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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 31 août 2019

L'Ecole des Loisirs et Rue de Sèvres font leur rentrée

La rentrée littéraire concerne autant les jeunes que les adultes. Sous peine de radoter j'ajouterais que les grands gagneraient à lire cette littérature dite "jeunesse" qui concerne tout le monde.

Ce soir l'Ecole des loisirs présentait quelques-unes de ses nouveautés.

Kitty Crowther a lu un extrait du roman de Ulf Stark, la Cavale, traduit du suédois par Alain Gnaedig, chez Pastel, et qu'elle a illustré.

L'histoire de ce petit garçon organisant la fugue de son grand-père l'a d'autant plus touchée que, si elle vit et travaille en Belgique, elle est née d’une mère suédoise et d’un père anglais. Quant à moi j'ai adoré ce roman dont la première phrase est à elle seule l'annonce de l'aventure qui va suivre : Les feuilles de l'érable devant l'hôpital avaient des reflets rouges et dorés. Je regardais par la fenêtre, et je me suis dit : c'est étonnant comme les feuilles brillent si joliment juste avant de tomber.
L'auteur raconte avec pudeur et humour sa version du chant du cygne dans un récit plein de tendresse. L'illustratrice s'est inspirée de la manière de représenter les visages adoptée par le peintre norvégien Edward Munch (qui a fait bien d'autres tableaux que Le cri) et pour qui le visage était comme une cartographie de la vie de la personne.

vendredi 30 août 2019

J'ai envie de toi de Sébastien Castro au Théâtre Fontaine

Qui ne s'est jamais trompé de destinataire en envoyant un SMS ou en répondant à un message Whatsapp ? La seconde configuration est sans doute plus lourde de conséquences car le message arrive alors forcément à quelqu'un avec qui on vient d'échanger. Et si on dit des choses différentes successivement à plusieurs personnes ça peut vite dégénérer ... surtout si ce sont ces quelques mots : j'ai envie de toi.

Et si je te pose des questions
(qu'est-ce que tu diras?) 
Et si je te réponds (qu'est-ce que tu diras?) 
Si on parle d'amour (qu'est-ce que tu diras?)

Le spectacle commence avec la musique composée en 1972 par Véronique Sanson, Chanson sur ma drôle de vieLe décor représente la double entrée de deux appartements mitoyens au quatrième étage de la toute proche Rue des Martyrs. A gauche habite Youssouf (Sébastien Castroqui gagne sa vie en gardant des personnes âgées et de l'autre Guillaume (Guillaume Clerice), qui vient d'emménager. Les deux hommes ont des problèmes de copropriété, le premier revendiquant l'espace d'un placard qu'il compte bien récupérer. Pour le moment il a percé la cloison et la situation est un peu délicate puisqu'on peut passer d'un appartement à l'autre sans avoir besoin de faire le détour par le palier.

Si vous ajoutez à cette situation, déjà complexe, l'envoi par Guillaume d'un SMS à la mauvaise personne, et l'arrivée de ladite personne vous avez le point de départ pour une soirée de folie, ponctuée de ressorts comiques incessants, soutenus parfois par des effets spéciaux. Ce soir c'est la mère âgée, muette et handicapée de Sabine (Maud Le Guenedaldont Youssouf va devoir s'occuper, tant bien que mal.

Christelle (Anne-Sophie Germanaz)l'ex de Guillaume, et Julie (Astrid Roos), sa conquête faite sur Internet se crêperont-elles le chignon ou se trouveront-elles des affinités ? Et si nous ajoutions Gaël, l'actuel compagnon très jaloux et très baraqué de Christelle (Alexandre Jerome) de quel côté la balance penchera-t-elle ?

Youssouf va devoir endosser un rôle auquel il n'est pas préparé bien qu'il estime qu'il est hyper bon en impro. Je n'en dirai pas davantage : Motus et bouche .... mais rassurez-vous, personne ne sera maltraité pendant le spectacle.

Tous les ingrédients sont réunis pour passer une très bonne soirée, et rire beaucoup de l'enchainements de quiproquos (qui tiennent la route jusqu'au bout) en compagnie de la joyeuse bande. Cela faisant un moment que le vaudeville ne m'avait pas autant amusée. Bravo !
J'ai envie de toi de Sébastien Castro
Mise en scène José Paul assisté de Guillaume Rubeaud
Avec Sébastien Castro, Maud Le Guenedal, Guillaume Clerice, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos et Alexandre Jerome
Décors Jean-Michel Adam
Costumes Juliette Chanaud
Au Théâtre Fontaine , 10 rue Pierre Fontaine, 75009 Paris - 01 48 74 74 40
Du jeudi 29 août 2019 au dimanche 5 janvier 2020
Du mardi au vendredi 21h, le samedi 16h30 et 21h et le dimanche 16h

jeudi 29 août 2019

Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

Les Hirondelles de Kaboul, c'est un film qui a été réalisé à partir du livre de l'écrivain algérien Yasmina Khadra par la comédienne et metteuse en scène Zabou Breitman (Se souvenir des belles choses, 2001) et la jeune animatrice Eléa Gobbé-Mévellec, issue de la prestigieuse Ecole des Gobelins. Il retrace ce à quoi ressemblait la vie sous le régime des talibans, il y a vingt ans, lors de l’été 1998, alors que l’application de la charia restreignait drastiquement les libertés publiques et que des femmes étaient lapidées dans la rue.

Je ne vais pas le résumer ici. Vous pourrez visionner la bande-annonce. J'insisterai sur quelques aspects.

La particularité du réalisme de la bande-son m'a touchée d'emblée, dès le générique. Alors que je lisais les noms des comédiens qui feraient les voix (Simon Abkarian, Zita Hanrot et Hiam Abbass, Swann Arlaud, Michel Jonasz ... et Jean-Claude Deret, le propre père de la réalisatrice, qui, à 93 ans a donné sa voix fatiguée à Nazish, un ancien mollah qui ne suit plus le mouvement. C’est quelqu’un qui a la foi, mais qui voit les abus commis au nom de la religion. Ce fut son dernier rôle. Il disparaitra avant d'avoir vu le film.
Je me suis demandé si on avait pensé à eux avant ou après avoir dessiné les images. On jurerait que ce sont eux qui sont croqués ... et pour cause puisqu'effectivement Zabou Breitman a voulu enregistrer les dialogues avant toute chose. Et du coup Eléa Gobbé-Mévellec a fait en sorte que les images renforcent les émotions qui passaient déjà dans les mots.

C'est la démarche inverse de ce qui se fait en matière de doublage et cela donne un film qui est particulièrement vivant. Je voulais travailler "à l’envers" c’est à dire à l’endroit pour moi : l’émotion en premier.

Je ne filme pas ce que j'écris. Je filme ce que je vois. Je pense toujours en images, a dit aussi Zabou Breitman.

C'est un film d'animation, mais il est destiné à un public d'adultes (ou disons d'adolescents à partir de 13 ans). Le story-board s'appuie sur des faits qui s'inscrivent dans une réalité horrible et, même si l'aquarelle atténue la couleur du sang, les scènes de lapidation et d'assassinat sont poignantes.

On est frappé par la candeur avec laquelle des mômes manient les kalachnikovs, hurlent des insultes comme les adultes, et jettent eux aussi des pierres. Leur embrigadement ne peut pas laisser insensible. Et qu'on emploie des femmes comme gardiennes des prisons pour maltraiter d'autres femmes est une horreur supplémentaire.
Nous découvrons Kaboul en ruines pendant l’été 1998. Nous savions ce qui s'était passé mais ce film remet en lumières des faits terribles qu'il ne faudrait surtout pas oublier.

On ne peut s'empêcher de penser que le port de la burka, rendant toutes les femmes anonymes, facilita l'ignominie des actes de barbarie puisque le bourreau ne croise jamais le regard de la victime. L'inverse, par contre, n'est pas vrai et souvent la scène nous est donnée à voir telle que la femme la regarde derrière la grille du tchadri. Le film pointe aussi le décalage entre l'intransigeance (y compris à l'égard des hommes qui ne doivent pas rouler les manches de leur chemise au-dessus du coude) et la débauche que les talibans s'autorisaient.
Etait-il possible de lutter de l'intérieur ? C'est une des questions qui sont traitées. Le récit croise les destins tragiques de deux couples, l’un d’âge mûr et l’autre plus jeune, en butte à la coercition du régime : Atiq, ex-moudjahidin devenu chef d’une prison pour femmes, veille sur Mussarat, son épouse agonisante, tandis que Zunaira et Mohsen tentent de vivre tant bien que mal leur amour dans la misère quotidienne en voulant croire en l’avenir. Un geste insensé de Mohsen va faire basculer leurs vies... De son coté, le jour où Zunaira atterrit dans ses geôles, Atiq se rend compte qu’elle a pu être condamnée à tort, et dans le même temps du rôle peu reluisant qu’il tient dans ce système arbitraire.
D'énormes recherches ont été entreprises pour rendre l'histoire la plus proche possible du réel. La musique qu’écoute Zunaira au début du film est celle du clip "Burka blue", du Burka band, trois jeunes Afghanes qui ont fait un groupe de garage punk sous les talibans, et qui ont joué en burka.

La réalisatrice reconnait cependant avoir pris des libertés avec le roman de Yasmina Khadra. Ainsi Zunaira devient dessinatrice et la fresque qu'elle trace sur le mur devient un ultime acte de résistance, et Atiq de dos, homme puissant devenu bien petit devant la nudité de la grande femme.
Les hirondelles, symbole de migration et d'échappée vers la liberté, apparaissent à intervalles réguliers. La première au tout début du film est tuée d'une balle, annonçant la barbarie.

Les hirondelles de Kaboul est un film bouleversant et d'une grande justesse qui a été présenté  à Cannes dans la Sélection officielle d'Un certain regard. Absolument magnifique et essentiel. Le résultat est à la hauteur des six ans de travail de l'équipe.
Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec adapté du roman de Yasmina Khadra, avec Simon Abkarian, Zita Hanrot, Swann Arlaud, Hiam Abbass 1h21 / Animation / France

mercredi 28 août 2019

Macbeth (The notes) avec David Ayala

Il n'est pas nécessaire d'aimer Shakespeare pour apprécier ce spectacle essentiel à mes yeux à quiconque désire comprendre comment fonctionne le théâtre et surtout pour vivre une soirée absolument joyeuse.

Si on m'avait dit qu'un acteur me ferait autant rire en me parlant de Macbeth j'aurais pensé qu'on se moquait de moi ... ou qu'on était fou. La création a eu lieu il y a quelques années mais le texte a été "révisé" et il pulse à grande vitesse.

C’est ce qu’on appelle dans le jargon un numéro d’acteur. Il est probable que personne d’autre que David Alaya puisse réaliser cette performance. Mais qu’importe c’est David Alaya qui est sur scène et c'est lui qu’on vient voir ... et entendre.

Ecoutons attentivement la dernière phrase du spectacle : la vie n’est qu’une ombre en marge. Un acteur se pavane sur la scène et on entend plus rien.

Mais avant cela, avant cette scène d’un dénuement extrême, avant cette scène dans laquelle l’acteur donne au public ce qu’il y a de plus intime, nous assistons à la rituelle "séance de notes" que le metteur en scène donne (et ici "joue") à l’issue d’une répétition, devant toute l’équipe artistique et technique. David Alaya est ce metteur en scène qui, notes à la main, va faire trembler chaque membre de l'équipe, et faire voler en éclat le fameux quatrième mur qui théoriquement sépare la scène du public.
Il est vrai que pour moi qui ai travaillé plusieurs années dans un théâtre national ce spectacle ne pouvait qu’être réjouissant. Tous les tics de langage y sont. Cette manière de rassurer, de complimenter et l’instant d’après d’insinuer que finalement le comédien (ou le technicien) aurait vraiment pu faire mieux… ou devrait vraiment faire mieux, je l’ai entendu.

Chaque mot sonne si vrai. Chaque geste aussi. Jusqu’à la difficulté du "metteur" à se souvenir de ce qu’il a voulu dire au moment où il a écrit une phrase dont le sens désormais lui échappe.

Il manque les réactions de l’équipe. C’est un seul en scène. Mais les spectateurs se projetèrent dans les personnages ... et se trouvent eux aussi très concernés. Ils en prennent pour leur grade, apprenant sans surprise qu’ils sont cons. Les journalistes ne sont pas davantage épargnés : Il faut tuer les critiques.

Dan Jemmett est le co-auteur du spectacle. Il a bien raison de partir du postulat que beaucoup n’ont jamais réussi à décrypter Macbeth. C’est là que le spectacle séduira puisque le metteur en scène (qui n’a pas une opinion plus positive de ses comédiens que du public) entreprend régulièrement d’analyser les rendez-vous dramaturgiques qui ponctuent la pièce et que certains ont selon lui manifestement carrément loupé.

Il explique avec des mots, des soupirs, exhortant ses comédiens à se saisir de ses indications : je vais pas le faire, sous-entendu à votre place, je suis pas acteur… !

Tout y passe depuis l’amour du théâtre oriental jusqu'aux références aux dernières créations de Macbeth (il faut oser !) en passant par les allusions au théâtre de la distorsion. Il multiplie les digressions et les anecdotes en les justifiant d'un "ça repose", et de fait elles offrent des moments de respiration avant de plonger de nouveau au coeur de la tragédie shakespearienne.

Avec notamment un oiseau du désert (un Grand Géocoucou), connu pour être extrêmement rapide à la course, devenu en 1948 le personnage de dessin animé Bip Bip (Road Runner en VO). On entendra le bruit des flèches comme en 1957 dans le film de Kurosawa, Le Château de l'araignée (qui est une transposition de Macbeth dans le japon médiéval). On mesure son désir de faire s'envoler une colombe comme dans la scène finale du film-culte de science-fiction Blade Runner tourné en 1982 par Ridley Scott, désignée sous le nom de "monologue des larmes dans la pluie", récité par le personnage Roy Batty, incarné par Rutger Hauer (décédé cet été).

Entre-temps il aura expliqué à Fred comment passer à travers le tunnel de l’imagination de l'auteur. Il aura gentiment envoyé promener celui qui fait de la recherche d’acteurs sur une utilité qui ne comporte que trois phrases et à qui il recommande de faire un stage avec… un célèbre metteur en scène dont il ne dit pas le nom, mais que les connaisseurs auront reconnu.

La soirée s'éternise. Le public est conquis et l'écouterait volontiers toute la nuit mais le régisseur finit par le couper dans son élan, lui demandant d’accélérer les notes pour ne pas déborder sur le service. Autrement dit personne n’a envie de faire des heures supplémentaires gratuites  ...

Je vais donc m’arrêter moi-même en vous rappelant que Macbeth (the notes) se joue à 19h au Lucernaire et je serais prof de français, j'y emmènerais mes élèves avec la certitude que je passerais ensuite une excellente année avec eux.

Macbeth (The notes)
D'après William Shakespeare
Adaptation de Dan Jemmett et David Ayala
Mise en scène Dan Jemmett
Avec David Ayala
Au Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris  - 01 45 44 57 34
Du 28 août au 13 octobre
A 19 heures du mardi au samedi
A 16 heures le dimanche

lundi 26 août 2019

Cent millions d'années et un jour de Jean-Baptiste Andrea chez l'Iconoclaste

J'avais beaucoup aimé Ma Reine, le premier roman écrit par Jean-Baptiste Andrea il y a deux ans chez l'Iconoclaste, et déjà été traduit en neuf langues. Avec Cent millions d'années et un jour il nous entraine plus loin, plus haut, dans une recherche qui va lui faire remonter le temps.

La poésie que j'avais appréciée dans son premier roman subsiste ainsi que ses thèmes de prédilection, l'enfance et la nature qu'il pourrait aimer à la folie.

Il disait le soir de la présentation de saison chez son éditeur qu'il aimerait devenir un arbre ou un ours pour vivre l'effet produit, dans un degré d'intimité très fort avec la nature.  La description du glacier est magnifique. De fait, il la décrit avec des mots magnifiques, en particulier le glacier qui chante sous nos crampons (P. 93-95), que je recommande de lire en ce moment, en plein été, pour frissonner. Plus loin ce glacier irradie comme un soleil en négatif (P162).

La tempête, l’orage et la foudre sont racontés eux aussi en peu de mots mais avec une efficacité incroyable.

Le titre est en lui-même énigmatique. L'action se situe dans une partie des Alpes où le phénomène de surrection a donné naissance à un paysage tourmenté près de 40 millions d’années auparavant (P. 73. Quant au trilobite qui serait à l'origine de l'expédition il serait vieux, nous dit l'auteur (P. 14) de trois cents millions d'années.


Peu importe la réalité pré-historique. Ces arthropodes marins ont bel et bien existé durant le Paléozoïque (ère primaire) du Cambrien au Permien. Ils ont disparu lors de l'extinction de masse à la fin du Permien, il y a environ 250 millions d'années. Et cette histoire pourrait bien se lire en écho à l'angoisse que nous ressentons de nous trouver à la veille d'une nouvelle extinction de masse ...

Le début a des airs d’avertissement de fin du monde. J’oublierai jusqu’à mon nom. (...)  Il fallait accepter la défaite. Dans chaque paragraphe se glisse un indice, à l’instar du fossile enchâssé dans la pierre, pour prévenir le lecteur d’une fin tragique et le lecteur est placé d’emblée en position d’enquêteur (p. 17) : Et si tout commence souvent par une route, j’aimerais savoir qui a fait la mienne si tortueuse.

S'il ne travaille plus dans le cinéma, Jean-Baptiste Andrea n'a rien perdu de sa compétence à construire un scénario. Le récit alternera habilement la progression des recherches avec la remontée de souvenirs, et la description du paysage (les maisons se bousculent et tendent leurs tuiles ...), sans craindre l'exagération, comme s'il s'agissait d'une personne, dont il ne fait aucun doute qu'elle est vivante, et probablement réactive.

Nous sommes au début du récit, alors que (P. 30) : Partir c’est déjà réussir.

Le livre raconte l'épopée de quatre personnages, dont la silhouette se profile (en orange) sur la couverture : un géant athée amoureux d’une déesse (Umberto). Un ancien séminariste ventriloque (Peter), un guide qui parle la langue oubliée des montagnes (Gio). Si je les avais connus plus tôt, je n’aurais peut-être pas grandi avec un trilobite pour seul ami (P. 112). On réalise combien le protagoniste fut un enfant solitaire.

Le récit nous est raconté par Stanislas, paléontologue dans les années 50, qui s’est trouvé "par hasard" devant une maison dont on déménageait le contenu (P. 42) où il récupéra un débris dont il déduisit qu'un fossile gigantesque dormait sous la glace. L’auteur ajoute en bon scientifiquej’aurais dû savoir qu’il n’y avait pas de hasard.


dimanche 25 août 2019

Les guerres intérieures de Valérie Tong Cuong chez JC Lattès

Les guerres intérieures de Valérie Tong Cuong nous offrent en cette rentrée littéraire un roman qui ne peut laisser indifférent. Il me semble que chacun d’entre nous a pu se trouver dans des situations, de près ou de loin, semblables à celle qui est le point de départ de l’intrigue.

Des bruits de lutte venus de l’étage supérieur attirent l'attention de Pax mais il se persuade que ce n’est rien d’important et fait comme si de rien n'était. On apprendra plus tard que, s'il avait alerté les secours, son voisin Alexis Winckler n'aurait pas perdu l’usage d’un œil. Faute de soins.

Il m’est arrivé d’appeler la police en pleine nuit parce que j’étais alertée (ou dérangée dans mon sommeil) par des cris s’échappant d’une fenêtre ouverte de l’autre côté de la rue. Je suis intervenue plusieurs fois pour m’interposer et faire cesser des bagarres. Et on m’a souvent reproché mon inconséquence en me faisant remarquer le risque que je courrais à me prendre pour Zorro.

Être témoin d’une agression n’est pas un acte auquel on est préparé. Et personne ne peut jurer d’avoir, le moment venu, le comportement héroïque qu’il conviendrait d’avoir. En tout cas le sujet choisi par Valérie n’est pas celui là.

Quand Pax Monnier, au début du roman, entend un vacarme qui pourrait correspondre au bruit d'un meuble qu'on déplace il croit être à un moment crucial de sa vie (P. 17) : face à son plus grand défi il réalise brusquement ce que son parcours médiocre avait de confortable. Jusqu’ici, il pouvait mettre le plafonnement de sa carrière sur le compte d’un système inique, d’un agent décevant. Il laissait entendre aux autres qu’il était un génie méconnu. (…) Et voilà qu’on lui donne sa chance. On l’appelle pour tourner avec Peter Sveberg. Le voilà propulsé dans une configuration binaire : il réussit où il échoue. Il démontre qu’il a du talent ou bien qu’il méritait ce chemin étriqué.

Ce type n’est pas cynique pour deux sous mais il joue sa carrière et la décision qu’il prend est entièrement orientée par cet enjeu.

Le roman traite de la culpabilité par omission, que l’on ressent à l’instant T, qui nous poursuit sans lâcher prise, et à laquelle des événements peuvent nous confronter ultérieurement. Quel est alors le meilleur moyen d’alléger sa conscience ? La sagesse populaire prétend que toute vérité n’est pas bonne à dire. Alors faut-il mentir à ceux qu'on aime, pour les protéger et pour se protéger.

Toute faute est-elle corrigeable et a fortiori pardonnable ? Le thème n'est pas nouveau dans l'oeuvre de l'auteure. Il était au coeur de Pardonnable, impardonnable, que j'avais tant aimé.

Le pardon efface-t-il la faute ? Ce sont des questions qui traversent le livre et que Valérie s’est sans doute posé personnellement puisque son fils a été victime d’une agression sans qu’il reçoive l’aide de quiconque. Je ne dis là rien de secret puisqu’elle même présente son roman en le révélant.

Cette explication m’a incitée à reprendre une lecture que j’avais abandonnée, ne parvenant pas à éprouver la moindre sympathie pour le personnage principal. Je me suis accrochée à partir du moment où j’ai compris ce que le roman pouvait apporter dans ce type de réflexion. Et j’ai d’ailleurs deviné à ce moment-là que le pluriel du titre laissait supposer que Pax n’était pas le seul à être rongé par la culpabilité.

En effet, parallèlement, Emi Shimizu se sent responsable de l’accident d’un de ses chauffeurs dont elle n’a pas perçu suffisamment la détresse. Pourtant, en tant que responsable QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité, Environnement), elle aurait dû être vigilante. Cette femme avait elle aussi des soucis graves puisqu'elle est la mère d'Alexis Winckler. Pourtant elle est animée de sentiments contradictoires, persuadée qu’il faudrait avoir (P. 47) le courage de renoncer aux pensées stériles de vengeance et de haine : puisqu’il n’y a personne à punir, ni personne à haïr.

Valérie Tong Cuong fait se rencontrer les deux protagonistes un an plus tard, qui tombent immédiatement amoureux et qui mèneront donc chacun leurs guerres intérieures. Elle a réussi à écrire un récit où rien n’est évident. Où les cartes sont susceptibles d’être redistribuées en permanence et qui offre des rebondissements jusqu’à la dernière phrase.

Elle ne donne pas de leçon mais elle nous offre une réflexion très poussée sur ce type de situation. Si bien que je dirais que c'est sans doute grâce à elle que j'ai pu éprouver une certaine empathie pour le personnage de Frank interprété par Olivier Gourmet dans le film d'Antoine Russbach, Ceux qui travaillent, et que j'ai vu en avant-première.

Par contre je ne m'explique pas la présence du panneau de sens interdit que je n'ai d'ailleurs remarqué qu'après avoir photographié le livre sur un papier rouge, choisi pour contraster. Il n'y a sans doute pas de message à y décrypter.

Les guerres intérieures de Valérie Tong Cuong, en librairie depuis le 21 août 2019

samedi 24 août 2019

L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, de Philippe Delerm

On pensait que Philippe Delerm avait décrit chacun de nos travers et marottes, mais voilà qu'il publie un nouvel opus de nouvelles, L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, compilant 47 attitudes ou comportements qu'il analyse avec précision et érudition.

Le recueil commence par une pratique qui s'intensifie tellement qu'on envisage de la prohiber dans les lieux publics, le vapotage, dont il est très vrai qu'on est parfois choqué de voir l'adepte biberonner en retrait, visage penché, regard fuyant cette cigarette d'un nouveau genre (p.7) en s'adonnant à ce rituel d'autodestruction qu'on a cru d'abord inoffensif.

On retrouve le Delerm sarcastique, fustigeant le vapotage. Le Delerm ironique remarquant qu'on garde le verre à la main, au lieu de le porter à ses lèvres (p.11), comme on regarde son whisky sans le boire (p. 86), deux façons de faire qui dispensent l'auteur d'ajouter "à consommer avec modération".

Le Delerm indulgent aussi à l'encontre des utilisateurs (j'aurais envie d'écrire "amuseurs") de téléphone qui célèbrent leur intimité dans le souffle de l'air hivernal (p. 32). Il faut croire qu'il prend peu les transports en commun pour voir de la beauté et de l'enchantement dans ce qui est surtout une incivilité.

Le Delerm lucide qui considère le livre comme un objet d'une valeur ambigüe -affective et marchande, conscient qu'il est fait pour dépasser nos vies, nos rituels, et nos soirées ensemble (p. 50).

Le Delerm romantique pour qui faire les carreaux, c'est célébrer les noces du dehors et du dedans, maîtriser un peu de mat dans le jour ébloui (p. 54).

On lira cet opus comme on regarderait une vidéo de vacances, avec ses images estivales de pétanque, de verre de vin, de carte qui n'arrive pas, de plage, de fontaine ... et puis on le jugera intemporel lorsque viendra avec Noël le moment d'éplucher d'une seule main la clémentine (p. 23).

On lira tout. On appréciera tout en acquiesçant, même à ces pages sont les enjeux nous échappent, ne comprenant pas pourquoi l'auteur remercie Isabelle Carré (p.28).

La veine narrative fouille loin, extirpant la montre du gousset, s'attardant sur les mains de Mona Lisa, cherchant l'inspiration en musique (qui apparait dans cinq titres) ou dans la rondeur d'une boule de pétanque, d'une balle de tennis, d'un caillou propice aux ricochets.

Philippe Delerm ne se lasse pas d'explorer nos rituels d'appartenance ... ou de différenciation, voyant parfois des mystères là où il faut imputer une anomalie morphologique, croyez-en l'expérience d'une femme dont les épaules fuyantes ne retiennent aucune bretelle (p. 66).

L'auteur serait-il devenu misogyne ou est-ce ma lecture qui est plus attentive ? J'ai relevé la citation condescendante (quoique aimable) de Sempé : Mais où se cachent donc en hiver toutes ces femmes charmantes qui nous reviennent au printemps ? (p. 45) et sa manière de désigner la ménagère comme une amazone domestique remplissant dans les rayons du supermarché sa mission coursière avec frénésie (p. 60). Elle se regarde l'écouter, lui qui doit continuer à parler, et puis la regarder se taire (p. 104).

Qu'elle remue les cheveux et il y voit un opéra pour pas grand chose (p. 78) et je me suis demandé ce que ces textes auraient de savoureux si le propos était inversé, comme dans le film de la réalisatrice Eléonore Pourriat Je ne suis pas un homme facile, nous invitant à échanger les rôles entre hommes et femmes afin de pointer du doigt l’absurdité de notre société.

Philippe Delerm devient anthropologue avec La pavane des draps pliés (p. 90) qui ne parlera plus à personne dans quelques années, les housses de couette ayant définitivement remplacé les draps de lin de nos grands-mères.

Avec bien sûr, L'extase du selfie qui donne son titre à l'ouvrage et ce dernier texte, Ensemble loin, après avoir été si proches. Ces pages se répondent en quelque sorte même si je doute que Philippe soit fin connaisseur dans l'art du selfie car ce qui caractérise le plus ce type de photographie n'est pas le soi qui serait soudain avantageux (ou avantagé). Se photographier devant un monument a toujours été un travers du touriste de masse. Combien d'entre nous ont été sollicités pour immortaliser un couple de gentils touristes ?

Ce qui, de mon point, est radicalement différent avec le selfie est, comme son nom l'indique, cette indépendance que le geste assure. Nul besoin d'attendre le bon vouloir d'un chaland. On se tire le portrait quand on veut, où on veut. Mais ce qui fait la différence entre ce type de prise de vues et une photographie "classique" c'est la direction du regard qui n'est que très rarement saisi par l'objectif du smartphone. Le sujet semble ailleurs, happé par une dimension qui échappe à tous ceux que, paradoxalement, le cliché est censé captiver.

L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, de Philippe Delerm, éditions Le Seuil, en librairie le 12 septembre 2019

Le selfie qui illustre l'article a été pris à Taxco (Mexique) en décembre 2018.

vendredi 23 août 2019

Une journée à Rock-en-Seine

A la réflexion ces quelques heures passées dans le Domaine national de Saint-Cloud auraient amplement mérité que je m'organise pour enregistrer quelques interviews qui auraient ponctué un épisode de Une journée à ... que je produis et anime sur Needradio.

Seulement voilà, je fus invitée, et je me suis crue en vacances.

Vous allez voir comme il y avait beaucoup à faire !

L'évènement, créé en 2003, initialement sur une seule journée (il est passé à deux jours l'année suivante et à trois depuis 2007) ne ressemble à aucun autre. Rock-en-Seine est un festival qui mérite sa base line, The Last Days of Summer. Tout est pensé pour que les festivaliers (attendus tout de même au nombre de 120 000 sur les trois jours) puissent se déplacer sans se bousculer, flâner, se reposer, écouter de la musique (et le choix est large avec 17 à 19 artistes ou groupes musicaux chaque jour), se restaurer et même entreprendre une action qui ait du sens en terme de Vivre ensemble, ou pour la planète.
Un exemple avec Recycler c'est gagner quoique j'ai un petit doute sur la nature de la peinture utilisée, sa durabilité, surtout au premier lavage si l'heureux bénéficiaire ne sait pas comment procéder pour la fixer. Il aura alors eu "simplement" un tee-shirt collector, importable, ou jetable, ce qui n'est pas le but de l'opération.
Par ailleurs, il ne suffit pas d'investir beaucoup d'argent dans un stand ni d'avoir validé une scénographie élégante pour croire que son image de marque en tirera bénéfice. Les responsables communication qui partent en balade en laissant se débrouiller une bande de jeunes intermittents, gentils mais incompétents et surtout insuffisamment briefés, sont inconséquents.

J’ai vu flotter le drapeau d’une grande marque de boisson alcoolisée … qui n’est pas une bière… L’espace blanc et rouge était particulièrement attirant, invitant à la paresse. Dommage que les jeunes gens qui avait été recrutés pour l'occasion semblaient ne pas savoir du tout pourquoi ils étaient là.

Je pense aussi à la Ville de Saint-Cloud dont des personnes se réclamant du bureau de la communication m'ont fait la leçon, m'expliquant que la ville n'a rien à voir avec l'événement qui est piloté par le Domaine de Saint-Cloud puisqu'il s'y déroule. Le dossier de presse mentionnant la Ville de Saint-Cloud dans la liste des partenaires avec son logo serait-il erroné ? Dommage, car je voulais m'intéresser à l'opération de troc de livres initié par la bibliothèque municipale et rendre hommage à l'action "100% Récup" ...
À l’inverse le pop-up Martini, lui aussi rouge et blanc, est un endroit que je vous recommande particulièrement (bien entendu en toute modération) pour l’ambiance, la qualité de l’accueil, la simplicité des cocktails autour de recettes recentrées sur les saveurs originales de la marque italienne, combinant des notes d’agrumes, d'orange et de mandarine, alliées à l’amertume de l'armoise.
Situé en bordure de la Grande Scène c’était l’endroit idéal pour écouter le concert de The Cure en s’imaginant être dans le jardin de ses amis. Et j'y ai découvert une nouvelle version du Spritz, tant aimé des vénitiens avec le Martini Fiero, en association avec le prosecco et de l’eau gazeuse.

jeudi 22 août 2019

Feel Good de Thomas Gunzig au Diable Vauvert

Tout écrivain rêve du succès et Tom Peterman, le personnage imaginé par Thomas Gunzig (qui reconnait y avoir mis beaucoup de lui-même) n'a pas d'autre ambition.

Mais pour le moment, force est de constater que la gloire n'est pas au rendez-vous pour Tom malgré une obstination travailleuse. Certes il publie des romans chez un éditeur fidèle mais les droits d’auteur sont insuffisants. Il sacrifie ses loisirs à participer au moindre salon littéraire. Cela fait trente ans qu'il tire le diable par la queue pour faire vivre sa famille en acceptant d'animer le moindre atelier d'écriture, pourvu qu'il lui rapporte une centaine d'euros (p. 198).

Il est désabusé, pense devoir renoncer au Renaudot de ses rêves et admettre qu'il n'est pas un bon écrivain.

De son coté Alice a longtemps eu "tout juste" de quoi vivre correctement. Jusqu'à ce qu'elle perde son emploi de vendeuse de chaussures. Trop vieille (à pourtant seulement 46 ans), pas assez qualifiée, ne maitrisant pas l'anglais et n'ayant pas de permis Poids lourds, son expérience professionnelle "riche" de trente ans ne vaut rien et son employabilité est voisine de zéro.

Bien sûr il existe des allocations mais elles se réduisent en vertu des nouvelles normes européennes censées à dynamiser le marché de l'emploi (page 134). Et Thomas Gunzig fait clairement la démonstration que la perte de revenu mensuel de 600€, sans verser dans la précarité, fait passer du tout juste au pas possible (p. 50). Et sans solution puisque même s'installer dans un logement plus petit (donc moins onéreux) est inenvisageable quand on ne dispose pas d'argent pour avancer la caution, et financer un déménagement.

Les difficultés financières ont existé de tous temps. J'en ai connu de graves. Mais le contexte de plein emploi offrait des solutions. C'est tout à fait différent maintenant. L'absence d'argent, c'est pire qu'être mort (p. 384). Et le monde entier est plus que jamais des cactus ... comme le chantait Jacques Dutronc en ... février 1967.

Alice acceptera tous les emplois, tous les horaires pour ne pas perdre ses droits,. Mais cela ne suffira pas. Elle envisagera la prostitution. De "préoccupation" l'argent devient une obsession (page 56) qui frappe le lecteur : le prix de tout ce que la petite famille (Alice est devenue une maman solo) consomme (ou pas) est mentionné en chiffres. Nourrir son petit garçon devient un challenge. A l'instar du procédé d'écriture de Murielle Magellan dans Changer le sens des rivières qui commence plusieurs chapitres par une liste de dépenses.

C'est important que les écrivains se saisissent des problématiques rencontrées dans la vraie vie comme l'ont admirablement fait Stéphanie Dupays à propos de l'intrusion des réseaux sociaux dans Comme elle l'imagine, ou Joseph Ponthus avec A la ligne (Prix RTL-Lire 2019), avouant que si son roman lui rapporte suffisamment de droits d'auteur sa première grosse dépense sera d'aller chez un dentiste, rappelant évidemment la remarque méprisante d'un président de la République à l'égard des sans-dents.

On connait le roman social dont Emile Zola fut le grand maître. Ce qui est très fort avec Feel Good c'est que tout en étant dans cette veine il s'inscrit aussi dans la vague "comédie romantique" comme dans celle du "roman féministe" et en flirtant aussi avec le genre policier. Comme le feraient observer les québécois, l'écrivain belge illustre l'expression ceinture et bretelles. Il assure de toutes parts. Et ça fonctionne !

D'abord à l'intérieur de son roman où ses deux héros vont pratiquer un double braquage. Elle a braqué. Il braquera. Braquer, c'est tourner et si on considère donc ce mot avec attention on y verra l'annonce d'un changement de route ... et de vie.

Et sans doute d'une manière plus large car le résultat a toutes les qualités d'un futur best-seller. Pour peu que les bookstragramers, instabookers, booktubers, et babelieurs (auxquels les pages 130-131 rendent hommage avec humour) décident de le porter aux nues. Le mouvement a déjà commencé. Souhaitons lui de voguer loin dans cette rentrée littéraire que Sigri Nunez compare (dans son dernier roman, lui aussi sorti ces jours-ci, L'Ami, page 10) à un canot de sauvetage encombré de trop de passagers.

Je parie que lorsque les compliments vont pleuvoir dans les magazines et dans les émissions littéraires. Thomas pourra envisager avec sérénité la lecture compulsive des critiques de rentrée (p. 117). Il ne boudera pas la gloire en criant qu'ils aillent se faire foutre avec leurs articles, que ses personnages répètent en boucle pour se libérer du qu'en-dira-t-on et des contraintes.

Le constat que Thomas Gunzig porte sur la société, à travers les deux personnages de Tom et Alice, qui sont (hélas) très représentatifs de beaucoup de nos concitoyens, est très pessimiste. Sur la société, la vie de famille, la vie de couple, la condition ouvrière, les métiers artistiques. Et pourtant il se dégage un optimisme immense.

Tout jeune auteur aura intérêt à le lire. Il y trouvera la liste des meilleurs salons (p. 125) et bien des conseils qui au final sonnent juste.

Se sauver de la misère tel est le sujet que Thomas Gunzig fouille en détail en suggérant plusieurs voies pour enfin se sentir bien. Et il le fait avec un humour particulier, cette qualité si belge dont on se moque mais qu'on envie à nos voisins.

Tous ses ouvrages en sont d'ailleurs imprégnés, avec un art du non sens qu'il maitrise aussi bien que les anglais. Ce que l'on pourrait estimer absurde pourrait aussi bien être considéré sous un angle poétique ou métaphorique.

Personne ne réclame le bébé qu'Alice a kidnappé (je ne spolie pas, le rapt est mentionné sur al quatrième de couverture). Cet acte amoral n'est pas immoral. Cette femme mériterait même une médaille pour avoir en quelque sorte sauvé cet enfant. Jamais le concept de win-win n'aura été illustré avec autant d'à propos.

Nul doute que ce roman est un feel-good-book répondant parfaitement à la définition (p. 184).
Thomas Gunzig sera mon invité jeudi 19 septembre à 20 heures dans l'émission Entre Voix que je produis et anime sur Needradio. Ce sera l'occasion d'en apprendre davantage sur cet auteur, ses motivations et ses projets.

On peut parier que d'ici là il aura été présent dans tous les articles de la rentrée littéraire.

Feel Good de Thomas Gunzig, publié chez Au Diable Vauvert, en librairie depuis le 22 août 2019

mercredi 21 août 2019

Sale gosse de Mathieu Palain chez l'Iconoclaste

Mathieu Palain est un journaliste talentueux, couronné par plusieurs récompenses, qui a choisi cette fois d'utiliser la voie du roman pour traiter un sujet qui nous bouleverse tous, celle d'un Sale gosse qui a de multiples raisons de "péter les plombs" comme on en voit de plus en plus dans l'actualité.

Il s'est inspiré de chaque personne rencontrée en trente ans de vie à Ris-Orangis où il est né, en 1988, de l'expérience de son père, éducateur PJJ,  la Protection judiciaire de la jeunesse, à Evry, et de l'immersion qu'il a courageusement faite lui-même dans un service semblable pendant six mois, dans la brigade d'Auxerre (89). La crédibilité de ce qu’il raconte est indubitable. 

On pourrait croire que cette ville moyenne (que je connais bien puisque j'y suis née) est plus tranquille que la banlieue parisienne mais elle compte, comme toutes les villes, des quartiers qu'on dit difficiles où la jeunesse n'a pas la vie rose.

L'intervention de l'auteur au cours de la présentation de la rentrée chez son éditeur, l'Iconoclaste, m'avait donné très envie de le lire : ce qui devait être un article, ou un livre de journaliste, est devenu un roman. Je n'ai pas pu aller plus loin que les premières pages pendant le festival d'Avignon et j'ai repris cette lecture à mon retour.

Le thème a été souvent traité au cinéma depuis quelques années. Je pense particulièrement à Tête haute d'Emmanuelle Bercot. Mais je sais combien l'écrivain a été touché par un autre film conçu par cette même réalisatrice (avec Maiwen), Polisse, ... évidemment. Nous sommes sans doute nombreux à avoir été sensibilisés à ces enfants qui sont nés du mauvais côté de la vie. Et à estimer que les choses ne s'améliorent pas malgré les alertes. J'écrivais en 2011 que c'était un film "à voir absolument". C'est toujours vrai.

Mathieu Palain est de cet avis. Sa narration est imprégnée d'un sentiment d'urgence, ce qui apporte une énergie phénoménale au récit. Putain c’est Shining votre taf, fait-il dire à une policière (P. 220 )Ce livre est un hommage et un cri d’amour envers ceux qui font tout ce qu’ils peuvent et même plus encore, pour infléchir le destin de gamins qui n’avancent pas sur la bonne route. Mathieu Palain est persuadé qu’on ne sait pas ce qui se passe dans la réalité et il sait que même un film comme Polisse est en deçà de ce qu'on voit sur le terrain.

Je lis sur le verso du bandeau entourant le livre : J’ai écrit Sale Gosse avec des histoires vraies. Les personnages existent. Je les connaisCela se veut être une accroche. À la réflexion c’est une des pistes pour expliquer cette curieuse impression de faiblesse de ce livre. Un paradoxe s’agissant du récit de violences. Car j'ai souvent eu la sensation de lire un documentaire plus qu'un roman. Il ne faut pas manquer de lire (P. 348) la genèse du bouquin, qui bien entendu force le respect. 

mardi 20 août 2019

Perdrix, premier long-métrage d'Erwan Le Duc

J’ai vu Perdrix au Sélect de la Ville d'Antony (92) depuis presque 24 heures et le film tournoie dans ma tête sans que je parvienne à en hiérarchiser les plans. J’aurais envie de revoir le générique de début, et puis celui de fin ... ce que je fais sans les images en ré-écoutant Gérard Manset et Sammy Decoster.

Perdrix sonne comme un nom de code, ce qu’il fut longtemps pour Erwan Le Duc dont c’est le premier long-métrage. On le caractérise comme une comédie amoureuse d’auteur. Il est bien plus que cela. Furieusement moderne et néanmoins nostalgique, ancré dans la profondeur d’une Lorraine que l’on filme trop rarement. J’ai reconnu la ville de Plombières et le lac des Corbeaux parce que je les ai arpentés pour un reportage il y a quelques années. J’adore la manière de les filmer comme une campagne irlandaise ou un lac écossais.

Perdrix est construit dans un troisième degré immédiatement accessible. Quand bien même le spectateur n’aurait pas remarqué les inférences, il sera sensible aux images, aux couleurs et aux formes comme le chante Gérard Manset (Entrez dans le rêve-1984), et aura envie de regarder l'aube qui se lève comme le chante Sammy Decoster (Je veux être à vous- 2018). Il faut être attentif aux paroles qui pourraient se confondre avec les dialogues du film.

Erwan le Duc doit être surdoué pour exprimer le non sens parce que je n’ai rien perçu de dissonant. Avec lui on se passionne pour la sexualité du ver de terre autant que pour la reconstitution de combats historiques de la deuxième guerre mondiale (en images mais sans le son) dans des paysages qui évoquent l’Ouest américain en plein été indien. Qu'une horde de contestataires se nourrisse de lecture n'est pas si farfelue que cela en aurait l'air.

Chaque plan est porteur de sens comme le serait un tableau. Le réalisateur a accordé une place essentielle à ses choix musicaux et la bande-son exceptionnelle de justesse, depuis Gérard Manset dont la voix rappelle l'album Bleu Pétrole de Bashung (et pour cause) à Sammy Decoster en passant par Niagara (Tchicki Boum), Grieg et Purcell (O Solitude). 

On ne peut pas dire que le cinéaste ait osé des hommages à Bertrand Blier, Jean-Pierre Jeunet où Mocky, Godard ou Truffaut. Il n’y a pas de références fugitives implicites à leurs univers et pourtant on ressort de la projection en ayant le sentiment d’avoir vu un film qui s’inscrit dans une lignée. 

Maud Wyler et Swan Arlaud (Petit Paysan), Fanny Ardant et Nicolas Maury sont prodigieux de naturel dans un scénario qui n’a rien de banal : Nous sommes le 18 septembre 2016. Juliette Webb arrête sa voiture en pleine campagne pour écrire quelques lignes dans son journal intime. Une naturiste surgit et lui vole le véhicule. C'est la catastrophe pour celle qui transporte sa vie entière dans son coffre. Elle va devoir porter plainte à la gendarmerie. Pierre Perdrix se charge de l'enquête mais ses méthodes ne seront pas du goût de la jeune femme qui ne se retiendra pas de lui donner un coup de main, ... et plus si affinités car comme le chante Niagara :
Mais de toi je ferai ce que je voudrais 
Et si tu prends mon cœur ça ne me fait pas peur 

Tout est sans cesse décalé, débordant de partout, mais je ne dirais pas absurde. L'histoire que nous raconte Erwan Le Duc appartient sans doute à un genre nouveau, celui de l'amour-fiction, directement inspiré de la science-fiction. Il a confié aux spectateurs après la projection qu'il avait travaillé six ans sur ce film, tourné à l'automne dernier.

Perdrix fut longtemps le nom de code du projet. il est resté pour son coté intrigant.

Il a dirigé ses acteurs en leur demandant d'être le plus spontané possible, ce qui fut difficile pour Swan Arlaud qui, croyant bien faire, sortait d'un stage intensif auprès de gendarmes, et qui a du accepter de délester de la carapace qu'il s'était forgée, en quelque sorte apprendre à être au présent, à l'instar de la trajectoire de son personnage.

Regarder Perdrix incite à lâcher prise et à changer de point de vue sur le monde. Juste ce qu’il convient de faire quand on est en vacances ou qu’on en revient. On comprend que ce fut un coup de cœur public et critique de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.

lundi 19 août 2019

L’île aux enfants d'Ariane Bois, chez Belfond

L'île aux enfants a été un choc. Il est magnifique, touchant et facile à lire. Préparez vos mouchoirs mais vous ne regretterez pas cette découverte.

Si les romans sont des histoires inventées, ils le sont souvent à partir de faits réels, vécus par l’auteur ou qui lui ont été rapportés. Vous vous souvenez sans doute de mon enthousiasme pour la saga que Catherine Bardon a écrite pour restituer l’histoire méconnue de la République dominicaine.

Nous partons cette fois dans une autre île, française, à la Réunion. Ariane Bois y raconte en deux parties, très différentes, comment des enfants ont été enlevés à leur famille puis comment ils pourront peut-être retrouver leurs origines.

Au-delà du contexte historique, hélas vrai, c’est une superbe histoire d’amour qui nous interroge sur la primauté éventuelle des liens du sang. Est-on davantage mère quand on a porté un enfant ou quand on l’a élevé ? Peut-on pardonner à ses parents de nous avoir abandonné quand nous étions tout petit ? Ce sont des questions que beaucoup d’écrivains ont déjà largement fouillées.

La force de l’ouvrage d’Ariane Bois est double. D’abord pour sa valeur romanesque. Ensuite pour son intérêt sociologique et historique.

C’est un vrai roman qui emporte le lecteur. Ariane raconte l’enlèvement du point de vue des enfants sans expliquer le pourquoi du comment même si un oeil attentif remarquera une tractation secrète entre une grand-mère et une jolie dame. Ensuite elle nous transporte dans une campagne où la vie était très rude, alors que la France se relevait à peine de la Seconde Guerre mondiale. Au mieux les enfants ne sont pas considérés comme des personnes. Au pire ils sont carrément maltraités et exploités. Puis ce sont les années, je dirais 80, et on assiste à la rébellion classique d’une adolescente en mal de reconnaissance qui découvre le racisme à son égard puisqu’elle a la peau abricot foncé, à une époque où il n’est pas habituel d’en rencontrer. Double racisme en fait en raison de son physique et de son tempérament un peu sauvageon.

Cette jeune fille traverse une crise identitaire avec souffrance parce qu’on lui cache sa généalogie. Par chance elle va rencontrer un homme qui sera son mari et le père de ses futurs enfants et être enfin heureuse. Mais le brasier de ses origines n’est pas éteint.

 C’est sa fille, Caroline, qui après lui avoir extorqué la signature d’une procuration, partira pour l’ile de la Réunion. Ce qui est très réussi dans le scénario c’est que l’enquête se déroule au grand jour, surtout pas en cachette, même si la mère n’est pas prête à entendre la vérité, d’autant que vont éclater plusieurs secrets du poids d’un éléphant, comme l’écrit joliment Ariane Bois.

Car son écriture est magnifique. Les descriptions qu’elle nous offre des paysages réunionnais sont idylliques, et tout à fait justes. J’ai reconnu plusieurs endroits où j’ai eu la chance de me rendre. C’est très émouvant de lire le portait qu’elle dresse des coutumes locales. Tout ce qu’elle raconte est respectueux de l’atmosphère qui règne là-bas. Ce n’est pas pour rien que cette île est appelée la Réunion … parce qu’on peut y vivre en bonne intelligence quelles que soient notre provenance, notre religion, notre couleur de peau.

 Le scandale des enfants enlevés est totalement monstrueux. On sait que des tentatives semblables ont échoué chez les Antillais, sans doute parce qu’ils ont été moins confiants. Et à juste titre.

Je ne veux pas révéler davantage le cheminement des personnages. Le ton employé dans chacune des deux parties est différent. Après la plongée dans le mode de vie des années 70 en métropole nous effectuons un bond dans l’espace et dans le temps pour découvrir la Réunion d’aujourd’hui.

On devine l’exploitation cinématographique qui pourrait être faite de ce matériau. En attendant voilà un livre tout à fait adéquat pour l’été, qui vous fera voyager autant que réfléchir. Ariane Bois est de ceux qui soulève le voile sur un énorme scandale. Elle n’est pas la seule. Un rapport de mille pages vient d’être rendu au ministère des Outre-mer sur le sujet à la suite duquel Emmanuel Macron a déclaré que la France avait mal agi envers ces enfants et avait manqué à sa responsabilité morale envers eux.

J’ignorais, comme vous sans doute, ces enlèvements qui ont concerné à peu près 2000 enfants réunionnais. Il est important d’ouvrir les yeux pour que de tels agissements soient condamnés et on l’espère des familles rassemblées de nouveau.

Je connaissais par contre Ariane Bois pour ses précédents romans, qui ont tous en commun le fil rouge de la mémoire et du poids du secret familial. J'imagine que je la connaitrai encore mieux après avoir enregistré son portrait dans un prochain numéro d'Entre Voix qui sera à l'antenne sur Needradio à l'automne prochain. Cela me donnera l'occasion sans doute d'un nouvel article.

L’île aux enfants d'Ariane Bois, chez Belfond, en librairie depuis le 14 mars 2019

dimanche 18 août 2019

En Mode Projet de et par Philippe Fertray


"En mode projet" sera votre prochain tic de langage ... avant de vous retrouver déplumé chez Paul Empoil dont Philippe Fertray maitrise la sémantique mieux que personne.

Son personnage a été un parfait employé, adorant checker la moindre tâche et répondant pas de souci à l'annonce du moindre problème.

Ça, c'était avant que le chômage ne le rattrape. Depuis, il décode les nouveaux comportements, les tics de langage et sculpte la langue de bois en lui donnant une pétillance quasi jouissive après l'avoir passé à la moulinette de la reformulation.

Le decruting et le reseauting n'auront pas plus de secret pour vous que le win-win. Philippe Fertray imagine ce que Bill Gates disait à propos du business. Cela m'a rappelé une des affirmations favorites de ce chef d'entreprise hors normes : Je choisis toujours une personne fainéante pour effectuer un travail difficile. Car je sais qu’elle trouvera un moyen facile de le faire. Cela ouvre des horizons en matière de recherche d'emploi.
Ce comédien inclassable, petit-fils de Raymond Devos et cousin de Jean-Marie Bigard, est un oiseau rare. Le beau merle nous alerte sur la préfiguration d'une société numérique totalitaire dont les spécialistes du bonheur nous feraient presque oublier la prochaine ... déchéance.

Il se laisse distraire par la grive qui babille, le geai qui cajole, la caille qui margotte, l'étourneau qui jase, la fauvette qui zinzinule, ... à ne pas confondre avec le roitelet qui, lui, zinzibule. Il est drôle, ironique mais si juste ! Et quelle émotion quand il descend parmi le public pour faire la manche.
Malgré nos rires, il est évident que nous ne sommes pas indifférents à ce panorama d'une société intransigeante qui laisse tomber de plus en plus de personnes tout en leur donnant des leçons de bonheur et des injonctions de bien-être. Comment tu veux lâcher prise quand c'est pas toi qui tiens !
Ne vous fiez pas à la tristesse de l'affiche (sur laquelle j'aurais bien vu un oiseau posé sur le classeur comme si la tête de l'artiste était un nichoir), Philippe Fertray est une pépite !

En mode projet de Philippe Fertray
Mise en scène, images et interprétation : Philippe Fertray
Collaboration artistique : Marc Pistolesi
Décor : Sophy Adam
Costumes : Chouchane Abello-Tcherpachian.
Musique : Studio M.
Chorégraphie : Evariste Desjoubards
Au Théâtre de la Contrescarpe - 5, rue Blainville 75005 Paris - 01 42 01 81 88
En ce moment du mercredi au dimanche à 21 h.
A partir du 3 septembre et jusqu’au 28, toujours à 21 heures, mais du mardi au samedi

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Fabienne Rappeneau.

samedi 17 août 2019

L'étrange affaire Emilie Artois de Lucas Andrieu et Emma Baudoux


On se croirait en Avignon, en plein festival. La place voisine résonne de musique.

Les terrasses sont bondées et le Théâtre de la Contrescarpe enchaine les spectacles ... et les comédiens aussi. Lucas Andrieu nous recommande sa reprise de Hypo au Théâtre du Marais. La très touchante histoire vraie d'un autiste faisant le bilan de sa vie.

Et surtout c'est un vif plaisir de voir deux excellentes représentations qui auraient toute leur place en Provence ... et qui s'y propulseront sans doute. Disons alors que j'ai pris de l'avance sur le festival 2020.

Vous devriez sans attendre aller voir L'étrange affaire Emilie Artois, coécrit par Lucas Andrieu et Emma Baudoux, mis en scène et en musique par Damien Dufour, tous les samedis et dimanche à 19 h au Théâtre de la Contrescarpe. Ce thriller psychologique offre une fin ouverte sur laquelle je parie que vous allez débattre ...
Une chose est sûre : Lucas Andrieu et Elena El Ghaoui sont excellents, lui en jeune flic stressé, pressé de boucler une affaire a priori banale de vol de carte bancaire, elle en fine psychologue et toute en séduction, à moins que ce ne soit pas du tout cela ... car il est tout de même étonnant que l'interrogatoire soit filmé et enregistré. Certes l'opération est obligatoire depuis le 1er juin 2008 (Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007), mais uniquement pour les gardes à vue et interrogatoires de mise en examen en matière criminelle, ce qui n'est pas -a priori- l'hypothèse dans laquelle on se situe.
Il est donc probable que nous ayons été totalement manipulés, mais par lequel des deux ?

L'interprétation est ultra nuancée. La jeune femme accepterait de passer aux aveux si le lieutenant lui posait les bonnes questions, c'est en tout cas ce qu'elle prétend. Le spectateur ne sait pas quel parti prendre. Elle pratique trop bien l'humour noir pour qu'on soit de son coté. Il ne contrôle pas suffisamment son exaspération pour qu'on le juge professionnel aguerri. Le scénario est digne d'un polar qui aurait été mis entre les mains d'Humphrey Bogart et de Lauren Bacall. Et la projection d'un générique se justifie tout à fait.

Une chorégraphie sous des lumières de feu d'artifices achève de troubler (positivement) le public.
Je n'ai qu'un bémol sur la musique pendant le temps d'installation du public. Etait-ce bien nécessaire d'entendre des notes discordantes ? Par contre on apprécie d'écouter  la Lettre à Elise à la fin.
Cette découverte me donne un avant-goût de ce que pourrait (déjà) être un succès du festival d'Avignon 2020.

L'étrange affaire Emilie Artois de Lucas Andrieu et Emma Baudoux
Avec Lucas Andrieu et Elena El Ghaoui
Mis en scène et musique Damien Dufour
Au Théâtre de la Contrescarpe - 5, rue Blainville 75005 Paris - 01 42 01 81 88
Jusqu’au 29 septembre, les samedis et dimanches à 19h

Toujours en avant-première du festival d'Avignon 2020 ... et toujours au Théâtre de la Contrescarpe, ne manquez pas aussi En mode Projet de et avec Philippe Fertray.

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Fabienne Rappeneau.

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