La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.
C'est LE dessert à la mode mais comment faire si on ne dispose pas de gélatine ou d'agar-agar, et qu'on veut se passer de crème fraiche ? En appliquant la recette de base de nos grands-mères : du lait bouillant, des jaunes d'œufs et du sucre.
Je déteste préparer des petites quantités. Mais je n'aime pas davantage manger la même chose à tous les repas. Alors je ruse. En mettant un épice différent dans chaque petit pot avant de verser la préparation brûlante. Il suffit de mélanger, de mettre à cuire ... en se souvenant de l'ordre selon lequel on a disposé les pots pour pouvoir se repérer ensuite à la dégustation.
Mais que faire alors des blancs d'œufs ? Des macarons si on sait comment s'y prendre, et alors il vaudra mieux les faire le lendemain car les macarons sont meilleurs avec des blancs conservés 24 heures dans un frigo. Ou bien un dessert très rapide comme des rochers à la noix de coco, et là encore on peut continuer à être imaginatif en ajoutant à la moitié de la pâte le parfum de son choix.
Voici le déroulé complet :
Pour 6 petits pots de crème : 75 cl de lait bouillant dans lequel je fais infuser un morceau de 2 cm de gingembre frais(cela parfumera à peine) pendant 10 minutes, 4 jaunes d'œufs battus ajoutés ensuite après avoir retiré le gingembre puis 60 grammes de sucre de palme râpé(qui a un pouvoir tout aussi fort que le sucre de betterave mais qui serait moins dangereux pour la santé si on a le pancréas fatigué ... à vérifier cependant). On trouve ce sucre sous forme de galettes rondes dans les épiceries asiatiques.
On met un parfum différent dans chaque pot qu'il est inutile de beurrer et on verse la préparation. On cuit à la vapeur 20 minutes, c'est plus rapide qu'au four. Mais on peut aussi profiter de la chaleur de l'appareil si on fait les rochers dans la foulée.
J'avais fait un pot "nature" (gingembre seul), un avec un bouton de rose séché, un avec de la réglisse en poudre, un avec de la cardamone, un avec de la fève tonka râpée et le dernier avec du sirop de safran puisqu'il m'en restait de la recette de la Coupe Stanislas publiée lundi 19 avril. Le tout était plutôt exotique ... Ne me demandez pas ma préférence. Je crois qu'il faudrait que je refasse une fournée ...
Pour les rochers : Les 4 blancs d'œuf battus à la fourchette avec une pincée de sel, 150 grammes de noix de coco râpée et 80 grammes de sucre de palme râpé. J'avais ajouté du sirop de safran et de la cardamone dans la moitié de la pâte.
On pose des tas (avec les doigts mouillés et en pinçant un peu le sommet) sur du papier sulfurisé recouvrant une plaque et on enfourne four chaud 180 degrés pour 15 minutes.
NB : On acquiert le sirop de safran dans les bonnes épiceries fines, comme la toute nouvelle Épicerie du Goût de Nancy 4 place Vaudémont - 03 83 20 28 21 ouverte depuis le mardi 27 avril.
C'est vrai que c'est un peu court, mais l'écriture est dense, le style efficace et le propos finalement rafraichissant ... après les interminables sagas importées d'outre-atlantique, envoyées par ELLE et s'échouant de mois en mois au pied de mon lit. Les fidèles lecteurs du blog ont sans doute constaté que le marathon littéraire m'essoufflait après les belles découvertes des premiers mois.
Paulus Hochgatterer est un auteur dit de premier plan dans son pays mais je dois à son éditeur français de me l'avoir fait connaitre, au dernier Salon du livre. Il est légitimement passionné de psychanalyse, (n'a-t-elle pas été "inventée"en Autriche ?) mais non moins de pêche.
En résumé : Trois « psy » prennent la route une matinée de septembre pour une partie de pêche à la mouche. Une journée très particulière au cours de laquelle leur brève rencontre avec une jeune serveuse sur une aire d’autoroute fait déjà bouger les rapports entre eux : rationalité extrême, obsession névrotique ou frustration, chacun prend plus ou moins ses marques. Derrière les leurres, qui avalera l’hameçon ? Subtil et discret hommage à quelques grands de la littérature américaine, le « réalisme vibrant » de Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer plonge le lecteur dans des eaux troubles et sombres comme l’inconscient et ferre la part d’ombre qui est en chacun de nous.
C'était un peu grandiloquent mais s'est révélé assez juste. J'ai apprécié l'économie avec laquelle l'auteur fouille l'inconscient masculin, plutôt amusée moi-même de vivre une journée dans le cerveau d'un homme. Ce roman prend la forme du récit d'une "non-histoire" car au fond il ne se passe pas grand chose : trois copains qui sont aussi collègues partent en virée au bord de l'eau pour pêcher des poissons qu'ils vont majoritairement rendre à leur milieu naturel, en nous faisant suivre au passage le vol d'un martin-pêcheur ou le piqué d'un cincle plongeur.
Leur voiture bringuebalante menace de les lâcher. Ils écoutent les musiques de leur jeunesse, Bob Dylan, Leonard Cohen, les Pink Floyd, Janis Joplin, Tom Waits en laissant leur esprit dériver et faire des associations de pensées au petit bonheur.
Tout le monde fait cela. Les longs trajets en voiture, les promenades dans la nature, ces moments où "il ne se passe rien" sont propices à l'introspection. Mais l'auteur n'est pas qu'écrivain. Il est aussi psychanalyste, ce qui dirige sa plume et notre regard. Il est manifestement imprégné de sociologie et a retenu les leçons de Roland Barthes. On le compare à Woody Allen mais son humour n'est pas aussi désespéré.
On peut facilement se faire le film de la journée et se laisser emporter par les fantasmes des trois compères. C'est fou ce que l'amabilité d'une serveuse de restoroute peut avoir comme influence sur le déroulement de la suite des évènements ... On peut aussi prendre une leçon de pêche. Manifestement Paulus sait de quoi il parle en nous expliquant la fabrication de la red butcher, d'une munro killer, d'une olive matuka, une temple dog, une snow flake, une egg-sucking leech, ou plus simplement, sur le plan du vocabulaire, une adams. On n'attrape pas les truites avec du vinaigre, ni avec de vulgaires insectes. Les mouches doivent être plus belles que nature et ont toutes des noms assez extravagants, parfois féminins comme la mrs Simpson qui n'a rien à voir avec la Marge du dessin animé.
La femme n'est jamais longtemps absente et les épouses apparaissent en filigrane. Prétextant nous expliquer comment nouer poils et plumes qui tenteront le poisson, l'auteur en profite pour glisser quelques réflexions personnelles sur son métier, lesquelles ne manquent pas de sagesse, estimant que la psychiatrie se confond avec le romantisme, comme la pêche à la mouche.
Chacun son mystère, maladie, enfant handicapé ... et nous ne saurons pas tout de la réalité du vécu des personnages. Vous ne croirez jamais ce qui s'est passé ... affirme l'un des trois à ses copains en raccrochant le téléphone dans les dernières pages.
Paulus est très fort car il ne racontera rien de plus, appliquant à la lettre sa philosophie (page 109) : la vie n'est rien d 'autre que de l'imagination d'une part, et, de la reconstruction narrative de l'autre. On pourrait en dire autant d'un roman.
Et sans doute aussi de La Douceur de la vie, que Quidam Editeur fera paraître l'an prochain toujours dans une traduction de Françoise Kenk.
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer chez Quidam éditeur, Traduit de l’autrichien par Françoise Kenk, 13 €
L'intitulé de la recette est un triple clin d'œil. D'abord au nom du mois pendant lequel je l'ai imaginée. Ensuite en jeu de mots avec le poisson d'avril parce que j'avais décidé de prendre le concours de recettes sous un angle humoristique. Ensuite parce qu'il fallait trouver une association entre un vin rosé et un plat et que je trouve qu'on a trop tendance à se limiter aux produits de la mer. D'ailleurs ce sont des recettes à base de poissons qui ont finalement été retenues par le jury (alors qu'il y avait une superbe recette de foie gras que j'aurais donné gagnante). Et puis le poulet est facile à préparer et plait aux enfants. Ici il est plus sophitiqué, revu et corrigé dans l'air de temps car d'inspiration thaïlandaise.
Ceux qui voudront retrouver l'ensemble des participations jetteront un œil sur les articles précédents . J'avais promis de la recopier sur le blog. La voici :
Temps de préparation = 15 minutes Temps de cuisson = 10 + 20 minutes
Les ingrédients pour 4 personnes :
* 500 g. de blancs de poulet * 1 oignon * 2 gousses d'ail * 2 cm de gingembre frais * 2 (petites) branches de céleri * 200 g. de pois gourmands * 150 g. de châtaignes d'eau * 2 cuillères à soupe d'huile * 1 cuillère à soupe de sauce de soja * 12, 5 cl de bouillon de poulet * 1 cuillère 1/2 à soupe de sucre en poudre * 1 cuillère 1/2 à soupe de rosé de Tavel cuvée Dame Rousse * Facultatif : 210 g. de riz noir gluant * 50 g. de sucre de palme * 50 cl de lait de coco
Recette étape par étape : * La veille : Faire tremper le riz une nuit à l’eau froide * Le jour même : Rincer le riz, le verser dans 1 litre et demi d’eau froide * Faire frémir 20 minutes * Égoutter
* Préparation des autres ingrédients (pendant la cuisson du riz) : 15 minutes * Émincer le gingembre et l’oignon * Hacher l’ail * Couper le céleri en rondelles de 2-3 mm * Couper les châtaignes en deux * Laver les pois, en couper les extrémités et retirer les fils éventuels * Détailler la viande en longues lanières de 1,5 cm de largeur
* Cuisson du plat : 10 minutes * Verser un peu d’huile dans une sauteuse ou un wok et porter à feu vif. * Faire dorer les blancs de poulet 5 minutes. * Ajouter l’oignon, le céleri, les châtaignes, le gingembre, l’ail. * Laisser cuire 3 minutes. * Ajouter alors les pois gourmands, le sucre, le bouillon, la sauce de soja et le vin rosé. * Laisser cuire jusqu’à ébullition en remuant.
* Dressage : Répartir dans des assiettes chaudes en disposant les légumes en équilibre sur la viande * Arroser du jus de cuisson * Assaisonner de sel et d’un tour de moulin d’un mélange de poivres et de baies de setchuan * Disposer une cuillère de riz noir
Ce plat offre de belles découvertes avec des produits peu connus, des saveurs légères mais toutes différentes qui seront sublimées par la finale anisée de ce rosé de Tavel. Le céleri se devinera à peine.
Les châtaignes d'eau sont des racines de plantes aquatiques que l'on trouve en conserve dans les épiceries asiatiques. Elles ont une teinte blanchâtre et seront croquantes, juteuses, à peine sucrées et discrètement parfumées, assez proche du cœur de palmier.
Le riz noir gluant sera croquant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur. Si sa couleur est étonnante, par contre son goût est peu prononcé. Sa texture s’accordera avec celle des pois et des châtaignes, en élargissant la gamme des saveurs et en créant la surprise. On pourra simplifier la recette en ne proposant pas de riz gluant (voilà pourquoi il est mentionné comme facultatif).
A l'inverse, on peut poursuivre en réalisant un dessert en faisant cuire 10 minutes à feu moyen le reste du riz pré-cuit et égoutté avec 50 grammes de sucre de palme râpé et 50 cl de lait de coco.
Servi tiède, ce dessert étonnant par sa couleur noire-violette se mariera parfaitement aussi avec le Rosé de Tavel qui pourra accompagner la totalité du repas.
N'ayant plus de délai à respecter pour le Prix ELLE(j'ai rendu mes derniers avis mi-avril), j'ai pu passer aux lectures en souffrance. A l'ombre de la fête se trouvait sur le haut de la pile, en quelque sorte en suspends, et son titre résonnait comme un appel après la soirée des Molières.
Quadrature est une maison d’édition née en 2005 qui, aujourd'hui, fait paraître (à compte d'éditeur il faut le souligner) quatre recueils de nouvelles par an avec, comme seul critère, la qualité des textes soumis au comité de lecture.
Sorti loin des battages médiatiques, le livre mérite d'autant plus qu'on en parle dès lors qu'on l'a apprécié, pour lui éviter de rester lui-même à l'ombre. Ce mot ne figure pas par hasard dans le titre. Avant de se consacrer à l'écriture, Marie-France Versailles a d’abord été psychologue dans un centre de santé mentale bruxellois, puis longtemps journaliste au Ligueur (un hebdomadaire familial bien connu en Belgique). Ses souvenirs constituent une formidable réserve de personnages et de situations ...
La 4ème de couverture annonce : Six nouvelles. Six incursions dans l’intimité d’une famille. Moments de crise ou aléas du parcours. Un homme s’inquiète parce que sa fille n’est pas rentrée le soir ; un garçon se demande si, pour les vacances, il va encore rejoindre son père qui les a quittés, sa mère et lui ; une femme, tout à coup, doute de son couple... Tout le clan se réunira pour les quatre-vingts ans du grand-père... qui jettera sur sa fête une ombre inattendue.
L'éditeur se dit spécialisé dans la publication de nouvelles et doit s'estimer cohérent en qualifiant ainsi les chapitres du livre. Sauf que ce ne sont pas de nouvelles qu'il s'agit, ce qui m'avait déroutée car, mauvaise élève, je n'avais pas lu ces "histoires" dans l'ordre des pages. J'avais abandonné à la troisième, déçue par le manque d'originalité de l'une par rapport à l'autre. Et pour cause, puisque ce sont des facettes d'une même histoire, de famille bien entendu. Le livre s'était retrouvé alors en souffrance parmi d'autres, attendant des jours plus fastes.
Reprenant tout depuis le début j'ai pu apprécier la construction narrative. Certes, le principe de s'attacher successivement à chacun des protagonistes d'une affaire de famille n'est pas nouveau. Le secret qui pèse sur la conscience de l'ancêtre n'est pas très original non plus. Mais l'auteur sait écrire avec juste ce qu'il faut de contemporanéité pour qu'on se sente proche de ses personnages. Comme Pauline, on peut lire Marie-Claire ou avoir été au cinéma voir Séraphine (page 66). Comme Youri on peut tenir un blog ...
Beaucoup d'universel aussi dans la description du quotidien, ses petites phrases cultes, ou assassines, c'est selon. Et surtout la difficulté de chacun à vivre ses sentiments. A l’ombre de la fête, de Marie-France Versailles, éditions Quadrature, Mars 2010, 16,00 € Commande directe possible chez l'éditeur sans frais de port ni paiement préalable, par courriel à quadraturelib@gmail.com
Beaucoup de changements cette année pour cette 24 ème édition des Molières. Le lieu d'abord puisque c'est la Maison des Arts de Créteil qui a ouvert ses portes à la profession, témoignant que le théâtre ne se passe pas qu'à Paris intra-muros, loin s'en faut.
Même si j'habite un peu loin de Créteil j'étais satisfaite de ce choix. Je vais souvent dans les salles de la couronne parisienne et j'y passe de beaux moments que je relate sur le blog. On ne dira jamais assez haut la qualité de la programmation des scènes dites de banlieue, ni d'ailleurs des dynamiques scènes dites "de région". Le choix de Créteil rappelle leur vitalité. Et puis, détail futile mais utile, il est facile de s'y garer, la salle est confortable et capable d'accueillir un grand nombre de spectateurs. Ses coursives sont propices aux discussions ... et c'est aussi un lieu d'exposition.
Créteil, sous le soleil hier soir, évidemment, avec un vent léger qui aérait les robes parfois légères qui montaient tranquillement les marches pour accéder au symbolique tapis rouge déjà éclairé de lumignons. Initialement la cérémonie aurait du se dérouler à Nanterre qui finalement aurait été moins glamour en terme d'accès.
Il a fallu patienter avant d'entrer, la belle se laissait désirer. Du coup on faisait connaissance sur le parvis, on se hasardait à livrer ses pronostics. Nous fûmes invités à pénétrer dans le hall et à nous désaltérer, charmante attention, pour tenir le coup sans doute jusqu'à la fin de la cérémonie. Nouveau jeu : on murmurait les noms des célébrités avec précaution ne nous attendant pas à être nez à nez avec Alain Chamfort, Dominique Besnehard, Jean-Pierre Mocky ou encore Jean-Michel Ribes, au look incroyable avec son chapeau rubanné assorti au velours violet de sa veste.
La présence de Laurent Terzieff, magnifique dans son gilet brodé était plus logique. Également, puisqu'ils étaient tous nominés, Anny Duperey, enturbannée et splendide dans un fourreau argentée, Dominique Blanc dans une sobre robe de velours noir, Claire Nadeau en tailleur pantalon discret, Virginie Lemoine dans une robe bleue fluide, Alice Belaïdi dont la longue robe à traine entravait la démarche, Mélanie Laurent délicate dans une robe nude (couleur peau) au décolleté plongeant, Guillaume Gallienne tout sourire comme à son habitude, Daniel Russo, Henri Courseaux ... sans oublier Irène Ajer, la présidente active des Molières, à qui le ministre ne doit pas regretter un instant d'avoir confié le dépoussiérage de la manifestation.
Le temps de remarquer Axelle Laffont, d'être surprise par le rire de Firmine Richard, un appel au micro nous prie de gagner nos places. Derrière le brouhaha on perçoit le retour son du journal de 20 heures dont Patrick Bruel est l'invité pour le film d'Alexandre Arcady "Comme les cinq doigts de la main". Michel Drucker converse avec lui en duplex, suggérant que peut-être il sera dans la salle l'an prochain puisqu'il prépare son retour au théâtre, (il avait joué le "Limier", il y a sept ans) le 7 septembre prochain, dans "Le Prénom", une pièce écrite par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, mise en scène par Bernard Murat au théâtre Edouard VII.
Michel et sa nièce Marie animeront la soirée. Le lancement s'effectue dans les gradins, le temps qu'une main secourable aide Marie à rajuster sa robe noire aux épaules pailletées tandis que son oncle en serre (des mains). Petite confidence, non pas à Allah (dont l'interprète remportera tout à l'heure un trophée) mais dans le creux de l'oreille de son oncle. Ce n'est pas parce que je suis proche ma photo sera plus nette. Il faudrait que je songe soit à breveter mes floutages, soit à changer d'appareil puisque je ne me déciderai jamais à utiliser le flash.
On nous fait le coup de la blague : les statuettes ont été dérobées et seront remplacées par des assiettes à fromage, en précisant que la version Saint-Nectaire rivalise de beauté avec celle qui est dédiée au Pont-Levêque. Après l'ordre, le contre-ordre : la police spéciale a retrouvé le butin, allusion à la célérité légendaire du président de la république.
Place au théâtre, au vrai. Les trois coups précèdent le lever de rideau sur Feu la mère de Madame, de Feydeau, mis en scène par Jean-Luc Moreau, nominé d'ailleurs pour l'Illusion conjugale. Emmanuelle Devos a interprété une bourgeoise au bord de la rupture. Patrick Chesnais fut clownesque à souhait. Christine Murillo a campé une Bécassine à l'accent alsacien. Sébastien Thiéry fut le valet de mauvaise augure. Tout cela rondement mené tambour battant, faisant oublier sans doute aux comédiens qui étaient dans la salle la terrible épreuve des enveloppes à laquelle ils allaient être confrontés dans les quarts d'heure qui allaient suivre.
Le décor de Stéfanie Jarre représente une chambre assez grandiose, et pour cause car tout à l'heure, une fois quelques éléments remontés dans les cintres, ne resteront qu'une enfilade de portails antiques suffisamment discrets pour la cérémonie proprement dite.
Nous n'avons pas eu de discours introductif du ministre, Frédéric Mitterrand, venu cette année en invité alors qu'il en était le maitre de cérémonie l'an dernier. Comme quoi dans les théâtres les rôles vont et viennent.
L'arrivé sur scène de Line Renaud a été saluée d'une longue standing ovation. Il y en aura quelques autres pour Laurent Terzieff, Michel Galabru ... Line a su traduire le bonheur de sa reconversion il y a une trentaine d'années du music-hall vers le théâtre qui représente pour elle "l'aristocratie du spectacle, l'échange unique, le face à face magique du public avec le comédien et son texte." Edwige Feuillères appréciait ses rires d'enfants et ses larmes de femme. Merci Line, de nous prouver qu'il y a plein d'avantages à vieillir comme vous le dites si joliment du haut de vos 81 printemps.
Je ne vais pas redonner le palmarès entier puisque je l'ai publié hier. Je reviendrai seulement sur quelques moments particuliers.
Premier Molière pour Laurent Terzieff qui a d'emblée souligné le théâtre comme étant un espace entre le divertissement pur et l'élitisme, par l'expérience sans cesse renouvelée du langage. Cet homme milite pour le théâtre privé sans renier l'aide publique dont il dispose en tant que compagnie indépendante. Il fallait que ce soit dit, et entendu. Nous aurons au moins évité une guerre ce soir entre le privé et le public. Les deux en sortent vainqueurs et, on peut l'espérer, alliés.
Plus tard Jean-Paul Farré, recevra le Molière du théâtre musical en relevant avec ironie que cette distinction est concomitante de la suspension par le ministère de la Culture de l'aide que ses recherches recevaient jusque là. Les "Douze pianos d'Hercule" de ce pionnier des clowneries musicales sont un morceau haut en couleur que j'avais relaté le 28 mars. A ce stade de la soirée le ministre peut encore s'estimer à l'abri des trop fortes critiques.
Michel Galabru a évoqué ses souvenirs pour célébrer la mémoire de Jean Anouilh. Il nous a rappelé avoir tourné avec Fernandel, devant Montherlant (effrayant), Jules Romain, et avoir été élève de Louis Jouvet. Il a cité deux anecdotes. L'une d'elles le met en cause alors qu'il avait refusé de jouer une pièce qu'Anouilh lui avait lue. Le maitre avait soupiré qu'il en avait loupé la lecture puisque Galabru avait refusé de la jouer alors que la raison était purement alimentaire. Il est de notoriété publique que l'acteur a souvent fait des films pour pouvoir renflouer son porte-monnaie. La honte avouée d'Anouilh est probablement à entendre au second degré car il était maitre dans l'art de la dérision.
A Jean-Pierre Marielle, exprimant tout haut ce que les autres devaient ressentir tout bas, criant Vous me faites chier avec votre texte ! Jean Anouilh aurait répondu : Ecoutez, Marielle, finissez, reculottez-vous et revenez-nous vite.
La Nuit des rois de Shakespeare, mise en scène par Nicolas Briançon, sept fois nommée, était donnée favorite. Méfions-nous des pronostics : elle repartira avec deux. Tout à l'heure ce sera pour les lumières de Gaëlle de Malglaive(finalement ce sera la parité entre hommes et femmes, sur les nominations personnelles) mais pour l'instant c'est Mavolio, alias Henri Courseaux, qui emporte le premier, d'une courte tête sans doute sur son camarade de jeu Yves Pignot. Manifestement ému, il fait une boutade en estimant recevoir la preuve qu'il n'a pas loupé la première partie de sa vie, comme si la possession de la statuette équivalait pour d'autres à celle d'une montre de prestige ... encore une allusion présidentielle. Il forme naturellement le souhait de gagner le Molière du premier rôle d'ici les prochaines 66 autres années ... en continuant sa haute lutte contre l'arthrose. Il répète déjà le rôle du général dans La dame de chez Maxim au théâtre de Boulogne dans une mise en scène de Hervé Van der Meulen.(première le 6 mai)
L'annonce du Molière de la révélation théâtrale féminine a été acrobatique. Voici l'extrait-culte pour ceux qui ne l'ont pas encore vu :
Michel Drucker n'a pas pu s'empêcher de faire se lever les parents de la jeune comédienne (23 ans tout de même) ni de souligner qu'ils lui devaient d'avoir obtenu deux places dans la salle. On se serait cru sur le plateau de Vivement dimanche.
Catherine Bluwal, déjà moliérisée l'an dernier pour ses décors du Diable rouge, fut fort surprise d'en recevoir un nouveau pour ceux de la Serva Amorosa, deux spectacles de Christophe Lidon auquel elle rend hommage disant qu'il sait mieux que quiconque faire aboutir les idées. Michel Drucker agita la fibre familiale en faisant allusion au célèbre papa de Catherine mais c'est à son fils de 10 ans, Max, sa plus belle réussite, qu'elle dédie sa récompense.
L'annonce du Molière jeune public nous a été retransmis par un petit film tourné au théâtre de La Grande Ourse de Villeneuve-lès-Maguelone le 16 avril. Robin Renucci le décerne à Oh boy ! mise en scène Olivier Letellier, Théâtre du Phare. Cette histoire d'amour fraternel a été écrite par Marie-Aude Murail, célèbre auteure de littérature jeunesse.
Puis vint le temps d'un intermède musical fort délicieux avec un extrait d'un spectacle qui fut à l'affiche du théâtre de Chaillot l'hiver dernier, Cocorico, de Patrice Thibaud, interprété sur scène par Patrice Thibaud et au piano, Philippe Leygnac. La chance a voulu que j'ai pu trouver un petit morceau sur Internet pour vous le restituer ici : Monsieur Gentil présente (3/5) envoyé par telerama. - Plus de vidéos fun.
Nettement moins drôles pour le ministre furent les interventions de la troupe du théâtre du Soleil et du comédien Nicolas Bouchaud, au nom des intermittents et autres professionnels du spectacle, pour s'inquiéter des dangers qui menacent la création et les festivals, liés à la réforme des collectivités territoriales, à la prochaine suppression de la taxe professionnelle et à la révision générale des politiques publiques.
Frédéric Mitterrand a pris le micro pour affirmer n'être pas du tout d'accord et rappeler que sa porte était "toujours ouverte".
L'hommage traditionnel à celles et ceux qui nous ont quittés cette année a été accompagné par la superbe chanson de Jean Ferrat"Tu aurais pu vivre encore un peu". Le nom de nombreux artistes a été applaudi spontanément par la salle.
En 1995, Alain Françon, obéissant aux directives du SYNDEAC, n'était pas venu chercher le Molière du metteur en scène. Cette année il est monté sur scène avec une pensée pour Jean Paul Roussillon puisque c'est pour lui qu'il avait décidé de remonter la Cerisaie.
Eric Assous, Molière de l'auteur francophone vivant pour l'Illusion conjugale, s'est défendu de faire un beau discours, prétextant ne pas savoir improviser de belle réparties. Comment croire celui qui a aussi cosigné scénario et dialogues des Cinq doigts de la main (que Bruel vient de présenter au 20 heures, comme le monde est petit) ?
Jean-Claude Dreyfus interpréta l'Artiste. C'était une belle idée mais je ne ferai pas de commentaire à propos de la prestation qu'il nous a livrée, me contentant de vous offrir la version originale de Raymond Devos. Raymond Devos - L'artiste envoyé par ekx27. - Regardez plus de vidéos comiques.
Le spectacle des Molières continua avec la remise du Prix de la meilleure comédienne. Rude compétition dont Dominique Blanc sortit gagnante, pour son rôle dans "La Douleur", de Patrice Chéreau. La pièce ne devait être jouée que quelques soirs et finalement est restée longtemps à l'affiche. Elle lui vaut un joli cadeau d'anniversaire même si la comédienne, quatre fois césarisée, n'en est pas à son premier Molière, lequel lui fut remis en 1998 pour "Maison de poupée". Elle a félicité Laurent Terzieff, qui appartient à la catégorie de ces "êtres de lumière pour qui on choisit de faire ce métier".
Quelques statuettes plus tard et après des pensées émues en hommage à Jean Drucker, Jean-Louis et Madeleine Barrault, le Mime Marceau, Jean-Marie Serreau et Roger Blin ... la soirée se poursuivit dans les coursives où d'appétissantes préparations patientaient pour mieux séduire les convives. Ce fut l'occasion de converser avec metteurs en scène, comédiens et comédiennes de ma connaissance, et de quelques autres aussi dans une ambiance décontractée et assez joyeuse. Emmanuelle Devos signait de bonne grâce des autographes. Claire Nadeau n'en revenait pas de sa surprise et laissait soupeser la statuette à qui doutait de son poids. Irène Ajer, toujours préoccupée du bien-être de chacun commençait à s'inquiéter de l'audience ... un peu plus élevée malgré tout que l'an dernier. Mais comment rivaliser franchement avec les Experts sur la Une, un match de foot sur Canal ...
Le pari est emporté haut la main : il n'y a plus la moindre poussière sur les Molières. Cette 24 ème cérémonie, placée sous le signe du changement fut une très belle soirée.
On peut souffler les bougies -façon de parler puisque les smart candles scintillent sans flamme sur le bord du tapis rouge- et reprendre une activité normale, c'est-à-dire retourner au théâtre car celui-ci ne restera vivant que tant que les spectateurs se déplaceront en nombre.
En attendant de vous livrer un compte-rendu très détaillé de la soirée qui vient de s'achever et à laquelle j'ai eu le bonheur de participer je vous en donne le palmarès issu du vote de plus de 1.800 membres de l'académie (comédiens, auteurs, metteurs en scène, adaptateurs, collaborateurs artistiques, Moliérisés des années précédentes, journalistes.. .).
Michel Drucker en fut le maître de cérémonie, avec la participation de sa nièce, Marie Drucker. Il reprend ainsi un rôle tenu l'an dernier par Frédéric Mitterrand, sous la présidence d'honneur de Bernard Giraudeau.
J'ajouterai une vidéo trouvée sur le net pour vous faire vivre un moment qui a amusé le public, et un peu moins les comédiennes nominées pour la révélation féminine.
Comédienne : Dominique Blanc dans La Douleur (en photo ci contre) Comédien : Laurent Terzieff dans L’Habilleur et Philoctète Comédienne dans un second rôle : Claire Nadeau pour La Serva amorosa Pièce comique : Les 39 Marches de John Buchan d'après le film éponyme d'Alfred Hitchcock Comédien dans un second rôle: Henri Courseaux dans La Nuit des Rois Révélation théâtrale féminine : Alice Belaïdi dans Confidences à Allah Théâtre musical : Les Douze Pianos d’Hercule, Jean-Paul Farré/Jean-Claude Cotillard, Compagnie des Claviers Révélation théâtrale masculine : Guillaume Gallienne dans Guillaume et les garçons, à table! Théâtre privé : L’habilleur, Ronald Harwood/Laurent Terzieff, Théâtre Rive Gauche Théâtre public : Les Naufragés du Fol Espoir, Hélène Cixous/Ariane Mnouchkine, Théâtre du Soleil Auteur francophone vivant : Eric Assous pour L’Illusion conjugale Metteur en scène : Alain Françon pour La Cerisaie L’adaptateur : Gérald Sibleyras pour Les 39 Marches Décorateur scénographe : Catherine Bluwal pour La Serva amorosa Créateur de costumes : Nathalie Thomas, Marie-Hélène Bouvet et Annie Tran pour Les Naufragés du Fol-Espoir Créateur de lumières : Gaëlle de Malglaive pour La Nuit des Rois Compagnies : Compagnie Louis Brouillard "Cercles/Fictions" Joël Pommerat Jeune public : Oh Boy! d'après Marie-Aude Murail, mise en scène d'Olivier Letellier
Le petit cafouillage avec les enveloppes figurera sans doute dans le bêtisier de fin d'année :
Un dîner à Nancy m'a donné l'idée d'un breuvage tout simple. Encore faut-il se procurer un ingrédient un peu spécial dont je vais vous parler dans quelques instants.
Commençons par le commencement, ou plutôt par la fin du repas, qui a été couronné par un baba servi avec une neige de safran.
Avec un nom issu du polonais babka, vieille femme, cette pâtisserie désignait, à l’origine une brioche traditionnelle aux fruits secs et confits.
Stanislas Leczinski, roi de Pologne, Duc de Lorraine et de Bar dont le nom est indissociable de Nancy, n’a donc pas inventé le baba, mais l’a plutôt « importé » et amélioré, en pensant à l’arroser. Et si aujourd’hui ce dessert est imbibé de rhum, au XVIIIème siècle, c’est très probablement avec du vin hongrois de Tokaji qu'il dégustait le sien, ce même vin que lui envoyait chaque année son prédécesseur au trône de Lorraine, François III, devenu roi de Hongrie en 1741 et empereur germanique.
Peut-être aimeriez -vous d'abord connaitre la recette historique de ce gâteau, telle que la réalise le restaurant où j'ai diné :
Ingrédients pour 8 personnes : Pour la pâte :
250 g de Farine 10g de levure de boulanger 100 g de sucre 1 dl de lait 3 œufs 2 jaunes d’œufs 0,1g de safran (facultatif) 75 g de raisins secs
Pour la cuisson : 50 g de beurre fondu
Pour le sirop : 1 bouteilles de Tokaji de Hongrie 250g de sucre semoule 20 cl d’eau
Préparation :
Faites tiédir le lait, y diluer le sucre roux. Hors du feu, incorporez la levure de boulanger et laissez lever environ 20 minutes (température idéale : 35°). Dans une terrine, tamiser la farine, y ajouter une pincée de sel, puis former une fontaine. Y incorporer la levure, puis les œufs et les jaunes. Ajoutez les raisins secs et, pour plus d’authenticité, le safran dilué à l’avance dans un peu d’eau. Versez dans un moule beurré, à un tiers de la hauteur. Couvrez et laissez lever dans un endroit tiède. Quand la pâte arrive au niveau du bord du moule, enfournez dans un four préchauffé à 160°. Laissez cuire, environ 40 minutes pour un baba de grosse taille, 15 à 20 minutes pour des petits babas individuels. Laissez refroidir, démoulez et réservez dans un récipient (si vous l’avez, dans une boite hermétique suffisamment grande). Préparez le sirop : faites bouillir le verre d’eau avec le sucre. Retirez du feu et versez alors la bouteille de Tokaji. Versez ce sirop sur le baba, réservez au frais.
On peut servir avec une crème fouettée peu sucrée, ou encore avec une crème pâtissière épaisse, parfumée à la vanille, comme le faisait ma maman dans mon enfance, ou enfin avec une neige de safran comme celui que j'ai dégusté.
Le safran est un épice plutôt rare, parce que cher, d'un goût étonnant, décrit par les spécialistes comme "un épice flamboyant, évoquant le miel avec des notes métalliques". Il semblerait bien que les cuisiniers polonais l'aient utilisé dès le XVIII° siècle pour parfumer leurs plats.
Il doit son nom à sa couleur jaune d'or, caractéristique, safrasignifiant jaune en arabe. Les gourmands nancéens pourront bientôt se procurer cet ingrédient, notamment sous forme de sirop dans une nouvelle épicerie fine qui ouvrira dans une semaine.
C'est avec cette précieuse petite bouteille ronde que j'ai préparé l'apéritif auquel j'ai simplement donné le nom de "Coupe Stanislas". Deux cuillères à soupe de sirop et un vin blanc de mon choix, servi glacé.
En décoration une petite enfilade composée d'un morceau d'orange confite, de quelques pousses de menthe fraiche et d'une demi-cerise confite pour rappeler les couleurs des fruits confits d'un baba. A déguster avec modération comme de bien entendu ...
Recette sur le site du Restaurant A la Table du Bon Roi Stanislas SARL La Table de Stan – Gérant : Yvain ROLLOT Siège Social : 7, rue Gustave Simon – 54000 NANCY 03 83 35 36 52
Sirop de safran , à l'angle de cette même rue, juste derrière la place Stanislas dans la nouvelle Epicerie du Goût 4 place Vaudémont - 54000 Nancy 03 83 20 28 21
Sur la piste, une nouvelle équipe a rejoint les membres d’origine du Collectif AOC autour du trapèze, de la corde, des portés acrobatiques, du trampoline, du jonglage et du mât chinois. Ensemble, ils revendiquent pour la troisième fois l’héritage pluridisciplinaire et circulaire tout en poursuivant leur démarche de rencontre et de métissage.
La direction artistique a été assurée par Karin Vyncke : chorégraphe, danseuse et performer belge.
Autochtone a la force spectaculaire des deux précédents spectacles, mais s'inscrit dans une nouvelle veine poétique. Ils en parlent en faisant référence à la société qui manipule l'homme, où l’individu se sent tantôt désemparé tantôt révolté. Son corps se manifeste alors de différentes manières sur ce qu’il lui reste de territoire, pour autant que ce territoire existe encore. Il se bat, s'oppose et se protège par tous les moyens quelquefois avec poésie, quelquefois avec humour. C’est chargés de cet état d’urgence et de toutes les émotions qui y sont associées que les neuf artistes se confrontent à leurs agrès cherchant ainsi, à recréer ce quotidien inquiétant et souvent fragile où chaque trace est menacée.
Deux corps s'allongent sur la bâche recouvrant la piste. Bientôt quatre, six, huit. Vous pourriez croire qu'ils vont se livrer à une séance de relaxation tandis que la nuit descend sous le chapiteau. Mais non ... Le musicien Jules Beckman donne le la, sur un air vaguement inspiré par l'hymne américain. Monsieur Impérial maitre de cérémonie mènera le bal. Cela va vite grincer, cogner, glisser, dans des fracas qui évoquent davantage l'univers des usines d'Allemagne de l'Est que celui du conte de fées.
C'est une parodie de recrutement. On se choisit en se serrant la main, y compris dans le public. On se tape dans le dos quitte à envoyer valser le partenaire ... Çà sonne. Çà claque comme un coup de fouet. Celle-ci est comme électrocutée sur la toile du trampoline. Celle-là hache frénétiquement un chou rouge. Les autres déménagent. Les temps modernes sont derrière eux ... Les détritus jonchent le sol. La violence s'infiltre partout.
On se croirait revenu dans un de ces festivals de théâtre d'avant-garde comme fut celui de Nancy quand Jack Lang en assurait la programmation, au temps où le public découvrait le happening libertaire du Living Theatre , les marionnettes géantes du Bread and Puppet Theatre et les chorégraphies troublantes de Pina Bausch.
Autochtone est un peu tout cela, avec une superbe composition musicale interprétée en direct et des numéros d'une poésie délicate. C'est bien cette alchimie qui séduit : que le cirque puisse lui seul apporter la dimension onirique qui va permettre à l'homme de supporter le monde quasi inhumain où il survit comme il peut, en gérant de son mieux les tracas quotidiens qui surgissent tout au long du spectacle de façon métaphorique, odeurs comprises.
Impossible d'oublier l'énergie de l'envol des massues, la beauté du numéro de corde de Fanny Soriano, ni Fabian Wixe au mât chinois, non plus que Gaëtan Levêque au trampoline, capable d'y sauter tant à la verticale qu'à l'horizontale. Moments de pur ravissement aussi que le long duo de trapèze de Marlène Rubinelli et de Marc Paretti.
Ne nous y trompons pas : il y a du soleil aussi dans ce cirque qu'on croirait très noir. Beaucoup d'amour également. Rien de plus normal puisque trois couples sont sur scène en quasi permanence.
Pour sa création, le Collectif AOC a bénéficié des meilleurs atouts de l’Espace Cirque d’Antony, formidable outil pour le cirque contemporain, grâce à deux résidences de travail d’avril à mai et pendant l’été 2009.
Sur la piste Jules Beckman, Sylvain Decure, Chloé Duvauchel, Gaëtan Levêque, Fernando Melki, Marc Pareti, Marlène Rubinelli Giordano, Fanny Soriano et Fabian Wixe Chorégraphie Karin Vyncke Composition musicale Bertrand Landhauser et Jules Beckman Création lumières Emma Juliard Création costumes Montserrat Casanova, Melinda Mouslim, Marleen Rocher et Marie Courdavault Scénographie Gabriel Burnod Construction Olivier Célier
Autochtone sera en tournée européenne au Festival Perspectives, de Sarrebrucken - Allemagne les 21, 22, 23 et 24 mai 2010 au Festival Furies, de Chalons en Champagne du 3 au 6 juin 2010 au Festival les tombées de la nuit, de Rennes du 5 au 10 juillet 2010 Pour la suite de la tournée www.collectifaoc.com
J'ai vu Autochtone à l'Espace Cirque, rue Georges Suant - 92160 Antony, le 17 avril 2010. Navette gratuite depuis la gare RER d'Antony et le Théâtre La Piscine. Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay-Malabry : 01 41 87 20 84 et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr Photo Stéphane Gaillochon sauf mention A bride abattue
Spectacle absolument magnifique que je vous incite de toutes mes forces à aller voir d'ici le 16 mai en espérant que le succès va convaincre Emilie Dequenne à accepter de jouer les prolongations.
Il est encore question de mort comme dans la pièce que j'ai vue la veille, mais cette fois le traitement est empreint d'une telle vitalité qu'on en sort dopé et réjoui. On y pleure "comme au cinéma" mais on y rit aussi de très bon cœur.
Les deux comédiennes sont magnifiques, en particulier bien sur Hélène Vincent qui mérite amplement sa nomination comme Molière de la comédienne.
Michel Lengliney a fait un remarquable travail d'auteur, rendant parfaitement l'engagement féministe de cette femme d'exception, pointant ses forces mais aussi ses faiblesses qui seraient aussi un peu les nôtres. Il a fait aussi de la gouvernante un rôle qui est loin d'être secondaire, exprimant ses difficultés à exister à coté d'une patronne exigeante, mais finalement aimante.
Alexandra David-Néel (1868-1969) fut en effet une femme hors du commun. Elle a joué sur les genoux de Victor Hugo. Exploratrice, chanteuse lyrique, féministe, auteur, orientaliste, elle a été la première femme occidentale à avoir pénétré dans la ville de Lhassa, au Tibet dans les années 20. Elle a approché de grands maitres tibétains et a étudié aux sources. Elle résume le bouddhisme à trois concepts : la permanence, la souffrance et le non-moi.
Quarante ans après sa mort, l’auteur nous fait revivre les dix dernières années quand celle-ci, installée dans sa maison de Digne, n’a plus la force physique de voyager. Elle engage alors une jeune trentenaire,qui devient sa secrétaire, dame de compagnie et confidente, qu'elle surnomme Tortue. Marie-Madeleine Peyronnet a pris ensuite la direction de la Fondation David-Néel qu'elle a administré de longues années. Elle a vu le spectacle avec beaucoup d'émotion, se souvenant du monument que fut Alexandra, de son intelligence et de son humour débordant.
Elle-même n'en manque pas. Écoutez plutôt ce reportage, fait il y a trois ans, que je viens de retrouver ...
Alexandra David-Néel, Mon Tibet au Petit Montparnasse, 31 rue de la Gaité, 75014 Paris, M° Gaité Une pièce de Michel Lengliney Mise en scène de Didier Long Depuis 19 janvier 2010, du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 15 h Informations supplémentaires : 01 43 22 77 74
et un petit extrait pour achever de vous décider :
Changement radical de ton avec la soirée d'hier : c'est à une plongée en apnée dans les derniers jours de la vie d'un enfant que nous convie Véronique Bellegarde à la Piscine de Châtenay-Malabry (92). Car il s'agit bien d'une célébration pour marquer le passage entre deux états.
Nous ne vivrons que la fin, mortelle et pourtant presque enchantée de Gabriel, qui telle une soucoupe volante, ressurgit tout à coup dans la vie de son père Antoine, dans des circonstances dramatiques. Sa mère n’a plus la force de s’occuper de lui et se souvient subitement qu’elle l’a adopté avec son ex-mari il y a une dizaine d’années.
A quarante ans, Antoine dirige une société de production de films à Montréal. Il n’a pas l’habitude d’être père, a fortiori d’un enfant de dix ans atteint d’un cancer incurable. Cette annonce est un cataclysme que vit pleinement le spectateur par des effets visuels et l’emploi quasi constant de la vidéo, jouant à part égales avec les comédiens.
La métaphore de l'eau est partout présente, à commencer par le titre de la pièce qui correspond en fait aux derniers mots prononcés sur la scène. L'auteur, québécois, situe son roman dans le grand Nord, chez l'oncle Dave, bucheron de son état, chamman à ses heures.
Cette histoire nous touche parce qu’elle raconte comment le père et son oncle consacrent leur temps, leur énergie, non pas à sauver celui dont la mort est inévitable, mais à l’accompagner avec les moyens du bord, jusqu’à s’envoler comme une grande balançoire.
Le style de Daniel Danis est étonnamment imagé : Antoine cinémagine le réel. Quand il se remet en question il se pourquoitise …
Il explique qu’il pense par images et Véronique Bellegarde s’est attachée à nous les montrer toutes, emplissant totalement l’univers scénique, abolissant la frontière entre cinéma et théâtre, n’hésitant pas à nous faire explorer un nouveau réel que nous ne pourrons pas contrôler. Daniel Danis est nominé cette année aux Molières dans la catégorie "auteur francophone vivant".
C’est troublant, beau, magique. Une véritable poésie orale et visuelle.
Ne vous fiez pas à leur entente de façade : ces trois là ont plus d'un compte à régler et ils ont déjà affuté leurs lames en coulisses.
La sagesse populaire veut qu'il ne faut jamais avouer. Alors si Jeanne (subtile Isabelle Gélinas) pousse son conjoint Maxime (attendrissant Jean-Luc Moreau) à le faire c'est parce qu'elle connait déjà la vérité et qu'elle mijote une vengeance. Mais laquelle ? Cela je ne vous le dirai pas parce que je ne vais pas gâcher votre plaisir ...
Chacun confessera certains petits écarts et ce sera le début d’une grave remise en question, de suspicions légitimes, d’accusations en tous genres, de jalousies exacerbées. Les comédiens jouent habilement. Leurs soucis ménagers nous font rire tout en nous faisant un peu réfléchir. Je n'avais pas songé jusque là à m'interroger sur la gravité d'une trahison : est-ce une question de principe, de nombre ou d'intensité ?
Le décor, un salon d'inspiration 1930, nous change des traditionnelles chambres à coucher aux multiples placards cachant l'amant d'un théâtre dit de boulevard. D'ailleurs Claude (excellent José Paul) l'est-il réellement ?
L'écriture d'Eric Assous est efficace. Il se souvient manifestement du film de Woody Allen, Match Point, et noue son intrigue comme une partie de tennis. Rien n'est jamais gagné ni perdu jusqu'au dernier passing shot.
La pièce enregistre plusieurs nominations pour les Molières. La compétition sera rude mais quel qu'en soit le verdit vous passerez une très agréable soirée en leur compagnie !
L’ILLUSION CONJUGALE de Eric Assous Mise en scène Jean-Luc Moreau, Assisté de Anne Poirier-Busson
Scénographie Charlie Mangel et Arnaud de Segonzac Lumières Fabrice Kebour, Musique Sylvain Meyniac, Costumes Gilles Neveu
Théâtre TRISTAN BERNARD 64 rue du Rocher 75008 PARIS - 01 45 22 08 40 Du mardi au samedi à 21h - Samedi à 18h Photo Claire Besse
Excellent premier roman d'un nouvel auteur que je n'aurais pas découvert sans ma participation au jury ELLE.
Faut-il que le héros exerce le métier d’inspecteur pour que le livre puisse légitimement concourir dans la catégorie Policier ? La distinction entre roman et roman policier (comme entre roman et document) demeure une interrogation dont je n’aurai finalement pas la réponse mais peu importe. c'est une belle et heureuse surprise.
Épouses et assassins exerce un véritable pouvoir. Une fois entré dedans on a du mal à s’en arracher. Les intrigues s’entrecroisent à l’ombre de pratiques de sorcellerie où quelques cœurs purs attirent sympathie et compassion.
A elle seule, cette lecture fut un voyage au Ghana, un pays que je découvre tiraillé entre modernité et tradition, confronté aux limites d’un développement qui ne parvient pas à endiguer la misère et à soigner les démunis, surtout face à l’accélération de la propagation du SIDA.
L'auteur résume avec précision l'intrigue en une phrase (page 291) : Pour l'instant tout est aussi mélangé que les légumes d'une soupe ... Les esprits s’échauffent vite, travaillés par une jalousie démoniaque. Comment éviter alors que les histoires de famille ne tournent au règlement de comptes ? La tentation de faire justice soi-même est grande.
L’auteur emploie la juste quantité de termes locaux pour initier le lecteur à une compréhension plus intime d’une des réalités de l’Afrique d’aujourd’hui. Un glossaire apporte une aide minimum.
Kwei Quarty signe là un premier roman très prometteur. Je verrai bien une suite aux aventures de l‘inspecteur Dawson … et de sa famille, dans un prochain épisode que je savourerai avec plaisir.
Epouses et assassins de Kwei Quartey, Payot suspense, 2010
Cette année c'est la Maison des arts et de la culture de Créteil qui accueille les invités et je suis très heureuse et très honorée d'avoir reçu le sésame qui va me permettre d'y assister en direct et de pouvoir raconter le lendemain les coulisses de cette belle manifestation.
la présidence sera assurée par Line Renaud(qui a eu la délicatesse de rendre le Molière d'honneur que Laurent Baffie lui avait remis l'an dernier "pour rire", ce qui n'était d'ailleurs pas drôle au regard de l'immense talent de cette grande dame). Seront également au premier rang Irène Ajer, présidente des Molières, Fréderic Mitterrand, Ministre de la culture et de la communication et Patrick de Carolis, encore Président de France Télévisions pour quelques mois.
La retransmission aura lieu en direct sur France 2 avec une nouveauté pour cette 24 ème édition : la représentation d'un lever de rideau avec Feu la mère de Madame, de Feydeau, interprété par Patrick Chesnais, Emmanuelle Devos, Christine Murillo et Sébastien Thiéry, dans une mise en scène de Jean-Luc Moreau.
Ensuite nous saurons qui recevra les Molières, qui seront remis par Michel et Marie Drucker. Je ne vais pas faire de pronostic parce que les votes ne sont pas encore clos et que je ne voudrais pas influencer les jurés ni décevoir quel artiste que ce soit. Chacun mérite récompense.