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dimanche 30 mars 2025

Larmes Au Poing, le nouvel album de Lucien Chéenne

Quel album ! Il faut apprivoiser Larmes au poing, l’écouter encore une fois et encore pour enfin saisir les nuances et les non dits des textes de Lucien Chéenne.

Il commence par sa vision de la rencontre, dans un titre minimaliste, Hôtel, correspondant parfaitement au type de lieu impersonnel où se déroulent des amours d’une seule page. Nous sommes loin du cliché pop et joyeux d'un Hôtel California de légende. Et pourtant il suffira d'une phrase pour effacer d’un trait la désolation sordide dès que résonne, en écho à son timbre éraillé, la mélodieuse voix de Mélanie Isaac pour convenir que t’es pas obligé d’te faire belle.

Le chanteur renverse un autre cliché avec Je suis une fille. Là encore il force notre réflexion : Il y a un homme qui dort en moi.

Partons ensemble sur un rythme andalou, avec Les Écorchés. Et s'ils ont des problèmes de mécanique puisque à l’intérieur ça joue une mauvaise rumba, Lucien qui, de toute évidence s'inclut dans le groupe, nous enseigne à les regarder comme des oiseaux.

Nous avons compris que l’homme est capable de douceur sous un tempérament rebelle. Et puisqu’il s’adresse dans presque chaque chanson à un "tu" qui devient pluriel, nous nous sentons sollicités pour entendre ce qui est peut-être le plus beau titre de l'album. Derrière l’amour est un hommage envoûtant à son père. C'est le moment de la réconciliation avec l'homme pour qui briser l’armure, ça prend du temps et dont il faut accepter que pour écrire un poème il fasse à manger pour deux. Regardez le clip de la chanson. Si beau. Si juste.

Comment ne pas penser au Déserteur avec Le réglement de comptes ? A l'instar de Boris Vian, ou d’un Renaud, l'auteur décide : J’vais pas jouer des poings et faire couler le sangIl choisit …sans hésiter comme champ de bataille la poésie, les nuages, met la peur et la violence à distance, pour savourer le luxe d’être libre approuvé par la plainte d’un violoncelle.

Cette fois, la mère apparait en filigrane et mérite qu'on préfère la solitude pourvu qu'elle conduise aux réconciliations et il entend nous donner l’exemple.

La poésie est son arme préférée et elle se déploie dans Crachés dessus, encore écrite à la deuxième personne, nous offrant une métaphore en oxymore entre les yeux et des lèvres. Mais c'est noir quand même, et pour cause, et finalement …sans issue.

Ce qui explique Vautour de mes bras (et on remarquera que les oiseaux sont de nouveau présents) qu'il ne faut pas être très intellectuel pour décrypter derrière le rythme joyeusement rock. Chacun ses addictions, pourvu qu'on les reconnaisse et tente de s'en libérer !

C'est dans Moitié des vacances scolaires qu’arrivent les larmes au poing qui donnent son titre à l'album. On y entend quelque chose qui évoque Bashung et Arno, bien évidemment. Mais pour moi davantage Michel Delpech avec  Les Divorcés chantés en 1973. Je ne suis pas sûre qu’il validera la référence mais il y a en lui une semblable tendresse, celle qui affleure dans Chez Lorette ou plus encore dans J’étais un ange, une confession similaire à la sienne, qui fut un grand succès de scène, et qui sera le titre de son album posthume.

Chaque artiste nantais a sa vision de cette ville. Aline Chevalier la trouve pluvieuse. Lucien Chéenne lui reproche sa violence. Elle l’attire cependant autant qu'elle le désole. Alors il joue avec les mots appel/ peine … à peine aussi. Nantes monstrueuse sans doute avec son éléphant cathédrale d'acier qu'il ne manque pas de citer, et qui ne fait pas oublier les esclaves d'ubereats, et surtout par les affrontements qu'il y a connu.

On termine avec Sauvage ennui, bref et fugace.

L’album s’inscrit dans le mouvement rock romantique de ses ainés. Ce n’est pas anodin si les clips vidéo sont pour le moment tous tournés en noir et blanc. Serait-il malgré tout l'album des réconciliations, avec lui-même, son père, sa mère et sans doute d’autres compagnons de vie ?

Il retrace quatre années que l’on devine chaotiques. Il n’est pas plus facile d’être fils que père, ni d’assumer ses parts d’ombres et de lumières, même avec la poésie comme arme de poing pour sublimer les accidents de parcours du quotidien et les étincelles de beauté qui sont une infinie source d’inspiration.

L'album est né dans le fief de Francis Cabrel à Astaffort, avec l’aide de son équipe (Jérôme Attal, Julien Lebart, Olivier Daguerre) et a été poursuivi entre Nantes et Piriac. Il a été enregistré en Sarthe (au Studio la Boîte à Meuh), en home-studio en Loire-Atlantique (enregistrements voix), et à Montreuil (Studio La Kapsule), sous la bienveillante réalisation de l’équipe de Vianney : Hugo Cechosz (Miossec, Vianney, Eiffel, Arthur H) à la réalisation générale et aux arrangement et Vincent Louvet (Vianney, Tété, Orange Blossom) pour l’enregistrement des parties vocales.

L’apport de chaque musicien est juste, depuis le violoncelle de Valentine Duteil (qui accompagne aussi Miossec, Alex Baupain, La grande Sophie), Fred Lucas à la basse, Hibu Corbel à la batterie, Pierre Sangra au violon et alto (Thomas Fersen, Vincent Delerm, Alexis HK) et bien sûr, au premier plan Lucien Chéenne à la guitare acoustique.

Larmes Au Poing, le nouvel album de Lucien Chéenne
Sortie 10 Avril 2025 sur le label Flower Coast
Après le Festival Chant'Appart et Nantes (comment pourrait-il en être autrement ?) plusieurs dates sont programmées :
14/04 La Maroquinerie - Paris (75) Support Cachemire
22/05 La Bouche d'Air - Salle Pannonica - Nantes (44) Release Party
23/05 Les Copains D'abord - Salbris (41)
14/06 La Cantine du Voyage - Nantes (44)
07/08 La Station Nuage - Nantes (44)
16/08 Le Petit Poucet - St Léon (63)

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