Un concert avec grand orchestre, c’est toujours impressionnant mais j’apprécie beaucoup un moment plus intime, avec un soliste, comme ce fut le cas ce soir avec l’artiste de renommée internationale Konstantin Scherbakov (bien connu des Antoniens mélomanes qui ont déjà eu l’occasion de l’entendre).
Il est arrivé depuis la Suisse où il réside pour une soirée particulière à 20 h 30, le 18 décembre, pour interpréter Mozart au piano dans un concert de 1 heure 20, ce qui a permis aux enfants de ne pas veiller très tard, et aux parisiens de rentrer à une heure raisonnable par le RER tout proche (station Antony-Centre).
Le concert était organisé par l’Association des Amis de la Musique d'Antony (AAMA) qui fête ses quarante ans cette année et qui a particulièrement pensé aux jeunes en leur accordant le bénéfice de la gratuité jusqu’à 18 ans, ce qui témoigne de l’engagement de l’organisateur en faveur de la musique classique.
Intitulé “Une Nuit avec Mozart“ le concert a eu lieu au Théâtre Firmin Gémier/ Patrick Devedjian d’Antony. Si je connais bien cette salle pour y avoir vu des spectacles de théâtre ou de cirque je n’avais pas encore eu l’occasion d’en apprécier l’acoustique en situation de concert et elle a satisfait les exigences de chacun.
Né en 1963, Konstantin Scherbakov a été lauréat de nombreux concours internationaux. En 2001, il a reçu le Cannes Classical Award et le Prix des critiques de disques allemands. Il a donné des concerts dans toute l’Europe et participé à de grands festivals. Il se distingue par un riche répertoire, a enregistré plusieurs émissions de radio et de télévision ainsi qu’une vingtaine d’albums. Ce pianiste est aussi pédagogue et enseigne au Conservatoire supérieur de Winterthur/Zürich. C’était une grande chance de profiter de sa venue en région parisienne (il jouera le lendemain dans ce même lieu un concert avec orchestre sur un programme Bach/Chopin qui affiche complet) en quelque sorte en avant-première et dans une certaine intimité.
Karina Abramian, Présidente de l’association, a rappelé le programme, composé de pièces de Mozart (1756-1791) qui est considéré -et quiconque l’écoute comprend pourquoi- comme étant l’un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique européenne. Cet homme, acharné de travail, emporté trop tôt par la maladie, à seulement 35 ans, a pu composer notamment 18 sonates et une vingtaine d’opéras.
Cet immense virtuose, au piano comme au violon, a porté à un point de perfection le concerto, la symphonie, la sonate et l’opéra. Il va de soi qu’il faut faire preuve d’excellentes qualités pianistiques pour l’interpréter avec grâce, ce que réussit parfaitement Konstantin Scherbakov, réputé pour son jeu inspiré et ses capacités d’évocation.
Il nous a fait entendre la Fantaisie en do mineur KV 475 puis la Sonate en do mineur numéro 14 KV 457, moins souvent jouée, mais qui complète en quelque sorte la première. Après un court entracte il a poursuivi avec la Fantaisie en ré mineur KV 397 et la Sonate en la majeur, puis la transcription de Liszt sur deux thèmes des Noces de Figaro.
La conception musicale du premier morceau -qui est peut-être la sonate la plus connue de Mozart- est tout à fait audacieuse avec de multiples changements de tempo qui installent une forte intensité de l’expression. L’aisance au clavier du soliste et son sens de l’énergie rythmique ont ici eu l’occasion de se révéler pleinement.
Jouant sans partition, il est habité par chaque note et on remarque vite que les critiques musicaux ont raison de le considérer comme le pianiste de l’équilibre et de la gravité. La Sonate en la majeur est célèbre pour sa troisième partie (Rondo alla Turca) dite Marche turque.
Depuis mon siège je ne voyais pas ses mains sur le clavier du Steinway mais, à ses mouvements d’épaule je me rendais compte qu’il les suspendait régulièrement (parfois jusqu’à trois secondes) très en dessus des notes afin, peut-être de jouer avec le plus de retenue possible. Ses sourcils en tout cas étaient fort expressifs et j’ai souvent eu le sentiment d’assister à une conversation avec l’instrument.
Point n’était besoin d’être spécialiste pour noter les énormes écarts de vitesse dans le jeu et par la même de mesurer la difficulté des oeuvres. Je me suis interrogée sur ce que Mozart avait cherché à provoquer chez l’auditeur et si nous ressentons autre chose, du fait de notre mode de vie qui nous a entrainé vers toutes sortes de musiques. On m’a dit qu’à trois ans il disait : chercher sur le piano les notes qui s’aiment.
Il a choisi pour terminer la fantaisie de Franz Liszt parce qu’elle a connu son âge d’or quand la renommée de l’artiste en a fait un grand succès au XIX° siècle. Il faut lui reconnaître d’avoir inventé le récital de piano, disant avec fierté : le concert, c’est moi. Une assertion qui témoigne combien le talent du compositeur ne serait rien sans celui de l’interprète.
Le soliste est revenu après les saluts avec un morceau d’un autre compositeur, extrait de Casse-noisette de Tchaikowski qui du fait qu’il faut croiser régulièrement les mains, confirmait son incroyable dextérité … en plus de terminer sur des notes joyeuses.
C’était un bonheur immense d’entendre ce soir ce grand pianiste, le seul au monde à posséder à son répertoire, outre l’intégralité des sonates pour piano de Beethoven, toutes les transcriptions symphoniques Litz-Beethoven, et je crois également toutes les oeuvres de Rachmaninov et de Leopold Godowsky, lequel fut un des pianistes les plus recherchés au monde … à son époque car l’immense dextérité de Konstantin Scherbakov lui vaut d’être sollicité par les plus grands festivals, c’est dire notre chance ce soir d’avoir pu l’entendre.
Renseignements complémentaires à propos de l’association auprès de Karina Abramian, Présidente de l"AAMA" : 14 cours Pierre Fresnay 92160 Antony - 06 87 56 64 15 - musikkarina@gmail.com