
Rien de grandement étonnant puisque c'est LM Formentin qui a écrit les deux adaptations et Jacques Connort qui en signe les deux mises en scène.
Chaque représentation est complète mais il faut tenter sa chance. En général on parvient toujours à se caser sur les banquettes.
Oblomov est affalé sur son lit, un pied dans une cuvette, une serviette sur sa bouche alors que son majordome l'entreprend à propos sans doute de sujets importants mais dont on n'entend pas la teneur et qui peinent à retenir l'attention du jeune homme.
Il ne cessera de repousser les propositions et Zakhar a bien de la patience, admettant que Monsieur est comme il est et approuvant de voir la chose plus tard. Autant dire jamais.
On assiste à l'évolution de deux phénomènes bien connus en psychologie. D'une part le syndrome de Stockholm qui emprisonne le vieux domestique, ne pouvant qu'aller dans le sens qui lui est tracé, acceptant de reconnaitre que nous avons eu une bonne journée. Il a fait beau et de renoncer à le convaincre d'agir. Dors bien, fais de très beaux rêves lui souhaite-t-il et nous voyons dans cette soumission le possible espoir que demain sera un autre jour.
D'autre part la procrastination manifeste du jeune homme aimanté à son lit, écrasé par la vanité d'un monde dans lequel il se refuse à jouer : à quoi bon se lever, se laver, s’habiller ? A quoi bon travailler, aimer ? Son incapacité à agir rappelle la volonté de Bartleby de Melville de "ne pas".
Zakhar tente de le sortir de sa léthargie et de l'aider à prendre des décisions, avec toute la déférence qu'impose sa position sociale mais capitule, presque admiratif de sa différence qui pour lui a la pureté d’un enfant qui refuse le monde.
On se demande au fil de la soirée lequel est le plus mythomane des deux, ce qui est savoureux pour nous, spectateurs impuissants du naufrage.
Oblomov est un aristocrate russe dont la richesse se réduit à peau de chagrin. Derrière le vernis des apparences on le voit à sa robe de chambre élimée et au bas de pantalon discrètement étrange du serviteur.

La pièce a connu un beau succès au festival d’Avignon, l’été dernier, au Théâtre des vents. La jeunesse d'aujourd'hui, en plein malaise existentiel qu'on dit, depuis la pandémie et avec la montée des crises politiques mondiales que viennent aggraver les risques climatiques et écologiques, rongée d'appréhensions face à l'avenir, ne peut que se reconnaitre dans les doutes de ce anti-héros et tenter de trouver des réponses à son état d'esprit.
Le duo maitre-valet est superbement servi par deux acteurs qui jouent en connivence, faisant ressortir ce que le texte contient de rage et d'humour. Oblomov (1859) est 'oeuvre la plus connue de l'auteur russe Ivan Gontcharov (1812-1891). C'est un roman et l'adaptation de LM Formentin est très réussie. Il en a saisi l'essentiel en ne retenant que les deux personnages principaux.
La pièce offre ainsi l'opportunité d’interroger des thèmes qui touchent les jeunes comme les moins jeunes : la quête de sens, le refus du conformisme, la pression sociale, le besoin de ralentir dans une époque effrénée.
De multiples questions sont posées nous invitant à réfléchir. Faut-il voir dans la paresse d'Oblomov une simple procrastination ou un acte de résistance ? Peut-on vivre dans le repli sur soi ? Est-ce faire acte de courage que de dire non, et donc de désobéir ? Quel en sera le prix … ou le bénéfice ?
Mise en scène : Jacques Connort
Avec Yvan Varco et Alexandre Chapelon
Décors de Jean-Christophe Choblet
Costumes de Foin-Coffe
Du 15 février au 22 mars 2025
Les jeudis, vendredis et samedis à 21h
Au théâtre Essaion - 6, rue Pierre au Lard (à l'angle du 24 rue du Renard) - 75004 Paris
Réservations : 01 42 78 46 42
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