C’est le troisième livre de Laurent Petitmangin et il y sera encore question de fidélité et de filiation. Après la Lorraine et la ville de Berlin, l’auteur implante sa fiction sur Les terres animales, qui sont les derniers mots du roman.
Le cadre de vie est essentiel pour les cinq personnages principaux, des amis qui, quel que soit le prix à payer, ont décidé de continuer à vivre dans la région où ils se sont installés. La nature y est pourtant devenue périlleuse, bien que rien ne se voit encore, sauf bien entendu si vous brandissez votre compteur Geiger dont l’aiguille se bloque à la mesure maximale.
Et pourtant, comme la forêt est belle, enivrante de dizaines de nuances de bleu. On pense à ce si joli poème de Rimbaud. C’est un coin de verdure où coule une rivière, … Le dormeur du val. D'ailleurs la couverture est une photo où la végétation se reflète dans l'eau.
Tout est paisible car les radiations ça ne se voit ni se sent. Et pourtant la zone est dix fois plus contaminée que le site de Fukushima. Ce n’est pas pour autant un roman écologique ou de science fiction. L’angle choisi par Laurent Petitmangin est celui des relations humaines. Pourquoi ce groupe reste-t-il ensemble au lieu de partir ? Si Fred et Anna ont une raison familiale, puisque leur petite fille est enterrée dans cet endroit, les autres semblent libres de leur mouvement. Et cependant ils demeurent soudés.
Le récit est raconté à la première personne, principalement du point de vue de Fred, et parfois de celui de Anna. Le résultat est étonnant car on se sent effectivement très proche de chacun, dont on suit les péripéties, sous la surveillance d’hélicoptères et de drones, en étant surpris de constater que l’on peut encore subsister dans des conditions aussi extrêmes depuis déjà deux ans. On ne peut pas imaginer si les choses vont s’arranger ou se détériorer davantage, ce qui serait le plus plausible. Car on se sent aussi parfois proches de La route et il est alors impossible de croire un instant à une happy end même si tout semble calme, étonnamment.
Combien de temps (…). Cela fait partie des vertiges de la vie, des choses qu’on n’arrêtera plus, qui n’autorisent aucun retour en arrière (p. 38).
On reste accroché et on tourne les pages, malgré la folle angoisse qui nous fait craindre que cela pourrait arriver dans notre "vraie" vie en raison du dérèglement climatique, et de la présence de centrales nucléaires dans des zones de guerre. Et dans une telle configuration que ferions-nous ?
Mon seul reproche, mais c’est peut-être aussi ce qui m’a décidée à lire jusqu’au bout en muselant mon angoisse, c’est que la quatrième de couverture révèle l’arrivée d’un évènement très important … que je tairai ici.
Laurent Petitmangin est né en 1965 en Lorraine au sein d’une famille de cheminots. Il a passé ses vingt premières années à Metz, puis quitta sa ville natale pour poursuivre des études supérieures à Lyon. Il rentra chez Air France, société pour laquelle il travaille encore aujourd’hui. Grand lecteur, il écrit depuis une dizaine d’années. Ce qu’il faut de nuit était son premier roman, suivi de Berlin, tous chez le même éditeur.
Les terres animales de Laurent Petitmangin, à La manufacture de livres, en librairie depuis le 24 août 2023
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