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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 12 août 2023

Nicolas Cribier, le patron collectionneur de l'Hôtel Auberge des Remparts à Laval (53)

Il y a quelques jours je consacrais un article à des hébergements insolites dans lequel était répertoriée l’Auberge des Remparts à Laval. Le patron de l’établissement, Nicolas Cribier, est au moins aussi atypique que la décoration de son hôtel. C’est simple : il est féru de tout.

Même le petit déjeuner est décalé comme vous le constaterez au milieu de l’article, photos à l’appui. Mais tout est frais, bon et on aurait envie d’avoir son rond de serviette, prêt quelque part pour s’en munir au moment de passer à table.

J’ai appris beaucoup de choses en discutant avec lui. Il m’a fait remarquer que la Mayenne est le département le plus septentrional de la région des Pays de la Loire où il fait un peu bande à part même s’il est acquis que la Mayenne se jette dans le grand fleuve ligérien.

Oublié par la région (sic) il est donc prédisposé à l’autarcie et tout le monde se serre les coudes : Je vais au marché après avoir demandé à la voisine ce dont elle peut avoir besoin. Ce fut longtemps surtout une terre de passage comme on me l’avait déjà fait remarquer au cours d’une promenade dans le centre historique de Laval. C’est encore vrai aujourd'hui en terme de tourisme. On ne reste que 2-3 jours alors qu’il y a tant à voir et à faire (comme j’en fait la démonstration au fil des articles regroupés sous le libellé Mayenne). 

Interrogé sur son appartenance régionale il s’affirme breton, mais comprendrait que dans le Nord de la Mayenne on se sente probablement davantage normand. J’ai retrouvé une carte ancienne qui corrobore cette analyse.

Une chose est sûre, il est profondément mayennais. Ses parents étaient lavallois et il connait la ville comme sa poche. Ses grands-parents paternels habitaient deux rues plus loin. Le grand-père était boucher-charcutier et son arrière grand-mère maternelle tenait un restaurant. Ils lui ont transmis le goût des bonnes choses. Son grand-père maternel était cordonnier, à une époque où on entretenait ce que l’on avait pour le conserver le plus longtemps possible. Il lui a sans doute transmis indirectement le respect des objets anciens.

Il a une passion pour l’hôtellerie et sitôt âgé de 18 ans, il commence dans  le métier. Nous sommes en 1988 et il travaillera en saison ou à l’année, sous toutes les latitudes et à tous les postes, "du zéro aux quatre étoiles". Il y eut un long passage à Orléans où il sera réceptionniste de nuit au Mercure. Il y restera de 1998 à 2004 à l’époque où Olivier Py était directeur du CDN (avant de rejoindre l’Odéon puis le festival d’Avignon et aujourd’hui le Châtelet).

En 2004 le besoin de se rapprocher de ses racines l’amène à reprendre le plus vieil hôtel de Laval, en lisière du quartier médiéval, et dont l’origine remonte à 1607, ce qui n’est pas rien pour quelqu’un comme lui passionné par l’histoire. L'établissement a été connu sous le nom d'Hôtel du Grand Dauphin ou, plus récemment, de l’hôtel du Zeff.

Fort de ses 15 d’expérience en hôtellerie, il parvient à y concilier plusieurs de ses centres d’intérêts. Les chambres sont désespérément purement désuètes, avec un tissu imprimé cachemire pour les têtes de lit, assorties aux rideaux. C’est peut-être une chance parce que ce fut le déclic pour changer de nom et de décor en y restant. Le résultat est à la hauteur de ses envies : Ça me plait plus que nulle part ailleurs.

Il s’est fait aider pour les chambres par une amie décoratrice qui a relevé le pari de composer 12 atmosphères différentes, chacune marquée par un thème et sans rien racheter, en puisant dans un stock d’objets jamais utilisés et qu’il avait accumulé en plus de vingt ans.

Chaque objet a sa place et on peut considérer qu’il n’y a plus guère de place pour de nouveaux objets. Alors, si le coeur vous en dit, faites à Nicolas des propositions d’achat. Notamment pour ce qui est dans la grande salle du bas. Ou encore pour une (ou plusieurs) de ces caricatures accrochées dans le couloir du 1er étage.
On y voit des athlètes des JO de 1924. Il a trouvé cette série de 24 planches dans une imprimerie qu’il fallait vider. Tout est disponible à la vente. Il faut certes être passionné de sport, ou de gravure, et faire preuve d’humour et de dérision car l’expression "Chope du nègre" ne fait pas sourire tout le monde, à moins d’apprécier le domaine de la caricature.
Théoriquement les chambres ne devraient pas évoluer dans le temps, sauf peut-être la 5, appelée Amen, dont la décoration a été inspirée par la Chartreuse de Parme, dans une atmosphère Napoléon III, avec peut-être une abondance de crucifix qui pourrait déranger. Il est vrai que la région est encore clivée en matière de religion, avec la partie rattachée à l’Anjou catholique et le Maine huguenot.

Il se pourrait donc que lors de votre séjour dans cet hôtel elle se soit métamorphosée en temple des sports masculins sous l’influence des JO.

S’il a bénéficié d’un coup de main pour la rénovation des chambres, il a organisé par contre le rez-de-chaussée à son image. Que ce soit l’accueil, en face de l’entrée, le bar qui fait office de cabinet de curiosités sur la gauche, ou la grande salle du petit déjeuner sur la droite.

Si vous arrivez l’après-midi vous serez accueilli (aussi) par son adorable boxer, Théodore, mais vous ne le verrez pas au petit-déjeuner car il fait la grasse matinée. Un autre personnage est un pilier de l’endroit, un certain Maurice, avec lequel je n’ai pas vraiment sympathisé, et pour cause car c’est un squelette. Je ne doute pas de sa bienveillance mais vous êtes prévenus.

Accordez-vous un moment pour vous poser dans le canapé. Il est probable que Nicolas vous tienne compagnie un moment. Interrogez-le à propos de tous les objets dont il s'entoure et qui racontent l’histoire de nos vies.

On peut discuter avec lui de de cinéma, de musique et de littérature. Nous avons ensemble feuilleté Les aventures du Baron de Munchausen, illustré par Gustave Doré, traduit par Théophile Gautier et un exemplaire des Fables de La Fontaine, admirablement accompagnées par les caricatures du nancéien Jean-Jacques Grandville (1803-1847) que j'apprécie énormément parce que mon grand-père m'a légué ce livre juste avant de mourir.

Fan de pataphysique, admirateur de Boris Vian et du lavallois Alfred Jarry, ce directeur est également philosophe. Sa devise : N’oubliez jamais votre passé, vous le retrouverez face à vous.
Parlons du petit-déjeuner qui lui aussi est un peu décalé. C’est l’occasion de découvrir des produits locaux. Le beurre est salé, une évidence pour un breton. Il vient de Montsurs et a été qualifié de "probablement le meilleur beurre du monde". La production est faite dans ce qu’on appelle souvent la petite fromagerie. Créée en 1925, elle est restée une entreprise familiale depuis. Les actuels gérants, Vincent Marc-Martin et Sylvie Chauvat, ont pris la suite de leur père et oncle qui avait orienté la production vers le bio, et cela dès les années 80 en pressentant que ce serait une question de survie. Le fromage qu'elle fabrique, est régulièrement appelé le Petit Montsûrais qui est en fait un camembert, crémeux et goûteux, également un coulommiers, du petit camembert et du brie (car ce fromage ne bénéficiant pas d’une AOP peut être produit partout).
Je vous parle de cette fromagerie parce que la Mayenne a peu de spécialités gastronomiques, hormis peut-être ses fromages. Beaucoup de personnes déplorent un département qui n’a pas (ou plus) de spécificité gastronomique (sauf peut-être les produits laitiers). Voilà d'ailleurs pourquoi un gâteau a été créé spécialement, dont je raconterai l'origine un jour prochain.
C’est un autre que vous mangerez à l’Auberge des remparts, celui d’Entrammes. On y fait types de tommes au lait entier bio cru de vache, toutes souples tendres et onctueuses, du camembert, de la crème fraîche, du gouda et même une tommette au curieux nom de Saint Ursin. Vous aurez deviné mon regret de n’avoir pas eu le temps de visiter cette coopérative, animée de valeurs sociales, et qui n’est pourtant qu’à quelques kilomètres de Laval.
Vous pourrez composer votre assiette avec du tradition 3 mois d’affinage, salé au sel de Guérande, ou peut-être -si vous êtes chanceux- quelques tranches de Pigray au poivre vert qui s’accordera très bien avec le bacon, local lui aussi puisqu’il vient de Saulges, fumé et fondant.
La faisselle au lait de brebis de Chantrigné (au nord du département) s’accorde avec une salade de fruits. Inutile de l’adoucir avec du miel, mais pourquoi pas.

Il y a aussi des jus de fruits, des mini-viennoiseries, du pain frais, des confitures … et puis un gâteau maison qui est systématiquement posé sur le buffet. Vous le trouverez étrangement modeste, ce qui est dû au fait que le patron (qui cuisine lui-même) a pour règle de ne jamais utiliser de levure, ce qui permet de les conserver plus longtemps, dans le pur esprit des "gâteaux de voyage" qu'on faisait en Angleterre. L'idée est à retenir.

Le site de l’hôtel est très explicatif. Et Nicolas Cribier jauge le degré d’humour de ses clients avant de leur attribuer une chambre. Mais voulez-vous que je vous oriente un peu ? Sachez tout de même qu’à l’instar des Etats-Unis, il n’y a pas de chambre 13 (ni de 6 car c’est la lingerie).
D’abord celle que j’ai occupée, une Chambre Simple Standard dans un pur décor années 70 dont elle porte le nom et dont le lit est surmonté d’une grande affiche de la Foire-exposition de Laval qui eut lieu cette année là.

Vous n’aurez pas besoin de glisser dans votre valise des chemises cols «pelle à tarte», des jupes en daim ou en jean’s ultra courtes, des pantalons pattes d’éléphant, des robes à fleurs ni des chaussures à semelles compensées (qui reviennent à la mode, qui n’est qu’un éternel recommencement).

Je me suis trouvée bien dans la 1970, entourée d’objets au design typique, avec des lignes arrondies et de couleur dominante orange ou blanche installant une ambiance seventy qui n’est pas trop chargée.
Vous vous sentirez complètement en Bretagne en ouvrant la porte de Marée Basse. Si la précédente avait heureusement) évité la référence au film Orange mécanique de Stanley Kubrick, celle-ci n’écarte pas le souvenir de Monsieur Hulot à qui Jacques Tati faisait découvrir un poisson dodu cracheur d’eau dans une villa ultra moderne (pour l’époque).
Voilier miniature, bichette du pêcheur à pieds, lanternes, appâts, coquillage (mais point de crustacés) … on  regretterait presque que Laval ne soit pas en bordure de mer.

L manquant est un autre clin d’œil, à l’hôtellerie cette fois puisque cette lettre perdue était celle de l’enseigne d’un hôtel qui nous ramène un peu plus loin dans le temps, dans les années 50. Elle aussi est inspirée par l’atmosphère des films de Jacques Tati. Cette vaste chambre peut accueillir 3 personnes, voire plus car le lit principal est un King-Size Standard.
Dans chaque chambre se trouve, évidemment, un porte-manteau en lien avec le décor. Ici c’est un objet vintage auquel pend le cabas de notre grand-mère.
Un autre membre de la famille donne son nom à la chambre Tante Agathe qui évoque le début du XX° siècle et pourquoi pas, selon le maître des lieux, l’atmosphère d’un film de Jean-Pierre Jeunet.
Elle m’a inspirée pour écrire la chronique d’un premier roman de Dimitri Kantcheloff, consacré à la vie de Boris Vian, Vie et mort de Vernon Sullivan, que je publierai dans quelques jours.
Il n’y a pas que les chambres à dégager une atmosphère particulière. Chaque objet qui s'y trouve est à la fois insolite et à la bonne place.
Si bien qu’en cas d’insomnie il suffit de vous installer quelque part et de feuilleter une revue ou de lire un des livres qui sont à disposition. C’est cependant peu probable car Nicolas Cribier soigne la qualité du couchage qui est breton. Les lits sont très confortables et les couettes moelleuses. Un dernier mot : ne vous inquiétez pas trop du stationnement. Quelques conseils sont mentionnés sur le site à ce sujet et sachez que Nicolas aura un tuyau pour vous si jamais vous avez besoin.

Que dire de plus ? Ecoutez donc la chronique radiophonique dans l'onglet "On parle de nous" du site si un doute subsiste. Vous serez définitivement convaincu, je l'espère, que cet hôtel atypique peut vous correspondre.

Auberge des Remparts
2 - 4 Carrefour aux Toiles - 53000 Laval
02 43 66 86 80

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mieux qu'un hôtel... Un voyage !

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