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jeudi 17 avril 2025

Balade à Châtenay-Malabry en l’honneur de femmes remarquables

J'ai suivi les pas d'Anais, de l’office de tourisme, qui s'est glissée dans la peau de plusieurs femmes célèbres en leur temps à Châtenay-Malabry (92) et dont j'avoue que j'ignorais tout.

Nous avons commencé au 98, rue Jean Longuet, devant ce qui fut la maison de Madame de Verchère dans l'ancienne propriété privée du XVIIIe siècle composée d’un ensemble de bâtiments et communs aujourd’hui disparus (une ancienne manufacture de cire, une maison de jardinier, …). Elle y emménage en 1913 pour y vivre 18 ans dans ce qui fut donc d'abord une résidence particulière. En 1931, elle la vend à Jean Longuet (1876-1938), Maire de Châtenay-Malabry, qui exprimait que le bâtiment du 64 de la rue était devenu trop petit, sans se douter que cette contrainte allait se répéter quelques années plus tard.

En 1977, un nouvel Hôtel de ville est construit au fond du parc (ainsi que le lycée Mounier car l'espace le permettait) alors que l'ancienne mairie devint la bibliothèque-discothèque municipale Jean Moulin jusqu'au début des années 2000, puis le conservatoire municipal. C'est aujourd’hui le Pavillon des arts qui abrite l‘office de tourisme de Châtenay-Malabry, ainsi que des expositions et activités culturelles.

A noter que le kiosque d'origine subsiste encore dans le jardin.

Deuxième arrêt devant la grille du Chateau de la Roseraie, 1 rue du docteur Le Savoureux pour nous parler d’Adèle d'Osmond, comtesse de Boigne (1781-1866).

Adèle d’Osmond a grandi à la cour de Versailles où elle joua avec le premier Dauphin, fils de Marie-Antoinette. Etant royaliste elle fut contrainte à s’exiler avec sa famille à Londres où elle épousa en 1798, le Comte de Boigne, général ayant fait fortune aux Indes. Elle n’avait que 16 ans et l’union fut un échec. Après leur séparation la comtesse revient en France en 1804 et s’établit à Paris mais venait ici tous les étés pour y tenir, pendant plus de 30 ans, un salon littéraire, où elle invitait notamment son voisin René de Chateaubriand, madame de Staël et madame Récamier. Sa chambre est demeurée à l’identique au bout du premier étage mais le château n’est pas ouvert à la visite.

La propriété fut ensuite vendue à un agent de change influent à la Bourse de Paris, Alexandre Roland-Gosselin (1786-1854), déjà propriétaire de l’ancienne demeure Arouet. L’ensemble compose le parc du CREPS tel qu’on le connaît aujourd’hui. Racheté par le département, le château va bientôt cesser d’être d’un bâtiment administratif du CREPS.

Le troisième arrêt, devant une partie privée de ce qui fut la maison de campagne du père de Voltaire, est consacré à Emilie du Chatelet (1706-1749), femme de lettres, mathématicienne et physicienne française, figure du Siècle des Lumières. Elle fut la première femme publiée à l’académie des sciences (où elle se classa à la deuxième place alors que Voltaire a échoué).

Son formidable destin est consécutif à l’éducation qu’elle a reçue de ses parents, à l’égal de ses frères. Ils organisent un cercle littéraire aux réunions duquel elle est autorisée à assister. Ils reçoivent dans leur salon parisien des scientifiques, philosophes et écrivains tels que Fontenelle qui lui donna des cours de sciences, mais aussi Jean-Baptiste Rousseau, ou encore François-Marie Arouet (qui n'a pas encore pris le pseudonyme de Voltaire).

Elle sait lire couramment l’allemand, l’anglais, le grec et le latin dès ses douze ans. Elle aime particulièrement les mathématiques et la physique en prenant des cours auprès de savants de renom et en lisant les ouvrages majeurs de physique. Mais elle est autant douée pour la musique, apprend à jouer du clavecin et à chanter l’opéra ; elle pratique également la danse et le théâtre. L’assiduité et le goût de l’étude qu’elle montre avec précocité seront un des axes principaux de son livre Discours sur le bonheur.

Elle a épousé en 1725 François Claude du Châtelet. Le marquis a trente ans et elle dix-neuf. Pris par sa carrière militaire, il ne voit sa femme que très rarement. Se rendant compte de ses propres limites autant que de ses capacités intellectuelles, il la laisse vivre librement sachant qu'il était fréquent pour les aristocrates de l'époque d'avoir des liaisons. Ils seront amis toute leur vie et auront quatre enfants. Hélas elle décédera des suites de son quatrième accouchement.

Ce sera Samuel König, disciple de Jean Bernoulli, qui lui fera découvrir la physique de Leibniz dont elle a contribué à diffuser en France l'œuvre physique, notamment en prouvant expérimentalement sa théorie selon laquelle l'énergie cinétique (appelée à l'époque "force vive") est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse.

Etant libre, elle sera la maîtresse du marquis de Guébriant, du maréchal de Richelieu, de Pierre Louis Moreau de Maupertuis, membre de l'Académie des sciences, auprès duquel elle prit des cours de mathématiques et qui fut le premier savant français à relayer les théories d'Isaac Newton en France. Quand elle a vingt-sept ans, elle retrouve Voltaire qu'elle avait déjà côtoyée quand elle n'avait qu'une dizaine d'années. Il est maintenant âgé de trente-neuf ans. Leur liaison durera quinze ans et ils se rencontreront souvent en Lorraine où ils s’installeront ensemble loin de la vie mondaine mais ils vinrent parfois ensemble à Châtenay où on peut voir plusieurs statues en son hommage.
C'est une femme qui aima très tôt les plaisirs de la vie, cédant à certaines extravagances, collectionnant les robes, les chaussures, adorant les bijoux, ce qui lui vaudra le surnom de "Madame Pompon-Newton" par Voltaire qui l'aida par ailleurs à prendre conscience de la liberté de penser par elle-même, l’encouragea lui aussi à poursuivre ses recherches scientifiques, la poussant à traduire en français les Principia Mathematica de Newton — peu connu en France à cette époque.

Il se chargea après sa mort de faire publier la fameuse traduction qu’elle avait envoyée à la bibliothèque du roi, craignant une fin prochaine. Voilà pourquoi, dans un domaine longtemps presque exclusivement masculin, Émilie du Châtelet est considérée comme l'une des premières femmes scientifiques d'influence dont on ait conservé les écrits. Sa traduction fait encore autorité aujourd'hui et chaque scientifique se doit de la lire.

La quatrième femme ayant marqué l’histoire de la ville est Marie Alexandrine Roland Gossselin (1851) dont le grand-père était propriétaire du CREPS comme on vient de le dire et dont elle hérita. Elle œuvra pour l’éducation des filles en créant une école pour nécessiteuses et l’orphelinat des Lilas sur le terrain occupé aujourd’hui par le CREPS et qui fut géré par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

Il ne subsiste que le cloitre et la porte du bâtiment, qui abrita successivement école, orphelinat, dispensaire gratuit et asile, donné à la ville en 1960 pour devenir un couvent jusqu'à sa fermeture en 1984. C’est la médiathèque depuis 2003.

Nous poursuivons avec le Lavoir construit à l’origine à ciel ouvert en 1787, flanqué d’un abreuvoir aujourd’hui disparu et qui était alimenté par une nappe phréatique. Les lavandières y étant à la merci des intempéries le maire de Châtenay fit ajouter, aux environs de 1930, un toit percé permettant son alimentation en eau de pluie mais protégeant néanmoins les lavandières contre les fortes pluies. Il est désormais dit "a impluvium" mais il est rare d'y voir de l'eau. Sa charpente, qui est encore d'origine, est faite dans le bois qu'on trouve particulièrement ici, le châtaignier, qui a valu son nom à la ville.
Ce fut l’occasion d’évoquer une des premières institutrices qui exerça alors que les filles et les garçons n'étaient pas encore dans la même classe. J'ai cherché le nom de l'école en question mais je n'ai pas trouvé de source sûre. Il y a bien une déclaration d’ouverture d’une école maternelle faite en 1894 qui figure aux Archives mais l'adresse est illisible sur le document visible sur internet.

S'agirait-il la Falotte si l'on en croit une carte postale représentant la cour de récréation devant un bâtiment de ce nom ? Ou de celle qui partageait les anciens locaux de la mairie quand elle était dans l'actuel Cap jeunes ? Les classes ont semble-t-il été transférées en 1921 dans ce qui fut l'Ecole du Centre et qui est maintenant l'Ecole Pierre Brossolette.

J'ai noté d'ailleurs que son inauguration en 1913 l'annonce comme première école primaire de la ville, ce qui est étonnant car d'une part on trouve trace en 1835 de garçons scolarisés dans un presbytère Jules Ferry. Et d'autre part Jean Jaurès existait depuis 1879 (sous un autre nom évidemment). Il aurait été envisagé de l'appeler initialement Groupe Voltaire …

Il est en tout cas ressorti de mes recherches que les écoles ont été tellement souvent modifiées, voire reconstruites (pour au moins 3 d'entre elles) qu'il est bien difficile de dresser une chronologie rigoureuse.

Pour honorer onze femmes remarquables, la Ville a commandé, grâce au mécénat, une sculpture à l’artiste Zoé Vayssières, intitulée "Les Éclipsées".  Sur ce "voile" en bronze noir, représentant un papier froissé, sont inscrits les noms de ces femmes qui ont marqué l’histoire châtenaisienne du XIIe à nos jours, et je consacrerai bientôt un article spécifique à cette sculpture.
On peut y lire les noms de trois des femmes qui faisaient l'objet de ce parcours : Adélaïde d’Osmond (1781-1866), Marie Roland-Gosselin (1851 – date de décès inconnue) et Émilie du Châtelet (1706-1749).

Et je signale que les autres sont (par ordre chronologique) :

Blanche de Castille (1188-1252) Reine de France par son mariage avec Louis VIII, régente du royaume entre la mort de son mari et la majorité de son fils Louis IX, a notamment libéré des serfs châtenaisiens emprisonnés à Paris.

Françoise de Malézieu (1650-1741) Épouse du prince de Malézieu, elle fut la gouvernante des enfants du duc et de la duchesse du Maine. Paroissienne de l’église Saint-Germain l’Auxerrois, elle organisa des fêtes somptueuses à Châtenay.

Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon (1692-1753) Duchesse du Maine, petite-fille du Grand Condé, elle épousa le duc du Maine, bâtard du roi Louis XIV et de Mme de Montespan. Influente, femme de pouvoir, elle séjourna à Châtenay de 1699 à 1705.

Sébastienne Guyot (1896-1941) Ingénieure française spécialiste d’aérodynamique issue de la 1re promotion de l’École Centrale de Paris et résistante française, elle fut aussi championne de cross-country.

Natalia Gontcharova (1881-1962) Peintre de l’avant-garde russe, exilée en France dès 1917, costumière et décoratrice de théâtre pour les ballets russes à Paris, elle fut accueillie à la Maison de Chateaubriand par son amie Lydie Le Savoureux.

Lydie Plekhanov, veuve Le Savoureux (1881-1978) Résistante, médecin, fille du dirigeant révolutionnaire russe Plekhanov, seconde épouse du Docteur Le Savoureux, elle vécut à la Maison de Chateaubriand.

Odette de Loustal-Croux (1918-2009) Musicienne, fondatrice de plusieurs associations musicales locales et du célèbre Festival du Val d’Aulnay.

Ida Makarowski (1927-1942) Victime de la barbarie nazie, la jeune fille qui demeurait 10 rue Charles Longuet, avait seulement 15 ans quand elle fut déportée à Auschwitz.

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