Il figurait depuis longtemps sur ma liste car, même si j’ai quitté les "68 premières fois" je continue à essayer de lire tous les premiers romans sélectionnés par le groupe. Je sais qu’il y aura plusieurs pépites. Bien sûr j’en lis avant de savoir qu’ils figureront dans la sélection annuelle. Mais au moins je rattrape ceux que le manque de temps m’a empêchée de lire à leur sortie en librairie. La jurée était de ceux là.
Hasard du calendrier, je l’ai ouvert juste après avoir vu au cinéma Le fil, le dernier film interprété et réalisé par Daniel Auteuil et que j’estime être un chef d’œuvre. Je dirai de même pour ce roman et je comprends que Claire Jehanno ait été finaliste du Prix de la Maison de la Presse en 2023.
Anna Zeller a été tirée au sort pour devenir jurée aux assises. Une expérience aussi vertigineuse qu’inédite. Appelée à juger un couple au casier vierge dans un procès pour empoisonnement et meurtre, la jeune femme va voir resurgir son passé. Un passé qui la transporte vingt ans plus tôt, sur une aire de jeux en Bretagne. Les jurés ont une semaine pour décider du destin des accusés et s’emparer de leur troublante histoire. C’est aussi le temps qu’il faudra pour que bascule la vie d’Anna.
Il y a de multiples points communs entre le film et le roman qui tous deux se déroulent essentiellement dans une salle de tribunal d’assises. Dans l’un comme dans l’autre on a le sentiment que les accusés ont renoncé à se défendre. Ils sont quasi mutiques. Les efforts d’éclaircissement sont entrepris par l’avocat ou par les jurés. Les deux histoires, bien que différentes, connaitront des renversements de situation auxquels on ne s’attend pas et dont on ne peut rien dire, faute de gâcher l’effet de surprise.
Je me bornerai à citer Claire Jéhanno. Les procès remuent chez les jurés des valeurs, des principes, d’autres histoires (p. 120).
Elle peint admirablement bien les sentiments qui traversent le personnage principal : du sommet de ma crête, entre les deux falaises, l’innocence ou la culpabilité, la chute me semblait trop violente (p. 121). Les regrets sont des impasses, même quand ils croisent des chemins de traverse (p. 134). La justice est rendue par des gens ordinaires entre les mains desquels on place un pouvoir incommensurable (p. 139).
Il est très intéressant que la situation qu’Anna est obligée de vivre (on ne peut pas refuser d’être juré) l’amène à effectuer un retour dans le passé alors que tout comme sa sœur elle était restée coincée dans le cadre imposée par leur mère : si c’est pour évoquer le passé il vaut mieux se taire (p. 73).
On se trompe tous tout le temps. On confond, on mélange, on pense que, mais non. Les évidences sont les miroirs les plus trompeurs. Elles nous conforte et dans ce que nous voulons voir (…). Le contraire de la vérité, ce n’est ni le doute ni l’erreur. C’est la bêtise (p. 338).
Claire Jéhanno est née en Bretagne en 1987. Elle vit à Paris où elle est autrice et productrice de podcasts. La Jurée est son premier roman et j’espère en avoir dit suffisamment pour vous décider à l’ouvrir sans pour autant en avoir révélé l’essentiel.
La Jurée de Claire Jéhanno, HarperCollins, en librairie depuis le 5 avril 2023.
Finaliste du Prix de la Maison de la Presse 2023
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