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lundi 22 octobre 2012

Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé

Hélène Vincent était la bourgeoise de la Vie est un long fleuve tranquille, dans une interprétation si parfaite qu'elle lui valut d'être cataloguée. Du moins au cinéma, parce qu'au théâtre elle s'est glissée dans la peau de personnages diamétralement opposés.

Elle fut la plus que vivante Alexandra David-Néel. Pas question pour moi de louper ce film où elle joue un des deux rôles principaux malgré un thème qui est aux antipodes de mes envies du moment.

Le sujet a de quoi effrayer : A 48 ans, Alain Evrard est obligé de retourner habiter chez sa mère. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. C'est une question de mois, peut-être même seulement de semaines. Cet espace de temps leur suffira-t-il pour se prodiguer un peu de tendresse ?

Qui aurait envie qu'on lui montre une fin de vie, fut-elle consentie ? D'ailleurs elle ne l'est pas de gaité de coeur. Mais Yvette y fait face comme elle a toujours affronté les embuches que la vie a placées sur son chemin. Elle assume le verdict du médecin comme une défaite qu'elle n'a pas vu venir : J'aurais du prendre ce mélamone au sérieux. Je ne l'ai pas fait. Voilà tout.

Manger une seconde tranche de cake est un écart de conduite. Aller chez le coiffeur est un plaisir rare. Le retour du fils prodigue après 18 mois de prison va la contraindre à partager l'espace, et aussi Calie la chienne. L'animal cristallisera les non-dits.

Hélène Vincent est impeccable dans sa blouse tirée à quatre épingles. Sa dignité est sans faille. Ceux qui s'arrêteront à la surface des choses verront en elle une psycho-rigide alors que c'est une handicapée affective qui a perdu depuis longtemps toute capacité à laisser entrevoir une émotion. On devine que la maltraitance conjugale lui a fait perdre toute faculté à se laisser aller.

Sa douceur s'exprime à travers des bocaux de compote qu'elle offre à son voisin, Monsieur Lalouette (merveilleux Olivier Perrier), amoureux transi guère plus expansif qu'elle. Du moins parvient-il à jouer un bref instant le père de substitution qui a toujours manqué à Alain (excellent Vincent Lindon) qui synthétise un mélange de colère et de mélancolie.

Les jours passent. On a l'espoir que les choses vont s'arranger. Pour le fils qui retrouve un travail, peu gratifiant, mais un travail tout de même. Pour Clémence qui surgit dans sa vie (Emmanuelle Seigner émouvante dans sa volonté d'instaurer une relation vraie). Pour le voisin qui prend de plus en plus de place. Pour la mère qui semble ne pas se porter si mal que ça et qui continue de peler des kilos de pommes.
Les angoisses brouillent malgré tout son visage pendant les entretiens-bilans avec la cancérologue. Un sourire de façade ne parvient pas à gommer les effrayantes nouvelles. Hélène Vincent est finement expressive. Peu d'actrices super botoxées auraient pu incarner cette femme avec un naturel aussi confondant. Mais n'allez pas croire qu'elle est ainsi dans la vraie vie. Je vous rassure, c'est une femme extrêmement joyeuse et pleine de fantaisie.

Stéphane Brizé a tourné en longs plans séquence en laissant de la place aux silences. Les dialogues sont réduits, ajoutant une forte crédibilité à la psychologie des personnages.

Peut-on écrire que le film se termine mal ? Pas complètement ... Sans pourvoir conclure à une vraie réconciliation on mesure le chemin que chacun a pu faire jusqu'à l'autre et on apprécie d'en avoir été témoin. On ressort de la salle avec ce sentiment très particulier qui s'apparente à une forme de paix, très loin du pathos qu'un tel sujet aurait pu susciter.

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