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lundi 24 février 2020

16 ème édition du Salon du Fromage

J'aime beaucoup étudier la carte des fromages de France. Elle me permet de réviser mes classiques et de noter de me risquer à bousculer mes habitudes. Cette fois elle me donne envie de gouter le Ty Pavez (breton), le Bargkass (vosgien), le Curé (nantais), le Bethmale (ariégeois) ou encore le A Filetta (corse). Je me promets de le faire un jour ...

Je ne les ai pas vu au Salon du Fromage et des Produits Laitiers qui a lieu en ce moment Porte de Versailles (du 23 février au 26). Il n'est programmé que tous les deux ans car venir quatre jours à Paris représente un énorme effort. Et il s'adresse uniquement aux professionnels. C'est un rendez-vous intéressant à plus d'un titre.

La première édition a eu lieu à Villepinte en 1960 et ne s’adressait alors qu’aux grossistes comme nous l'a raconté son créateur Alain Dubois (à gauche de la directrice, Céline Glineur) qui évoque avec émotion l'année 1989 car elle a dépassé le millier de visiteurs.

L’objectif a toujours été de présenter des fromages de qualité. La France en compterait 1000 à 1500 (avec seulement 350 à 400 "vrais"). Il y a peu d’innovation mais beaucoup d’améliorations précise-t-il en ajoutant qu'au plan mondial le plus vendu reste le Cheddar et qu'en Russie on l’appelle Chester. La politique du salon a toujours été d'éviter les grands groupes même si le fondateur du salon affirme ne rien avoir contre eux. On ne trouvera donc pas de stand Bel ou caprice des Dieux. Et si Lactalis est présent, c'est sous ses marques, comme Graindorge.

Ses parents BOF (vendant du Beurre, des Oeufs et du Fromage) l'ont initié tout petit à cet univers. Il se souvient avec émotion des moments passés avec son papa dans les vieilles Halles de Paris. Sa passion ne l’a pas quitté quand il est devenu ingénieur. Interrogé sur les nouvelles directives en matière d'hygiène il souligne que les fromagers ne les ont pas attendues pour passer 60 % de leur temps chaque jour dans du nettoyage. Son credo est la passion et la recherche du bien.

Cette année la manifestation rassemble 281 exposants dont 45 % d’étrangers, avec un pavillon bulgare, 46 exposants espagnols, et aussi pour la première fois un producteur grec et un estonien (dont je parlerai plus loin). Impossible d'être exhaustif. Ma visite se focalisera sur quelques-uns et j'ai plaisir à partager quelques anecdotes :
Le camembert a été inventé en 1791 par Marie Harel qui lui a donné le nom de son village. On sait tous que le camembert est "moulé à la louche". Il faut (pour obtenir un fromage de 350 grammes en fin d'égouttage) 2, 3 litres de lait cru, que l'on fera cailler. On remplira chaque moule avec 5 louches du caillé de la veille, à raison d’une louche toutes les 40 minutes. Mais rien à voir avec le modèle dont on dispose à la maison. Sa contenance d'environ 300 ml est bien supérieure et vous remarquerez que chaque mouleur dispose de son matériel, gravé à son nom sur un manche plus ou moins incliné, selon l'ergonomie souhaitée par l'utilisateur.

La Fromagerie Réaux a été fondée par Théodore en 1920 dans la Manche. L'entreprise a été cédée en 2016 aux Maitres laitiers du Cotentin, rassemblant 85 salariés et 41 producteurs de lait. Elle est dirigée aujourd'hui par David Aubrée. La marque a pris le nom de Réo pour la GMS. La gamme Le Gaslonde concerne 100 % vaches normandes et l'affinage est réalisé selon les souhaits du client. J'ai appris qu'on l’aime crayeux dans le nord de la France, quatre-quarts pour Paris (avec quatre semaines supplémentaires d’affinage à 8° de manière à obtenir une texture souple et des notes aromatiques supplémentaires). Vous pouvez vous rendre dans l’entreprise, comme les 10 000 personnes qui en franchissent les portes chaque année. La visite guidée dure une heure et pour trois euros la dégustation est incluse.
Un second métier y est exercé, celui de beurrier en toute logique puisqu'il ne faut que 30 grammes de matières grasses pour faire le fromage alors qu'un litre de lait de vache normande en contient 44 à 45 grammes. L'équipe maitrise la fermentation et accepte la lenteur. La crème est maturée, puis barattée et enfin conditionné. On utilise encore des moules en bois. Mais une certaine diversification s'est orientée vers cinq recettes de beurres aromatisés. J'ai adoré le beurre huile olive citronnée.
Et bien entendu on produit aussi de la crème et du fromage blanc.

Il aurait été impensable de ne pas rencontrer des espagnols puisque leur pays est à l'honneur cette année (après le Royaume-Uni en 2018). Si l'Espagne est souvent associée à la paella, aux churros, à la sangria ou encore aux tortillas, elle possède une longue tradition fromagère comptant quelque 150 variétés de fromages et beaucoup proviennent encore de laiteries artisanales. C'est le 8ème producteur européen avec 32 AOP ou IGP.

Les Espagnols aiment commander dans les bars des tablas de quesos (planches de fromages) qu'ils dégustent avec du vin. Mais il peut aussi constituer un dessert et être alors accompagné de miel ou de confiture de coing. Chaque habitant consomme environ 8 kilos par an (26 kilos pour un français).

J'ai découvert les fromages et les tortas de la Serena (Extrêmadure) qui sont d'une douceur inattendue et exceptionnelle. Elles sont faites à base de lait cru de brebis mérinos et caillé végétale selon un processus d'élaboration complètement artisanal et ancestralement traditionnel. Le lait cru est caillé à basse température avec des pistils de fleurs de chardon qui agit comme présure végétale. Un temps de maturation d’un minimum de 60 jours fait disparaître le lactose et assure l'onctuosité, avec une touche finale d'amertume très agréable.







Rejoignons Maritsa qui produit dans une petite entreprise au Nord de la Grèce, des kéfirs à la consistance lisse et crémeuse, faits de laits traditionnels avec du lait de vache ou encore des kéfirs de brebis ou de chèvre (intéressants pour les intolérants au lactose), et enfin des kéfirs d’eau, bien entendu vegans, et qui offrent une alternative aux sodas. Tous sont riches en probiotiques, équilibrent notre flore intestinale et renforcent les défenses immunitaires. Les bienfaits de la fermentations ne sont plus à démontrer. J'ai appris qu'un peu de kéfir donnera du volume aux omelettes. Cette boisson est de la même famille que le lassi. 

L'entreprise fait aussi des légumes lactofermentés (ce qui évite la  pasteurisation) comme ces petits mini-poivrons délicieux à la fêta grecque que j'ai associés à des tomates cerise, de la roquette et du pain trempé dans une vinaigrette. Vous pouvez en faire vous-mêmes en suivant cette recette.
Maritsa propose aussi des dolmas, des concombres croquants, et des piments à la fêta. L’entreprise porte le nom d'un fleuve qui coule à la frontière de la Grèce et de la Turquie, et qui fut célébré en chanson par Sylvie Vartan.
Quatrième arrêt devant le seul exposant américain, Jasper Hill farm Vermont, qui a réussi à minimiser les procédés pour optimiser les saveurs dans le respect de la biodiversité. Les éleveurs se focalisent sur l'alimentation végétale animale en ayant recours à des cultures microbiologiques, qu'ils cultivent eux-mêmes pour ne pas devoir les acheter. Ils ont commencé il y a 16 ans avec le Cheddar, puis ils ont diversifié. Ils fabriquent et affinent selon la même technologie que le Mont d'Or entouré d'épicéa.

J'ai goûté et apprécié l'Harbison version pasteurisée, le Winnimere au lait cru et le Bayley Hazen Blue (qui présente le côté sucré du Stillton).
Cinquième arrêt chez Gratiot, la Durance Hautes-Alpes (Briançon Gap) qui collationne 2 millions de litres de lait auprès de14 producteurs. Tout est transformé à partir du lait cru. Les animaux sont nourris au foin ou à l’herbe non fermentée. La raclette est nature ou déclinée ail–poivre–truffe-Génépi–viande des Grisons. L'entreprise travaille à un cahier des charges AOP pour un bleu du Queyras (à peu près un format de 2,5 kg comme le bleu d’Auvergne, mais avec une texture proche du gorgonzola)
J'ai décidé d’aller voir l’Estonien Andre Cheese Farm pour me faire ma propre opinion. Il avait commencé il y a 18 ans avec 20 vaches et le troupeau est monté jusqu'à 180 laitières. A la suite de la grave crise du lait dans son pays, il y a cinq ans, on lui dit de le jeter et de changer de métier. Il n'a pas écouté le "conseil" et est parti aux Pays-Bas se former et apprendre à faire un fromage de type Gouda, qu'ils affinent de diverses manières. Le ratio est de 10 kilos de lait pour 1 de fromage. Ils sont les premiers à être internationalement reconnus et ont remporté plusieurs récompenses.
La croute du fromage de couleur verte est composée d'une cinquantaine de couches selon un secret de fabrication. Il n’est vendu que dans son pays et à Singapour. Je le ferai gouter à différents niveaux de maturité à un MOF et plusieurs spécialistes qui l'ont apprécié autant que moi.

Je l'ai testé de diverses manières, aussi bien cru que fondu ou ajouté à des préparations et je n'ai jamais été déçue.
J'apprécie les gros cristaux de présure du André Grand Old, son arôme de caramel crémeux et son aspect friable. il fait merveille avec des pointes d'asperges et une vinaigrette relevée.
Ici c'est le André Musc (affiné trois mois) que j'ai fait fondre sur des pommes de terre violettes en m'appuyant sur ses notes de fumée et de muscade.
Cette fois c'est le Andre Old Prima (affiné 12 mois) que j'ai tranché en fines lamelles et son arrière-goût de caramel crémeux aux noix. le goût et la texture rappellent le parmesan avec des cristaux croquants. Plus tard j'envisagerai une association avec le Andre Excellent (affiné 18 mois) en accord avec son goût d'alcool et sa longue finale crémeuse.
Plus tard Marie de Metz Noblat me présentera (ci-dessus) le meilleur producteur de Brie selon elle.
Voici un plateau des meilleurs fromages britanniques disposés autour du fromage gallois, Black Bomber : Red Storm, Red Devil, Beechwood, Green Thunder, Ruby Mist et Amber Mist, tous de Snowdonia Cheese Company.
J'ai aussi dégusté les diverses pâtes de coing d'Emily avec une nette préférence pour celle aux oranges et celle aux noix.
Quant aux nectars de la bourguignonne Emmanuelle Balland, ils sont tous délicieux et révèlent les fruits. J'aurais aussi pu parler de la Chambre aux confitures de Hédène.

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