Le rideau de scène du théâtre représente la façade de l’immeuble où vivent Simon d’une part et sa grand-mère d’autre part. Ils sont géographiquement très proches et se voient quotidiennement.
Côté jardin, c’est jaune, et c’est chez Simon et Clara. Nous sommes au coeur d’une famille aimante malgré les disputes. Ils ont deux enfants et s’attristent de la situation. Clara (Katia Miran) a une vie professionnelle stressante qui la contraint à faire de multiples déplacements. Ajoutez une pointe de jalousie de la part de Simon (Antoine De Foucault) qui travaille à domicile comme écrivain public à embellir de minables vies (c’est lui qui le dit) et vous comprendrez que les occasions ne manquent pas pour faire bruler le torchon. Alors ce couple dont les sentiments sont restés intact a mis au point une astuce pour réduire leurs accès de colère. Ils ont convenu d’un nom de code pour faire barrage à la violence. En criant « aïe » on envoie à l’autre le signal d’arrêter de faire du mal. Et ça marche si bien que l’histoire pourrait s’arrêter là.
Ce serait occulter le côté cour, où tout est bleu, chez cette grand-mère (Isabelle De Botton) qui passe le plus clair de son temps entre ses parties de Scrabble et sa cuisine où elle mitonne les plats traditionnels de sa jeunesse à Constantine, et dont se régale son petit-fils qui lui rend régulièrement visite.
La vieille dame est pleine de fantaisie, danse sur la musique des Beach Boys (Wouldn’t be nice) mais il semblerait qu’elle déraille gentiment. Il lui est difficile de mémoriser le prénom de Clara qu’elle appelle Carla. le torchon brule pour de vrai quand sa distraction signale l’installation d’une maladie dont le nom n’est pas dit mais que chacun aura reconnue.
Le train-train quotidien se poursuit aussi bien que possible avec son lot de méprises et ses petits secrets, un jour miel, un jour oignon, comme le disait Isabelle dans la très douce évocation de sa propre enfance à Alexandrie, dont elle avait fait un spectacle il y a quelques années et dont plusieurs spectateurs se souvenaient parfaitement.
Attica Guedj a réussi à instiller beaucoup de fantaisie en multipliant les rôles secondaires, tous tenus par Gilles Dyrek, véritable couteau suisse théâtral, capable de tout jouer en changeant de personnage d’un instant à l’autre comme il l’avait déjà démontré au cours du festival d’Avignon quand il fallut remplacer au pied levé Etienne Launay dans Je m’appelle Georges, pièce qu’il avait d’ailleurs écrite lui-même.
On avait vu avec plaisir cet auteur-comédien dans Le retour de Richard 3, où il partageait déjà la scène avec Isabelle de Botton. ici il est tout autant crédible en gardien d’immeuble qu’en témoin de Jehovah ou coursier ou encore baby-sitter … sans parler d’autres fonctions surprenantes.
On pense que tout ça ne pourra que mal se terminer quand la machine se sera emballée pour de bon. On reprend espoir en imaginant que l’amour triomphera de tous les aléas. Tout n’est pas dit afin de maintenir le suspens sur une fin qu’on a malgré tout partiellement devinée.
Les comédiens seront longuement applaudis. C’est que la tendresse est rarement aussi bien traitée au théâtre.
Aquarelles : Anne-Isabelle Sigros
Distribution : Isabelle De Botton, Antoine De Foucault, Katia Miran, Gilles Dyrek
Mise en scène : Attica Guedj
Décor : Catherine Bluwal
Assistante à la mise en scène : Camille Delpech
Costumes : Aurélie Thomas
Lumières : Olivier Oudiou
Son : Hervé Haine
Au Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté - 75014 Paris - 01 43 22 77 74
Du 04 septembre 2024 au 29 décembre 2024
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