Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 26 septembre 2022

The Words are there (Les mots sont là) de et par Ronan Dempsey

Quelle découverte que cette pièce au Théâtre de Nesles, dans le cadre de leur très éclectique (et de haut niveau) Festival 7.8.9 que je connais depuis plusieurs années !

J’étais prévenue que The Words are there (Les mots sont là) étaient joués en anglais et c’est parce que ce spectacle arrive précédé d'une réputation excellente que je me suis lancée dans l’aventure. Le public français n’a pas l’habitude de voir une pièce en langue étrangère qui ne soit pas sous-titrée.

The Words are there est une pièce écrite, mise en scène et interprétée par le magistral Ronan Dempsey pour dénoncer avec tendresse, poésie et finesse un désastre dont on parle peu, la maltraitance des hommes par leur conjointe. Il a de plus réussi à insuffler une dose de drôlerie qui prend racine dans un humour tout ce qu'il y a de britannique.

Ronan Dempsey est un écrivain, acteur et réalisateur basé à Dublin, en Irlande. Il a été formé à la Gaiety School of Acting de Dublin et dans l’Ecole de Jacques Lecoq à Paris. En tant qu'acteur professionnel, il a joué des rôles dans des productions telles que L'ombre d'un homme armé, Juno and the Paycock, The Plow and the Stars, A Comedy of Errors, A Midsummer Night's dream, Twelfth Night et AgamemnonRonan Dempsey est aussi professeur d’art théâtral en Irlande. 
L’artiste a écrit en écho aux nombreuses histoires d’hommes qui, en Irlande, se suicident régulièrement suite à des situations familiales dramatiques. Les statistiques montrent que pour trois incidents signalés, l'un d'entre eux est contre un homme. Il a choisi le théâtre d’objets, la marionnette et le mime pour faire passer les émotions, positives ou négatives. C’est formidablement réussi !
Mick attend Trish dans son appartement en bord de mer dans la rêveuse Bettystown. La vie l'a laissé sans voix, mais dans son silence se cache une histoire. Au milieu des mensonges de l'enfance et des souvenirs fragmentés, il a du mal à trouver les mots pour un jour très important. Explorant avec sensibilité et puissance les abus et la violence domestique, en particulier la violence domestique envers les hommes et qui reste pour beaucoup un sujet tabou.
On peut lire au début Trish sur le plateau. Connaissant la chef Trish Deseine il ne fait aucun doute pour moi que c'est un prénom féminin. L'homme arrive, redresse le cadre qui pend au mur (il restera malgré tout penché), remet la pendule à l’heure, pose son sac de courses, avance pieds nus, vêtu de  haillons.

Il va nous raconter toute l'histoire en remuant les lèvres sur une bande-son préenregistrée en luttant contre un bégaiement qui suscite l'empathie (pour nous parce que la femme le lui reprochera). La voix off est en anglais et on se prend à rêver que la production puisse faire d'autres bandes, en fonction de la langue du pays qui accueillerait le spectacle, tout en conservant le principe du play-back parce que ce procédé installe la situation de manipulation qui ligote le personnage alors que lui-même manipule une multitude de choses dans la pure tradition du théâtre d'objets.

Le comédien se concentre pour … mimer des actions avec énergie. Il écrit à sa dulcinée avec du papier WC ou à la bombe de peinture. Le balai -symbole de la douce ménagère- devient une jeune femme qui va progressivement le terroriser. Les séquences se suivent, avec chacune son illustration musicale, parmi lesquelles je reconnais une chanson de Madonna sur laquelle le couple danse, et plus tard des arpèges de piano répétitifs et troublants.

Car il ne fait pas de doute que l'homme n'est pas seul sur scène. Même si la présence de sa partenaire est "in your mind", évidemment. 

C’est tendre, poétique, drôle… et terrible. La soirée du 14 février ne sera pas une Saint-Valentin de tout repos. Il n’est pas nécessaire de comprendre chaque mot de la langue de Shakespeare pour apprécier ce travail remarquable qui mérite être programmé plus longuement.
Sa création à Dublin en 2018 a suscité un débat national sur le problème de la violence conjugale envers les hommes. Il faut voir ce travail qui a été récompensé à juste titre au Edinburgh Fringe 2019 et qui a reçu plusieurs prix en Grande-Bretagne.
The Words are there (Les mots sont là) de et par Ronan Dempsey 
Festival 7.8.9 au Théâtre de Nesles - rue de Nesles - 75006 Paris
Le dimanche 25 septembre 2022 à 15h, ainsi que le lundi 26 et le mardi 27 à 19h 
A partir de 16 ans 
Le festival se poursuit jusqu’au 30 septembre 2022 avec une très belle programmation, y compris en musique.


Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)