Encore un spectacle où il est question d'art dit contemporain ... après l'Affaire Dussaert, et Peggy Guggenheim, femme face à son miroir, et je me dis que je pourrais ajouter ce libellé pour répertorier les articles du blog. Contemporain, c'est d'ailleurs vite dit car Pollock étant né le 28 janvier 1912, il est carrément un peintre du siècle dernier. On fait mieux en terme de contemporanéité et je ne saurais trop vous recommander d'aller voir les oeuvres grandeur nature dans un lieu d'exposition comme le Silo de Marines.
Parce qu'on ne peut pas parler d'un peintre sans en montrer la peinture. C'est là me semble-t-il une des limites de la pièce, même si les deux comédiens sont excellents et même si Paul Desveaux, le metteur en scène, ambitionne de traiter la question de la création. Avec ce troisième spectacle je trouve que ce serait finalement une erreur que de penser que le théâtre aide à comprendre la peinture. Le théâtre demeure du théâtre, ce qui est déjà une très bonne chose.
Quelques répliques donnent néanmoins des clés, nous rappelant que la question de la perspective est une fausse piste, que si le peintre posait ses toiles sur le sol c'était pour "y entrer" par les quatre cotés, que chacune de ses oeuvres comprenait exactement 36% de noir, que le maitre peignait avec son esprit, même s'il détestait les outils classiques pour préférer des piques de bois, des galets, ses ongles, que le résultat n'avait rien à voir avec le hasard, mais on est loin du biopic et de la réalité que nous montre davantage un film comme le Pollock d'Ed Harris, sorti en 2000, intelligemment programmé au cinéma de Malakoff le 10 avril dernier.
Fabrice Melquiot a certes le mérite de mettre (lui aussi) en lumière la personnalité de Lee Krasner, la femme de l'artiste, dont on comprend que l'influence a été déterminante. Au-delà de cet hommage, le texte de l'auteur demeure du théâtre. On retrouve la force de son écriture que j'avais beaucoup appréciée dans l'Inattendu.
Le décor, minimaliste au demeurant, évoque la grange-atelier des artistes, ouvert sur la cuisine. Mari et femme sont présents sans discontinuer sur le plateau. C'est Claude Perron qui interprète Lee Krasner avec une énergie et une tendresse qui s'accordent avec les excès de la personnalité de Jackson Pollock. Complimentée par l'exigeant Mondrian, avec qui elle aurait dansé le boogie, elle a sacrifié sa carrière pour rester présente auprès de Jackson, lequel ne serait peut-être pas devenu sans elle le plus grand peintre américain du XX° siècle ... que Fabrice Melquiot reconstitue en chair, en os et en liquides, non sans humour :
Pour signifie la dépendance de Jackson Pollock à l'égard de l'alcool, il écrit qu'il a un bar à la place de la tête et il lui fait crier que "Peggy Guggenheim est une pute à 14 Yorkshires, et qu'il veut être enterré avec eux". Ce n'est pas à Venise qu'on peut voir la tombe de l'artiste, mais en Pennsylvanie, à Springs, dans le cimetière de Green River, où sa tombe fait face à celle de Lee.
Personnalité provocante, il raille que si "personne ne va dans les musées, tout le monde va aux chiottes", sous-entendant qu'il ne faut pas faire des toiles pour les exposer dans des sanctuaires.
Serge Biavan a la stature de Pollock. Son jeu passe d'un registre à l'autre avec fulgurance. Depuis la comptine d'une poule sur un mur à voix basse et grave, presque murmurée, jusqu'à ses colères de stentor contre les uns et les autres, public, critiques d'art, autres artistes ou écrivains comme Tennessee Williams.
C'est Lee Krasner qui lui souffla l'idée de numéroter ses toiles plutôt que de tenter de les nommer. Et il est amusant d'apprendre que la plus célèbre s'appelle N° 5, un chiffre qui porta bonheur à Chanel ... qui, lorsqu'elle dut choisir parmi plusieurs échantillons décida simplement de conserver le ... numéro 5.
Elle a mis sa carrière entre parenthèses pendant la décennie qu'elle a vécue avec Pollock mais elle lui survivra une trentaine d'années. Son travail est influencé par Matisse et le cubisme, par son mari aussi, à moins que ce ne fut l'inverse ...
Pollock de Fabrice Melquiot, mise en scène Paul Desveaux, avec Serge Biavan et Claude Perron, jusqu’au 13 mai 3012 sur la Scène nationale du Théâtre 71
3 place du 11 Novembre 92240 Malakoff 01 55 48 91 00
A savoir que Jean-Paul Roussillon présentera sa seconde saison le mardi 19 juin. Inscrivez-vous !
1 commentaire:
Je ne connaissais pas du tout cette pièce, merci pour cet article!
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