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dimanche 6 avril 2025

Bombarde, un restaurant à découvrir à Montmartre

Je me suis laissée guider par la façade Terre de Sienne éclairée de quelques spots qui se dresse en haut de la rue Lamarck. Bombarde est campé à l’angle avec la rue du Mont Cenis et offre une jolie terrasse qui est prise d’assaut tous les soirs. 

La clientèle est un joyeux mélange de personnes de passage et d’habitués qui sont les premiers ambassadeurs du lieu. Ils ont raison car il est sans doute difficile de trouver meilleur rapport qualité prix/saveurs.

Me croirez vous si je vous dis même que les patrons ont allégé l’addition en faisant descendre le midi le plat à 16 €, 20 si vous ajoutez un dessert et 22 si vous optez pour un déjeuner complet entrée-plat-dessert ?

On a le choix de s'installer en terrasse, d'un côté ou de l'autre, ou bien en intérieur, soit au comptoir, ce qui permet de suivre le travail du chef, soit en salle, à une table ronde, une banquette, sur la rue ou plus à l'abri des regards dans le fond de la salle.

Les assiettes sont généreuses, goûteuses, élégantes. Tout ou presque semble classique mais vous remarquerez vite un petit quelque chose qui fait qu’on sort de l’ordinaire. Parlons par exemple du Caviar d’aubergine
Ce plat avait toute sa légitimité quand le restaurant s’affirmait dans le registre de la cuisine méditerranéenne. Mais les temps ont changé. Le chef qui est arrivé en octobre dernier a fait ses armes au Ginger La Rochelle, à deux pas de l'Aquarium, et il a gardé en mémoire la cuisine fusion du chef Carlos Foito faisant le grand écart entre les spécialités portugaises et asiatiques.

Le caviar est resté mais il est est préparé de manière à préserver la texture de sa chair. C'est le travail de Bipul qui les épluche un à un après les avoir attendris au gril.
Le blender en fait une purée qui ensuite est assaisonnée de multiples épices. Il n'a pas le goût habituel du caviar. Celui-ci est légèrement fumé et le résultat est un délice. Bipul surveille qu'on n'oublie pas de déposer une feuille de basilic sur l'assiette.

Le pain qui l'accompagne est une vraie gourmandise. Pensez-donc, il provient de la boulangerie Bara. Signifiant "pain" en breton, Thierry Breton (ça ne s'invente pas) façonne ses pains qui sont livrés sur de très bonnes tables parisiennes, qui sont livrées à vélo jusqu’à Montmartre tous les jours. Ses produits sont 100% locaux, issus de blés cultivés et transformés en Ile-de-France. Et comme si cela ne suffisait pas les tranches sont tiédies au four avant d'être apportées sur les tables.
Ayant été habitué dans l’enfance à cuisiner avec sa mère dans la campagne niortaise avec les produits du terroir Enzo a le réflexe de travailler prioritairement les légumes de saison provenant de beaux potagers. Il sait que les grands standards de la cuisine méditerranéenne s’accordent mal avec notre saisonnalité. À moins de commander en hiver des tomates qui viendront de loin. 

Avec Romain et Henri, les deux patrons et amis fondateurs du restaurant il y a deux ans, ils ont la volonté de recentrer la carte sur des plats très bien maîtrisés et conçus avec des produits de saison, le plus possible locaux.

Forcément Enzo apporte sa touche. Il s’exprime par exemple avec un CevicheC’est un plat qui existe au Pérou depuis la période précolombienne. Il est donc vieux de plus de 2000 ans et était préparé de manière très simple à l'époque. Il suffisait de disposer d'un peu de poisson frais et de jus d'orange acidulé. Le piment et le sel servaient à relever le plat.
Ses bienfaits pour la santé sont désormais connus. Les poissons gras (saumon, thon, maquereau…) contiennent des acides gras oméga 3, participant à la prévention des maladies cardio-vasculaires. En consommant du poisson cru, vous bénéficiez de tous ces atouts sans qu'ils soient dénaturés par la cuisson.

Les poissons blancs à chair ferme comme le loup de mer, la daurade, le cabillaud, la sole ou la limande sont parfaits. Le thon et le saumon conviennent également, mais ils ne doivent pas rester trop longtemps dans l'acide, car la chair change de couleur pendant le processus de cuisson.

Enzo a utilisé aujourd'hui daurade royale, dont la chair fine et peu grasse, sera vite attendrie par un leche de tigre (littéralement lait de tigre et donc pimenté). Une fois les morceaux de poisson disposés dans l’assiette il les arrose de cette préparation enrichie de jus de fruit de la passion et laisse agir son acidité le temps de continuer à monter le plat. Quelques touches de condiment avocat (crémeux à souhait), quelques dés de pickles de poivron, carottes, tomate et oignon, et bien entendu de la coriandre fraîche. C’est prêt. Franchement délicieux et je m’y connais en ceviches parce que c’est un des plats emblématiques de la cuisine mexicaine contemporaine qui l’a emprunté au pays voisin. 
Les clients sont du même avis et voudraient que la recette puisse figurer parmi les plats mais il ne gagnerait pas à être servi plus copieux.
Ce n’est pas obligatoire mais on peut l'accompagner, en toute modération, avec un verre de Vent d’ouest du Vignoble Mercier. C'est un vin blanc élaboré avec des grappes de Chenin et de Chardonnay qui rend hommage au vent d'Ouest marin qui caresse en permanence les vignes. Pourvu de ne pas être servie trop froide, la cuvée convient depuis l’apéritif, sur un plateau de fruits de mer comme sur une viande blanche, de la volaille ou certains fromages à pâtes molles.
En plat, je me suis laissée tenter par le Magret de canard qui m’a été servi à peine saignant. Grillé, tendre, arrosé d’une sauce Pongu fort aromatique, un peu piquante, concoctée à partir d'un bouillon dashi aux algues japonaises, de sauce soja, vinaigre de riz et jus de citron vert. L'assiette est adoucie par une purée de patates douces au lait de coco avec une touche originale apportée par une pointe de cannelle que je ne reconnais que parce que, là encore j’ai l’habitude de cet épice.
On appréciera alors, toujours en toute modération, un verre de Pic Saint Loup ou de Sancerre rouge 2023 Daniel Chotard qui est de plus un vin bio. La robe grenat est encourageante. Les petits fruits rouges apparaissent vite au nez. Il est rond et long en bouche avec une note poivrée, idéale avec cette viande.
 
Cette fois le cépage est un Pinot noir dont les raisins sont récoltés à la main. Ils sont fermentés en cuve inox avec une cuvaison de 3 semaines afin d'extraire au mieux la couleur et les arômes de ce raisin. Les fermentations malo-lactique et l'élevage se font pour partie en cuve et pour partie en fûts de chène. Ce vin est mis en bouteille en moyenne 15 mois après la récolte.

Il y a d'autres bouteilles. Les patrons ont à coeur de proposer une sélection de vins naturels et bio qu'ils dénichent auprès de petits producteurs.
En dessert, plutôt que m'orienter vers la Mousse chocolat-pointe de sel-huile d'olive, qui est -et je le comprends- un must de la maison, j'ai opté pour la fraicheur d'un Carpaccio d'ananas-espuma coco-caramel exotique. Et ce sont des pistaches concassées que vous voyez dessus;
Le chef a bien mérité une pause avant le rush de la soirée. Le carnet de réservation annonce quasiment complet (vous voilà prévenus, il est préférable de s'organiser).
Je n'ai pas parlé de la décoration. Elle est tout à fait dans l'air du temps, sobre et chaleureuse. Le marbre du bar est épais, joliment veiné de noir. Il a été pensé pour accueillir trois personnes qui auront directement l'oeil sur les préparations. 
Le décor est simple, épuré, en accord avec la simplicité de la cuisine, sur une carte La carte courte mais qui est régulièrement changée. Bombarde est volontairement abordable mais sans sacrifier le raffinement.
Le sol est resté tel qu'il était lorsque l'endroit était un magasin d'antiquités puis de jouets au début du XX° siècle. Cela donne un cachet authentique au cadre qui accueillit ensuite une confiserie.
L’endroit est apprécié. Vous l’avez compris. Il est régulièrement privatisé le soir car il est possible d’y accueillir une quarantaine de convives. Les tables sont poussées. Un buffet est dressé et il est tout à fait possible de danser. On m'a dit que l'ambiance était telle que … on refile l'adresse à ses meilleurs amis.

Bombarde
33 Rue Lamarck - 75018 Paris - 06 13 57 46 21
Ouvert 7 jours sur 7, midi et soir (sauf le lundi qui n'est ouvert qu'au dîner)

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