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jeudi 20 mars 2025

Picasso et Le Douanier Rousseau à l'Atelier des Lumières

C'est toujours un enchantement de passer une heure ou deux à L'Atelier des Lumières où deux expositions immersives nous sont proposés depuis le 14 février, un long autour de Picasso, un court autour du Douanier Rousseau.

Le programme long, Picasso, L’art en mouvement met en lumière la richesse et la diversité de son oeuvre. Peintre, sculpteur, graveur, céramiste ou encore décorateur de théâtre, ses nombreux procédés créatifs et son insatiable soif de créer, tissent un parcours qui réunit images d’œuvres, photos et vidéos, pour expérimenter l’énergie débordante d’un artiste qui n’a cessé́ de réinventer son art.

En complément, le programme court, Le Douanier Rousseau, Au pays des rêves plonge les visiteurs dans l’univers onirique et singulier du peintre autodidacte. Le visiteur enchaine donc deux univers très différents dans lesquels il est fascinant de se plonger.

Je rappelle que Culturespaces a créé ex-nihilo ce centre d’art numérique dans une fonderie du XIXe siècle entièrement restaurée. Utilisant des techniques de projection à la pointe de l’innovation, les expositions sont projetées sur le sol et les parois de plus de 10 mètres de haut de la Halle de l’Atelier. Son architecture industrielle est soulignée par la structure métallique originelle et par la présence d’éléments caractéristiques de l’ancienne fonderie : une haute cheminée de brique, un bassin, une citerne, une réserve. J'en avais déjà présenté trois expositions ici.

Le souci, avec Picasso (1881-1973), c'est que la plus merveilleuse des expositions organisée dans un musée est toujours incomplète tant il a réalisé d'oeuvres et tant elles sont parties aux quatre coins du monde.

Je l'ai souvent regretté même si j'ai eu l'occasion de voir de multiples expositions (et/ou spectacles) qui lui soient consacrées.

Ici, on s'affranchit des frontières et j'ai pu voir des toiles que je n'avais jamais vues auparavant. Les plus connues ne sont évidemment pas oubliées. Les sculptures aussi. Par contre, que de fois ai-je eu envie d'appuyer sur "pause" pour prendre le temps d'admirer un peu plus longtemps …

On sait tous que l'artiste a connu plusieurs périodes, caractérisées par une couleur dominante. De grands portraits gris, roses, rouges, se succèdent et nous conduisent sur une scène d’opéra.

Comme toujours, la bande-son est particulièrement soignée. Sans elle, l’immersion n’aurait pas de saveur. Je signale qu’on peut l’écouter via Stotify pour réentendre les notes délicates d’un xylophone annonçant la trompette d’Eric Truffaz nous enveloppant de la musique de La Strada. Changement de rythme avec la chanson de Cream, I Feel Free. Voici, ci-dessous, Paul en Arlequin (1924).
Plus encore avec le Prélude que Georges Bizet a écrit pour la suite n°1 de Carmen qui installe une note de tragédie.
La vélocité du piano de la Suite espagnole numéro 1 Opus 47 d’Asturias surgit, reconnaissable entre mille, suivie de la musique originale du film La la Land de Planétarium de Justin Hurwitz. Chaque air donne envie de danser, même si les rythmes sont différents.

Masquera de Ballet suite numéro 1 de Waltz dirigé par Aram Khachaturian accompagne les tableaux qui explosent de rouge comme une évidence. Quelle beauté que le rideau monumental peint par Picasso pour le ballet "Parade", Rome, 1917 qui se reflète dans l'eau du basin.
L’abeille de Guem annonce une rupture. Les demoiselles d'Avignon apparaissent. Zaka Percussion est le morceau idéal pour évoquer le continent africain et la période cubiste qui se démultiplie à l'infini sur les miroirs de l'ancienne réserve.
Je me déplace dans la rotonde alors que des feuilles de papier tombent du ciel pour recouvrir le sol, évoquant le travail du maitre avec des morceaux de papiers peints (Femmes à leur toilette, 1937-1938) et surtout les collages de toile cirée  et de corde qu'il a réalisés pour obtenir Nature morte à la chaise cannée (1912) premier collage de l'histoire de l'art moderne. Picasso a souvent mêlé des objets réels à sa peinture.
Il y a beaucoup de monde. J'apprécie de remarquer des tableaux que je n'ai jamais vus. Et tout autant de revoir ces femmes courant dans les vagues sous les cris des mouettes alors que la marée lèche le sol. 

On retrouve le si joli portrait figuratif d'Olga dans son fauteuil. Puis Claude dessinant Françoise et Paloma, (peint à Vallauris, 1954) représentant les deux enfants qu'il a eu avec Françoise Gilot.
Mousquetaire à la pipe (1968)
Femme assise dans un fauteuil rouge

Voici un passage très intéressant démontrant les influences de Velasquez (Les Ménines), d’Edouard Manet, de Delacroix ou Lucas Cranach le jeune qui inspire Portrait de jeune fille d'après Cranach le jeune. II (1958) par d’habiles juxtapositions. 
Quelques nuages et voici les sculptures sur le standard de jazz le plus diffusé dans le monde, Take five, une composition du saxophoniste Paul Desmond écrite en 1959 pour l'album Time Out du quartet de Dave Brubeck à l'origine créé pour quartet piano-saxophone-contrebasse-batterie. Ce morceau ultra célèbre est toujours magique quand arrive le saxophone. Il n'est pas étonnant que Woody Allen l'ait repris pour Meurtre mystérieux à Manhattan. Ça tourne !

Le titre vient d'un jeu de mots sur l'expression anglaise "take five", qui peut signifier "pause de cinq minutes". Le chiffre 5 indique le nombre de temps par mesure, soit 5, et le chiffre 4 indique l'unité de mesure du temps, soit la noire, rarissime dans le jazz des années 1950, et dans la musique en général.
A gauche Pablo Picasso, photographié par Boris Lipnitzki, dans son atelier de Vallauris (Alpes-Maritimes). A droite la chouette, céramique (1953), précédant toute une série d'assiettes.
Pointillisme et jazz sur la voix éraillée et profonde de Céleste chantant Strange. C'est la valse des portraits de femmes. Pluie de morceaux de papier. Dora Maar se démultiplie .
Portrait de femme dans une chaise verte
Deux portraits de Dora Maar de 1937. Celui de gauche est intitulé La femme qui pleure.
A gauche Femme au Mouchoir
Depuis l’étage le minautore s’agite en noir et blanc. Des corps en souffrance font face à des fusils braqués. 

Retour de la couleur, peut-être parce qu’elle est signé d’espoir. Lever de soleil aux rayons bleus. 

Un tableau ne vit que par celui qui le regarde, disait Picasso qui ajoutait Rien n'est plus difficile qu'un trait. Et voici des dizaines de photos et d'autoportraits qui apparaissent par dizaines, bientôt réduits à la taille d’un timbre-poste  …
… jusqu'à recomposer le visage de l'artiste suivi de sa légendaire signature. 
Cantaloupe Island de Herbie Handcock est un choix musical parfait pour clôturer la session.
Douanier Rousseau au pays des rêves va donner l'occasion de voir s'animer des oeuvres d'un artiste sans doute moins connu, quoique majeur comme La Jungle, une œuvre captivante où les yeux des tigres percent les feuillages. Ou, plus tard, Les Joyeux Farceurs, une œuvre pleine de vie et de couleurs. L'artiste est surtout exposé au Musée d'Orsay, moins à Laval, pourtant sa terre natale dont le musée municipal porte son nom.
Je me suis, cette fois, installée depuis la galerie qui, certes présente l'inconvénient d'être dérangé par la structure métallique mais qui offre une large vue d'ensemble.
On commence dans une atmosphère bleue, rose orangée sur Dream, une musique de piano propice au rêve de The Pied Pipers.
On apprend (ou on nous rappelle) que le peintre est autodidacte, pionnier de l’art naïf. L’image s’ouvre en deux comme les portes d’une serre sur l’air de Daydream de Gunter Kallmann Choir, qui sera repris plus tard par Claude François. Cette chanson du groupe de rock belge Wallace Collection, sortie en 1969, a été composée en s'inspirant en grande partie de compositions classiques du musicien russe Piotr Ilitch Tchaïkovski. Il y est question de fleurs et c'est naturellement que l'espace en est envahi.

L’aquarium du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, inévitable mais toujours efficace accompagne des personnages sur une cariole tirée par des chevaux puis Les joueurs de football (1908) puis ceux de La Carmagnole. Les couleurs inondent les visages. Les plans sont joyeux. C’est la fête sur la terre comme dans le ciel.
Les tableaux sont percés de branches et de feuillages qui se développent à toute vitesse. On reconnait la fameuse mariée de La noce (1905) et quelques portraits : A gauche Henri Julien Félix Rousseau (1905), à droite Flumence Biche (1891)
Des fleurs par dizaines et plus encore. Par toutes les saisons et tous les temps.
Le navire ballotté par la tempête, vers 1899. Une fildeferiste. Tous deux en quête d’équilibre. 
La Bohémienne endormie (1897) se repose sans craindre une lionne sous la lune dans un campement berbère. Des palmiers. Des oiseaux crient. Des enfants chahutent. Des singes piaillent. La jungle noire s'étend. La charmeuse de serpent ondule au son des percussions d'Inhabited Isle d’Eric Darken.

Une pluie de fruits exotiques chute des arbres sous un soleil rouge. Une femme en robe rouge sous une ombrelle insolite.
En se retournant, je peux me plonger dans Le Rêve (1910) sans avoir à me déplacer jusqu'au Museum of Modern Art de New York. Des animaux inquiétants nous cernent. 
Retour au paradis. La pomme est tendue au serpent. Luminary de Joël Sunny le violon toujours efficace pour faire monter les émotions. Le visage du maître apparait côté escalier. Et comme pour le film précédent, sa signature.
Picasso, l'Art en mouvement et Le Douanier Rousseau au pays des rêves 
Du 14 février au 29 juin 2025
A L’Atelier des Lumières
De 10 à 17 heures (samedi 21 heures)
38 rue Saint-Maur 75011 Paris

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