Originaire d'une famille d'émigrants juifs polonais, il était né à New York en 1928. Ses livres ont marqué de façon tout à fait originale le monde des livres pour enfants.
De santé fragile, il a passé une enfance très calme, à beaucoup rêver. Son talent de conteur lui viendrait de son père, immigré juif-polonais, qui le nourrit de récits de la Torah et qui est lui-même auteur de livres jeunesse lorsqu’il ne travaille pas comme tailleur à Brooklyn. A 12 ans, il voit Fantasia et veut devenir illustrateur mais les studios Disney rejetteront plus tard sa candidature. Qu'importe, il travaillera dans la construction de décors et l'agencement de vitrines de magasins de jouet. On lui donne enfin sa chance de réaliser les arrières-plans d'une bande dessinée, puis enfin d'illustrer quelques albums. Il continuera toute sa vie à illustrer (aussi) pour d'autres personnes.
Dans les années 50-60, ses illustrations de Petit ours d’Else Minarik sont largement saluées. Elles viennent d'être rééditées.
A 22 ans il peut enfin signer son premier ouvrage en tant qu'auteur et illustrateur. Et 7 ans plus tard, en 1963 sort l'emblématique Max et les maximonstres (dont un film a été tiré en 2009) au bout d'environ deux ans de travail. Cette histoire de petit garçon qui part en vadrouille dans un monde imaginaire après avoir été envoyé au lit sans manger lui vaudra une renommée mondiale. Il a reçu des prix prestigieux, notamment le "Prix Hans Christian Andersen", suprême récompense pour l'ensemble de son œuvre. Et pourtant, en lisant ses interviews on devine qu'il n'a jamais cessé de douter, jusqu'à sa mort le 8 mai 2012 à l'âge de 83 ans.
En feuilletant ses principaux ouvrages on remarque le sens de l'animation chorégraphique de ses personnages, presque toujours représentés en mouvement. Il n'hésite pas à dessiner un animal comme s'il était un humain comme dans Monsieur le lièvre voulez vous m'aider ? pour Charlotte Zolotow. Et bien entendu ses monstres expriment autant de sentiments que Max en parlant vraiment de l’anxiété, du plaisir et de l’immense problème d’être un petit enfant, ne parvenant pas toujours à contrôler leurs fantasmes.
Il décline son enfance et ses racines sous différentes formes dans ses histoires. On notera la récurrence du thème de la cuisine. Même dans ce tout petit livre, J'adore les alligators (1962) qui est un abécédaire charmant, où chaque lettre commence une phrase. C'est tout à fait le sujet de Ma soupe de poule au riz, sous forme d'un calendrier très spécial, qui fait revenir ce plat à toutes les sauces, mois après mois. Et dans Cuisine de nuit, c'est cette fois surtout le lieu qui est le théâtre de l'histoire.Interrogé à ce propos, l'auteur avait répondu que manger est quelque chose de très important dans la vie d’un enfant. Les contes de Grimm sont remplis de choses qui sont mangées puis régurgitées. La régurgitation est hilarante.
On remarquera aussi qu'il est souvent question de lait. Dans Cuisine de nuit, où un enfant nage dans ce liquide, et comme dans Brundibar dont le point de départ est l'obligation pour Pepicek et Aninku d'aller à la ville chercher du lait pour leur maman malade.
Plus généralement on peut dire que manger est essentiel. Dans Pascal le lion mange Pascal puis le recrache. Dans Cuisine de nuit, Mickey est englouti dans de la pâte puis en ressort.
L'humour transparait sous toutes ses formes presque à chaque page de chacun de ses ouvrages. Et cependant beaucoup d'adultes sont passés à côté puisque ses livres ont été censurés pour leur impertinence. Max en particulier fit scandale et certains enseignants et bibliothécaires l'avaient interdit sous prétexte d'immoralité voire d'apologie de la désobéissance. On verra plus loin comment Sendak répondra à la censure dans Prosper-Bobik.
Il est vrai que Max est plutôt agité mais son comportement est-il plus répréhensible que celui du tyran Brundibar (bourdon en tchèque) ? Toujours est-il que Maurice Sendak propose un moyen pour être victorieux des épreuves, que ce soit sur la colère dans le premier, sur la barbarie dans le second. Comme nous l'a expliqué Chloé Séguret, spécialiste du décryptage de la littérature jeunesse : les enfants entendent une réponse dans les livres de Maurice Sendak. C'est d'ailleurs davantage à eux qu'aux adultes qu'il donne la parole, parce que ses livres s’adressent en premier à l’enfant, lui offrant des moments de victoire sur les épreuves. Néanmoins Maurice Sendak a toujours affirmé ne pas écrire spécifiquement pour les enfants et aimait l'idée d'avoir un large lectorat.
A la fin de sa vie il a exprimé le désir d'un futur où les livres pour enfants ne seraient pas séparés des livres pour adultes, et surtout où les gens ne considéreraient pas les livres pour enfants comme une forme d’art mineure.
Sur le fond ses dessins expriment aussi beaucoup de joie, ou à défaut de la mélancolie et de la poésie. Quant à la forme, elle joue très souvent avec les codes de la bande dessinée. C'est très net avec Brundibar (2003) qui était à l'origine un opéra tchèque de Hans Krása sur un livret d'Adolf Hoffmeister. Il avait été créé clandestinement dans un orphelinat de Prague au cours de l'hiver 1942-1943, et a ensuite été joué dans le ghetto "modèle" de Theresienstadt (Terezín) où avaient été déportés la plupart des artistes ayant participé à la création. Le fait que les héros soient des enfants, le vent de rébellion et le désir de justice qui animent l'œuvre en ont fait l'un des plus grands symboles de l'esprit de résistance du ghetto.
Chaque page est conçue comme une vignette pour transmettre un message d'espoir en lettres capitales :
Maman ! Les brutes doivent être défiées ! Les gens aiment venir en aide, il n'est jamais difficile de trouver de l'aide. Le plus dur, c'est de savoir qu'il est temps de demander.
Les méchants ne gagnent pas ! La victoire est entre nos mains ! Tyrans, méfiez-vous, car demain Nous vous abattrons un à un ! Ainsi notre chanson prend fin ! Nos amis nous tiennent par la main !
Mais, et c'est bien le signe du doute. On peut déchiffrer sur la dernière page : Ils pensent qu'ils ont gagné la bataille, Mais je reviendrai vaille que vaille ! Rien ne marche jamais comme on veut. Et les méchants n'ont pas froid aux yeux. L'un disparait, l'autre surgit. Et nous nous reverrons, mes petits ! Oui je pars, mais pas très loin... Je serai bientôt de retour dans le coin Bons baisers de Brundibar (1942-1944 Terezín).
Prosper-Bobik, écrit en 2011, est encore davantage conçu sous forme de tableaux-BD à la manière de fresques. C'est une histoire contrariée d’anniversaire, démontrant que la désobéissance n’entraîne pas forcément la perte de l’amour familial (comme dans Max).
En prologue, avant la page de titre, un personnage cochon lisant une gazette datée de juin 2002 affirme "Lisons des livres censurés". Trente ans après le soit disant scandaleux Cuisine de nuit qui osait montrer le petit Mickey nu, le dessinateur représente, avec un anthropomorphisme outrancier, des cochons exagérément habillés, déguisés en pirates, clowns, monstres, dames et indiennes mais aussi des cochons tout nus, qui se conduisent comme des porcs … ou pas !
Si on revient au succès de Max et les Maximonstres, Maurice Sendak estime que ce soit n'est pas son meilleur ouvrage amis il est reconnaissant de ce qu'il lui a permis de faire ensuite. Bien que différents, Cuisine de nuit et surtout Quand papa était loin, correspondent davantage à ce qu'il voulait exprimer et aussi à ce qu'il avait en tête, dans le cœur, où se situait son humour, où résidait son angoisse (Quand papa le conduisit à la dépression et à une perte de confiance qui dura 6 mois). Les trois composent selon lui une trilogie. Et les personnages de Kenny, Martin, Max et Mickey sont tous le même enfant. Trois d’entre eux ont l’initiale "M" … comme Maurice, signifiant par là une possible évolution de l'auteur.
Cuisine de nuit avait beaucoup déçu le public. Son côté bande dessinée et la nudité semblaient être un désaveu de ce qui avait été fait auparavant avec les Maximonstres. Quand papa a suscité une certaine hostilité de la part des enfants mais c’est un livre qui leur donne à ruminer.
Maurice Sendak se considèrait comme une personne assez faible même si l’âge avait considérablement apaisé ses volcans. Il a déclaré en interview que travailler l'a aidé à vivre et à surmonter la pire période de sa vie. Il estimait n'avoir pas de don conceptuel exceptionnel pour le dessin, ni d’aptitude sensationnelle pour l’écriture. Son talent était de savoir faire un livre d’images, avec un bon rythme, une bonne allure. Et avoir conscience que les enfants vivent à la fois dans l’imaginaire et dans la réalité, passant de l’un à l’autre avec une facilité que l'adulte a perdue, n'étant pas gêné de suivre une histoire en sautant de la logique à l'illogique avec une incroyable souplesse.
Pourtant, en laissant un héritage colossal, il a inspiré tous ceux qui ont suivi.
Bibliographie en tant qu'auteur et illustrateur
Cuisine de nuit Albums 1972
Max et les Maximonstres Albums 1973
Mini-bibliothèque (coffret) Albums 1974
Quand Papa était loin Albums 1984
Maman ? Albums 2009
Prosper-Bobik Albums 2015
Dix petits lapins Albums 2025
Bibliographie en tant qu'illustrateur
Petit-Ours en visite Albums 1970
Monsieur le lièvre voulez-vous m'aider ? Albums 1970
Petit Ours Albums 1970
Petit Ours a une amie Mouche 1971
Papa Ours rentre à la maison Mouche 1971
Petit Ours part en visite Mouche 1971
Des animaux pour toute famille Neuf 1988
On est tous dans la gadoue Albums 1996
Pieds de cochons Albums 2001
Brundibar Albums 2005
Presto et Zesto au Limboland Albums 2019
Hansel et Gretel Albums 2025
Un bisou pour Petit Ours Mouche 2025 A paraître
Médaille Caldecott 1964 pour Where the Wild Things Are (Max et les Maximonstres)
Prix commémoratif Astrid-Lindgren 2003, partagé avec Christine Nöstlinger
Prix Hans Christian Andersen d'illustration 1970







Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire