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samedi 21 avril 2012

Le prénom d'Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte

Le sujet est universel. Qui n'a pas passé des heures à chercher un prénom pour son futur enfant, provoqué des commentaires en tous genres ? Et même ceux qui ne sont pas encore parents ont parfois des idées arrêtées sur la question. Si on ajoute enfin ceux qui sont ravis, ou fort mécontents du leur, de prénom, cela fait une cible énorme susceptible de s'intéresser  à la question.

J'avais vu la pièce l'an dernier au théâtre Edouard VII et malgré mes scrupules à rendre compte des spectacles, des films, des expositions, des livres ... j'avais renoncé à donner mon avis, trop mitigé. J'avais trouvé la performance de Patrick Bruel un peu forcée. Alors quand les télévisions se sont mises à faire la promo du film j'ai soupiré.

Je dois dire que je suis allée au cinéma parce que Charles Berling avait repris le rôle de Jean-Michel Dupuis. C'est un acteur que je connais et apprécie, et je ne me souvenais pas l'avoir vu dans le registre de la comédie. Je suis revenue emballée. Je prédis au prénom un succès comparable à celui qu'a connu Cuisines et dépendances avec le duo Bacri-Jaoui, c'est peu dire.

Le résumé s'il vous a échappé :

Vincent (Patrick Bruel), la quarantaine triomphante, va être père pour la première fois. Invité à dîner chez Élisabeth et Pierre, sa sœur et son beau-frère (Valérie Benguigui et Charles Berling), il y retrouve Claude (Guillaume De Tonquédec), un ami d’enfance. 
En attendant l’arrivée d’Anna, sa jeune épouse éternellement en retard (Judith El Zein), on le presse de questions sur sa future paternité dans la bonne humeur générale... Mais quand on demande à Vincent s’il a déjà choisi un prénom pour l’enfant à naître, sa réponse plonge la famille dans le chaos.

Le Prénom reprend les dialogues que j'avais entendus au théâtre. Mais le film comporte des scènes supplémentaires. Les premières images sont prétexte à nous montrer Paris un peu à la manière de Woody Allen dans Midnight in Paris. C'est une habile entrée en matière humoristique. Nous suivons un livreur de pizza emprunter la rue La Bruyère (dont Patrick Bruel en voix off nous apprend qu'il est mort d'apoplexie, dans d'atroces souffrances, pauvre et abandonné), la rue Lamartine (même destin), Hippolyte Lebas (pas mieux), rue des Martyrs (avec un nom pareil ...), place Saint Georges (et son dragon) puis rue Berthollet, à qui l'on doit l'eau de javel, mais dont le fils se suicida, que de références macabres, mauvais présage.

Le livreur sonne à la porte du 15 bis d'une jolie rue. C'est Charles Berling qui lui ouvre, horrifié par la facture réclamée pour trois pauvres pizzas, faisant la démonstration de la pingrerie de son personnage. Il interprète un intellectuel un peu bobo, plutôt suffisant, chargé de cours à la Sorbonne où on le voit, assis en tailleur sur le bureau, dans une posture semblable à Robin Williams dans le Cercle des poètes disparus.

La caméra nous montre sa femme, enseignante au collège Paul Valéry de Vincennes, vêtue toute la semaine d'un gilet unique qu'elle porte comme une armure. Il ne fait pas de doute que le couple n'est pas équilibré, même si le père et la fille semblent avoir une belle connivence. L'enfant cite Emma Bovary et le père se pâme.

Les présentations sont longues ... très longues mêmes ... mais extrêmement savoureuses. Nous pardonnerons aux réalisateurs de n'entrer dans le vif du sujet qu'au bout d'une demi-heure (j'ai vérifié, montre en main) avec la question tant attendue : est-ce que vous avez des idées de prénom ? D'autant qu'ils nous ont donné à voir un joli générique de début ... composé exclusivement de prénoms ... que des prénoms ... ce qui choque de prime abord, avant qu'on ne réalise que c'était intentionnel.

Le générique de fin répond au premier en nous montrant l'équipe comme en feuilletant un album de photos de famille, avec chacun en culottes courtes (Moustache Studio).

Le prénom est un vrai film. Il y a un réel intérêt à avoir transposé la pièce au cinéma. Voix off, musique, variété des plans et des mouvements de caméra, scènes additionnelles qui permettent de voir plusieurs fois Françoise Fabian, dans le rôle de la mère de Vincent et d'Elisabeth, et même Bernard Murat, le metteur en scène de la pièce (et producteur associé du film) qui interprète un surprenant médecin accoucheur.

Guillaume De Tonquédec est Claude, le timide ami d'enfance d'Elisabeth, connu pour ses apparitions dans la série télévisée Fais pas ci fais pas çà. Il est également à l'aise au théâtre comme au cinéma et son personnage provoquera une jolie scène de famille. 

Car le prénom est avant tout un jeu de pouvoirs et l'appartement devient vite un champ de bataille. Vincent est un frimeur, plutôt réactionnaire, très souvent franchement "beauf", incapable de mémoriser le code de la porte d'entrée de sa soeur. C'est pourtant simple Marignan-Austerlitz. 1515 - ? parce que 1805 il  oublié. Le "moi" tombe du piédestal où il s'est hissé tout seul. Et quand il enchaine les je, je, je on s'accorde à trouver que le choix musical de Tanhauser tombe à pic.

Des piles de livres s'entassent dans l'appartement. A tel point que je trouve mon logement quasi vide ... Les références littéraires émaillent le film. Benjamin Constant est un indice pour trouver le fameux prénom, commençant par un A. Pierre sèche et Vincent peut s'amuser à prendre le rôle de l'intello de service.

Ce sont les auteurs de la pièce de théâtre à succès éponyme, Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, qui se sont chargés de l'adaptation cinématographique et de la mise en scène. Ils figurent aussi parmi les coproducteurs. Ils en connaissent un rayon sur le sujet, ayant essuyé des remarques acerbes quant aux prénoms de leur progéniture, Bartholomée, Thadéo et Arthenus pour Mathieu, Neige et Cassiopée pour Alexandre. Ce n'est pas un des producteurs, Dimitri Rassam (le fils de Carole Bouquet et de Jean-Pierre Rassam, dont le beau-frère était Claude Berri) qui dirait le contraire avec une petite Datcha. Non plus que Valérie Benguigui dont les fils s'appellent César et Abraham.

On est loin du traitement boulevardier qu'on pourrait craindre, plus proche de l'intelligence de Carnage de Roman Polanski. Le repas entre amis vire au grand déballage et au règlement de comptes ... Tout le monde a des secrets. et de tabous, ou pour le moins des idées reçues. Ajoutez plusieurs retournements de situation, des scènes d'hystérie, autant de rires que d'émotion. Tout çà pour finir par une déclaration en forme d'excuse : j'ai juste voulu faire une blague ...

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