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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 5 juin 2024

Je m’appelle Georges de Gilles Dyrek

Gilles Dyrek est un comédien et auteur de comédies à succès. Je le connais depuis Venise sous la neige qui a été repris dans de multiples lieux. Il aime jouer sur les quiproquos. Il l’a démontré récemment avec Le retour de Richard 3 qui a été nominé aux Molières en 2023 dans la catégorie Meilleure comédie

Sa dernière création, Je m’appelle Georges, a été présentée en avant-première du festival d'Avignon, au Mois Molière, dans la si belle cour de la Grande Ecurie le dimanche 2 juin et sous un soleil timide mais présent alors que la veille la création avait dû se replier à 20 h 30 à l'intérieur en raison du mauvais temps. 

La pièce est un vaudeville contemporain qu’il a écrit pour le plaisir de faire rire, mis en scène encore une fois par Éric Bu que le public versaillais a découvert l’an dernier avec "La voix d’or".

Je m’appelle Georges fait doublement référence, d’une part à la déclaration qui préside à chaque rencontre que l'on fait dans la vie, voulant qu’il faille décliner son identité, ce qui peut poser problème quand on porte un prénom que l’on n’aime pas ou qui a été attribué par exemple à un ouragan, et d’autre part au manque d’imagination des promoteurs à donner à leurs programmes des prénoms féminins, qui la plupart se terminent avec un a.

L’auteur s’en amuse mais il est vrai que dans la réalité on peut être ennuyé d’habiter une rue au nom improbable. Pour ma part, j’ai longtemps résidé route du Bua, qui était une rue et non une route, et dont le terme était si peu connu qu’il était mal orthographié, ce qui a occasionné beaucoup de pertes de courriers et de colis. J’ai aussi logé rue d’Alsace-Lorraine jusqu’à ce que je déménage pour Strasbourg. De là à croire qu’il y a des relations de cause à effet entre les noms des lieux et notre vie personnelle, il n’y a qu’un pas que Gilles Dyrek nous invite à franchir.

Il situe l’histoire dans une riante cité des Hauts-de-Seine, Châtenay-Malabry, par hasard (mais c’est là que j’habite aujourd'hui) où les nouveaux immeubles poussent comme des champignons, tous appelés villas, pas avec un nom de femme comme dans le spectacle, mais avec une dénomination évoquant Voltaire ou Chateaubriand qui furent des résidents de marque de la commune.

Le nom de Châtenay-Malabry est une déclinaison du mot châtaignier (et il est vrai qu'il en pousse en abondance. Avis aux amateurs de confiture s'ils ne craignent pas la corvée d'épluchage !) associé au lieu-dit Malabry, déformation de mal-abri, lieu de chasse battu par les vents. Mais qu’importe. Acceptons l’hypothèse de l’auteur car elle fonctionne. Surtout avec le quintette de comédiens engagés pour tenir la scène. Et même sans les projections vidéo que le metteur en scène Eric Bu nous suggère d'imaginer comme un livre ouvert sur les pages duquel apparaîtraient des dessins à la Sempé en nous promettant que les comédiens mimeront spécialement les décors cette après-midi.
Un beau matin, Georges découvre que toutes les résidences autour de chez lui portent les prénoms de ses ex-compagnes : Villa Christine, Villa Adriana, Villa Clémentine… À peine cherche-t-il à éclaircir ce mystère qu’une nouvelle construction s’annonce : "Villa Emilie". Serait-ce un présage ? Le prénom de son prochain amour ?
L'humour très second degré de l'écriture, s'inscrit dans l'absurde avec tendresse et multiplie les jeux de mots, en reformulant des expressions populaires qui par conséquent prennent un coup de jeune. Par exemple la balle est dans votre camp devient le ballon est sur mon terrain. Il en imagine de nouvelles : être quitté, c'est un peu le concept des relations hommes-femmes. C'est souvent surréaliste et pourtant compréhensible : il décolle le papier peint.

Ça n'arrête jamais. Les gags s'enchaînent pour Marine Dusehu, Stéphane Roux et Etienne Launay qui se livrent à des numéros d'acteur très réjouissants. Ils interprètent chacun 8 à 10 personnages qui, à chaque apparition, surprennent le public. Les changements de costumes, de perruques, d'accessoires font oublier qu'il nous aura manqué les projections vidéo sur les pans des cabanes qui servent de loges et de réserves. Entrées et sorties sont millimétrées. Y compris un sirtaki endiablé dans lequel on se serait volontiers laissé entraîner.
Mélanie Page et Grégori Baquet n'interprètent que leur propre rôle mais ne sont pas en reste pour nous surprendre. J'ai même eu l'impression que nous avons eu droit à quelques gags supplémentaires.

En tout cas, au-delà de la loufoquerie (qui n'est pas sans rappeler l'immense succès du Prénom à ceci près qu'on reste vraiment dans le registre de la comédie) la pièce interroge le hasard soit-disant "prédictif" et nous pose une question essentielle : c'est quoi faire les choses normalement ?

Avant de revenir en région parisienne au théâtre La Bruyère à la rentrée le spectacle sera aussi présenté pendant le festival Off d’Avignon à Théâtre Actuel Avignon du 29 juin au 21 juillet à 17h 40 (relâche les jeudis). Je signale que huit spectacles du festival versaillais, dont Le géniteur, seront quant à eux joués à l’Ancien Carmel d’Avignon, transformé en théâtre de 80 places où la ville délocalisera Le Mois Molière du 3 au 21 juillet.
Je m’appelle Georges de Gilles Dyrek
Mise en scène Éric Bu
Avec Grégori Baquet, Mélanie Page, Marine Dusehu, Stéphane Roux et Etienne Launay
Décor Marie Hervé, Costumes Christine Vilers, Création lumière Cyril Manetta
Musique originale Stéphane Isidore , Réalisation animation vidéo Marion Auvin
Création Mois Molière 2024
Les 1 et 2 juin 2024 à 17 heures aux Grandes Écuries - avenue Rockefeller - 78000 Versailles

Le Mois Molière a été créé en 96 quand François de Mazières, le maire de la ville, était adjoint à la culture. La manifestation se poursuit à Versailles, du 1er au 30 juin, autour de 30 spectacles et 330 représentations dans 62 lieux, accueillant chaque année plus de 150 000 spectateurs. Les habitués sont heureux de retrouver des artistes qu'ils commencent à avoir l'habitude de voir sur scène comme comédien ou en tant que directeur d'acteurs. C'est le cas d'Etienne Launay, metteur en scène du formidable Montespan surpris en plein rangement à la fin du spectacle dans la loge improvisée sur la scène.

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