Après la très intéressante exploration des Turbulences, l'Espace culturel Vuitton invite le public à découvrir la Turquie par le biais d'une Déambulation en compagnie de quelques artistes contemporains.
On commence comme toujours par la vitrine de la rue Bassano qui a été confiée à Ali TAPTIK. Le photographe a assemblé quelques clichés pris à Istambul pour évoquer la crise qu'un système défaillant ne parvient pas à juguler.
L'artiste affirme photographier des prises de conscience. Avec Nothing surprising, l'oeuvre qui nous accueille dans le hall d'entrée, il reconstruit toute une ambiance qui symbolise une vie délabrée. L'enfant semble serein, mais aura-t-il un autre avenir que de rêver des voyages incertains face à un cargo poubelle ?
L'artiste affirme photographier des prises de conscience. Avec Nothing surprising, l'oeuvre qui nous accueille dans le hall d'entrée, il reconstruit toute une ambiance qui symbolise une vie délabrée. L'enfant semble serein, mais aura-t-il un autre avenir que de rêver des voyages incertains face à un cargo poubelle ?
L'enfant est aussi au coeur de la création d'Ihsan OYURMAK qui pointe l'emploi de l'uniforme dans les écoles depuis presque un siècle. En gommant les inégalités il fait aussi disparaitre l'identité de chacun, ce qui se traduit dans sa peinture par des visages qui ont perdu le regard. S'il peint à partir de photographies, ce jeune artiste de 25 ans interroge sur l'uniformisation et la soumission aux règles. Les noms des punis étaient inscrits au tableau noir, lequel est ici accentué par le rebord où poser les craies blanches. Les frondeurs pouvaient passer des heures une jambe en l'air. La soumission dont les adultes font preuve aujourd'hui n'a-t-elle pas pris racine dans l'habitude des punitions infligées dans l'enfance ?
Tayfun SERTTAS appartient à la même génération. Il a sélectionné 180 images parmi une série réalisée par Maryam Shinyan, fille de diplomates arméniens originaire d'Anatolie. Les portraits de son studio l'ont rendue célèbre à une époque où les femmes étaient très peu photographiées.
Le soir du vernissage une femme s'est reconnue dans un des clichés de la Butterfly Collection. On peut néanmoins s'amuser à y chercher la petite fille qu'on aurait pu être. Parce que c'est encore une sorte d'uniformisation qui est ici ordonnée, gommant les minorités au profit d'une forme d'occidentalisation.
Je pourrais échanger celle-ci avec un tirage qui se trouve dans l'album de la famille sans qu'on remarque le subterfuge. Tayfun a le projet de les mettre en ligne pur que chacun se taggue. Je parie qu'il y aura plusieurs noms par image ...
CANAN a réalisé un conte video qui tient son nom, Ibretnüma, du Conte des Mille et une Nuits. Elle raconte l'histoire d'une jeune villageoise accordée en mariage à quelqu'un qu'elle n'aime pas et qui finit par fuir vers la ville. La grand-mère va précipiter le malheur de sa fille en croyant bien faire et l'histoire se répétera dans la génération suivante. Le film de presque une demi-heure est diffusé en turc, sous-titré en anglais, mais on peut s'adresser à la médiatrice pour demander un casque afin d'entendre la version française.
A la façon des miniatures elle met en parallèle les manifestations avant et après le 1er mai 1977, date à laquelle l'armée a tiré sur la foule depuis une tour.
On dit que notre monde vit à l'envers. Hale TENGER met en scène cette assertion en suspendant deux globes dans une très grande salle. Après avoir traversé un premier épais rideau de boas blancs et noirs nous découvrons la terre vue depuis l'espace puis, dans une autre pièce la planète inversée, mais avec tous les noms étiquetés dans le bons sens.
Les rideaux de plumes nous prennent dans une douceur qui n'est qu'illusoire face à la violence du monde. A moins qu'ils ne soient là pour nous inciter à la compassion.
Les globes se balancent dans l'obscurité, tête en bas, à partir d'arbre invisibles. La passivité à laquelle le spectateur est contraint est forcément dérangeante.
L'installation Strange Fruit fait référence à une chanson d'Abel Meeropol, mise en musique et interprétée par Billie Holiday en mémoire du lynchage de deux noirs pendus à un arbre. L'artiste a choisi de nous faire entendre la magnifique et célébrissime Bachianas Brasileiras d'Heitor Villa-Lobos ... mais à l'envers.
Autre inversion avec Murat AKAGÜNDÜZ qui fait remonter les eaux de l'Euphrate au centre de Hell-Heaven. L'homme qui est né quelque part près de ce fleuve immense ne serait-il pas en voie de disparition alors que les conflits ne cessent pas dans la région.
Treize yeux d'oiseaux migrateurs, tous de race différente, nous scrutent en semblant avoir perdu tout affect. Ils ont été filmés en gros plan dans un zoo, témoignant que même la nature est en train de s'évanouir.
Cet artiste conjugue l'air et l'eau avec la terre qui nous saisit dès la sortie de l'ascenseur, avec de gigantesque tableaux exécutés à la résine.
Ce matériau est habituellement un liant dans les peintures mais Murat Akagündüz l'emploie seul pour renvoyer à la terre, à 'abandon, au patrimoine et aux fouilles archéologiques. La résine impose de lutter contre le temps parce qu'il sèche et se rigidifie très rapidement. On perçoit une ruine minuscule au centre d'un tableau immense. la résine est aussi une métaphore de la souffrance puisqu'elle est utilisée également comme un antalgique dans la médecine traditionnelle en Turquie.
La photographie semble un media privilégié chez les artistes rencontrés par Marie-Ange Moulonguet, qui assure la direction de l'Espace. Silva BINGAZ a même réalisé une série de prises de vues spécialement pour l'exposition, avec un appareil argentique. On rencontre beaucoup de femmes sur le diaporama d'une cinquantaine de clichés qui défile en continu mais aussi une cigogne qui a croisé son chemin en pleine nuit, à Istambul bien sur.
Halil ALTINDERE propose une oeuvre unique, très ironique, critique elle aussi de notre époque. Un chevalier de l'espace, vêtu et casqué comme un astronaute, sur un animal impassible, pose pour l'éternité devant un paysage touristique de la Cappadoce qui est le pays des chevaux sauvages tel un cow boy des temps modernes à proximité d'un campement de tipis. Son No Man's land retroéclairé est saisissant d'hyperréalisme.
Autre forme de critique avec Gödzde ILKIN qui recompose un voyage aux frontières de la Turquie en pointant les passages des frontières. Elle met en relief le fameux paseport vert indispensable pour aller partout ... sauf en Arménie. Elle a croisé beaucoup de petits soldats et d'imposants engins militaires qu'elle rendrait presque inoffensifs une fois parés de broderies.
Ceren OYKUT exprime la violence et la détresse à travers de minuscules croquis où tout se tient dans un fragile équilibre. Elle dit croquer ces petites gens qui essaient de ne pas couler dans une mare de boue.
Enfin Murat MOROVA propose un polyptique qu'il faut scruter dans le détail pour saisir la schizophrénie entre tradition et modernité, tout en renvoyant à la calligraphie arabe. Le panneau est laqué, évoquant aussi le Japon.
Journeys, Déambulation dans la Turquie contemporaine à l'Espace culturel Vuitton jusqu'au 6 janvier 2013 , 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Entrée libre, du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures sauf les 25 décembre et 1er janvier.
Journeys, Déambulation dans la Turquie contemporaine à l'Espace culturel Vuitton jusqu'au 6 janvier 2013 , 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
Entrée libre, du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures sauf les 25 décembre et 1er janvier.
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