Je suis sortie ce matin et ça m’a fait un bien fou. Je suis allée jusqu’en Bretagne, tout au bout de la presqu’île de Crozon dans le Finistère … à la découverte du Mystère Henri Pick.
Voilà une histoire qui devrait ravir toute l’équipe des 68 et c’est une chance de disposer de la Médiathèque numérique pour pouvoir visionner ce film qui date de 2019 mais qui n’a rien perdu de son pouvoir. Il joue très habilement sur le réel et la fiction.
L’histoire commence par le dépit de Frédéric Koska (Bastien Bouillon), le romancier et petit ami de l'éditrice Daphné Despéro (Alice Isaaz), alors qu’il apprend que son premier roman partira au pilon. On a beau lui dire qu’il connaîtra une sorte de réincarnation en se transformant en papier recyclé pour de futurs romans, sa déception est immense.
Parallèlement le monde de l'édition encense un roman, Les dernières heures d’une histoire d’amour, qui semble sorti de nulle part, qu'une jeune éditrice aurait découvert dans la salle des livres refusés qui se trouve dans la médiathèque de Crozon, tellement reconnaissable avec ses jardinières et ses boiseries bleu turquoise que je suis sûre de l’avoir vue dans un autre film, mais lequel ?
Le critique littéraire Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini), sorte de double de François Busnel, entreprend de mener l'enquête sur cette histoire abracadabrante : le best-seller n’a pas pu être conçu par un pizzaïolo breton, décédé deux ans plus tôt, et dont la veuve affirme qu'il n'a jamais écrit autre chose que ses listes de courses. Le journaliste est persuadé d'une imposture et entend la résoudre avec l'aide inattendue de la fille de l'énigmatique Henri Pick.
J’avais deviné le mystère dès le début, mais je n’en tire pas gloire, et surtout je voudrais dire que j’ai énormément apprécié cette enquête. Je ne résiste tout de même pas à vous dire que la caméra nous révèle la vérité dans un miroir, par jeu ou hasard ...
Les noms des personnages, Daphné Despero, Inès de Crécy, Frédéric Oscar, Jean-Michel Rouche… autant de patronymes qui me font penser à des personnes réelles, mais peu importe. Le port de Terenez et Les villes de Landévennec, Crozon et Camaret-sur-Mer ont servi de décors aux pérégrinations des personnages que j'ai énormément appréciées alors que les Français sont dans l'obligation de rester bouclés à la maison.
Jean-Michel Rouche affectionne le bar du Bristol où il commande plusieurs fois, un Papa Doble, qui est le surnom que les barmen havanais avaient donné à Ernest Hemingway, dont le goût pour l'alcool était de notoriété publique.
L'écrivain a largement contribué à populariser le Daiquiri et le Mojito. Il a inventé le Death in the Afternoon (Mort dans l'après-midi) à base d'absinthe et de champagne. Pendant un séjour à Paris, il aurait demandé au barman du Ritz d'imaginer un breuvage inodore pour tromper la vigilance de sa femme Mary Welsh, horrifiée de sa propension à boire. Ainsi serait né le sanglant Bloody Mary, à base de vodka et de jus de tomate.
Le Papa Doble est une déclinaison du Daiquiri, avec une plus forte teneur en rhum et l’absence de sucre. En voici la recettes, à consommer avec modération :
6 cl de rhum blanc (de préférence Cubain, comme le ron Añejo Blanco Legendario au profil fruité et floral, ou le ron Silver Dry de Varadero aux notes subtilement herbacées et de canne à sucre)
1,5 cl de Masquarin1,5 cl de citron vert
3 cl de jus de pamplemousse (si possible fraichement pressé)
1 cerise au Masquarin
Réservez votre verre type Martini dans le réfrigérateur pour qu’il soit bien frais.
Frappez tous les ingrédients dans un shaker rempli préalablement de glaçons. Filtrez et versez dans le verre.
Décorez d’une rondelle de citron et ajoutez la cerise.
Le Mystère Henri Pick est tiré du livre du même nom de David Foenkinos, un auteur déjà adapté au cinéma avec La Délicatesse, Les Souvenirs et Je vais mieux, mais qui, cette fois ne signe pas le scénario (pas davantage que son frère). Rémi Bezançon a été séduit par le genre hybride de l'enquête littéraire et par l'idée de changer d'univers après avoir livré des longs métrages introspectifs. Avec Vanessa Portal, co-scénariste régulière de ses films, il a choisi de placer le personnage du critique littéraire Jean-Michel Rouche au coeur de l'intrigue en changeant le point de vue de la narration qui, à l'origine était une oeuvre chorale.
Rémi Bezançon a envisagé l'enquête comme un MacGuffin, c'est-à-dire un prétexte (qui prend souvent la forme d'un objet mystérieux) à développer le scénario. Ce concept, associé à Alfred Hitchcock qui ne l'a pas inventé mais popularisé, a notamment été utilisé dans Les 39 marches (dont on voit un extrait dans le film), La Mort aux trousses, En quatrième vitesse, Pulp Fiction ou encore Mission : Impossible III.
Ce procédé permet de revenir constamment au thème principal, l’inconstante frontière entre fiction et réalité. A ce propos, et c'est sans doute un clin d'oeil, la patronne de Daphné indique à l'auteur à la fin que maintenant que les droits du livre ont été vendus, les scénaristes vont pouvoir en faire ce qu'ils veulent...
Les allusions au monde littéraire sont multiples. Comme l'affirme un personnage : on se retrouve toujours dans un livre, d’une façon ou d’une autre. Et méditons plus que jamais cette phrase d'Alexandre Pouchkine (in Eugène Onéguine) : Et le bonheur était si proche, si possible.
Fabrice Luchini a été envisagé pour le rôle de Jean-Michel Rouche dès la lecture du roman par Rémi Bezançon. Le comédien a recommandé Camille Cottin avec laquelle il avait joué dans un épisode de Dix pour Cent. Il se trouve que l'actrice avait déjà tourné avec Bezançon dans Nos futurs. Leurs retrouvailles n'ont pas dû être difficiles. Hasard de la vie, Fabrice Luchini a déjà tourné dans un film où il était question de livres, L’arbre, le maire et la Médiathèque, d'Eric Rohmer. Il y jouait un instituteur féru de littérature mais opposé à la construction d'une bibliothèque qui entraînait l'abattage d'une arbre centenaire.
On remarque Alice Isaaz et Bastien Bouillon et des comédiens venus du théâtre (Josiane Stoléru, Vincent Winterhalter, Florence Muller, l’humoriste Marc Fraize). Notons également la participation d'Hanna Schygulla, égérie de Fassbinder.
Le mystère Henri Pick de Rémi Bezançon
D'après l'oeuvre de David Foenkinos, scénario de Rémi Bezançon et Vanessa Portal
Avec Fabrice Luchini (Jean-Michel Rouche), Camille Cottin (Joséphine Pick), Alice Isaaz (Daphné Despero), Bastien Bouillon (Fred Koskas) ...
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