la télévision. Après avoir notamment travaillé sur les valeurs de la République, Péguy, Anna Karénine de Léon Tolstoï, elle a écrit et mis en scène Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde en réponse à une commande du Théâtre de la Contrescarpe.

Éducateur pour enfants autistes en début de carrière, Elliot Jenicot s’est très tôt formé à la comédie, au mime et au clown. Ses talents ont été applaudis dans des seul-en-scène multirécompensés. Il a souvent joué dans des café-théâtres, festivals de rue et music-halls à travers le monde. Mais il a aussi été pensionnaire de 2011 à juillet 2019 à la Comédie Française.

Anaïs Yazit (Anna) a fait ses premiers pas artistiques dès l'âge de onze ans en dansant : claquettes, danse contemporaine, hip-hop, modern jazz... et surtout flamenco. Elle a également commencé le théâtre très jeune, avant de compléter sa formation au cours Florent, dont elle est sortie en 2016. La jeune femme est aussi une excellente chanteuse de pop funk, rock et soul, de tessiture mezzo soprano.

L'illustration est signée de Suki qui réalise sa seconde collaboration avec Laetitia Gonzalbes en animant le spectacle de ses admirables illustrations projetées.
Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde
Une pièce écrite et mise en scène par Laetitia Gonzalbes
Avec Elliot Jenicot et Anaïs Yazit
Au Théâtre de la Contrescarpe - 5, rue Blainville - 75005 Paris
Depuis le 3 octobre 2019
Du mardi au samedi 19 à heures

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Fabienne Rappeneau

mercredi 19 février 2020

Judy, le biopic sur Judy Garland, réalisé par Rupert Goold

Judy est un biopic troublant. On savait plus ou moins que la vie de Judy Garland avait été tumultueuse mais, d'une part je ne pensais pas qu'elle était décédée si jeune, d'autre part je n'imaginais pas l'ampleur de l'enfer qu'elle a traversé.

Cela étant le film est particulier puisque la plupart des scènes se déroulent au cours de l'année 1968 et font revivre la série de concerts donnés par l'actrice et chanteuse, quelques mois avant son décès...

Elle traverse alors une très mauvaise passe, tant personnelle que professionnelle, et elle a été contrainte de quitter les Etats-Unis pour Londres afin de gagner l'argent pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle fait le constat terrible : Je dois quitter mes enfants pour avoir de quoi vivre avec mes enfants.

Judy accepte donc, pour une somme d’argent conséquente, de se produire pendant cinq semaines au Talk of the Town, un cabaret très à la mode tenu par le célèbre impresario Bernard Delfont, où très vite elle jouera à guichets fermés.

On voit une femme hantée par une enfance sacrifiée dès l'âge de deux ans pour Hollywood, qui aspire à rentrer chez elle pour consacrer du temps à ses enfants et dont le retour est sans cesse contrarié. Et on est admiratif de son courage pour aller toujours de l'avant et des efforts insensés qu'elle déploie pour récupérer ses enfants. Une des conversations qu'elle a avec sa fille, et au cours de laquelle celle-ci lui exprime clairement qu’elle a davantage besoin de calme que de la voir est extrêmement émouvante. Surtout lorsque Judy lui jure que ça ira très bien.
Rupert Goold s'est inspiré de la comédie musicale "End of the Rainbow", écrite par Peter Quilter en 2005. Le scénariste Tom Edge a toutefois voulu que le scénario de Judy soit davantage complexe, authentique et précis quant à la vie de Judy Garland. A cet égard j'ai appris qu'ils ont pu bénéficier des souvenirs d'un témoin clé de ces événements, Rosalyn Wilder (interprétée par Jessie Buckley dans le film), et qui a été l’assistante de Judy pendant son séjour londonien. Il est probable que cette collaboration a été essentielle dans le choix de cette période de la vie de Judy.

De son coté l'actrice Renée Zellweger s'est entraînée au chant pendant un an avec le coach vocal Eric Vetro, puis a travaillé sa voix pendant quatre mois avec le superviseur musical Matt Dunkley. Même si l'actrice avait déjà chanté dans Chicago, sa préparation pour Judy a constitué un travail de longue haleine car (et nous ne nous en rendons pas forcément compte) elle devait aussi maîtriser l'accent, la tonalité et la gestuelle de son modèle pour être capable de jouer Judy Garland avec le maximum de réalisme.

Il est manifeste que l'actrice a aussi du se transformer physiquement, par un maquillage adapté, le port de lentilles de contact gris foncé et changer de coiffure. Le résultat est exceptionnel. Je crois que la comédienne a l’âge du rôle. Et pourtant comment s'étonner qu'elle meurt six mois plus tard ? On jurerait -tant elle est exténuée- que le personnage que l'on voit à l’écran a 20 ans de plus, tout en étant magnifique et semblant conserver le caractère d'une éternelle adolescente, fantasque et parfois capricieuse, mais toujours séductrice.
Sur ce point le pari est totalement rempli. Renée insuffle au personnage un charme fou, à la limite de la folie. On éprouve une immense empathie pour cette femme épuisée par les attentes de tous, et dont la loge débordante de fleurs offre une bien piètre consolation, pas davantage que ses prodigieuses tenues (très inspirées de sa véritable garde-robe). A de multiples reprises on la surprend comme une bête se préparant à une corrida…

Et puis à d'autres moments elle devient ultra touchante et fragile, par exemple dans la scène d'adieu avec son assistante londonienne lorsqu'elle est attablée devant une pâtisserie (pas d'au-revoir sans gâteau à Londres !) qu'on dirait être la première de toute sa vie. Here's to you ! À votre santé lui souhaite-t-on alors.
Mais les paroles de certaines chansons ont un goût amer. Ainsi By myself ... car si elle chante I’ll go my way by myself on sait qu'elle n'aura pas réussi à suivre un chemin heureux. Jamais. Même enfant elle aura eu du mal à faire respecter une heure de pause dans son contrat et à obtenir la permission de grignoter quelque chose. Les scènes de manipulation subies dans l'enfance sont atroces. J'ai été effarée du nombre de médicaments qu’on lui fait avaler comme d’autres croqueraient des bonbons.

Rien d'étonnant à ce qu'elle soit devenue toxicomane et que sa santé ait lâché. Le conseil du médecin anglais la priant de prendre mieux soin d'elle est totalement irréaliste. Elle est d'ailleurs autant dépendante de la chimie que de la scène qui l'attire comme un aimant. Elle paiera de sa vie l'immense succès du Magicien d'Oz (qui lui valut l'Oscar spécial de la "meilleure jeune actrice" en 1940) après une trentaine d'années d'applaudissements et de larmes. Une vie dont personne ne rêverait.

Renée Zellweger a reçu l'oscar de la meilleure actrice pour cette prestation, face à Cynthia Erivo (Harriet), Scarlett Johansson (Marriage Story), Saoirse Ronan (Les Filles du docteur March) et Charlize Theron (Scandale). A noter que la comédienne avait eu, en 2003, l'oscar du meilleur second rôle féminin pour Retour à Cold Mountain.

Rupert Goold réalise ici son second film pour le cinéma après le thriller True Story, qui lui aussi prend racine dans des faits réels. A noter qu'on lui doit également King Charles III, un téléfilm consacré au célèbre roi d'Angleterre.
Judy, réalisé par Rupert Goold
Avec Renée Zellweger, Jessie Buckley, Finn Wittrock
Sortie en salles le 26 février 2020

mardi 18 février 2020

Cocotte de riz au Chili de Arbol

Le Chili de Arbol est un petit mais puissant piment mexicain qui pousse sur un petit arbre, d'où son nom, signifiant piment de l'arbre. Il est également connu sous le nom de Chili à bec d'oiseau ou encore Chili à queue de rat. Mais, surtout, c'est le fameux piment d'Espelette que les Espagnols introduisirent dans la cuisine basque entre le XVI° et le XVII° siècles et que nous consommons en poudre.

Les mexicains l'emploient sec et entier, et il est probable qu'il soit plus relevé. Son indice de chaleur se situe entre 15 000 et 30 000 unités Scoville, ce qui reste malgré tout supportable pour nos palais à condition de respecter une petite précaution, que je vous explique ci-dessous.

Il fait partie des piments que j'ai ramenés il y a quelques semaines, et que j'ai directement achetés au marché de la Cruz, à Queretaro. Après l'avoir testé dans une sauce tomate maison, j'ai décidé de faire une nouvelle expérience, que je partage aujourd'hui.

Faire revenir un oignon coupé en morceaux dans une cocotte à fond épais avec un petit peu d’huile, par exemple huile d’olive. Ajoutez trois gousses d’ail.

Puis, quand l'oignon commence à dorer, trois poivrons jaunes coupés en gros morceaux et deux tomates, elles aussi grossièrement coupées. Attendre un petit moment avant de mouiller à hauteur des légumes avec de l’eau.

Versez ensuite en pluie un grand verre de riz blanc. Remuez une fois. Salez. Glissez à l’intérieur de la préparation un piment Chili de Arbol entier (en faisant attention de ne pas le percer de manière à ce qu’il conserve ses graines à l’intérieur). Il n'est pas très grand (environ 5 à 7, 5 cm de long et 0,65 à 1 cm de diamètre) et pour moi un seul piment suffit mais il faut adapter à la quantité de riz.

Vous avez peut-être lu que lorsqu'on utilise des piments séchés (ce qui est le cas ici), on peut choisir de les griller légèrement pour renforcer leur saveur ou/et de les réhydrater en les ramollissant dans l'eau chaude pendant environ 20 minutes. Je trouve ces étapes inutiles dans cette recette puisque le piment va bouillonner dans le liquide de cuisson pendant un temps comparable.

Revenons à notre cocotte. Remuez au bout de 10 minutes. Et poursuivez la cuisson 10 autres minutes.

Servez après avoir mis de côté le piment (que vous pourrez voir au centre de la photo) … À moins que vous ne vouliez enflammer votre palais. On pourra le consommer ultérieurement après avoir retiré ses graines et l’avoir par exemple écrasé dans un petit peu d’huile. C'est alors un condiment pour des pommes de terre cuites à l'eau, des pâtes ....

lundi 17 février 2020

Un divan à Tunis, un film de Manele Labidi

Un divan à Tunis est annoncé comme la chronique d’un pays en pleine mutation et j'étais impatiente de découvrir le film ce soir car il a été tourné dans une ville que je connais bien, où je suis souvent allée... bien que ce soit "avant" les évènements tragiques qui ont secoué le pays, et que la perspective de rencontrer Manele Labidi après la projection était très excitante.

Comprenez bien, en tout cas, que mon expérience a forcément influencé mon regard. Il y a tant de choses justes dans les parti-pris de la réalisatrice que je me suis sentie en terrain familier quand d'autres personnes, qui n'ont peut-être que la vision touristique de la Tunisie ont cru voir des clichés exagérés.

Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de la capitale tunisienne. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays "schizophrène". Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu'elle doit se procurer une autorisation indispensable pour continuer d'exercer…

Le film est comme on dit "clivant". Soit on adore, parce qu'on a toutes les raisons de se réjouir qu'un premier film ait autant de qualités, et soit si bien interprété. On applaudit alors joyeusement l'audace de la réalisatrice à s'affranchir des remous politiques et du poids de ce qu'il convient de "bien" penser en matière de psychanalyse.

Soit on fait grise mine, parce que précisément on manque (sans doute) d'humour et qu'on ne peut supporter que le mythe freudien (pardon !) soit un peu égratigné. On s'offusque du portrait en noir et blanc d'un homme portant une chéchia rouge vif posé à coté de la comédienne sur l'affiche.

Pour ma part j'ai souri de reconnaître Sigmund Freud que la jeune femme désigne à son entourage sous le terme de "mon patron".

J'ai aimé que pour une fois on nous parle du monde arabo-musulman autrement que sous l'angle religieux (même si on n'évite pas la croyance en Dieu) ou sous celui du terrorisme. Et quelle bonne idée de traiter sous l'angle de la comédie le changement sociétaire qui s'y déroule. Ce soir les éclats de rire fusaient de partout dans une salle où étaient venus beaucoup de spectateurs ayant des racines tunisiennes et aussi plusieurs personnes pour qui cette projection n'était pas la première. Ils avaient tant aimé le film qu'ils avaient décidé de revenir.

Et puis j'ai adoré ce sentiment (alors que l'action se situait manifestement de nos jours) de regarder une comédie italienne des années 70 dont je reconnaissais le coté décalé et l'humour si caractéristique. Impression renforcée par l'écoute de Citta' vuota, cette chanson de Mina écrite par le regretté Mort Shuman (1965). La réalisatrice manie les codes avec audace puisque plus tard ce sera une référence au western ( "spaghetti" ... ?) lorsque l'homme au cigare (et vous aurez deviné de qui il est le sosie) arrive au volant de ses chevaux vapeur et sur une musique appropriée alors que la jeune femme doit faire face à une panne de moteur, en plein désert ... mais sous un beau coucher de soleil.

dimanche 16 février 2020

Retour aux Fables de la Fontaine

Alors que le Comptoir des Fables honore une clientèle heureuse et grandissante, juste en face, le nouveau chef des Fables de la Fontaine ne chôme pas pour satisfaire la sienne, qui parfois est la leur.

Peut-on dire que les deux restaurants rivalisent? Pas tout à fait car il ne s'agit pas de la même cuisine, même s'ils ont en commun une qualité irréprochable des produits, une créativité audacieuse et néanmoins adaptée à tous les palais et un goût prononcé pour le challenge.

Tout en étant respectueux de ce qui a été inscrit à la carte avant son arrivée, Mehdi Bencheikh n'est pas en reste d'inventivité. Il ne se laisse pas impressionner par les classiques, même quand il s'agit de la Bourride du Gros Caillou dont il a modernisé la recette.

Je ne risque pas de me fâcher avec les uns ou les autres. Je suis même capable de prendre l'apéritif au Comptoir avant de traverser la rue pour m'attabler aux Fables. Car je sais que le barman excelle dans les cocktails éphémères comme ce Juliette qui me fut servi en l'honneur de la Saint-Valentin.

Et rassurez-vous, s'il a laissé la totalité de la mousse, pour satisfaire ma gourmandise et faire en sorte que la photo soit plus attrayante, il a soin de retirer tout ce qui dépasse pour celui ou celle qui ne voudrait pas avoir une jolie moustache blanche, même si, franchement, on contourne la difficulté en commençant la dégustation (en toute modération) avec une petite cuillère.

Je connaissais les Fables et j'en conservais le meilleur souvenir. J'y ai déjeuné il y a presque un an et voilà ce que j'écrivais alors. Ma conscience professionnelle devrait m'inciter à revenir plus souvent dans les mêmes endroits, histoire de vérifier si les portions sont toujours aussi belles et si la carte reste à la hauteur de la fois précédente. Je ne m'appelle pas Michelin ... et c'est regrettable mais parfois c'est avec appréhension que je reviens dans un lieu que j'ai plébiscité ... avec la crainte de ne pas être autant séduite. Les Fables ont pleinement passé le cap. Je pourrais même dire que l'arrivée d'un nouveau chef place le restaurant un cran au-dessus. Ce qui faisait sa spécificité n'a pas disparu et l'offre s'est étoffée. Que demander de plus si ce n'est de continuer ?
Me voici donc attablée aux Fables un an après en savourant pour commencer une petite gougère au Beaufort, servie tiède, et une tartelette à la crème de poireau et à l'anguille fumée. C'est un début prometteur pour ouvrir l'appétit qui ne résiste pas à la tentation d'une tartine de pain (il est merveilleux) avec un subtil beurre-maison aux graines de fenouil. Et voici un Crozes-Hermitage 2017, domaine Jaboulet à savourer avec modération avec entrées et poissons.
Chacun choisira selon son envie du moment, par exemple le Tartare de chinchard, betterave, shizo et Granny Smith, assaisonné à l'huile de persil et on peut faire confiance à Mehdi pour le découper dans les règles de l'art, apprises au Japon auprès d'un chef japonais issu d'une famille de pêcheurs. Il a passé un an, à Osaka, dans le restaurant étoilé "Unissons des coeurs" et dans le restaurant traditionnel "Utoyo".

samedi 15 février 2020

Le ciel par-dessus le toit de Natacha Appanah

En présentant l'ensemble du Prix des lecteurs d'Antony, le 30 novembre dernier, je disais de ce livre dont le titre, Le ciel par-dessus le toit, fait référence à un poème de Verlaine, qu'il dénouait les fils d’une histoire familiale un peu triste avec une écriture puissante et poétique. Je le referme en devant nuancer cette brève analyse.

"Sa mère et sa sœur savent que Loup dort en prison, même si le mot juste c’est maison d’arrêt mais qu’est-ce que ça peut faire les mots justes quand il y a des barreaux aux fenêtres, une porte en métal avec œilleton et toutes ces choses qui ne se trouvent qu’entre les murs.
Elles imaginent ce que c’est que de dormir en taule à dix-sept ans mais personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là.

Cet extrait qui est exactement celui que l'éditeur place sur la quatrième de couverture reflète assez bien mon ressenti de lectrice qui à chaque page croyait être entrée dans l'histoire et qui, au chapitre suivant, mesurait combien elle en était encore très éloignée.

Il est vrai que les phrases se posent délicatement sur le papier comme la lumière sur une forêt de givre. Je ne sais pas si c'est parce que le livre ne se déploie que sur une centaine de pages, ou parce que l'auteure a voulu juxtaposer (on ne les sent jamais former une famille) trop de personnages et surtout trop différents les uns des autres que je n'ai pas réussi à sortir la tête d'une sorte de brume. J'accepte la proposition de Natacha AppanahIl faut se tenir immobile et regarder comment la vie nous joue des tours (p. 26). Mais alors je suis incapable de formuler un avis argumenté.

Outre l'allusion poétique justifiée par l'importance que le ciel prend tout au long du roman je me suis souvenu évidemment que Verlaine en avait écrit les vers, alors qu'il était en prison, condamné à 2 ans. J'ai relu la toute fin :
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

C'est un peu la question à laquelle chacun tente de répondre dans ce roman. Paloma (la soeur de Loup) s'interroge sur le moment qu'elle appelle "heure bleue" où "se mélangent tous les sentiments du soir, petits et grands, beaux et laids, fades et puissants" (p. 30), ce ciel présent dès le début du roman, ouvert, bleu et calme, que l'auteure nous dit à la fin être si bleu, par-dessus tout ça comme un mensonge (p. 109).

Alors ... la vérité ....

Le ciel par-dessus le toit de Natacha Appanah, Gallimard, en librairie depuis le 22 août 2019
Livres précédemment chroniqués :
Joseph Ponthus, A la ligne 
Alexis Ragougneau Opus 77
Line Papin, Les os des filles
Abir Mukherjee, L’attaque du Calcutta-Darjeeling

vendredi 14 février 2020

Le Québecium

Vous y viendrez pour le cadre, pour la cuisine, et pour la bonne humeur du patron et de son équipe. Son nom, Québecium, peut se prononcer "qué-bé-siome" ou "qué-bé-kiomme" sans choquer le fondateur du lieu, Benjamin Berthiaume.

J'y ai mangé les meilleurs poireaux-vinaigrette de toute ma vie, à ceci près que ce sont des poireaux mimosa servis à peine tièdes et que la sauce n'est pas vraiment une vinaigrette même si elle contient du vinaigre et de l'huile. On a l'habitude au Québec, m'expliqua le patron, de cuisiner des recettes européennes en les twistant avec une petite touche d'épices. Il ajoute du comté 18 mois et des brisures de bacon à l'érable. Le résultat est bondieusement goûteux et je regrette que ma photo ne soit pas à la hauteur de la saveur ni de la présentation raffinée.

J'étais libre du choix du plat mais aurais-je pu commander autre chose qu'une poutine, mais il faut peut-être vous expliquer ce qui compose ce plat, apparu dans les années 50. avec juste trois éléments : des frites, de la sauce brune et du fromage en grains. La poutine est vite devenue populaire outre-atlantiqu. des concours de recettes sont régulièrement organisés. Nous autres, maudits français, nous sommes moqué longtemps de cette association, peut-être parce que nous avons un énorme choix de fromages alors qu'outre-atlantique il y a surtout du cheddar, en particulier celui de la fromagerie Saint-Guillaume et jusqu'à preuve du contraire le Québecium est le seul restaurant de tout Paris à importer ce fromage (et donc à préparer une authentique poutine).

Au fil du temps des québécois célèbres nous ont convaincu d'apprécier ce plat. Je me souviens de Linda Lemay en parler dans une de ses chansons avec beaucoup d'humour mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en goûter.

Plusieurs explications circulent quant à l'origine du nom. J'aime bien celle de Benjamin qui m'a expliqué que ne sachant que faire des raclures de cheddar quelqu'un aurait dit en désignant un bol de frites : ben put it in (mets les dedans !). Il n'y avait plus qu'à arroser de sauce et servir.
Benjamin Berthiaume tenait absolument à l'inscrire à la carte aussi bien en version classique (et en portion simple ou double selon votre appétit) que revisitée. Il m'a proposé la variante Surf N' Turf. Très surprenante puisque les trois ingrédients de base, sont surmontés d'un émincé de calamars associé à des morceaux de poitrine de porc braisée. L'ensemble est relevé d'un kimchi de chou et saupoudré de coriandre haché. L'association terre-mer, plutôt commune à Montréal, fonctionne et je me suis régalée en allant chercher les frites au fond du récipient. A noter que comme il est de tradition au Québec, les pommes de terre ne sont pas épluchées. Les vitamines sont dans la peau et comme le légume est bio il n'y a rien à craindre.

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