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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 31 octobre 2012

Philippe Corentin aime-t-il les légumes ?

Philippe Corentin a publié une vingtaine d'albums à l'Ecole des loisirs. Et pourtant cet auteur-phare n'avait encore jamais accepté de se soumettre à l'épreuve de la dédicace. Pourquoi ce légendaire bougonneur a-t-il changé d'avis restera un mystère. Toujours est-il qu'il fit le déplacement mercredi dernier et qu'il ne fut sans doute pas déçu du voyage tant le nombre de ses admirateurs (avec un seul représentant de la gente masculine c'est le masculin pluriel qui s'impose ...) était impressionnant.

Sa biographie sera vite expédiée. On sait juste qu'il est né dans les années 40, en région parisienne, Paris ou Boulogne-Billancourt selon les sources. Il passe son enfance à Quimper, fait des études qui sont qualifiées de très secondaires sur le site de son éditeur ... En 1968, ses premiers dessins sont publiés dans "L'Enragé". Il a collaboré à "Elle", "Marie-Claire", "Jardin des Modes", "Vogue"... Du dessin d'humour à l'illustration en passant par la publicité, il est arrivé aux albums pour enfants.

Plus que la naissance, la paternité (et la grand-paternité) semblent être des évènements capitaux. Il a un frère, jumeau, Alain le Saux, qui fait le même métier que lui, mais Philippe brouille bien les cartes en s'inventant un nom de plume. Il prétend ne pas aimer la campagne et préférer la Bretagne, ce qui n'est pas antinomique. Ses goûts sont -ils dictés par amour de la rime, des crevettes ou du far aux pruneaux ? On le devine capable de se gaver de gâteaux, puis de légumes par bonne conscience.

Il réussit à s'entendre aussi bien avec son chat Valmont, qui dort sur sa table, qu'avec le chien Hissimédore, qui dort sous. Comment croire qu'il ait dans la vie réelle le caractère bougon qu'il semble fier de revendiquer ? Il est en tout cas extrêmement drôle et pratique la dérision avec tendresse.

Il avoue à demi-mots l'influence de Dürer, Gustave Doré, Mc Kay, Calvo, Tex Avery ... auxquels on pourrait ajouter Roald Dahl, Charlie Chaplin et les Marx Brothers. A bien observer ses livres on trouverait une parenté avec Claude Ponti. Même source d'inspiration familiale, l'un comme l'autre ont commencé à dessiner des albums pour leurs enfants. Même clin d'oeil au lecteur qu'ils font entrer dans leurs ouvrages. Même proposition de lire entre les lignes et de tourner le livre dans tous les sens. Et rien d'étonnant à cela puisqu'il affirme son intention de chatouiller le soir le lecteur avec ses histoires plutôt que de chercher à l'endormir.

Philippe Corentin n'hésite pas à se mettre en scène parmi ses personnages, et il ne se fait pas de cadeau en se représentant comme un vieux ronchon. Il aborde la panne d'inspiration en s'interpelant lui-même dans Zzzz... Zzzz ...

J'espère que si je démonter le mécanisme selon lequel il nous fait rire cela ne fera que renforcer l'envie d'aller plonger le bout de votre nez directement entre les pages. Il nous fait entrer dans l'histoire, comme au théâtre, par une interrogation : dis, maman pourquoi ... ? ou bien bille en tête par une affirmation : voilà, c'est l'histoire de ... en détournant ensuite les personnages principaux des contes ( le père noël, le petit chaperon rouge, le loup).

Ses héros portent des noms de personnages de dessins animés : Pipioli Pissenlit, Zigomar, Scroneugneu, Trottinette, Totoche, Routoutou, Bouboule, Baballe, Machin Chouette, Loustique et Chiffonnette ... Ils sont aussi sympathiques lorsqu'ils n'ont pas de patronymes comme la Mère Souris (avec des majuscules tout de même) ou la grenouille qui parfois même se contente d'être spectatrice muette de l'aventure, comme dans Plouf !

Les albums sont autant accessibles aux enfants qu'aux adultes. Philippe Corentin conjugue le comique de situation avec l'ironie. Il manie le langage parlé sur un ton familier, avec moult bruits, exclamations et interjections comme plouf, patatras, bing dans le chou, pan, hop et boum, pif, paf et patatouf. Mais il ose aussi employer un lexique précis pour les besoins de l'histoire : l'enfant apprendra que la souris est granivore et l'hirondelle insectivore et il sera aidé à ne pas confondre les animaux d'Afrique avec ceux qui vivent au Pôle Nord.

Philippe Corentin lui aussi est un granivore, si on en croit les pense-bêtes qu'il dessine dans un album pour songer à réclamer du blé à Arthur (Arthur Hubschmid est son éditeur à l'Ecole des Loisirs).

Sa collection est disponible dans toutes les bonnes librairies, et en particulier à la librairie Chantelivre, 13 rue de Sèvres, 75006 Paris.

Mademoiselle tout-à-l'envers, 1988; Le Chien qui voulait être chat, Lutin poche,1989; Le Père Noël et les fourmis, 1989, L'Afrique de Zigomar, 1990; Pipioli la terreur, 1990; L'Ogrionne, 1991; Plouf !,1991; Biplan le rabat-joie Mouche, 1992; Zigomar n'aime pas les légumes, 1992; Patatras !, 1994; L'Ogre, le loup, la petite fille... , 1995; Papa!, 1995; Mademoiselle Sauve-qui-peut, 1996; Les Deux goinfres, 1997; Tête à claques, 1998; L'Arbre en bois, 1999; Machin Chouette, 2002; Zzzz...zzz... , 2007; N'oublie pas de te laver les dents ! , 2009; Zigomar et les zigotos, 2012.

Pour en savoir davantage sur Philippe Corentin : lire la page de l'auteur sur le site de l'éditeur.

mardi 30 octobre 2012

Le défilé des nouveaux mondes au Salon du Chocolat 2012

Les articles que j'ai publiés sur le Salon du Chocolat figurent régulièrement dans le "top ten" des billets les plus lus au cours des trente derniers jours, et cela même un an plus tard. J'ai donc décidé d'écrire plusieurs chroniques pour rendre compte de l'édition 2012 qui est la dix-huitème édition de cette manifestation. Attirant toujours de plus en plus de personnes, le chocolat demeure imperturbablement porteur de rêves.

Sa valeur de convivialité et de partage est incomparable pour faire plaisir à ceux qu'on aime ou qu'on veut honorer comme le rappelaient Sylvie Douce et François Jeantet.

Le ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot soulignait la spécificité d'ouverture à l'autre et se réjouissait d'un défilé de robes et de tenues en chocolat célébrant le génie de nos artisans et chocolatiers. Il aurait pu aussi louer le talent des stylistes de l'école MJM Graphic design.

Ce moment est la pièce maîtresse de la soirée et c'est toujours avec une certaine bousculade que les invités (la soirée inaugurable n'est accessible qu'aux possesseurs du carton magique) prennent place dans l'arène de 500 places le mardi 30 octobre.

Le thème des Nouveaux Mondes du Chocolat était un prétexte à un voyage d'un continent à l'autre qui s'autorisa même un détour dans l'Espace. Les transitions furent ponctuées de chorégraphies élégantes conçues en partenariat avec l'Académie internationale de Comédie Musicale, première école française dédiée au théâtre musical.

lundi 29 octobre 2012

Petit manuel du parfait arriviste de Corinne Maier

Ce Petit manuel du parfait arriviste m'est arrivé alors que j'achevais le dernier livre de Zoé Shepard, Ta carrière est fi-nie ! J'ai pensé qu'il fallait y voir une relation de cause à effet, et je me suis empressée de lire. En ces temps de crise annoncée toute leçon est bonne à entendre.

Les conseils de l'auteur ne sont pas systématiquement applicables. Se délester des tâches pénibles sur un stagiaire suppose d'en avoir un ... de stagiaire. Et il y a des domaines peu sollicités en la matière. Afficher un ego surdimensionné n'est pas un exercice qui m'est naturel. Il faudrait d'abord que je réactive ma présence sur Facebook.

Ne jamais jouer franc jeu semble être la première règle, la seconde étant de pratiquer l'art de botter en touche (page 75) avant de passer maître en enfumage. J'ai compris en arrivant à ce stade de la lecture pourquoi je n'avais jamais grimpé en haut de l'échelle sociale. Je déteste l'hypocrisie au moins autant que Montherlant haïssait la médiocrité.

On peut lire ce manuel selon deux approches. Au pied de la lettre, mais je ne suis pas sûre que vous y trouviez de bons conseils pour booster votre carrière. Vous apprendrez par contre à reconnaitre les agissements des personnes dénuées de scrupules, ce qui vous permettra, peut-être, d'aller nager en eaux moins troubles.

Vous pêcherez quand même des perles de dialectique. Il est certainement plus efficace d'avancer d'une voix douce : je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée au lieu de s'opposer massivement en râlant. Quitte à monter d'un cran en souriant, comme si on s'exprimait à contrecoeur : je crois que çà va pas être possible.

Aviez-vous jamais pensé à dire ainsi non ... de manière positive ? Voilà une façon d'affirmer son opinion sans user véritablement de langue de bois.

Et puis, surtout, si vous le regardez avec un peu de distance, vous allez franchement sourire et même rire, à l'instar des chroniques de votre humoriste préféré. Le chapitre consacré au mercato de l'âme soeur résonne avec tant d'à propos qu'on se dit qu'on n'a jamais que ce que l'on cherche ...

Corinne Maier publie régulièrement des petits livres provocateurs, tirant à boulets rouges sur la psychanalyse, un domaine qu'elle connait bien puisqu'elle est analyste, sur la France (qu'elle a d'ailleurs quittée pour s'installer en Belgique), sur la filiation, recommandant de ne pas faire d'enfants.

Le monde du travail est une mine qui lui a permis d'écrire déjà deux autres ouvrages : Bonjour paresse, en 2004 (chez Michalon) qui se solda par son licenciement d'EDF (elle eut moins de chance que Zoé Shepard qui ne connut "que" le placard mais son second métier d'analyste facilita sans doute l'acceptation de la situation) et Ceci n'est pas une lettre de candidature trois ans plus tard (Editions Mille et une nuits). On a le sentiment qu'avec le dernier elle affirme sa revanche.

Petit manuel du parfait arriviste de Corinne Maier, chez Flammarion, 2012

dimanche 28 octobre 2012

Changement d'heure et conséquences

Il était 17 heures aujourd'hui quand je fus attirée dehors par la clémence d'une météo autorisant désormais une jolie balade. Direction le Parc de Sceaux. Halte là on n'entre plus ! Ceux qui avaient oublié de reculer leurs montres d'une heure n'en revenaient pas, pensant qu'il était 16 heures et qu'ils avaient encore trois bonnes heures de promenade à faire. C'était vrai hier puisque le Parc fermait à 19 heures. Cela ne l'est plus aujourd'hui.

Une feuille de papier collée sans préavis à la hâte sur la grille confirme le nouvel horaire de 17 heures. C'est un peu rude. Surtout un dimanche. Comme je l'entendais tout à l'heure les usagers apprécieraient au contraire que les lieux publics jouent les prolongations ces jours là.

Nous fûmes quelques centaines à nous faire éjecter par les gardes en scooter. Or les scientifiques nous ont prévenus : le changement d'heure réduit nos défenses immunitaires. Il faut une quinzaine de jours pour s'y habituer et il est recommandé d'augmenter son activité par au moins une demi-heure de marche rapide. On ne va donc pas renoncer devant une grille fermée.
Vous me direz que d'un coté ou de l'autre de la grille qu'est-ce que ça change ? Marcher, promener son chien ou courir à quelques mètres de là où on a nos habitudes c'est toujours faire le tour du Parc, mais autrement, le bruit des voitures dans l'oreille gauche, les chants d'oiseaux dans la droite.
La grande pelouse de la Plaine des Quatre Statues n'est plus traversée que par des corbeaux. Restait la toute proche Coulée verte, accessible jour et nuit.

Si la lune commençait à luire haut dans le ciel la lumière du jour, encore vive, tombait blafarde sur le château qui semblait abandonné au bout de la Plaine. Un peu plus loin, le jardin de la Ménagerie résonnait de cris d'enfants joyeux. Les terrasses des cafés étaient noires de monde. Les badauds se livraient à un autre sport, un lèche-vitrine peu couteux un dimanche puisque toutes les boutiques étaient fermées.
Il est 18 heures. Les statues du Jardin des Félibres sont éclairées pour personne. On se dit qu'il y a des économies qui ne pénaliseraient pas le contribuable, bien au contraire.

vendredi 26 octobre 2012

Le roi nu ... à voir en bénéficiant d'un tarif réduit pour les lecteurs du blog

J'avais beaucoup apprécié le travail de la compagnie. J'avais découvert le roi nu d’après Evguéni Schwartz, mise en scène Alexandre Blazy, par la Compagnie Fulguro, au Théâtre de Belleville et je vous invite à lire ou relire la chronique que j'avais écrite sur le sujet en avril dernier.

Vous y verrez un grand nombre de photos. Je vous rappelle qu'en cliquant une fois sur la première vous pouvez faire défiler la totalité et assister au spectacle ... presque comme si vous y étiez.

Il vous manquera la bande-son. Depuis le 7 octobre, la fine équipe reprend la pièce tous les dimanches soir à 20h04  au Théâtre des Béliers Parisiens, le nouveau théâtre de l'Artdenfer Production d'Arthur Jugnot, 14 bis rue Sainte Isaure 75018.

Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule j'ai le plaisir de vous annoncer que les lecteurs du blog pourront bénéficier de places à 15 euros au lieu du plein tarif de 26 euros. J'aurais pu imaginer un jeu-concours pour faire gagner les plus méritants. Mais nous n'allons pas mégoter. La compagnie a décidé d'être royale et de satisfaire TOUTES les demandes. Alors pour en bénéficier il suffit d'envoyer un mai à Florian Jamey à l'adresse suivante : fjamey@gmail.com en vous recommandant du blog A bride abattue.

L'offre est malgré tout limitée dans le temps ... Vous disposez de tout le mois de novembre, mais attention les représentations n'ont lieu que les dimanches.

Vous remarquerez que le mois d'octobre aura été sympathique avec une offre spéciale au début avec Y a de l'otage dans l'air aux Trois-Bornes  et celle-ci à la fin. Qui sait ? D'autres suivront peut-être ... 

Le roi nu a connu un beau succès au festival d'Avignon cet été et ce n'est que justice qu'il puisse jouer les prolongations sur une scène parisienne. Et je souhaite encore longue vie à ce roi nu !

jeudi 25 octobre 2012

Work in progress de Philippe Pasqua au Storage

Ce soir un vernissage grandiose inaugura la troisième édition du Work In Progress de Philippe Pasqua, dans un lieu aménagé spécialement par l'artiste du coté de Saint-Ouen l'Aumône, dans le Val d'Oise autrement dit en lointaine banlieue parisienne (vous me direz que tout dépend où l'on vit, mais l'homme est égocentré, n'est-il pas vrai ?).

Appelé The Storage, l'endroit est un ancien parking automobile. Il a été conçu par l'artiste pour s'y livrer à des expérimentations artistiques et collectives innovantes, et surtout pour y travailler. C'est donc à la fois un espace de présentation et de stockage, un atelier et une enfilade de salles d'exposition. C'est encore aussi un jardin de sculptures.
Tout le programme est contenu dans cet intitulé : Storage signifie rangement, mais aussi accumulation et mémoire. Quant à Work in progress l'expression peut se traduire littéralement par Travaux en cours. Ce qui nous est donné à voir est de l'ordre du chantier, à l'instar de la politique des grands chantiers initiés par les présidents.

L'espace d’exposition est immense, proportionné à la taille des oeuvres, permettant de les mettre en valeur sans les étouffer. Nul besoin d'être spécialiste en art contemporain pour être saisi dès l'entrée par le travail de Philippe Pasqua. Le catalogue de l'exposition est déjà prêt à se laisser emporter. Enorme, lui aussi.

L'artiste s'affirme autodidacte. Cela tombe bien, je n'ai pas fait d'école de beaux-arts et je déambulerai donc dans l'espace sans référence académique préalable. Le terme de "monstrueux" s'impose, par la taille, les volumes, les sujets choisis. Et pourtant il y a de la douceur dans la manière dont on nous donne à voir ces visages. La matière est épaisse, conférant aux tableaux une vitalité intense.

Les cartels sont minuscules, et peu explicites. un prénom, une année, la mention "Autoportrait" qui se répète à coté d'oeuvres qui ne font pas penser au peintre. Le catalogue n'est pas davantage explicite. Ce n'est pas sur lui qu'il faut compter pour nous donner une parole toute faite. Il faudra se forger sa propre opinion tout seul, et c'est très bien.

On m'a prévenue que l'artiste n'aime pas les mondanités, que sans doute on ne le verrait pas ce soir. Et quand bien même il montrerait la pointe d'une basket, je n'avais aucune chance de le reconnaitre. Ceux qui lui ont collé l'étiquette d'Insaisissable entretiennent la légende.

Cet homme est tout le contraire de cette image d'ours mal léché. Il n'a pas manqué de l'affection de sa maman dans son enfance, qui demeure une de ses groupies les plus attentionnées. Philippe est arrivé avec le sourire, a signé des autographes à tour de bras, et même jusque sur le bras d'une (très) jolie admiratrice. L'approcher c'est la promesse d'entendre un mot gentil.
Il dit ne pas savoir pourquoi il peint, mais être très heureux de le faire. Il est tout le contraire de l'artiste maudit qui créé dans la souffrance. Il exprime le plaisir qu'il y trouve et assure que la peinture lui fait beaucoup de bien. Il irait jusqu'à la comparer à une thérapie, reconnaissant à demi-mots qu'il y aurait quelque chose dont il lui faudrait guérir, d'où sans doute son attirance pour ce qui est marginal, les trisomiques, les prostituées, les aveugles, les transsexuels ...
Il a très peu travaillé d'après modèles, estimant qu'il n'était pas humain de leur imposer des séances d'immobilité. La photographie a été libératrice pour eux comme pour lui. Une forme de délicatesse surgit des oeuvres, éloignant son travail de peintres qui, soit l'ont inspiré (ce serait à un tableau de Francis Bacon découvert dans la vitrine d'une librairie- même pas dans un musée- qu'il devrait sa vocation), soit sont cités comme appartenant à un même univers. Il est vrai que la crudité de ce qu'il nous donne à percevoir fait penser à Lucian Freud. 
Avec la nouvelle série autour des enfants il se dégage une spontanéité et une puissance d'évocation onirique dont on ne sait pas si c'est la cause ou la conséquence de sa méthode de travail.  Il mélange la peinture sur la toile, sans passer par l'intermédiaire de la palette, employant le pinceau comme d'autres utiliseraient un couteau.
Il peut combiner dessin et peinture, démontrant en quelque sorte que le réalisme n'est pas un ennemi du rêve. Les peintures montrent les chairs quand les sculptures révèlent les charpentes. Quand il est sculpteur il se focalise sur le thème de la vanité, mais là encore avec un onirisme certain. Ses crânes donnent naissance à des envols de papillons.

Le loup était autrefois l'animal effrayant cristallisant les risques dont il fallait tenir les enfants à l'écart. S'il était encore parmi nous Charles Perrault pourrait réviser son best seller en l'intitulant le Grand Tyrannosaure Rex. L'animal est à la mode et fait l'objet d'une grande exposition au Jardin des Plantes. Je ne sais pas si celui qui montre les dents dans la première salle du Storage est ici pour effrayer ou pour avertir que même les plus grands ne subsisteront pas éternellement, ... dans une nouvelle démonstration de l'éphémère et de la vanité.

Proportionnellement l'animal est minuscule, comme si, pour une fois, la fiction pasquaienne avait été rattrapé par la vérité. Tout le reste est de l'ordre du gros plan, et c'est avec une loupe que le visiteur est invité à regarder les visages et les corps, sans provoquer l'envie de s'éloigner. Bien au contraire.

Il utilise des tonnes (en tout cas des quantités phénoménales) de peinture rouge, noire et blanche. Curieusement la couleur apparait davantage dans les sujets les plus durs, comme la série des Traumas que l'on peut voir ou revoir dans une salle dédiée.

J'y ai retrouvé l'ambiance d'une matinée en salle d'hop, précisément en chirurgie orthopédique, où ma curiosité m'avait entrainée quelques heures. Une lumière turquoise sur des carreaux blancs, des outils de boucher qui s'entrechoquaient dans des bacs inoxydables, une odeur de chair brulée et de ciment frais.

Ce n'est pas la peinture de Philippe Pasqua qui est féroce, mais la vie plus simplement. Les parisiens ne seront pas les seuls à le découvrir. Philippe Pasqua est invité à la foire d’art de Toronto du 26 au 29 octobre, qui drainerait quelque 20.000 collectionneurs.

La Fondation Fernet-Branca l'expose à Saint Louis jusqu'au 9 décembre. Il faut signaler que c'est d’ailleurs la première exposition personnelle en institution publique de l’artiste en France. 

Tel-Aviv recevra l’artiste dans la galerie Zemack à partir du 15 novembre. En 2013, des oeuvres seront présentées en Asie, à Hong Kong pour la foire ART HK du 23 au 26 mai aux côtés de Jeff Koons, Damien Hirs et Takashi Murakami. Egalement à Taiwan pour l’Art Revolution Taipei.






The Storage
38, avenue du fond de Vaux - 95310 Saint-Ouen l'Aumône

Ouverture du lieu sur rendez-vous - tél. 01 39 09 99 23

mercredi 24 octobre 2012

Le Praliné made in F ... comme Fauchon

On connait bien le praliné chez Fauchon. Fabien Rouillard avait révélé ses secrets de fabrication de l'éclair Paris-Brest en février dernier. De là à imaginer toute une collection il n'y avait qu'une enjambée qui fut franchie en partenariat avec Pascal Caffet, Meilleur Ouvrier de France et qui est mise à l'honneur un mois durant, du 15 octobre au 15 novembre 2012, en quelque sorte en avant-première du Salon du chocolat où il se pourrait que la maison soit présente l'an prochain.

Le praliné à la française selon Fauchon c'est une invitation à découvrir des textures alliant croquant et fondant, et sans se spécialiser entre chocolat noir et chocolat au lait.  

Avant toute chose, il était conseillé de croquer dans une noisette ou une amande pour juger de leur qualité. La dégustation aurait pu s'arrêter là tant elles étaient savoureuses.

mardi 23 octobre 2012

Ta carrière est fi-nie ! de Zoé Shepard chez Albin Michel

Il n'y a pas longtemps, je découvrais Absolument dé-bor-dée que je dévorais très vite. Apprenant que, à peine réintégrée dans son administration territoriale, Zoé avait récidivé  je me hâtais de lire la suite.

La couverture est la soeur jumelle de la première. Le crayon a été cassé et le carnet à spirales a légèrement jauni. Un matériel sur lequel l'auteur avoue fantasmer lorsqu'elle découvre le fantastique (et sans doute très onéreux) logiciel de réservation de voitures de fonction en plein bug. Encore quelques années de crise et ledit logiciel n'aura pas besoin de mise à jour  ... je veux dire quand les fonctionnaires devront se contenter de cycles pour accélérer leurs déplacements.

On retrouve la fine équipe avec laquelle on avait fait connaissance. En particulier le Gang des Chiottards, ainsi surnommé parce qu'il est d'usage d'appeler Cabinet l'aréopage des collaborateurs les plus proches du Maire, comme on le fait d'ailleurs pour un Président de Conseil général, régional, un Ministre et tout Président qui se respecte.

Le sureffectif dénoncé dans le premier opus n'est pas revue à la baisse et il est toujours commun d'embaucher une nouvelle personne-ressource pour gérer un problème de communication, quel qu'il soit. L'auteur exprime ses opinions avec réalisme (page 53) : les jours où je veux voir la vie du bon côté, je me dis que placer deux agents pour un unique poste permet de réduire significativement le chômage. le reste du temps, voir un tel gâchis des deniers publics me navre.

Elle cite abondamment Quino dans Mafalda en plaçant d'amères petites phrases en tête de chaque nouveau chapitre comme pour enfoncer les clous semés dans le précédent. Comme celle-ci : Le pire, c'est quand le pire commence à empirer.

Même si tous les faits ne sont pas concentrés dans l'administration qui lui sert de modèle, du moins on espère qu'il y a une certaine dose de fiction dans le catalogue des aberrations qu'elle nous raconte, la jeune femme s'efforce d'apparaitre comme le Zorro de la Territoriale tentant de remettre les élus et leurs sbires sur le droit chemin. Elle clame (page 58) sa bonne foi haut et fort : tel que vous présentez les choses, ce n'est pas borderline légalité. C'est illégal. Défendu. Illicite. En l'occurrence créer un nouveau poste hors délibération du Conseil municipal, sans passer d'annonces dans les journaux spécialisés, se dispenser d'entretiens d'embauche en étirant au maximum de ses possibilités l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 qui permet d'embaucher plutôt un contractuel qu'un fonctionnaire, ou faire appel à une société de conseil hors procédure de marché d'appel d'offres. Soit dit en passant il est si facile de "truquer" les appels d'offres pour avantager une entreprise que l'illégalité est une pratique facile à blanchir.

La mégalomanie continue aussi de s'exprimer au fil des pages. T'as le numéro de Matignon ? interroge le chef de notre rédactrice sur un ton qui admettrait mal une réponse négative.

Ce second tome qui semble précéder un troisième, se focalise sur une dérive en dénonçant la placardisation. Le phénomène n'est pas récent. En ce qui concerne Zoé la manoeuvre est directement liée à la publication de son premier livre, mais pas que. Elle a du en agacer plus d'un avec ses codes, ses seuils, ses critères et c'est bien connu, l'administration n'a pas d'humour

La placardisation fut largement pratiquée suite à des divergences politiques dans l'audio-visuel. Mais ce n'est pas nécessairement parce qu'on déplait qu'on se trouve démuni de travail. Il y a moult raisons d'être libéré de ses obligations. J'ai moi-même expérimenté la situation. J'étais alors très jeune fonctionnaire et c'est bêtement, faute de dossiers à traiter, que je me suis retrouvée sans emploi, mais pas sans salaire. Je n'avais pas l'âme guerrière chevillée au corps et n'ai pas voulu changer la fonction publique de l'intérieur. Il faut dire que la France se trouvait alors en période de plein emploi et j'eus vite fait de trouver mieux ailleurs. Manifestement Aurélie Boullet, puisque tel est son nom, est dans d'autres dispositions d'esprit, encore convaincue que sa résistance pourrait ébranler le tyrannosaure. Mais je doute que sa position soit maintenable à moyen terme.

Dans le premier opus elle dénonçait les fonctionnaires qui ne veulent pas travailler. Cette fois elle démontre qu'il en existe qui s'en trouvent empêchés.

Le placard est souvent une étape sur le chemin de croix du harcèlement. Delphine de Vigan le démontrait avec Les heures souterraines il y a trois ans. Lui aussi un roman, lui aussi très autobiographique, mais beaucoup plus tragique. Les lecteurs de Zoé Shepard s'amusent, ce qui peut réjouir dans un monde plutôt morose. Mais ne nous y trompons pas, même si l'auteur force un peu le trait ... de crayon, il y aurait urgence à ce que le drapeau noir flotte sur la marmite et que la fonction territoriale s'assainisse d'elle-même avant que le pire ne soit atteint et que le contribuable n'en vienne à se fâcher pour de bon.
Ta carrière est fi-nie ! de Zoé Shepard chez Albin Michel
Et toujours Absolument dé-bor-dée ! ou le paradoxe du fonctionnaire de Zoé Shepard également chez Albin Michel

lundi 22 octobre 2012

Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé

Hélène Vincent était la bourgeoise de la Vie est un long fleuve tranquille, dans une interprétation si parfaite qu'elle lui valut d'être cataloguée. Du moins au cinéma, parce qu'au théâtre elle s'est glissée dans la peau de personnages diamétralement opposés.

Elle fut la plus que vivante Alexandra David-Néel. Pas question pour moi de louper ce film où elle joue un des deux rôles principaux malgré un thème qui est aux antipodes de mes envies du moment.

Le sujet a de quoi effrayer : A 48 ans, Alain Evrard est obligé de retourner habiter chez sa mère. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. C'est une question de mois, peut-être même seulement de semaines. Cet espace de temps leur suffira-t-il pour se prodiguer un peu de tendresse ?

Qui aurait envie qu'on lui montre une fin de vie, fut-elle consentie ? D'ailleurs elle ne l'est pas de gaité de coeur. Mais Yvette y fait face comme elle a toujours affronté les embuches que la vie a placées sur son chemin. Elle assume le verdict du médecin comme une défaite qu'elle n'a pas vu venir : J'aurais du prendre ce mélamone au sérieux. Je ne l'ai pas fait. Voilà tout.

Manger une seconde tranche de cake est un écart de conduite. Aller chez le coiffeur est un plaisir rare. Le retour du fils prodigue après 18 mois de prison va la contraindre à partager l'espace, et aussi Calie la chienne. L'animal cristallisera les non-dits.

Hélène Vincent est impeccable dans sa blouse tirée à quatre épingles. Sa dignité est sans faille. Ceux qui s'arrêteront à la surface des choses verront en elle une psycho-rigide alors que c'est une handicapée affective qui a perdu depuis longtemps toute capacité à laisser entrevoir une émotion. On devine que la maltraitance conjugale lui a fait perdre toute faculté à se laisser aller.

Sa douceur s'exprime à travers des bocaux de compote qu'elle offre à son voisin, Monsieur Lalouette (merveilleux Olivier Perrier), amoureux transi guère plus expansif qu'elle. Du moins parvient-il à jouer un bref instant le père de substitution qui a toujours manqué à Alain (excellent Vincent Lindon) qui synthétise un mélange de colère et de mélancolie.

Les jours passent. On a l'espoir que les choses vont s'arranger. Pour le fils qui retrouve un travail, peu gratifiant, mais un travail tout de même. Pour Clémence qui surgit dans sa vie (Emmanuelle Seigner émouvante dans sa volonté d'instaurer une relation vraie). Pour le voisin qui prend de plus en plus de place. Pour la mère qui semble ne pas se porter si mal que ça et qui continue de peler des kilos de pommes.
Les angoisses brouillent malgré tout son visage pendant les entretiens-bilans avec la cancérologue. Un sourire de façade ne parvient pas à gommer les effrayantes nouvelles. Hélène Vincent est finement expressive. Peu d'actrices super botoxées auraient pu incarner cette femme avec un naturel aussi confondant. Mais n'allez pas croire qu'elle est ainsi dans la vraie vie. Je vous rassure, c'est une femme extrêmement joyeuse et pleine de fantaisie.

Stéphane Brizé a tourné en longs plans séquence en laissant de la place aux silences. Les dialogues sont réduits, ajoutant une forte crédibilité à la psychologie des personnages.

Peut-on écrire que le film se termine mal ? Pas complètement ... Sans pourvoir conclure à une vraie réconciliation on mesure le chemin que chacun a pu faire jusqu'à l'autre et on apprécie d'en avoir été témoin. On ressort de la salle avec ce sentiment très particulier qui s'apparente à une forme de paix, très loin du pathos qu'un tel sujet aurait pu susciter.

dimanche 21 octobre 2012

Journeys, Déambulation dans la Turquie contemporaine à l'Espace culturel Vuitton

Après la très intéressante exploration des Turbulences, l'Espace culturel Vuitton invite le public à découvrir la Turquie par le biais d'une Déambulation en compagnie de quelques artistes contemporains.

On commence comme toujours par la vitrine de la rue Bassano qui a été confiée à Ali TAPTIK. Le photographe a assemblé quelques clichés pris à Istambul pour évoquer la crise qu'un système défaillant ne parvient pas à juguler.
L'artiste affirme photographier des prises de conscience. Avec Nothing surprising, l'oeuvre qui nous accueille dans le hall d'entrée, il reconstruit toute une ambiance qui symbolise une vie délabrée. L'enfant semble serein, mais aura-t-il un autre avenir que de rêver des voyages incertains face à un cargo poubelle ?
L'enfant est aussi au coeur de la création d'Ihsan OYURMAK qui pointe l'emploi de l'uniforme dans les écoles depuis presque un siècle. En gommant les inégalités il fait aussi disparaitre l'identité de chacun, ce qui se traduit dans sa peinture par des visages qui ont perdu le regard. S'il peint à partir de photographies, ce jeune artiste de 25 ans interroge sur l'uniformisation et la soumission aux règles. Les noms des punis étaient inscrits au tableau noir, lequel est ici accentué par le rebord où poser les craies blanches. Les frondeurs pouvaient passer des heures une jambe en l'air. La soumission dont les adultes font preuve aujourd'hui n'a-t-elle pas pris racine dans l'habitude des punitions infligées dans l'enfance ?
Tayfun SERTTAS appartient à la même génération. Il a sélectionné 180 images parmi une série réalisée par Maryam Shinyan, fille de diplomates arméniens originaire d'Anatolie. Les portraits de son studio l'ont rendue célèbre à une époque où les femmes étaient très peu photographiées.
Le soir du vernissage une femme s'est reconnue dans un des clichés de la Butterfly Collection. On peut néanmoins s'amuser à y chercher la petite fille qu'on aurait pu être. Parce que c'est encore une sorte d'uniformisation qui est ici ordonnée, gommant les minorités au profit d'une forme d'occidentalisation.
Je pourrais échanger celle-ci avec un tirage qui se trouve dans l'album de la famille sans qu'on remarque le subterfuge. Tayfun a le projet de les mettre en ligne pur que chacun se taggue. Je parie qu'il y aura plusieurs noms par image ... 
CANAN a réalisé un conte video qui tient son nom, Ibretnüma, du Conte des Mille et une Nuits. Elle raconte l'histoire d'une jeune villageoise accordée en mariage à quelqu'un qu'elle n'aime pas et qui finit par fuir vers la ville. La grand-mère va précipiter le malheur de sa fille en croyant bien faire et l'histoire se répétera dans la génération suivante. Le film de presque une demi-heure est diffusé en turc, sous-titré en anglais, mais on peut s'adresser à la médiatrice pour demander un casque afin d'entendre la version française.
A la façon des miniatures elle met en parallèle les manifestations avant et après le 1er mai 1977, date à laquelle l'armée a tiré sur la foule depuis une tour.
On dit que notre monde vit à l'envers. Hale TENGER met en scène cette assertion en suspendant deux globes dans une très grande salle. Après avoir traversé un premier épais rideau de boas blancs et noirs nous découvrons la terre vue depuis l'espace puis, dans une autre pièce la planète inversée, mais avec tous les noms étiquetés dans le bons sens.

Les rideaux de plumes nous prennent dans une douceur qui n'est qu'illusoire face à la violence du monde. A moins qu'ils ne soient là pour nous inciter à la compassion.

Les globes se balancent dans l'obscurité, tête en bas, à partir d'arbre invisibles. La passivité à laquelle le spectateur est contraint est forcément dérangeante.
L'installation Strange Fruit fait référence à une chanson d'Abel Meeropol, mise en musique et interprétée par Billie Holiday en mémoire du lynchage de deux noirs pendus à un arbre. L'artiste a choisi  de nous faire entendre la magnifique et célébrissime Bachianas Brasileiras d'Heitor Villa-Lobos ... mais à l'envers.
Autre inversion avec Murat AKAGÜNDÜZ qui fait remonter les eaux de l'Euphrate au centre de Hell-Heaven. L'homme qui est né quelque part près de ce fleuve immense ne serait-il pas en voie de disparition  alors que les conflits ne cessent pas dans la région. 
Treize yeux d'oiseaux migrateurs, tous de race différente, nous scrutent en semblant avoir perdu tout affect. Ils ont été filmés en gros plan dans un zoo, témoignant que même la nature est en train de s'évanouir.
Cet artiste conjugue l'air et l'eau avec la terre qui nous saisit dès la sortie de l'ascenseur, avec de gigantesque tableaux exécutés à la résine.
Ce matériau est habituellement un liant dans les peintures mais Murat Akagündüz l'emploie seul pour renvoyer à la terre, à 'abandon, au patrimoine et aux fouilles archéologiques. La résine impose de lutter contre le temps parce qu'il sèche et se rigidifie très rapidement. On perçoit une ruine minuscule au centre d'un tableau immense. la résine est aussi une métaphore de la souffrance puisqu'elle est utilisée également comme un antalgique dans la médecine traditionnelle en Turquie.

La photographie semble un media privilégié chez les artistes rencontrés par Marie-Ange Moulonguet, qui assure la direction de l'Espace. Silva BINGAZ a même réalisé une série de prises de vues spécialement pour l'exposition, avec un appareil argentique. On rencontre beaucoup de femmes sur le diaporama d'une cinquantaine de clichés qui défile en continu mais aussi une cigogne qui a croisé son chemin en pleine nuit, à Istambul bien sur.
Halil ALTINDERE propose une oeuvre unique, très ironique,  critique elle aussi de notre époque. Un chevalier de l'espace, vêtu et casqué comme un astronaute, sur un animal impassible, pose pour l'éternité devant un paysage touristique de la Cappadoce qui est le pays des chevaux sauvages tel un cow boy des temps modernes à proximité d'un campement de tipis. Son No Man's land retroéclairé est saisissant d'hyperréalisme.
Autre forme de critique avec Gödzde ILKIN qui recompose un voyage aux frontières de la Turquie en pointant les passages des frontières. Elle met en relief le fameux paseport vert indispensable pour aller partout ... sauf en Arménie. Elle a croisé beaucoup de petits soldats et d'imposants engins militaires qu'elle rendrait presque inoffensifs une fois parés de broderies.
Ceren OYKUT exprime la violence et la détresse à travers de minuscules croquis où tout se tient dans un fragile équilibre. Elle dit croquer ces petites gens qui essaient de ne pas couler dans une mare de boue.
Enfin Murat MOROVA propose un polyptique qu'il faut scruter dans le détail pour saisir la schizophrénie entre tradition et modernité, tout en renvoyant à la calligraphie arabe. Le panneau est laqué, évoquant aussi le Japon.

Journeys, Déambulation dans la Turquie contemporaine à l'Espace culturel Vuitton jusqu'au 6 janvier 2013 , 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Entrée libre, du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures sauf les 25 décembre et 1er janvier.

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