Je me trouvais au Mexique quand j'ai remarqué que Venise sous la neige, le grand succès que j’avais vu en 2010 et qui fut joué plusieurs années durant à Paris (dans divers théâtres) était à l’affiche dans un théâtre de Coyoacan (en mexicain).C'est bien la preuve que les pièces écrites par Gilles Dyrek ont un grand potentiel de longévité. Rien d'étonnant donc à ce que la Comédie Bastille reprenne Gagnant-gagnant dans la foulée de son succès au dernier festival d'Avignon au théâtre de la Condition des Soies.
Je m'attendais à une bonne comédie et je n'ai évidemment pas été déçue. Et même au-delà de ce qu'on peut espérer car tout y est réussi. La distribution est équilibrée. Les rôles également. Aucun acteur ne prend durablement l'ascendant sur un autre. Chacun des 13 personnages a sa place. Les dialogues sont drôles sans jamais verser dans la vulgarité. Leur rythme est dosé à la perfection.
Je ne peux faire que des compliments à ce spectacle. Il ne changera pas le monde. Il ne modifiera pas notre vision de l’entreprise mais il procure une heure trente d’oxygène, ce qui est déjà de l'ordre de la performance.
La bienvenue à la convention annuelle de Symbiosis est souhaitée aux spectateurs pour "fêter les victoires" et remettre le Symbio d’or devant toute l’entreprise réunie. Ce serait du moins le programme si l’on avait pu compter sur le sérieux et la compétence des intervenants. Mais avec un PDG pris entre contrôle fiscal et la révélation de son infidélité au grand jour, un directeur commercial qui préfère jouer le match contre Châteauroux et Stéphane, infographiste sincère mais maladroit, le grand rassemblement tourne vite à la catastrophe...
Ceux qui ont l'habitude des conventions d'entreprise reconnaitront la plupart des situations même si, dans la réalité, les couacs ne s'enchainent pas à ce point. Les autres devineront que ces moments censés rassembler les forces humaines d'une société ne remplissent pas toujours leurs objectifs et peuvent être le théâtre de véritables désastres.
On a droit aux gags visuels, pied qui se prend dans le micro, café qui éclabousse le vêtement, aux pannes techniques, de son ou d'image, puisque, comme nous le rappelle un des participants, … une convention d’entreprise sans problème technique ne serait pas.
Il y a aussi les quiproquos, la gestuelle des intervenants, les révélations incongrues, les dérapages, les applaudissements opportunistes, les craquages, les fous rires … Et puis le discours forcé d’inclusivité, et surtout les formules garanties langue de bois, les termes franglais, les lapsus (mise en pièces au lieu de mise en place), les tics de langage (j'ai compté 15 "du coup" en quelques minutes) et les citations qui tombent à propos … ou pas, comme c'est souvent le cas dans ce type d'évènement.
On méditera donc la pensée opportuniste de Winston Churchill (1874 - 1965) : Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté.
Le patron s'appelle Monsieur Duprofit, la blague est évidente. Il y a même des jeux de mots cachés, comme l'association du prénom du fils de Stéphane Gaël à l'information qu'il est son enfant, pour nous explique le prêt du taille-crayon de Gaël, mon fils, (allusion au patronyme du journaliste sportif).
Tout organisateur de convention qui se respecte prévoit forcément quelques goodies, mot anglophone pouvant être traduit comme petits cadeaux. Le spectateur ne repartira pas les mains vides. Il recevra en souvenir un crayon, … certes non taillé et important des mentions erronées car, comme bien souvent, l'info n'est pas passée …
On pourra déceler une certaine gravité derrière les rires. Aviez-vous déjà imaginé qu'en changeant de genre, passer du masculin au féminin aurait pour conséquence de faire baisser votre salaire de 25 % ? La grande promesse d'égalité des salaires hommes-femmes faite dans les années 1970 est en effet restée lettre morte.
Il faut ajouter que si l'écriture de Gilles Dyrek semble à ce point juste c'est parce qu'il connait très bien le monde de l'entreprise et du théâtre dont elle est le lieu dans ce type de convention, au motif qu'il en a régulièrement animées.
Il est en effet comédien, auteur de théâtre, metteur en scène et formateur. Cette saison il a joué au Petit Montparnasse Aïe, d’Attica Guedj. Ses deux dernières comédies, Le retour de Richard 3 par le train de 9h24 et Je m’appelle Georges, ont été nommées aux Molières au titre de meilleure comédie du théâtre privé.
Quant à Symbiosis Consultants c'est bel et bien un organisme de formation professionnelle, certifié Qualiopi, dont la mission est de faire en sorte que chacun vive mieux dans son entreprise, avec son équipe, dans son métier avec plus d’implication et de proximité. Ils ont entourés d’une quinzaine de comédiens professionnels qui animent des formations, font du coaching, et participent aux événements. C'est donc en toute logique et légitimité que cet organisme produit le spectacle.
Avec Xavier Martel (Matthieu, Bruno, Francis, Denis), Jean-Gilles Barbier (Jean-Michel, Roberta), Séverine Debels (Marie, Céline, Jessica), Benjamin Alazraki (Marc, Pascal, Jean-Bernard) et Gilles Dyrek (Stéphane)
A la Comédie Bastille - 5 rue Nicolas Appert - 75011 Paris
Les mercredis et vendredis à 19 heures, les jeudis et samedis à 21 heures
Jusqu'au 3 janvier 2026


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