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vendredi 20 septembre 2019

Willem Bastiaan Tholen, un impressionniste néerlandais à la Fondation Custodia

Relativement peu connu de nos jours par rapport à ses contemporains, Willem Bastiaan Tholen eu toutefois durant son vivant beaucoup de succès dans son propre pays, les Pays-Bas, comme à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne et au Canada.

Il a beaucoup vendu de son vivant. Cette rétrospective, organisée avec le Dordrechts Museum, est l'occasion de découvrir le talent de Tholen dont les œuvres n'ont encore jamais été exposées en France où il n'est pas du tout connu.

Prolifique, Tholen s'essaya à des sujets très divers. Premier peintre à découvrir le village isolé de Giethoorn avec ses canaux et ponts à partir de 1880, il s'y rendit régulièrement, accompagné parfois de son maître Paul Joseph Constantin Gabriël (1828-1903), un peintre de l'école de La Haye. Plus tard, en 1901, il fait construire un bateau afin de sillonner les mers intérieures qu'il baptisa l'Eudia sur lequel il navigua jusqu'à la mort de sa première femme en 1918. Tholen peignit les bateaux du golfe du Zuiderzee ou encore les villes et les villages de pêcheurs aux alentours. 

Il a été d'abord influencé par l'Ecole de la Haye et les peintres de la génération précédente, comme eux le furent par l'Ecole de Barbizon et les Impressionnistes. L'artiste suivit néanmoins son propre chemin. On le découvre soucieux de rendre fidèlement la nature et la lumière tout en osant des compositions originales. Ses paysages et ses marines sont les plus célèbres mais le cadrage de ses intérieurs surprendra l'oeil du visiteur.

Le peintre était aussi graveur, aquarelleur et a fait de nombreux dessins. Une salle de la Fondation est consacrée à ses portraits et une autre est dédiée aux marines.

Il s'est remarié en mai 1919 avec une femme issue de la noblesse, qui l'introduisit dans les hautes sphères. Il fera entre autres le portrait de la reine.

Cette exposition présente pour la première fois ses oeuvres en France. Elle est exceptionnelle comme en témoignent quelques-uns des tableaux sur lequels je me suis attardée.


Cette peinture est un rare autoportrait de l'artiste vu de face. Daté de 1885, quand Tholen avait 25 ans, il s'agit de l'un des premiers qu'il ait réalisés. Le regard du jeune peintre fixe le spectateur, ce qui donne beaucoup d'intensité au portrait. Ce tableau de petit format (24,5 sur 17,8 cm) a été exécuté sur zing. Il est fort probable que Tholen se soit servi d'une plaque de zing destinée à l'origine pour ses eaux-fortes. Dans les années 1880, Tholen avait commencé la gravure à l'eau-forte et il avait sans doute des plaques sous la main, prêtes à être utilisées. Il semble que ce soit la seule fois où il a choisi le métal comme support pour un tableau. [cat. 14]
Tholen se présente dix ans plus tard, en 1895, à l'âge de 35 ans, dans ce tableau comme un véritable peintre de paysage. Il a choisi une composition inhabituelle pour un autoportrait : on le voit représenté à mi-corps en train de travailler en plein air, entouré d'arbres. Avec ses touches courtes et vives pour rendre les taches de lumière qui traversent le feuillage des arbres, l'œuvre n'est pas sans rappeler le travail des impressionnistes. Le regard du peintre est posé, confiant : à cette époque, Tholen  était un artiste reconnu. [cat. 40]
A gauche Vivier flottant de Paul Joseph Constantin Gabriël qui est le seul tableau exposé qui ne soit pas de Tholen. Les deux peintres faisaient souvent des excursions ensemble dans le Nord-Est en empruntant un petit bateau pour peindre des paysages de tourbières. Il est possible que Gabriël ait fait cette esquisse à l'huile lors d'une de ces sorties. Il a représenté un abri de pêcheurs, une simple toile tendue entre des bâtons, ainsi qu'un vivier flottant en bois pour les poissons. Tableau exécuté sans doute en plein air.  [hors catalogue]

A droite, Petit pont à Giethoorn, 1884
Tholen visitait Giethoorn surtout en été ou au début de l'automne quand le village était plus facile d'accès. Beaucoup de ses vues de Giethoorn se caractérisent par des couleurs vives et ensoleillées. Ici, Tholen a peint un petit pont en bois. Dans le village, où pratiquement tous les déplacements se faisaient par bateau, les ponts devaient être particulièrement hauts pour permettre le passage des barques remplies de foin. La lumière d'été illumine le pont et accentue les différentes nuances de couleurs du bois utilisé pour sa construction. [cat. 11]
Ewijkshoeve était un grand bâtiment néoclassique de 1834, propriété de la famille du peintre Willem Witsen (1860-1923) et servait de point de rencontre important entre artistes, écrivains et musiciens. Tholen y séjourna régulièrement dans la période 1885-1903.

La loggia de l'étage reposait sur deux colonnes ioniques donnant sur un petit étang et un pré. Ici, le peintre n'a peint que les deux colonnes encadrant le paysage au loin. Les tons gris du premier plan contrastent avec le vert clair du pré qui se trouve en plein soleil. [cat. 36]
Intitulée elle aussi Ewijkshoeve, ce tableau révèle, sous un cadrage original, un coin du salon dont la porte-fenêtre mène à la loggia de l'oeuvre précédente. Sur la droite on devine un perchoir pour perroquet. Les couches de peinture grise, rouge et brune sont épaisses. Par contre la peinture est légère sur les vitres où l'on peut par endroits voir la toile presque intacte, suggérant la transparence. [cat. 37]
Devant la fenêtre, Ewijkshoeve, 1894. Le motif de la fenêtre est régulier dans l'oeuvre de Tholen. Là encore le cadre est étonnant. On remarquera que la jeune fille regarde ... un potager. La scène se passe dans une arrière-saison baignée de soleil alors que l'intérieur de la pièce est sombre. Il pourrait s'agir de Péronne Arntzenius (1883-1953), une des triplés, enfants cadets de la famille qui habitait dans la même maison à La Haye que les Tholen et qui fréquentait elle aussi Ewijkshoeve. [cat. 31]
Potager à Ewijkshoeve, 1895. Tholen était fasciné par la nature qu'elle soit rurale ou urbaine. Il aimait ce potager qui est représenté en plein soleil. Ce tableau fut exposé à Rotterdam en 1906 sous le titre Arrosoirs. [cat. 33] Plus loin dans l'exposition, un film en noir et blanc, réalisé par Péronne et Constance Arntzenius montre le peintre et sa femme en promenade dans son jardin.
Cette vue du potager de Ewijkshoeve avec ses verrières est considérée comme une des meilleures estampes de Tholen (qui y était d'ailleurs très attaché) qui le fera comparer à Edouard Manet. Cette eau-forte et pointe sèche évoque aussi les vues de son jardin à Yerres par Gustave Caillebotte. [cat. 169]
Tholen aimait aussi les chiens est les oiseaux auxquels il donnait des graines tôt l'hiver. Il promenait son petit chien fou chaque jour. Pour représenter le petit animal il lui fallut décadrer son oeuvre. En 1890, Tholen achète le premier étage de la Kanaalvilla, située près du canal qui reliait Scheveningen et La Haye où il vivra jusqu'à sa mort. Peu de temps après son emménagement la famille Arntzenius, amie des Tholen, viendra également y habiter au rez-de-chaussée, avec leurs six enfants. Le peintre avait fait construire un grand pigeonnier, qu'il appelait "villa à oiseaux", ce qui donna son titre à ce tableau. Ce nichoir était partiellement couvert par du lierre comme on peut le voir ici. La vue par la fenêtre ouverte est surprenante, surtout à cause des couleurs vives du store, qui ferme la composition en haut. À l'intérieur, un chien est endormi. Le tableau qui n'est pas daté, fut longtemps conservé par la deuxième femme de l'artiste en souvenir de leur maison qui fut détruite à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. [cat. 95]
Les soeurs Arntzenius, 1895
Le portrait informel de deux sœurs en train de lire sur une méridienne est l'un des tableaux les plus connus de Tholen. L'attitude des deux filles étendues, absorbées par la lecture, évoque certaines des peintures de jeunes filles en kimono que Georges Hendrik Breitner, artiste contemporain de Tholen, réalisait à la même époque. A gauche Dora, à droite Elisabeth Caroline. [cat. 34]
Constamment aux aguets pour trouver un motif et ayant sans doute toujours un carnet d'esquisses sur lui, Tholen choisit ici le sujet original et moderne d'un cocher vu de dos, qui est un exemple très représentatif de ses dessins. Tholen devait se trouver derrière, dans la voiture. Travaillant d'une main rapide, l'artiste dessina avec maîtrise l'attitude du cocher et la déformation du tissu de sa veste sur laquelle il était partiellement assis. Avec quelques traits, il indiqua le fouet ainsi que la végétation à gauche au bord de la route. Le raccourci du cheval montre tout le talent de dessinateur de Tholen. [cat. 128]
Paysage avec le parasol du peintre
Oeuvre inédite, acquise tout récemment par le musée de Dordrecht, ce paysage surprend par une partie du parasol du peintre visible dans le coin supérieur droit. Tholen, assis sous son ombrelle, outil indispensable pour le travail d'artiste en plein air, peignit exactement ce qu'il voyait, même le tissu au-dessus de sa tête qui aidait à atténuer la lumière afin de mieux percevoir les couleurs apposées sur le tableau. Pour représenter l'étoffe du parasol, il appliqua la peinture en fines couches, laissant la toile nue par endroits. Les trous dans les coins confirment que le tableau a été exécuté sur le motif. Les dunes à l'arrière plan n'ont pas pu être identifiées. [cat. 42]
Paysan parmi les roseaux, 1910
Ce petit tableau est un parfait exemple d'une esquisse à l'huile peinte sur le motif et de ce que Tholen appelait "ses petites planches" : les trous dans les coins indiquent que Tholen l'avait fixé sur un support, probablement sa boîte de peinture portative, ce qui lui permettait de travailler à l'extérieur. Comme c'est souvent le cas avec les tableaux exécutés en plein air par Tholen, l'oeuvre est datée (en bas à gauche : "10"), contrairement aux grands tableaux réalisés dans l'atelier, qui portaient par contre une signature plus élaborée commençant avec ses initiales. Ici, Tholen étudie l'effet du vent dans les arbres et les roseaux, ainsi que les nuages un peu menaçants, d'un très bel effet. Il est possible que pour cette esquisse à l'huile, l'artiste était assis dans un bateau, non loin des roseaux. [cat. 72]
Voiture dans un paysage boisé, 1894
Datée de 1894, cette aquarelle fait partie des vues de forêt que Tholen représenta dans les années 1890. L'emplacement n'a pas été localisé, mais ce type de forêt constituée de grands arbres se trouvait aux alentours d'Ewijkshoeve. Les remises ou granges que l'on voit à travers les grands arbres n'ont pas non plus livré d'indices. [cat. 121]
Vue de jardins de ville à la Haye, vers 1910-14, aquarelle et gouache
Cette aquarelle fut acquise en 1915 par la Société pour la création d'une collection publique pour l'art contemporain (VVHK) puis donnée au musée municipal d'Amsterdam. La feuille, exposée l'année-même de l'acquisition, ne fait toutefois pas l'unanimité, un critique mentionnant que les jardins quelque peu chaotiques ne créent pas une beauté bien ordonnée. Mais ce n'est sans doute pas ce que cherchait Tholen, qui comme les peintres de sa génération, souhaitait figurer entre autres des sujets quotidiens et modernes. Vus très probablement d'une fenêtre, les jardins représentés n'ont pas pu être identifiés, même si traditionnellement on les situe à La Haye. [cat. 154]
Cette vue de trois moulins dans la brume se caractérise par les couleurs douces et atmosphériques du soleil levant du matin. La composition est fermée à gauche par une partie du troisième moulin, tandis que le regard est attiré par le petit pont blanc au premier plan à droite. Sur le sentier menant au pont, deux figures sont visibles dans la brume. Les moulins, aujourd'hui démolis se trouvaient près de Giethoorn. Le tableau a été exposé à Rotterdam en 1906. Un critique trouva alors que l'artiste avait eu tort d'inclure le petit pont blanc, trop voyant et distrayant. [cat. 7]
Séchoir du moulin à papier De Stinkmolen, Apeldoorn, 1898-1904 ou 1907, Pierre noire et aquarelle.
La suite de dessins et de tableaux du moulin à papier De Stinkmolen, près d'Apeldoorn, exécutée par Tholen est une série ambitieuse. Entre 1898 et 1904, il visita ce site à plusieurs reprises avant d'y revenir une dernière fois en 1907. Il veilla à prendre chaque recoin du moulin pour objet de ses dessins. Les feuilles sont toutes très abouties, mais exécutées dans des techniques différentes, certaines étant rehaussées à la couleur. Pour quelques vues, il en existe plusieurs variantes. Aucune des feuilles n'est datée. [cat. 135 et 136]
Barques sur la plage de Scheveningen, vers 1889
Entre 1885 et 1897, Tholen représenta à plusieurs reprises la plage de Scheveningen qui se trouvait non loin de sa maison et qui était un sujet de prédilection des peintres de la génération précédente appartenant à l'école de La Haye. Contrairement à ces artistes, Tholen ne peignit pas la mer ici, mais choisit une vue donnant sur la ville, ce qui est un point de vue inhabituel. Puisque Scheveningen ne possédait pas de port, les barques étaient tirées sur la plage. La neige indique que la scène a lieu en hiver, période pendant laquelle on procédait à l'entretien des bateaux de pêche. Le tableau, dont la peinture a été apposée en couches épaisses, fut présenté en 1891 à Berlin. [cat. 19]
Bateaux de pêche amarrés dans le port d'Enkhuizen, 1901
C'est probablement en 1900 que Tholen visita pour la première fois Enkhuizen. À partir de ce moment, il séjourna de façon très régulière dans cette ville pittoresque des côtes du Zuiderzee, qui avait prospéré au XVIIe siècle. Entre 1902 et 1908, il possède même un pied-à-terre. Cette toile est une des premières vues que l'artiste exécuta du port d'Enkhuizen. Elle montre encore les caractéristiques de ses scènes urbaines de La Haye des années 1890, tandis que dans ses œuvres plus tardives, la figure humaine joue un rôle de moins en moins important. Depuis la construction de la digue ce paysage n'existe plus puisque l'endroit est devenu une mer intérieure. Le tableau présente donc aussi un intérêt historique. [cat. 54]
Willem Bastiaan Tholen, un impressionniste néerlandais
Fondation Custodia, 121 rue de Lille- 75007 Paris
Tous les jours sauf lundi, de 12 à 18 heures
Du 21 septembre au 15 décembre 2019
Cette exposition organisée en partenariat avec le Dordrechts Museum (Pays-Bas) y sera présentée du 9 février au 31 mai 2020.
Je me suis largement inspirée des textes de Rhea Sylvia Blok, figurant sur le livret accompagnant l'exposition et  remis gracieusement à chaque visiteur pour écrire cet article. Les numéros figurant entre parenthèses renvoient par contre au catalogue.
Au sous-sol on peut voir une autre exposition, jusqu'au 15 décembre 2019, présentant des Oeuvres sur papier de Palézieux (1919-2012) à laquelle je consacrerai un billet spécifique.
Enfin Ger Luijten, le directeur de la Fondation Custodia, a dévoilé quelques acquisitions qui intègreront le fonds des collections.

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