
Ce texte ne nous est pas inconnu. La traduction de Jean-Claude Carrière, mise en scène par Peter Brook au Cloitre des Carmes au Festival d'Avignon en 1979 fut un immense succès. C'est là que le jeune Petr le découvrit en compagnie de son père. Il n'y a donc pas à s'étonner que l'artiste tchèque ait recours à la trame du texte français pour raconter une histoire perse, somme toute universelle puisqu'il s'agit de la quête de l'homme pour mieux se comprendre et pour mieux vivre. Mais il a remanié la traduction de Carrière avec le scénariste Ivan Arsenjev.
Le propos est très sérieux mais il devient abordable si on le traite de manière plus légère, en mettant en scène des oiseaux, ce qui était déjà le cas dans ce mythique conte persan écrit en 1177.
Quelques spectateurs ont repéré les ailes d'un grand oiseau noir au-dessus de leurs têtes alors que nous entrions sous le chapiteau, dirigés par des des Persans, vêtus comme au XIIe siècle, un peu menaçants, et veillant au respect des consignes sans dire un mot.
Les lampes éclairent un palais des mille et une nuits bordé de panneaux glissants en moucharabiehs. Une fois tout le monde casé sur les gradins, les tapis sont roulés. Un homme traverse la scène depuis Cour tenant une cage avec deux oiseaux. Une musique orientale se fraie un chemin à nos oreilles. La traversée de cet homme à la vertu d’un rideau de scène qu’on tirerait. On est aussi dans une atmosphère conte traditionnel. Le ciel est un assemblage de fins cachemires dans des tons de automnals. Au sol un labyrinthe est tracé semblable à celui que j’ai vu au Mexique à Tepoztlán (photographie ci-dessus, prise en 2020).
Face à nous, en hauteur, une sorte de mage nous raconte trois histoires brèves, trois histoires de tête coupée. Dont celle d’un roi qui avait offert une robe magnifique à une de ses esclaves. La fin tragique de la jeune esclave interroge sur la mission des rois. Les oiseaux auraient ils pu rendre le monde meilleur ?
Les personnages se dépouillent presque à vue derrière des vitres qui reflètent les masques d'oiseaux qui nous ont été remis avec nos billets. Les miroirs sont positionnés de telle manière que les circassiens nous apparaissent trois fois plus nombreux une fois qu'ils ont revêtu leur costume de plumes. Une vraie nuée de volatiles.
Les tissus du ciel sont relevés. Les oiseaux -pieds nus- vont jouer avec nous si nous le voulons bien. La piste devient une jungle.
La pièce raconte l'histoire d'un groupe d'oiseaux pèlerins désireux de restaurer la paix, partant sous la conduite d'une huppe fasciée, à la recherche du Simurgh, ce roi bienveillant qui saura gouverner avec justice, en prenant soin des plus faibles et en offrant à chacun sa part de bonheur. Mais le voyage sera ponctué d'hésitations et d'incertitudes.
J'ai reconnu le paon, le rossignol (queue orange sur corps gris), la chouette, la blanche colombe, le moineau, la pie, le perroquet, l'épervier et la huppe fasciès (en chef de troupe), plus deux chauve-souris, et un corbeau noir de jais.
Le mage reproche aux volatiles de se battre pour quelques graines. Ils savent qu’ils doivent trouver un nouveau roi. S’adressant au public il lui propose : Viens et vole avec nous. Laisse ta vie derrière toi. La guitare électrique monte alors au-delà de la canopée luxuriante. Le spectacle devient saisissant, presque immersif en trois dimensions comme dans l'Atelier des lumières grâce à des projections d'images sur le rideau de fils. Le public qui a assisté aux premières représentations du festival d'Avignon dans la carrière Boulbon s'imagine propulsé des années en arrière.
Ce spectacle offre de très beaux moments de danse et il faut saluer la performance physique des acteurs. On jurerait qu'ils affrontent réellement pluie et orages, qu'ils survolent un volcan. On s'étonne à peine de les découvrir les ailes empêtrées dans les mailles d'un filet, cueillis par deux mains géantes que domine un visage au regard inquiétant. Allons nous mourir ?
Non, leur répond la voix. Pour trouver Simurgh, vous devez trouver les sept vallées, ce qu’aucun n’a réussi jusque là. Chacune renferme un secret à découvrir, qui sont autant d'étapes par lesquelles les soufis doivent passer pour atteindre la vraie nature de Dieu : Talab (recherche, demande) ; Ishq (amour) ; Ma'refat (connaissance) ; Isteghnâ (détachement - se suffire à soi-même) ; Tawhid (unicité de Dieu) ; Hayrat (stupéfaction) ; Faqr et Fana (pauvreté et extinction de l'ego).
C'est spectaculaire, majestueux, saisissant. La grande force du spectacle se déploie dans la performance des circassiens qui évolue dans un mimétisme stupéfiant avec les volatiles.
Tous les sentiments semblent convoqués et il y a alors dans la contemplation de ce qui nous est donné à voir quelque chose de l’ordre de la méditation et de l'abandon.
Au cours de leur périple ils vont perdre l'essentiel de leurs plumes. Ils devront tourner en rond et peut-être revenir en arrière., toujours accompagnés de la voix. Pour à la toute fin se rendre compte que le roi Simurgh était en eux.
À l'instar d'autres récits orientaux, le récit est émaillé de contes, d'anecdotes, de paroles de saints et de fous qui les accompagnent. Un à un, chaque oiseau (qui symbolise un comportement ou une faute) a abandonné le voyage, chacun offrant une excuse à son incapacité.
Ils se dépouillent alors de leur tenue noire. Le public a droit a encore une (dernière) histoire, cette fois de papillons qui se brûlent les ailes, avant d'être abandonné sur une conclusion lapidaire : il a appris ce qu’il voulait savoir et il est le seul à le comprendre. Et c’est tout.
Ne subsiste qu'un triangle jaune au lointain, métaphore du soleil, et nous découvrons aux saluts les six hommes et femmes et les quatre techniciens de la troupe, surpris par le nombre de rappels de spectateurs enthousiastes.
La Conférence des oiseaux d’après le poème éponyme de Farîd al-Dîn Attâr
Mise en scène Petr Forman
Avec François Brice, Manuel Ronda, Rob Hayden, Marek Zelinka, Milan Herich, Maureen Bator, Daniel Raček, Petr Forman, Veronika Švábová, Tereza Krejčová, Miroslav Kochánek, Zuzana Sýkorová, Petr Horký, Ivan Arsenjev, Petr Vinecký, Philippe Leforestier, David Pražák
Voix Denis Lavant, François Brice, Laya Khanjani
Scénario Ivan Arsenjev, Petr Forman, Jean-Claude Carrière
Création plastique Josef Lepša
Musique Simone Thierrée
Productrices exécutives Pavla Kormošová, Anna Chlíbcová
Conseiller littéraire au sujet d’Attar Nora Sequardtová
Conception et réalisation des costumes et masques Josef Lepša, Lenka Polášková, Michaela Mayrová, Vjačeslav Zubkov
Conception, réalisation et peinture des décors Jaromír Vlček, Zdeněk Palme, Míra Polák, Radim Kollega, Vjačeslav Zubkov, Lenka Polášková, Michaela Mayrová, Jana Novotná, Kateřina Soukupová, Tereza Komárková
Conception 3D Oldřich Jindřich
Concept projections Panasonic Connect Europe – Ben Mitchell & Zdeněk Krýsl, Adam Špinka
Concept lumières Petr Forman, Josef Lepša, Petr Baštýř
Concept son Philippe Leforestier, Michal Holubec
Mise en scène Petr Forman
Avec François Brice, Manuel Ronda, Rob Hayden, Marek Zelinka, Milan Herich, Maureen Bator, Daniel Raček, Petr Forman, Veronika Švábová, Tereza Krejčová, Miroslav Kochánek, Zuzana Sýkorová, Petr Horký, Ivan Arsenjev, Petr Vinecký, Philippe Leforestier, David Pražák
Voix Denis Lavant, François Brice, Laya Khanjani
Scénario Ivan Arsenjev, Petr Forman, Jean-Claude Carrière
Création plastique Josef Lepša
Musique Simone Thierrée
Productrices exécutives Pavla Kormošová, Anna Chlíbcová
Conseiller littéraire au sujet d’Attar Nora Sequardtová
Conception et réalisation des costumes et masques Josef Lepša, Lenka Polášková, Michaela Mayrová, Vjačeslav Zubkov
Conception, réalisation et peinture des décors Jaromír Vlček, Zdeněk Palme, Míra Polák, Radim Kollega, Vjačeslav Zubkov, Lenka Polášková, Michaela Mayrová, Jana Novotná, Kateřina Soukupová, Tereza Komárková
Conception 3D Oldřich Jindřich
Concept projections Panasonic Connect Europe – Ben Mitchell & Zdeněk Krýsl, Adam Špinka
Concept lumières Petr Forman, Josef Lepša, Petr Baštýř
Concept son Philippe Leforestier, Michal Holubec
Une programmation Les Gémeaux hors les murs, en partenariat avec L’Azimut – Pôle national Cirque dans le cadre du Festival Marto du 22 au 26 mars 2025
Théâtre de Caen, dans le cadre du festival SPRING du 8 au 16 avril
Maison de la Culture de Bourges, Scène nationale du 28 avril au 3 mai
Le Cratère, Scène nationale d’Alès du 15 au 21 mai
Maison de la Culture de Bourges, Scène nationale du 28 avril au 3 mai
Le Cratère, Scène nationale d’Alès du 15 au 21 mai
Ancienne Gare, Saint-Gengoux-le-National, dans le cadre d’une coréalisation entre L’Arc, Scène nationale Le Creusot, L’Espace des arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône et Le Théâtre, Scène nationale de Mâcon du 23 au 29 juin
À partir de 8 ans
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de © Irena Vodáková
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire