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mardi 17 septembre 2024

Visite du Musée vivant du fromage

Me voilà dans l’ancienne île aux vaches, lieu de pâturage jusqu’au XVII siècle, rebaptisée île Saint Louis, endroit idéal pour y installer le Musée vivant du fromage.

Je ne sais pas si j’aurais employé le mot musée qui a une connotation un peu poussiéreuse alors que l’endroit est très dynamique. D’ailleurs il mérite totalement le qualificatif de "vivant". 

Si le fromage est au centre de l’expérience conçue par Pierre Brisson, d’autres aspects sont mis en avant comme le beurre, les animaux, les paysages et les hommes. 

Après l'espace boutique (et fromagerie) un couloir rend hommage à trois grands défenseurs de l’univers des fromages. De Gaulle et Churchill d’une part, Brillat Savarin d’autre part. 

On attend l’ouverture de l’espace muséal en s’instruisant. On pourra repérer les principales spécialités des régions françaises qui figurent sur une carte faisant penser aux premier plans lumineux du métro parisien. La plus grosse région productrice est la Bretagne et les industries fromagères s’y sont installées massivement. Mais les élevages ne trouvant pas de repreneurs les troupeaux sont en croissance continue. Avec sa diversité de climats sur une superficie somme toute réduite, la France bénéficie d'un contexte exceptionnel. Cette carte est si intéressante qu'on regrettera qu’il n’y ait pas (pas encore) un volet international.
J’appuie sur le bouton à côté du nom Bethmale et je vois qu’il s’agit d’un fromage pyrénéen (il faudra que je le goûte au prochain salon des fromages). Les 365 (et plus) fromages français n’y sont pas tous. Presque un sixième de la variété et c’est suffisant pour garantir la lisibilité et témoigner de la diversité. On y trouve l’essentiel des AOP.
On peut jouer pour déterminer quel fromage correspond à son tempérament. Je ne sais pas quels traits de caractère ont abouti à la conclusion que j’étais un Sainte-Maure-de-Touraine mais il est vrai que je l’apprécie beaucoup.

Un montage vidéo met à l'honneur d'anciens films documentaires et je regarde avec plaisir les images en noir et blanc tournées à Entrammes (Mayenne) rappelant la fabrication historiquement réalisée par des moines cisterciens, à l'époque surtout du Port-Salut. L'intonation de la voix off est caractéristique des années 50 et il faut se souvenir de l’importance des monastères où les moines appliquèrent la règle de Saint Benoît.

Un autre pupitre permet d'accéder à tous les lieux de production. 3400 producteurs de lait cru y sont recensés. On pourra remplir un carnet (qu’on recevra par mail) et qui sera bien utile à l'occasion de prochains séjours en région.

Un second volet concerne la formation car on notera au fil de la visite combien le savoir-faire est essentiel. Bien entendu il peut s’acquérir et Pierre Brisson a l'ambition de susciter des vocations en provoquant l’intérêt pour la formation. Lui-même a suivi la sienne à l'ENIL d'Aurillac. Depuis janvier 2000, les Écoles Nationales d’Industries Laitères ont constitué un réseau afin de promouvoir les métiers de la transformation laitière ainsi que la filière dans son ensemble et toutes les coordonnées ont été entrées dans la base de données du pupitre qui sans aucun doute sera décliné prochainement en application (et donc consultable partout).

Lorsque la visite se poursuit, dans la grande salle, nous apprécions encore davantage l'installation du musée dans un bâtiment datant de 1639, abritant autrefois le célèbre restaurant Nos ancêtres les gaulois qui lui-même avait investi une ancienne forge. La température est fraiche mais pas glaciale. Les bactéries. ne pourraient pas s'y développer.

C'est une chance d'effectuer la visite avec un fromager car son discours est ponctué d'anecdotes et utiles à connaitre. par exemple que si la vache digère la carotène ce n'est pas le cas de la chèvre ni de la brebis. Voilà pourquoi les fromages faits avec du lait de vache sont plus ou moins jaunes alors que les fromages de chèvre et de brebis sont si blancs.

Il nous explique aussi que les fromages d’automne sont les meilleurs. Parce que l’humidité revient dans les pâtures, que les températures sont moins fortes et que les animaux sont plus à l’aise.

Il existe en France un vrai savoir-faire en pâte molle grâce au climat tempéré. C’est plus difficile d’en fabriquer plus au sud, a fortiori sous les tropiques. Il pointe la quantité d'eau contenue dans le fromage (le lait est à 90% composé d'eau) avec pour conséquence qu'il est plus rentable de fabriquer des fromages frais (le Boursin n'est même plus égoutté aujourd'hui) qu'un formage exigeant, comme le comté, un affinage de 4 à 6 mois minimum. il est évident d'en déduire la dureté de la vie quand on doit attendre si longtemps pour toucher l'argent correspondant du fruit de son travail.
Pierre Brisson a installé un petit théâtre qui rend les explications accessibles aux enfants et qui est tout à fait approprié à des visites de classes. Tout commence au Néolithique avec la découverte de la transformation du lait en caillé dans l’estomac du veau. L’époque gréco-romaine sera marquée par d’autres faits. Puis Saint Benoît et sa règle prie et travaille sera déterminante au IV° siècle. Les moines fabriquent des fromages notamment parce qu’ils ont l’interdiction de consommer de la viande. Maîtrisant l’écrit, ils consignent tout et transmettent leurs connaissances. Au XIX° siècle, le train Paris-Alençon met la Normandie à dix heures de Paris au lieu de trois jours de marche auparavant. On va pouvoir montrer sa richesse en offrant des fromages à sa table. Le produit devient noble. Pendant la Révolution Brillat-Savarin parlera du fromage comme étant un produit essentiel. Un seconde changement majeur est imputable à Pasteur qui découvre la sensibilité des bactéries à la chaleur. Avec un clin d’œil à Pierre Dornic qui a mis au point la technique de mesure de l’acidité du lait. 

Sur le mur, plusieurs belles pièces de l’histoire du fromage sont accrochées. Parmi elles, une reproduction de peinture égyptienne et une magnifique enluminure (dont le musée a acquis les droits). Les anciens ont bien travaillé puisqu’on vit très bien de nos jours de leurs découvertes.

Quelques récipients sont disposés pour témoigner par exemple de l'acidité du caillé qui a rongé le moule de terre vernissée. L'accent est bien entendu mis sur l'origine étymologique du mot, qu'il faut relier à la "forme" choisi pour conserver le lait. Je découvre qu'on utilise un chenal de bois, tourné d'un quart tous les jours, pour y affiner la fourme de Monbrison selon un procédé unique au monde. C'est la lente diffusion des tanins qui donnent à ce fromage sa couleur jaune. Au sol, est posé une chaudière de cuivre une chaudière, dans lequel les suisses fabriquent une de leurs AOP du nom d’Etivaz. 
C'est une véritable gerle, coupée en deux, un des rares objets en bois encore autorisé en fabrication qui est utilisée pour servir d'écran interactif et explicatif démontrant la transformation du lait. La volonté du concepteur était d'entrer le détail du savoir-faire. Au début, on la voit se remplir d'un lait stérile, bientôt colonisé par les bactéries qui se sont faufilées à travers le trayon de la vache.
Puis nous voici devant le mur magique où je suis conviée à confectionner le fromage de mon choix. Je tapote, je fais glisser une image. J’apprends une nouvelle dénomination, avec le label pour le lait de foin qui caractérise le meilleur, que je me promet de vérifier à la prochaine occasion.

Le musée comporte des informations très larges et ciblées, mais en quantité raisonnable, de manière à ce que le visiteur ait le temps de tout lire. Un petit pan de mur est consacré aux confréries qui sont si importantes dans ce milieu. Parmi elles, celle de Saint-Uguzon; un italien à qui on doit la ricotta (recuite), et qui est le saint patron des fromagers.
Un espace fabrication est actif. S'y trouvent toutes sortes de moules, correspondant aux principales formes. J’apprends que le Langres doit la sienne au fait qu’il n’est pas retourné. L'égouttage se faisant du centre vers les bords, il s'affaisse et forme un creux.
La visite se termine par une dégustation sur une magnifique table de bois où sont disposées quelques assiettes clochées présentant des fromages caractéristiques. Elle est placée en face d'un mur nous emmenant en voyage dans notre beau pays.
Nous commençons avec un Pyrénées tout en contemplant un paysage de montagne. Nous partons ensuite en Auvergne pour découvrir un caillé broyé au lait cru. Il s'agit du Cantal dont nous sommes invités à respirer l'odeur au centre et près de la croûte. La différence est flagrante. Il est affiné en meule de 40 kilos dans des caves dont nous voyons une image typique.
Pour finir, transportons-nous dans le Nord de la France, devant un terril avec une pâte molle à la croûte lavée. La technique a été mise au point au XVI° siècle pour éliminer les mauvais champignons grâce à un essuyage avec de l’eau salée parfois ajoutée d’alcool (pour l'Epoisses). La conséquence malheureuse est le dégagement d’une forte odeur, alors que le fromage ne manque pas de douceur. Ce maroilles en fait la démonstration.
La visite est convaincante et la qualité de l'espace de commercialisation est très tentant, surtout pour ses fromages …mais on y découvrira aussi des objets-souvenir et de la littérature.

Musée Vivant du Fromage
Ouvert depuis le 13 juin 2024.
Vente de fromages, visite et dégustation immersive
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h30 au 39 rue Saint-Louis en l’Ile 75004 Paris

Par ailleurs je signale que Pierre Brisson travaille également à La Ferme du Faubourg qui est un Bar et unebboutique de fromages artisanaux proposant des dégustations avec association de vins et des ateliers de fabrication de fromage au 41 Rue du Faubourg du Temple, 75010 Paris

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