
Le second, qui sera publié dans quelques jours, en me focalisant sur les cinq artistes pressentis pour succéder à Tatiana Wolska, lauréate du Prix Drawing Now 2024, et donc recevoir le Prix 2025 et exposer à leur tour au Drawing Lab au printemps 2026 (dont un dessin au crayon sur papier, 31 x 22 cm illustre cet article.
C’est parce que je suis les expositions des lauréates (le hasard veut que ce ne soit que des femmes) depuis plusieurs années que j’ai eu envie de m’immerger plus largement dans l’univers du dessin. L’évènement était idéal pour cela.
Le dessin contemporain se réinvente constamment et il était légitime que l’identité visuelle du salon soit revu avec une nouvelle charte graphique qui interroge les frontières de cette pratique, du graphite au crayon de couleur, du stylo bille à l’aquarelle, des portraits aux paysages, de l’abstraction à la couleur, du noir et blanc au papier, au carton, à la photographie, à la céramique et même à la tapisserie …
Je n'aurais pas la prétention de dire que j'en ai découvert toutes les facettes. Il aurait peut-être fallu s’arrêter dans chacun des espaces des 70 galeries sélectionnées, réparties sur trois secteurs thématiques. Je n'ai pas non plus eu la disponibilité de suivre totalement un des trois parcours de visite, mais je salue l'initiative de dresser une cartographie des tendances.

Je me suis rendue d’abord Chez Irène Laub (Stand B15 du circuit général) parce que c’est la galerie de Tatiana et que je voulais reprendre la discussion que j’avais eue avec cette galeriste bruxelloise. J’ai pu voir à cette occasion d’autres oeuvres de Tatiana comme ces bouteilles plastiques bleues et blanches coupées et thermoformées.
Le focus était dirigé sur Guðný Rósa Ingimarsdóttir, née en 1969 à Reykjavik mais qui vit et travaille à Bruxelles. Le corpus présenté était composé de strates choisies de manière réfléchie. L’artiste travaille par le biais d’une répétition minutieuse, réalisant des oeuvres sur papier et des installations qui transmettent le rythme et le silence, de façon méthodique et méditative.
Elle travaille avec précision, retenue et économie de moyens sur du papier d’une manière presque méditative. Elle peut s’atteler à des chutes de papier, des découpes d’œuvres précédentes, précieusement conservées, des mots découpés, diverses traces … qui se métamorphosent et s’assemblent, parfois sur plusieurs années, oscillant entre figuration et abstraction.
Ses tableaux sont à observer avec son bout de nez dessus, comme le suggère avec humour Irène Laub. Cette cinquantenaire opère pratiquement toujours au scalpel et on peut discerner chacun de ses minutieux points de couture.

On peut aussi admirer des oeuvres anciennes de Bernard Villers (ci-contre), qui est lui aussi un artiste très délicat, né à Bruxelles en 1939 et y travaillant toujours. Cette figure importante de l’abstraction belge excelle à combiner surfaces, lumières et couleurs, dans une économie de moyens radicale. L’artiste est inspiré par la poésie, le langage, la littérature au service d’une approche de la peinture sensible, parfois qualifiée d’espièglerie.
Enfin, Marija Rinkeviciute, jeune artiste lithuanienne trentenaire, travaillant sur la mémoire, la matière et la matérialité, à la frontière de la sculpture. Elle utilise de la cire, du plâtre, de la toile, du papier, de la poussière et des objets trouvés pour créer des empreintes, des peintures et des sculptures énigmatiques. La transparence subtile des différents matériaux se laisse deviner dans la contemplation des oeuvres.
Folds (Plis), 2024, détrempe sur papier de protection, 39,5 x 47 x 2,5 cm
Galerie Réjane (Stand B8 du circuit général)
Créée en 2008 à Locquirec, la Galerie Réjane Louin relève au quotidien le défi de montrer et diffuser des propositions artistiques contemporaines dans une petite commune littorale du Finistère Nord. Elle accompagne et défend des artistes émergent.e.s ainsi que des artistes confirmé.e.s, français.e.s et étranger.e.s. et son fondatrice a réussi le pari de réunir artistes, amateurs, collectionneurs et critiques. Tout en organisant 4 expositions personnelles ou thématiques par an au sein de ses murs, la galerie participe également à des salons en France comme à l'étranger, et se positionne en tant que commissaire d'évènements hors les murs.
Pour cette édition Réjane Louin a fait le choix d’interroger les artistes dans leur rapport à l’écriture et à l’ornementation. Dominique De Beir (ci-dessous, photographiée devant des tableaux de la série Par delà la surface, peinture, encre, feutre et impacts sur carton cannelé imprimé) met l’accent sur son rapport au point et à l’écriture. Depuis plus de 30 années, l’artiste explore la surface des choses en usant de la percée, de la trouée, parfois jusqu’à la limite de la résistance du matériau. Son geste tente de débusquer l’épaisseur afin de refuser son opacité. Le point se veut percée et écriture (le braille), mais aussi creux et relief, hasardeux et précis.
Dominique De Beir vit et travaille entre Paris et la Baie de Somme. Entre installation, peinture et dessin, sa recherche se structure autour du point et de la perforation. Elle a participé à de nombreuses expositions collectives, comme au Musée Rijswijk (2005) ou dans la salle de la chapelle au Louvre (2011). Un grand nombre d’expositions personnelles lui ont été consacrées depuis 1996 et ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées.
Lullin + Ferrari (Stand A2 du circuit général)
J’ai été subjuguée par Nana, un tableau réalisé en 2025, de 154 sur 115 cm exposé par cette galerie suisse. On le doit à Slawomir Elsner et elle est exactement de la même taille que la toile qu’Edouard Manet a peinte en 1877 et qui porte le même titre.
Cet artiste polonais détourne les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art avec une précision colorée, presque hypnotique, en utilisant des crayons de couleur sur papier, démontrant que le dessin, loin d’être mineur, peut rivaliser en puissance avec les médiums les plus spectaculaires. Il aurait pu copier mais ce n'aurait pas l'intérêt de la lecture intime de l'œuvre de Manet qu'il nous propose avec une sensualité toute en finesse.
Galerie Suzanne Tarasieve Paris (Stand A11 du circuit général)
La galerie parisienne qui a été reprise en 2022 par quatre des collaborateurs de sa légendaire fondatrice (qui a commencé à Barbizon) présentait une quantité impressionnante d’œuvres de Nina Mae Fowler, dont un tableau gigantesque occupant tout un panneau.
Cette célèbre artiste britannique est née à Londres en 1981, mais elle vit et travaille maintenant à Norfolk. C'est une artiste aux multiples talents qui crée de tout, des dessins aux impressions à sculpture, et a même réalisé ses propres installations. Elle est connue pour son style méticuleusement détaillé et la grande échelle de ses dessins, dans lesquels elle explore les thèmes de la célébrité, de la beauté et du pouvoir. C’est donc tout naturellement qu’elle s’inspire de l'âge d'or d'Hollywood, tout en en offrant une critique.
En 2019, elle a reçu une importante commande pour la National Portrait Gallery intitulée "Luminary Drawings", dans laquelle elle a créé neuf portraits de réalisateurs de premier plan qui font désormais partie de la collection permanente du musée et qui l'ont rendue célèbre. On a aussi pu la voir dans de nombreuses grandes villes, de la Floride à Hong Kong, en passant par l’Europe, notamment à Berlin et à Paris. Son art figuratif fait partie de nombreuses collections privées et publiques à travers le monde, dont la National Portrait Gallery et le Soho House Group. Elle a beaucoup exposé à Londres et a eu des expositions personnelles à travers l'Europe. Rien d'étonnant à ce qu'elle fasse a couverture du numéro de Beaux Arts consacré au dessin.
A gauche, Paula (Sweet Charity), 2023, à droite Shirley (Pepe), 2023
Fusain sur papier, perles, plumes et morceaux de miroir, 53 × 29 × 3 cm
L’artiste focus de la galerie était néanmoins Romain Bernini connu pour ses grandes toiles et l’originalité de son travail sur la couleur en exposant pour la première fois des œuvres produites lors d’une résidence, au Cambodge, à l’Ecole Française d’Extrême Orient à Siem Reap, où l’artiste a travaillé avec des fusains et des pierres noires sur des chiffons d’atelier à partir d’une imagerie inspirée des pratiques chamaniques.
Je me suis arrêtée à la Galerie Maurits van de Laar (Stand B15 du circuit général) qui représente Susanna Ingleda, nominée pour le Prix et dont je parlerai dans l'article spécifique que j'ai annoncé.
J'y ai remarqué cette oeuvre de Dirk Zoete, pastel gras, craie sur papier, 40 x 55 cm, 2025. L'artiste présente plusieurs dessins pastels de figures stylisées sur scène et paysages ruraux.
Dernière à avoir attiré mon attention, la Galerie Strouk (Stand C18 du circuit général)
Depuis sa fondation à Paris en 1991 par Laurent Strouk cette galerie se distingue par un engagement historique singulier en faveur de la figuration libre en France. Ce mouvement, né dans les années 80, et dont Robert Combas est une figure emblématique française (Erró en est une autre), a révolutionné le paysage artistique en rejetant les conventions académiques au profit d’une liberté d’expression totale mêlant influences populaires, BD, graffiti et art brut.
Voilà pourquoi il n’est pas étonnant que j’ai reconnu le style du grand tableau d'Erró (né en 1932 en Islande, installé à Paris depuis 1958), de son vrai nom Gudmundur Gudmundsson, qui m’avait interpelée au cours de la visite de l’Unesco. Après des études aux Beaux-Arts de Reykjavik et à l’Académie d’Art d’Oslo, il s’installe à Paris en 1958, où il se lie aux Surréalistes. Il découvre le collage, qui deviendra central dans son œuvre. Il détourne les images issues de la culture populaire, de bandes dessinées, photos de presse, propagande, chefs-d’œuvre de l’art, ou encore catalogues d'expositions pour créer ses propres compositions avec une minutie impressionnante au service d’une critique sociale très fine.
A noter que cet artiste commence toujours par une version réduite de son oeuvre, d’environ 30 x 21 cm comme on peut le voir sur la photo.
La galerie s’investit également dans la construction d’archives dédiées au courant qu’elle promeut, consolidant ainsi une mémoire essentielle de ce mouvement majeur. Elle continue donc d’être une plateforme évidente pour la promotion de la figuration soutenant non seulement les oeuvres historiques mais aussi leur redécouverte et leur rayonnement international ainsi que leur résonance auprès d’une nouvelle génération d’artistes.
Je parlerai donc plus en détail des 5 galeries des artistes nominés pour le Prix dans un article spécifique :
- Archiraar Gallery (Stand A16 du circuit général) pour Mélanie Berger - Galerie Eric Dupont (Stand B4 du circuit général) pour Roméo Mivekannin
- Galerie Maurits van de Laar (Stand B15 du circuit général) pour Susanna Ingleda
- lilia ben salah (Stand IN2 du circuit Insight au sous-sol) pour Farah Khelil
- ANALIX FOREVER (Stand PR4 du circuit Process au sous-sol) pour Violaine Lochu
Pour terminer, je dirai quelques mots d'un partenariat qui se poursuit pour la seconde année avec Memo, parfumeur installé au 24, rue Cambon, dans le 1er arrondissement de Paris.
Initiée en 2007, portée par Clara Molloy et son mari John, Memo Paris imagine le parfum comme un voyage, construit son identité autour de destinations magiques et de matières premières intenses, d’ingrédients naturels de belle qualité. Un désir d’ailleurs et de rencontres à l’image du couple fondateur. Elle, parisienne, poète et catalane ; lui, irlandais, globe-trotter et sportif.
La parfumeuse Mylène Arlan a composé Abu Dhabi autour de la datte, un fruit savoureux emblématique de l’oasis d’Al Aïn, patrimoine culturel et végétal émirati. Elle l'a associé à la cardamome et au vétiver. La fragrance évoque la douce ondulation d’un palmier, le froissement d’un tissu de l’Al Sadu, technique de tissage traditionnelle bédouine, qui appartient au patrimoine immatériel de l’humanité, et dont on retrouve le motif sur le flacon et l’emballage.
Depuis sa création, Memo Paris s’entoure d’artistes, de photographes et d’écrivains pour donner une nouvelle dimension aux destinations qui l’inspirent. Cette fois, c'est Julien Colombier qui a été sollicité. Ce parfum évoque pour lui "avant tout des atmosphères visuelles intenses, des contrastes poétiques entre soleil et ombre, sable et palmiers, désert et oasis… La forme végétale, centrale dans ma démarche picturale, est ce qui m’a lié à la destination. C’est un motif universel qui parle à tous, et c’est son mouvement que je recherche, dans un jeu d’équilibre, comme dans un parfum."
Il existe aussi dans cette maison des parfums dont le voyage est essentiellement parisien, avec pour noms Autour de Paris, Odéon, Palais Bourbon …
Drawing Now Paris
Le Salon du dessin contemporainDu 27 au 30 mars 2025
Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spuller — 75003 Paris
drawingnowparis.com
Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spuller — 75003 Paris
drawingnowparis.com
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