Après avoir publié presque une douzaine de livres consacrés à la cuisine marocaine, dont elle est une spécialiste, Fatéma Hal s’est attelée à un récit autobiographique qui est publié cette année par Philippe Rey, sous le titre de Fille des frontières.
Vous l’avez probablement entendue parce que la sortie du livre s’est accompagnée d’un « plan media » intensif et vous aurez été favorablement influencé parce qu’elle a une manière très spontanée et totalement authentique de raconter les épisodes de sa vie. Il en va différemment quand on a l’objet entre les mains.
D’abord parce ce livre très dialogué est confus au plan de la chronologie. L'auteure effectue constamment des sauts dans le temps ou au contraire des retours en arrière sans prévenir le lecteur qui se trouve un peu désemparé, s’interrogeant sur ses capacités de synthèse, et s’imaginant avoir eu un moment de distraction.
Ensuite parce c’est un vrai supplice de lire ses descriptions de plats sans avoir la recette pour mettre les mains dans la farine et pouvoir gouter de bonnes choses. Elle n'en donne qu'une seule, qui tient en deux lignes page 250. Qu'elle désigne sous le nom de caviar des pauvres et qui consiste en des sardines en boite écrasées avec du fromage Samos 99 et du citron vert.
Les digressions sont multiples et le retour au sujet s'effectue sans prévenir. Tout nous est livré, sans faire grâce des petits détails qui ralentissent la lecture et qui desservent le rythme mais qui attestent d'une sincérité absolue.
Le destin de Fatéma Hal est hors du commun. L'important réside dans le message qu'elle transmet ici. Son énergie est généreuse et communicative. Je partage avec elle l’idée qu’une seule vie ne suffira pas pour faire le tour du monde (p.126) et j’en ressens comme elle un grand appétit. Également comme Churchill dont elle nous rappelle (p.280) qu’il affirmait que le grand succès c’est d’aller de défaite en défaite tout en gardant son enthousiasme.
Cette femme a vécu des expériences « incroyables » dont elle se souvient comme si elle avait tout consigné au fur et à mesure. Cela donne un récit très riche en détails, très vivant, qui a une double valeur, à la fois historique et sociale. Ce livre retrace avec flamboyance la condition de la femme en Afrique du Nord sous l’emprise du frère, du mari, de la famille.
Elle ne cache rien des difficultés qu’elle a du surmonter pour devenir une femme libre. Libre de mener sa vie. Libre de choisir ses engagements et de défendre ses idées. L’instruction n’a pas toujours été d’un grand secours, pas davantage que ses relations avec des personnages politiques qui auraient pu l’aider bien davantage. Elle a exercé plusieurs métiers, parvenant toujours à rebondir malgré des aléas qui en auraient freiné plus d’une. Pourtant elle manque longtemps de confiance en elle.
Son plus grand succès c’est au Mansouria qu’elle le conquiert. Ce restaurant auquel elle a donné le prénom de sa mère est devenu une référence. Mais le chemin ne fut pas facile. Un retard consécutif à une grève des transports lui vaut de trouver porte close au Ministère des Droits de la femme où elle devait livrer un cocktail dinatoire pour 160 personnes. Elle apporte les plats au journal Libération. Ses briwattes font un malheur et elle est célébrée dans la dernière page du quotidien.
Je ne voudrais pas vous faire saliver sans vous en donner la recette que j'ai trouvée à la page 100, dans "Ramadan, la cuisine du partage", paru en 2006 aux éditions Agnès Vienot et que j'ai adaptée en fonction de ce que j'avais sous la main.
Dans une casserole j'ai mis un demi fromage de chèvre frais et l'équivalent d'un quart de son volume en beurre, une pincée de sel, trois tours de moulin de poivre, de la fleur de thym. Quand le mélange fut lisse j'ai ajouté un œuf battu et ai fait cuire trois minutes en remuant.
Puis j'ai déposé une cuillère à soupe de cette farce sur un morceau de feuille de brick que j'ai repliée. Fatéma aurait obtenu des triangles parfaitement réguliers. Mes bricks étaient un peu desséchées et cassantes. J'ai bricolé mes briwattes du mieux que je pouvais et les ai faits frire.
C'était bon. Surtout avec la petite salade composée que j'avais préparée pour l'occasion.
Fatéma Hal, Fille des frontières, éditions Philippe Rey, 2011
Le Mansouria : Restaurant de spécialités marocaines dirigé par Fatéma Hal depuis 1985 au 11 rue Faidherbe 75011 Paris - Tel 01 43 71 00 16.
Vous l’avez probablement entendue parce que la sortie du livre s’est accompagnée d’un « plan media » intensif et vous aurez été favorablement influencé parce qu’elle a une manière très spontanée et totalement authentique de raconter les épisodes de sa vie. Il en va différemment quand on a l’objet entre les mains.
D’abord parce ce livre très dialogué est confus au plan de la chronologie. L'auteure effectue constamment des sauts dans le temps ou au contraire des retours en arrière sans prévenir le lecteur qui se trouve un peu désemparé, s’interrogeant sur ses capacités de synthèse, et s’imaginant avoir eu un moment de distraction.
Ensuite parce c’est un vrai supplice de lire ses descriptions de plats sans avoir la recette pour mettre les mains dans la farine et pouvoir gouter de bonnes choses. Elle n'en donne qu'une seule, qui tient en deux lignes page 250. Qu'elle désigne sous le nom de caviar des pauvres et qui consiste en des sardines en boite écrasées avec du fromage Samos 99 et du citron vert.
Les digressions sont multiples et le retour au sujet s'effectue sans prévenir. Tout nous est livré, sans faire grâce des petits détails qui ralentissent la lecture et qui desservent le rythme mais qui attestent d'une sincérité absolue.
Le destin de Fatéma Hal est hors du commun. L'important réside dans le message qu'elle transmet ici. Son énergie est généreuse et communicative. Je partage avec elle l’idée qu’une seule vie ne suffira pas pour faire le tour du monde (p.126) et j’en ressens comme elle un grand appétit. Également comme Churchill dont elle nous rappelle (p.280) qu’il affirmait que le grand succès c’est d’aller de défaite en défaite tout en gardant son enthousiasme.
Cette femme a vécu des expériences « incroyables » dont elle se souvient comme si elle avait tout consigné au fur et à mesure. Cela donne un récit très riche en détails, très vivant, qui a une double valeur, à la fois historique et sociale. Ce livre retrace avec flamboyance la condition de la femme en Afrique du Nord sous l’emprise du frère, du mari, de la famille.
Elle ne cache rien des difficultés qu’elle a du surmonter pour devenir une femme libre. Libre de mener sa vie. Libre de choisir ses engagements et de défendre ses idées. L’instruction n’a pas toujours été d’un grand secours, pas davantage que ses relations avec des personnages politiques qui auraient pu l’aider bien davantage. Elle a exercé plusieurs métiers, parvenant toujours à rebondir malgré des aléas qui en auraient freiné plus d’une. Pourtant elle manque longtemps de confiance en elle.
Son plus grand succès c’est au Mansouria qu’elle le conquiert. Ce restaurant auquel elle a donné le prénom de sa mère est devenu une référence. Mais le chemin ne fut pas facile. Un retard consécutif à une grève des transports lui vaut de trouver porte close au Ministère des Droits de la femme où elle devait livrer un cocktail dinatoire pour 160 personnes. Elle apporte les plats au journal Libération. Ses briwattes font un malheur et elle est célébrée dans la dernière page du quotidien.
Je ne voudrais pas vous faire saliver sans vous en donner la recette que j'ai trouvée à la page 100, dans "Ramadan, la cuisine du partage", paru en 2006 aux éditions Agnès Vienot et que j'ai adaptée en fonction de ce que j'avais sous la main.
Dans une casserole j'ai mis un demi fromage de chèvre frais et l'équivalent d'un quart de son volume en beurre, une pincée de sel, trois tours de moulin de poivre, de la fleur de thym. Quand le mélange fut lisse j'ai ajouté un œuf battu et ai fait cuire trois minutes en remuant.
Puis j'ai déposé une cuillère à soupe de cette farce sur un morceau de feuille de brick que j'ai repliée. Fatéma aurait obtenu des triangles parfaitement réguliers. Mes bricks étaient un peu desséchées et cassantes. J'ai bricolé mes briwattes du mieux que je pouvais et les ai faits frire.
C'était bon. Surtout avec la petite salade composée que j'avais préparée pour l'occasion.
Fatéma Hal, Fille des frontières, éditions Philippe Rey, 2011
Le Mansouria : Restaurant de spécialités marocaines dirigé par Fatéma Hal depuis 1985 au 11 rue Faidherbe 75011 Paris - Tel 01 43 71 00 16.