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mercredi 18 septembre 2024

Malwida, mis en scène par François Michonneau

Qui a enregistré que Romain Rolland (1866-1944) a reçu le prix Nobel de littérature ? Son nom est pour moi tellement associé à un théâtre que je le croyais auteur de pièces et que je n'ai jamais vérifié qu'il était (aussi) musicien.

Qui a entendu le nom de Malwida von Meyzenbug (1816-1903) dont j’apprends qu’elle fut une des femmes les plus influentes de son époque ? Cette féministe et intellectuelle est l'autrice des Mémoires d'une idéaliste.

Leur rencontre à l'été 1889 va changer le cours de la vie du jeune homme qui reconnaîtra plus tard avoir été "créé" par cette femme avec qui il a échangé une correspondance voisine de 1500 lettres. C’est ce processus que nous sommes invités à voir se cristalliser sous nos yeux sur la scène du Studio Hébertot. 

La pièce vient d’être écrite par Michel Mollard. Le texte de la pièce est édité aux Éditions Le Condottiere  et il ne sera pas inutile de le lire pour mémoriser le parcours extraordinaire des protagonistes. Je pense que l’auteur avait en tête la silhouette de Bérengère Dautun pour donner corps à cette femme exceptionnelle qui a réellement existé. La comédienne s’est vu offrir peut-être son plus beau rôle. Elle l’interprète avec finesse, se glissant dans la robe de la baronne autant que dans son esprit sans jamais avoir la tentation d’accentuer même légèrement sur le tempo de sa partition. 

Le résultat est admirable. On oublie la scène. On oublie les années. On oublie que nous sommes à l’été 1889. Peu nous importe que le décor soit réduit à quelques panneaux réversibles. Ils évoquent suffisamment la bibliothèque de l’historien Gabriel Monod (Benoît Dugas) qui les présenta l’un à l’autre et celle de Romain Rolland (Ilyès Bouyenzar), ou l’atmosphère raffinée quoique simple de l’appartement de Malwida, dans un quartier minable de la capitale italienne mais duquel on peut apercevoir le Colisée.

Nos oreilles se réjouissent de la présence d’un piano. La musique est jouée en direct par le comédien et il est bien agréable qu’on nous prévienne au fil des dialogues que nous allons entendre une Cantate de Bach ou le Grand Adagio de Beethoven. C'est la chaude voix de Jean-Claude Drouot qui interprète Romain Rolland au soir de sa vie et c'est toujours un grand plaisir de l'entendre.

Malwida a participé aux révolutions de 1848, était apôtre du droit des femmes, a failli épouser Wagner, fut l’égérie de Nietzsche, la confidente de Litz qui venait chez elle avec une bouteille de cognac. Il était bien temps de raconter combien elle fut vénérée et de nous faire revivre sa rencontre inouïe avec Romain Rolland, de cinquante ans son cadet. On nous promet un moment de grâce inoubliable et c'est tout à fait cela.

Leur relation ne laisse place à aucune ambiguïté. Je vous ouvre seulement les bras. Voici un coeur, reposez-vous sur lui. L'harmonie et l'unité de pensée entre ces deux êtres sera sans faille.

Sentant sa fin proche, Malwida repense aux lettres que nous entendons en voix off et le spectateur devine bientôt qu'elle les connait par coeur tant ses lettres murmurent les mêmes mots, à l'instar d'une véritable conversation. L'émotion est contenue mais palpable. C'est cela le miracle du théâtre quand il joue vrai.
Malwida de Michel Mollard
Mis en scène par François Michonneau
Avec Bérengère Dautun, Benoît Dugas et Ilyès Bouyenzar
Avec la voix de Jean-Claude Drouot
Costumes : Frédéric Morel
Jusqu'au 27 octobre 2025 
Jeudi, vendredi et samedi à 19 heures
Dimanche à 17 heures
Au Studiot Hébertot - 78 bis boulevard des Batignolles - 75017 Paris

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