Le titre, Juliette au printemps, fait penser à la moitié d'un poème qui pourrait se poursuivre par secret dans le vent, ou quelque chose de ce genre, voire même les fantômes reviennent en courant, ce qui serait proche du titre du roman graphique qui a servi à bâtir le scénario.
C'est le portrait d'une famille qui dysfonctionne alors que manifestement tout le monde s'aime. On comprendra que c'est une amnésie (pas réellement un secret mais malgré tout un non-dit) qui est la cause de la dépression de Juliette qui, intuitivement, revient chez son père quelques jours pour panser son âme. Le film prend alors le chemin du conte philosophique et du récit initiatique.
.Juliette, jeune illustratrice de livres pour enfants, quitte la ville pour retrouver sa famille quelques jours : son père si pudique qu’il ne peut s’exprimer qu’en blagues, sa mère artiste peintre qui croque la vie à pleines dents, sa grand-mère chérie qui perd pied, et sa sœur, mère de famille débordée par un quotidien qui la dévore. Elle croise aussi le chemin de Pollux, jeune homme poétique et attachant.Dans ce joyeux bazar, des souvenirs et des secrets vont remonter à la surface.
Juliette au printemps n’est pas le premier film à être adapté d’une bande dessinée. Il me semble que souvent ce choix se traduit par une jolie poésie. Peut-être parce qu’en BD le dessinateur laisse une place relativement importante au fantastique, ou disons à l’insolite.
Je l’avais constaté dans La page blanche, le premier film de Murielle Magellan et je retrouve cette caractéristique dans celui de Blandine Lenoir.
L'affiche reprend l'atmosphère de la bande dessinée Juliette, les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy et on y remarquera que si le mot fantôme n’est plus dans le titre le personnage figure nettement à l’arrière-plan.
Il y a beaucoup de second degré et ça fonctionne parfaitement. Le père (Jean-Paul Darroussin) fait cuire des croques vieux monsieur, Pollux est le prénom d’un garçon (Salif Cissé, très touchant) dont l’animal de compagnie s’appelle Jean-Claude.
On découvre une mamie Alzheimer (Liliane Rovère) qui ne manque pas de mémoire et dont l’appétit de vivre est contagieux. Deux sœurs, Juliette (lumineuse Izïa Higelin) et Marylou (Sophie Guillemin formidable de beauté naturelle) éprouvent à leur manière la dépression et le burn-out.
On rit beaucoup d’un chat qui manque d’équilibre et qui tombe régulièrement du toit en faisant un bruit assourdissant. Les animaux ont d’ailleurs une place toute particulière dans ce film où personne ne s’étonne de rien. Accepter la vie avec ce qu’elle peut avoir de fantaisiste est peut-être la clé du bonheur que nous tendent Blandine Lenoir et Camille Jourdy.
Sur ce plan la palme revient à Adrien, l’amoureux inventif (Thomas de Pourquery) qui se travestit dans tous les costumes de sa boutique de farces et attrapes. On ne le sait sans doute pas suffisamment mais il est aussi un excellent musicien et je trouve dommage qu’il n’interprète pas dans le film Quand on n’a que l’amour dont il a fait une reprise bouleversante sur le plateau de France Inter un an plus tôt.
Cela étant je ne critique pas du tout le choix de confier la bande-son du film à Bertrand Belin comme Blandine Lenoir l'a déjà fait par le passé pour trois longs-métrages. Le compositeur retrouve sa casquette de chanteur pour une chanson du générique de fin. Aussi, Jean-Pierre Daroussin fredonne à l'image sur le titre "Le pieu (L'estaque)" de Marc Robine. On y entend aussi deux titres existants de Fantazio (compositeur et contrebassiste de jazz sur un court-métrage de la cinéaste, "Monsieur l'abbé", 2010).
Blandine Lenoir accorde une place particulière et importante aux animaux et elle a donné aux hommes des rôles de personnages sympathiques et positifs même s'ils ne sont pas des sur-hommes. Le mari de Maylou (Éric Caravaca, qui a joué dans un autre de ses films, et qui avait déjà tourné avec Noémie Lvovsky dans La vie ne me fait pas peur) est un bel exemple de bienveillance.
Toute la Terre / Se changera en baisers
Qui parleront d'espoir / Vois ce miracle
Jacques Brel nous invitait en chanson à voir le miracle du Printemps, et c’est exactement la proposition du film de Blandine Lenoir en ce mois de juin pluvieux. Il ne nous dit pas que tout est rose mais la tendresse et l’humour de ce conte philosophique interprété par une bande d’acteurs touchants font vraiment du bien.
A défaut d’être dans le pré, le bonheur peut se cultiver dans la serre, au fond du jardin. On retiendra la plainte emphatique du père au début : C'est vrai que c'est pas facile, la vie, et le conseil donné à la fin : On ne va jamais assez souvent dans la famille.
Camille Jourdy est autrice de BD et illustratrice. Publiée en France (chez Actes Sud BD notamment), et à l’étranger, elle a reçu de nombreuses récompenses pour son œuvre. Après Rosalie Blum en 2016, Juliette, les fantômes reviennent au printemps est la deuxième de ses BD à être transposée sur grand écran. Ce dernier roman graphique est republié par Actes Sud en nouvelle édition augmentée de 24 pages de croquis inédits, dessins préparatoires et photogrammes qui racontent le passage de la bande dessinée à l’écran.
Juliette au printemps, un film de Blandine Lenoir
Écrit par Blandine Lenoir et Maud Ameline
Écrit par Blandine Lenoir et Maud Ameline
D’après la bande dessinée Juliette, les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy, (Actes Sud BD, 2016)
Avec Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Salif Cissé, Éric Caravaca, Thomas de Pourquery, Liliane Rovère
En salles depuis le 12 juin 2024
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