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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 31 janvier 2024

L’affaire est dans le sac, façon de parler

Forcément, à presque un demi euro pièce le sac en tissu est le cadeau logotypé le plus fréquemment remis pour un évènement (lancement de produit, festival, exposition …).

Il faut reconnaître qu’un effort est quasiment toujours fait sur le visuel. En terme d’amélioration pratique, il y a encore une marge énorme. Je leur reproche en général surtout d’être d’emploi éphémère, le temps de collecter le dossier de presse et la documentation de l’évènement. Mais ensuite ?

J’ai pensé qu’il ne serait pas inutile de consacrer un article spécifique au sujet.

Il existe beaucoup de fabricants de ces "fameux" tote bags (en allemand on dit Tüte) qui sont loin de fournir des produits d’égale qualité. Ils sont parfois si mal cousus qu’ils craquent au premier usage surtout si vous y glissez plusieurs livres.

J'en ai fait la malheureuse expérience au dernier salon Maison & objet et j'ai perdu les cartes de visite que j'y avais mise au cours de la journée. C'était ballot. Comme quoi ce n’est pas parce que c’est une création d’un illustre designer qu’on peut être en confiance. Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Celui de l’édition 2018 (ci-contre) n’a pas vieilli.

Lorsqu’ils sont de forme basique, toute plate, vous ne pourrez pas y placer ultérieurement une lunch box. Celle-ci ne restera pas à plat mais basculera sur son côté le moins large et votre repas sera en désordre. Au pire le bento s’ouvrira et tout se répandra à l’intérieur du sac, rarement étanche, et je vous laisse deviner les désagréments qui s’ensuivront.

Bien entendu, la France compte des fabricants qui font des choses de grande qualité, comme Brodelec ou Indispensac. Le sujet du présent article est de s’interroger sur la manière d’utiliser, disons même recycler, ces sacs qui, lorsqu’on est journaliste, se comptent par dizaines en une seule année. J’espère que ce billet donnera des idées à beaucoup d’entre vous.

J’entends votre question : pourquoi le conserver s’il est au final plus encombrant qu’utile ?

Mais parce que très souvent il existe indéniablement un aspect affectif, soit à cause du visuel ou du message imprimé, soit du motif, soit qu’il reste associé au moment que l'on a passé le jour où le sac nous a été remis. Voici (à droite) un exemple de message que je suis prête à exhiber.

Grand sac en toile unie de forte capacité, sac de magasinage, sac fourre-tout, sac à bandoulière, on peut évidemment les employer pour faire ses courses.

Mais, hormis celui qui est conçu spécialement dans cet objectif (comme ci-dessous pour Auchan par Indispensac, que je vois de plus en plus circuler, en version grise, mais je les identifie immédiatement par leur motif), je ne pense pas qu’il va longtemps résister.
Après le manque de résistance, le second reproche tient à la longueur des anses, qui est rarement adéquate. J’en ai un pour lequel le fabricant les a faites trop courtes et qui plus est le sac trop long, si bien qu’il est inutilisable car impossible à porter à l’épaule et qu’il touche le sol quand on le tient par la main.
Une fois coupé, il est devenu parfait pour protéger mon I pad. Et j’adore l’humour qu’il véhicule. Un autre à l’inverse avait des anses trop longues, mais il s’avère idéal pour être porté en bandoulière, ce qui m’a donné l’idée de rallonger certains au moyens d’anses prises sur ceux que je transforme en housses.

mardi 30 janvier 2024

Antony Gormley au Musée Rodin

Je connais bien le musée Rodin que j'ai visité plusieurs fois, mais, et j’en sui la première surprise, je ne lui ai jamais consacré de publication ici. je vais aujourd'hui concentrer le propos sur une exposition consacrée à l’artiste britannique Antony Gormley qui y est accueilli pour la première fois, et cela jusqu’au 3 mars.

Autant dire qu’il ne reste que quelques semaines pour découvrir cette exposition inédite... d’un artiste qui depuis plus de 40 ans explore les relations de l’homme à l’espace qui l’entoure à travers le corps humain.

Intitulée Critical Mass, l’exposition se déploie dans tous les espaces du musée, jardin, salle d’exposition temporaire, galerie des marbres, collections permanentes.

Composée de soixante sculptures de taille humaine (même si je n’en ai compté que 45, tous des hommes au demeurant), l’installation principale occupe la salle d’exposition temporaire et le jardin. L’effet de nombre devient saisissant. Dans cette œuvre majeure, Gormley identifie douze positions fondamentales du corps humain, celles-ci ont été moulées cinq fois, puis placées dans différentes positions, recherchant des effets contradictoires et parfois absurdes, comme l’illustre la première photo que j’aurais envie de sous-titrer "La tête dans le mur".
On assiste à un empilement surprenant de corps comme s’ils avaient été jetés à terre. D’autres sont suspendus.
L’œuvre souligne la matérialité de la sculpture et celle du corps, selon les changements de position, de contexte, et de la prise de risques.
Dans le jardin du musée, rampant, accroupi, à genoux, debout, Critical Mass se déploie en une ligne de douze corps, bruts de fonderie, se dirigeant vers La Porte de l’Enfer de Rodin dans un élan dans lequel ils sont autant en déséquilibre qu’immobiles.
En complément, on trouve les Printed models (2023) qui ont servi à concevoir les grand format précédemment évoqués. Dans le couloir du premier étage sont positionnés 226 carnets de notes, comportant des croquis réalisés entre 1977 et 2019 qui, souvent évoquent le travail de Mesnager.

On peut voir également six Insiders dans la galerie des marbres et quatre sculptures qui dialoguent au cœur de l’hôtel Biron avec les chefs d’œuvres de Rodin, un vis-à-vis qui interroge le rapport de la sculpture au corps. Quand on regarde attentivement ce bronze ruissselant debout (intitulé Compact, 2017, 176 cm de hauteur, photo ci-dessus à droite) on finit par ressentir un appel poétique qui invite à en faire le tour. 

Je m’interroge néanmoins sur ce qui pourrait se produire dans un siècle. S’il y avait un retour du réalisme, à la manière de celui de Rodin, pensez-vous que l’on ferait alors aussi facilement dialoguer les oeuvres avec celles d’Antony Gormley ?
J’ai profité de cette visite pour admirer une nouvelle fois les oeuvres principales de Rodin, aussi bien dans le musée comme les mains de La Cathédrale (1908) que dans les jardins où se trouve, je le signale en raison de la gentillesse de l’accueil qui y est prodigué, un salon de thé joliment baptisé Augustine.

A propos de cette oeuvre majeure il faut signaler qu'il s'agit de deux mains droites (donc de deux personnes différentes) qui n'ont pris ce titre de Cathédrale qu'au moment où Rodin publia son ouvrage éponyme en 1914. Initialement on parlait d'Arche d'alliance. A la réflexion il est vrai qu'on peut considérer que les courbes ascendantes des doigts évoquent les lignes architecturales gothiques qui, d'ailleurs, fascinaient le sculpteur.

Ces mains font partie d'une grande série car Rodin a souvent représenté cette partie du corps humain. Pour preuve, on aperçoit derrière, à gauche, Le secret, taillé dans le marbre en 1909 par son assistant Louis Mathet.

La précision et la délicatesse de l’orpheline alsacienne de marbre blanc (non photographiée) est toujours stupéfiante.
Il faut aussi souligner l’intérêt de visite ce musée pour y voir des œuvres ayant appartenu au sculpteur comme trois splendides Van Gogh dont Le Père Tanguy (ci-dessous), un Renoir typique mais peu représenté, et un tableau de Monet peint à Belle-Ile-en-Mer.
Critical Mass d’Antony Gormley
Du 17 octobre 2023 au 3 mars 2024
Musée Rodin 37 rue de Varenne - 75007 Paris
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h 30 - Fermé le lundi

lundi 29 janvier 2024

Le Cid de Corneille mis en scène par Frédérique Lazarini

Un texte s’affiche sur le fond de scène qui fait office de téléscripteur alors que le public prend place. Le plateau brille comme la surface d’un plan d’eau, ou du miroir de nos âmes.

Il était important de rappeler le contexte du Cid. On a la confirmation que nous allons assister à une histoire d’amour et de guerre qui se déroule en 1207, il y a plus de mille ans. Allons-nous réussir à nous projeter dans un contexte que l’on ne peut même pas imaginer ?

Mais tout à fait ! Parce que la modernité de la scénographie (François Cabanatva permettre d’oublier l’époque alors que la somptuosité des costumes (Dominique Bourde et Isabelle Pasquiernous transportera dans une épopée somme toute chevaleresque.

Parce que les combats physiques seront réglés au millimètre, interprétés par des comédiens qui, évidemment, ne peuvent pas bénéficier de doublage. Ce n’est pas du cinéma. Il faut saluer l’entraînement prodigué par leur maître d’armes, Lionel Fernandez.

Parce que l’intelligence de la mise en scène de Frédérique Lazarini nous sensibilise à cette aventure dont on sortira sans savoir si elle se finira bien ou mal, comme la vraie vie qui ne finit jamais de nous surprendre. Parce que les choix musicaux nous emporteront. Parce que lorsqu’on est dans un théâtre d’incarnation tout devient vrai. 

L’interprétation est si millimétrée que nous ne nous apercevrons même pas qu’un comédien (Cédric Colas, que l’on retrouve toujours avec bonheur dans chaque pièce de la metteuse en scène) endosse le rôle de deux personnages, ce qui, outre la prouesse, alimente la réflexion sur la manipulation des sentiments car il est successivement le père de Chimène et le roi de Castille.

Car le Cid est certes une poignante histoire de désir et d’amour, qu’il soit filial ou amoureux, muselé par la spirale de la vengeance au nom des exigences de l’honneur mais c’est aussi une interrogation sur la question (très actuelle) du consentement et de la liberté de penser, donc de celle de disposer de sa propre vie en maîtrisant son destin.

On mesurera la portée de répliques ultra célèbres qui ont souvent été dévoyées dans des sketchs comiques alors qu’elles sont d’une profondeur abyssale, preuve que la langue de Corneille n’a pas vieilli. Quel plaisir d’entendre la musicalité des alexandrins, dans la bouche de comédiens qui en maîtrisent harmonieusement la diction. Il faut aussi saluer le travail de Arthur Guezennec (Rodrigue), Quentin Gratias (Don Sanche), Philippe Lebas (Don Diègue) et Guillaume Veyre (Elvire).

Ça commence plutôt bien, presque trop. Don Diègue (père Rodrigue) et Don Gomès (père de Chimène) ont arrangé le mariage de leurs enfants qui par chance s’aiment déjà. Y aurait-il malgré tout sujet à en faire une histoire ? Bien sûr puisque figurez-vous que les deux pères sont rivaux pour devenir précepteur du fils du roi de Castille. Qui l’emportera et avec quelles conséquences ?

L’amour sera-t-il soluble dans l’eau de la Méditerranée alors que les cigales poursuivent imperturbablement leur cymbalisation ? Le débat sera cornélien, autant dire perdant-perdant.

C’est sa fille qui a donné à Frédérique Lazarini l’idée de mettre en scène ce grand classique alors qu’a priori elle s’apprêtait à monter un Goldoni et on lui donne raison.

Les lumières (de François Cabanat et Xavier Lazarinisont d’une beauté remarquable, entre des rouges orangés saturés, des bleus profonds, et aussi de petits lumignons qui évoquent l’ancien temps. Et l’idée de souffler une bougie à la fin de chaque acte est aussi simple qu’efficace.

J’ai déjà pointé l’heureux choix des musiques, dont François Peyrony a composé l’essentiel qui, de mon point de vue, mériterait amplement une sortie en album car on prendrait beaucoup de plaisir à en faire une écoute particulière. Il a réussi à combiner ses créations avec des morceaux classiques, comme le Printemps de Vicaldi recomposé par Max Richter qui permet à l’archet de s’emballer sur le violon. Il utilise judicieusement un extrait de la passion du Christ.

Quand Chimène quitte le voile nuptial blanc pour le voile noir du deuil s’élève la voix d’Odetta chantant Sometimes I Feel Like a Motherless Child (1963) alors que s’avance le cercueil de son père. Économe de paroles, tournant en boucle sur seulement trois phrases, ce gospel exprime un chagrin infini que l’on pressent intarisssable :
Sometimes I feel like a motherless child,
A long way from home, a long way from home.
Sometimes I feel like I'm almost done,

Parfois je me sens comme un enfant sans mère,
Bien loin de chez soi, très loin de chez nous.
Parfois j'ai l'impression d'avoir presque fini,

Le chant que Chimène (Lara Tavellainterprète plus tard en espagnol est d’une rare beauté et créé une émotion proche de celle que l’on ressent quand, dans un autre spectacle, lorsqu’Antigone exprime ses souffrances et incarne le conflit de loyauté qui la tourmente.

Il faut également saluer l’idée d’avoir choisi une marionnette (créée par Félicité Chauve) pour représenter le jeune prince qui interviendra avec distanciation. Si l’on ajoute l’audace (et l’intelligence) d’avoir resserré la pièce, en l’élagant des rôles secondaires, on obtient un résultat qui respire le baroque et qui permet la saine exhalation des sentiments.

Chimène est le seul personnage féminin et elle doit composer avec finesse dans une société régie par les hommes, pour les hommes, suivant des règles fondées essentiellement sur l’affirmation d’un pouvoir qui s’exprime par les mots ou les armes. Il est signifiant à cet égard que les deux candidats à l’éducation du jeune prince opposent des principes éducatifs puisés dans les livres ou dans l’art de la guerre alors que plus tard on verra le jeune prince absorbé dans le dessin, qui est une activité artistique.

Au-delà du combat entre la gloire et la raison, entre l’amour et l’honneur, le spectacle est jalonné  de très beaux moments de tendresse et ponctué de notes d’humour. C’est tout ce qu’on aime au théâtre.

Le Cid de Pierre Corneille
Mise en scène Frédérique Lazarini
Avec Cédric Colas, Quentin Gratias, Arthur Guézennec, Philippe Lebas, Lara Tavella et Guillaume Veyre
Assistante à la mise en scène  Lydia Nicaud
Scénographie François Cabanat
Costumes Dominique Bourde et Isabelle Pasquier
Lumières François Cabanat et Xavier Lazarini
Musiques et son François Peyrony
Conseillère artistique Anne-Marie Lazarini
Combats Lionel Fernandez
Marionnette Félicité Chauve
A partir du 29 janvier 2024 jusqu’au 28 avril 2024
Du mardi au dimanche à 15, 17, 20 ou 20 h 30
Au Théâtre Artistic Athévains - 45 Rue Richard Lenoir - 75011 Paris

dimanche 28 janvier 2024

Le goût français de Louis XIV à Napoléon III s'expose au château du Domaine de Sceaux (92)

Le musée du Domaine départemental de Sceaux a rouvert en septembre 2020 après de grands travaux de mise aux normes de l’accessibilité et des dispositifs de sécurisation des œuvres. A cette occasion, un nouveau parcours de visite a été mis en place qui, après l'avoir expérimenté, correspond bien aux limites que je signalais après une journée passée au salon Muséum Connections en terme d'usage presque excessif du numérique.

D'ailleurs il est tout à fait possible d'effectue une visite virtuelle depuis chez soi, et gratuitement, devant son écran d'ordinateur. La numérisation 3D permet de se déplacer de salle en salle et se poursuit par des images à 360° de très haute qualité, avec la possibilité de zoomer sur les oeuvres exposées. Personnellement, je trouve que ce n'est qu'un complément et je persiste à dire que rien ne remplacera jamais le guide physique, s'il est compétent, cela va de soi.

Est-il nécessaire de le rappeler ? Le Domaine a été créé en 1670 par Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV en faisant appel aux meilleurs artistes de son époque : André Le Nôtre pour les jardins, Charles Le Brun pour les peintures, Antoine CoysevoxFrançois Girardin et Jean-Baptiste Théodon pour les statues et sculptures monumentales.

Le château actuel "brique et pierre" a été bâti entre 1856 et 1862 pour le duc et la duchesse de Trévise et accueille aujourd’hui les collections permanentes du musée du Domaine départemental de Sceaux.

Créé en 1937 et précédemment consacré à l’Ile-de-France, le musée est désormais dédié aux différents propriétaires du domaine de Sceaux et plus généralement au goût français de Louis XIV à Napoléon III, il conserve un bel ensemble de peintures, de dessins et d’estampes, de meubles précieux et d’objets d’art. 

Le parcours de visite consacre à chacun des propriétaires l’une des grandes salles du château : Colbert, Maine, Penthièvre, Trévise ; et les salles intermédiaires à l'histoire générale du domaine, la céramique de Sceaux, l’importance du livre sous l’Ancien Régime et la transition entre l’ancien et le nouveau château.

Chaque salle dévoile un univers dans le contexte vivant d’une demeure habitée. Totalement rénové, le château des Trévise a retrouvé ses fastes des siècles passés. Les meilleurs représentants du savoir-faire français de tradition ont été sollicités, telle la célèbre Manufacture Prelle, créée à Lyon en 1752, qui a tissé sur des modèles historiques les soieries de sept salles du musée ; telles Les Passementeries de l’Île-de-France qui ont réalisé, au fil de soie et à la main, les galons, les pompons et les embrasses de tous les rideaux ; tels encore les établissements Mathieu Lustrerie qui ont restauré et rééquipé l’ensemble des luminaires du château, parmi lesquels des lustres de bronze doré ou argenté aux pendeloques de cristal de roche…

Je vais m'attarder sur quelques-unes des pièces, sachant que la visite demande une bonne demi-journée si l'on veut avoir le temps de détailler la majorité des objets.
On admirera tout au long de la visite plusieurs pièces en faïence stannifère fine à décor de petit feu de la Manufacture de Sceaux, comme cette terrine en forme de hure de sanglier (1750), ces coupes garnies de noix représentées en trompe-l'oeil (entre 1748 et 1763), cette paire de terrines en forme de botte d'asperges (entre 1748 et 1763).
Fontaine et sa vasque, entre 1748 et 1763, figurant, d'une part, une nymphe et un amour chevauchant un monstre marin et, d'autre part, un griffon supportant une vasque en forme de coquille

samedi 27 janvier 2024

Humus de Gaspard Koenig

Deux étudiants en agronomie, angoissés comme toute leur génération par la crise écologique, refusent le défaitisme et se mettent en tête de changer le monde. Kevin, fils d'ouvriers agricoles, lance une start-up de vermicompostage et endosse l'uniforme du parfait transfuge sur la scène du capitalisme vert. Arthur, enfant de la bourgeoisie, tente de régénérer le champ familial ruiné par les pesticides mais se heurte à la réalité de la vie rurale. 

Au fil de leur apprentissage, les deux amis mettent leurs idéaux à rude épreuve. Du bocage normand à la Silicon Valley, des cellules anarchistes aux salons ministériels, Gaspard Koenig raconte les paradoxes de notre temps - mobilité sociale et mépris de classe, promesse de progrès et insurrection écologique, amour impossible et désespoir héroïque... Une histoire de terre et d'hommes, dans la grande veine de la littérature réaliste.

Voilà comment Humus nous est présenté et il est vrai que c’est un livre très intéressant à plus d’un titre. Le thème, son traitement, la justesse de la critique des médias et de la vie économique, l’emploi des termes à la mode dans le discours ambiant imprégné de propos écologiquement corrects.

L’auteur s’est manifestement documenté sur les vers de terre et les néo-ruraux autant que sur le mode de fonctionnement des multi-nationales et des financements, que M6 traite d’ailleurs dans une de ses émissions de télé-réalité invitant des start-upers en quête d’investisseurs (Qui veut être mon associé ? en est déjà à la saison 2). Je ne chercherai pas la petite bête. Ses écrits respirent la vérité, même si on ne l’a pas attendu pour savoir que le capitalisme contemporain se développe en racontant des histoires, lesquelles peuvent être vraies.

Je me réjouis qu’il ait reçu le Prix Jean Giono 2023. Son œuvre aurait malgré tout beaucoup gagné (et je suis loin d’être la seule à le penser) à ce que l’action soit resserrée et à ce que l’argumentation ne se déroule pas en suivant d’interminables circonvolutions. Je me suis souvent perdue dans les arcanes d’un raisonnement dont l’issue, parce qu’elle ne faisant aucun doute, ne réclamait pas de tels développements. Bref il aurait été grandement utile de "sarcler" un peu le texte et on comprend qu’il ait loupé le Goncourt.

Humus est le livre du doute, politique, métaphysique, économique, voire pour moi … également littéraire. Quel contraste sur le plan émotionnel avec l’excellent travail de Magali Mougel dont je parlais hier, à propos de sa dernière création théâtrale.

Humus de Gaspard Koenig, Editions de l'Observatoire, en librairie depuis le 23 août 2023

Déjà récompensé du Prix Interallié 2023
Liste des livres sélectionnés pour le Prix des Lecteurs d'Antony :

vendredi 26 janvier 2024

Lichen de Magali Mougel

Je relatais hier l’œuvre de Suzanne Husky en soulignant son caractère écologique. Si la prise de conscience de certains désastres n’est pas fréquente dans le domaine des arts plastiques, elle est plus marquée, me semble-t-il dans l’univers du théâtre. C’est un constat qu’on peut faire en sortant d’une représentation de Lichen.

Cette pièce de Magali Mougel est un récit à plusieurs voix qui nous plonge dans les rêves et les ressentis d’une petite fille. Il donne à voir la vie et les combats d’une famille qui refuse de se faire déposséder de son foyer et de son histoire au profit d’une rénovation urbaine imposée qui s’accompagnera d’un changement sociétal.

Elle est touchante parce qu’elle est construite sur les paroles de rencontres avec les habitants d’un bassin minier du Pas-de-Calais où l’autrice a vécu une semaine par mois pendant une année scolaire, en résidence dans une des maisons des cités jardin de Lens. Tout sonne (hélas) juste.

Trois actrices dont une musicienne portent admirablement ce texte inédit à la scène, écrit après une longue immersion de l’autrice dans le bassin minier du Pas-de-Calais.

La mise en scène de Julien Kosellek est précise. La création musicale d’Ayana Fuentes-Uno est d’une grande justesse et on apprécie de disposer des textes de plusieurs chansons à la sortie. Les paroles de Going Down Slow sont bouleversantes : Je me suis bien amusé, mais je ne vais plus bien. Ma santé se dégrade. Et je m’enfonce doucement. Écouter la musique en live avec "juste" l’accompagnement d’une machine à rythme est bien ce qu’il fallait proposer.
Le principe suivi par Xavier Hollebecq et Nathalie Savary d’avoir constitué le décor en utilisant d’anciens décors et de matériaux de réemploi est fort louable et correspond au sujet sans du tout faire miséreux. Que dire encore comme compliment ? Que la sonorisation est fort réussie, permettant de percevoir un chuchotement qui, sinon, aurait été couvert par le bruit des marteaux-piqueurs annonçant la démolition des immeubles voisins, tout autant que les chants des oiseaux et ceux des comédiennes.

Le jeu fonctionne sur la répétition, celle des mots, des phrases, et leur reprise en écho en passant du "je" au "tu". Combien de choses ne sait-on pas quand on est encore un enfant ? La question peut sembler naïve et pourtant elle est profonde : Papa, c’est quoi un taudis ?

Lichen nous permet de ressentir, à travers le regard d’une petite fille, ce qu’est la vie dans un quartier en voie de destruction (de suppression ?), pour laisser place à des ateliers d’artistes où l’on comprend qu’elle n’aura plus sa place. Le sol est instable, la mère est déjà partie, le père s'accroche. Ça pourrait être dérisoire de ne pas admettre la nécessité d’aller de l’avant et de chercher à transmettre a minima l’exemple de la résistance et du combat. Il est important de comprendre qu’on ne doit pas cracher sur la nostalgie. Que le passé n’est jamais méprisable. C’est beau et c’est notre histoire, entendra-t-on dans un halo d’éco-anxiété, habité par la peur que ce soit une histoire universelle qui signe la fin d’une époque.

Le titre de la pièce peut sembler étrange. L’auteure en donne l’explication : Le sol a quelque chose à nous dire (…). Je les avais déjà remarquées. Il y a des drôles de taches rouges en avril aux abords de l’ancienne salle des pendus. Ce sont des lichens. C’est la seule chose qui pousse après l’éruption d’un volcan : Cladonie verticillée, rouge comme le sang.

Cela me rappelle une interrogation de ma fille à propos de ce deviendrait la terre si toute l’activité humaine s’arrêtait. Elle imaginait que la nature "reprendrait très vite le dessus" en se basant sur ce qu’elle avait constaté dans le relatif court laps de temps du confinement pendant l’épidémie de Covid.

Vous aurez compris que Lichen ne peut être qu’un coup de coeur et je vous encourage à aller le découvrir, maintenant au Théâtre de Belleville.

Je ne peux pas vous le dire mieux que ne le fait le metteur en scène : Magali écrit avec force et intelligence, ne négligeant ni la poésie ni la narration. Elle donne à voir la beauté et le ridicule de l’être humain, parfois dans la même phrase. Elle est drôle et tragique, violente et tendre. […] ses pièces, riches et contradictoires, nous interrogent sur notre place dans ce monde déréglé.

Je comprends qu’il lui ait proposé de construire un partenariat de travail dans le cadre de sa résidence au théâtre Antoine Vitez. Une pièce manquante sera le titre de leur prochaine création.
Lichen de Magali Mougel
Mise en scène Julien Kosellek
Avec Natalie Beder, Ayana Fuentes-Uno et Viktoria Kozlova
Création musicale Ayana Fuentes-Uno
Scénographie Xavier Hollebecq et Nathalie Savary
Création sonore Cédric Colin 
Du 12 au 27 janvier 2024 à 20 heures au Théâtre Antoine Vitez d’Ivry-sur-Seine
Du 4 au 31 mars au Théâtre de Belleville (les lundis et mardis à 21 h 15, les dimanches à 17 h)
Texte publié aux "Editions Espaces 34"
La première photo illustrant l'article a été prise sur l’île d’Oléron en novembre 2020

jeudi 25 janvier 2024

Suzanne Husky reçoit le Prix Drawing Now 2023 pour Le temps profond des rivières

Suzanne Husky est la 12e lauréate du Prix Drawing Now Fair qui est remis à l’occasion de chaque édition de la foire au Carreau du Temple.

Il a pour but de mettre en lumière le travail d’un·e artiste en milieu de carrière ayant une pratique du dessin singulière et affirmée en soulignant également le travail de la galerie qui accompagne l’artiste. Ici, il s’agit de la galerie Alain Gutharc, située à Paris, avec laquelle Suzanne Husky travaille depuis 2017.

L'exposition du travail de Suzanne Husky, intitulé Le temps profond des rivières, est donc exposée au Drawing Lab dont les équipes se mobilisent pour accueillir le public gratuitement 7 jours sur 7 de 11h à 19h, en assurant un service de médiation culturelle du mercredi au samedi, des ateliers pour les enfants et des visites guidées pour tous les publics individuels ou scolaires, ce qui représente un engagement remarquable.

J'ai choisi Grandfather beaver and the tree of life pour illustrer cet article. Cette aquarelle sur papier de 2021 représente à merveille l'engagement écologique de l'artiste et ses qualités en terme de représentation, de coloriste et de mise en scène de son propos. Cependant le dessin n’est pas son unique pratique. Elle est aussi céramiste, tapissière et vidéaste et s’est formée en agri-paysagisme.

Comme le souligne la fondatrice du Drawing Lab, Christine Phal, chacune des oeuvres présentées ici incite à prendre conscience, souvent avec humour, du rôle de l’homme dans la nature sauvage ou domestiquée. Car c’est lui qui, par ses actions, change et perturbe le cours normal des choses ou un écosystème.
Avec Suzanne Husky le dessin devient militant, sur toute la ligne. En effet elle dilue les aquarelles dans une eau de source et son ultime dessein, si on me permet ce jeu de mot, a pour objectif de faire renaître l’image oubliée des rivières en bonne santé.

Lauranne Germond, commissaire de l’exposition, souligne combien la peinture occidentale est responsable d’avoir propagé l’image d’une nature contrôlée par l’homme. A tel point qu’on pourrait accuser les artistes d’avoir propagé une représentation simplifiée des cours d’eau. Elle en définit l'objectif en nous rappelant que contenir les forces des flux des rivières et des cours d’eau en un lit simplifié, prévisible a été une obsession pour nos cultures. La ligne bleue parfaitement maîtrisée d’un bout à l’autre et qui ne déborde pas. Cette obsession qui a transformé nos rivières en canaux est l’une des causes de la sécheresse que l’on pleure : sans méandres, sans aspérités, nos eaux filent tout droit à la mer. Mais à quoi ressemble un cours d’eau en bonne santé ? Une rivière reconnectée à sa plaine alluviale, ou qui se déploie sur les lits majeurs, change son parcours, mange à sa santé, fait ses exercices, goûte aux 1 000 plantes qui la bordent et est chatouillée par les amphibiens, les alevins et les pattes verruqueuses et velus des dytiques, des nèpes, et des odonates qui la parcourent ? Quelle est la responsabilité des artistes à travers l’histoire dans ces représentations simplifiées des cours d’eau et comment l’art peut-il aujourd’hui être un agent de transformation de cette perception ? 
Suzanne Husky se situe dans la grande tradition de l’illustration naturaliste en collaboration avec le philosophe chercheur Baptiste Morizot qui co-signe une partie des oeuvres. Ensemble, ils nous invitent à reconsidérer le temps long de la rivière et l’artiste prend le contrepied de cette tendance en cherchant à la renverser.  Ainsi, la totalité du mur principal déroule un morceau de papier long de près de huit mètres.
Employant le texte autant que nécessaire, et se référant explicitement à la tapisserie de Bayeux, le héros en est le providentiel castor qui nous relate l’Histoire politique des alliances entre humains et castors à travers les âges. Sachons que l’animal est arrivé il y a huit millions d’années et que 80% des espèces interagissent avec le milieu aquatique.
Les noms de villages déclinant le Beuve témoignent de la présence de l’animal, comme en région parisienne Bièvres (qui est encore connu pour avoir une grande communauté de castors). Dans la vidéo Rivière possible  elle filme en surplomb de rares cours d’eau montagnards où des familles de castor ont restitué aux rivières leur aspect original.
Au centre de l’espace d’exposition, un empilement de bois déjà sec, écorcé, idéal pour faire du feu.
Chaque pièce présentée résonne avec le titre. Suzanne nous explique combien la situation est cruciale. Plus de 90% de nos cours d’eau ont été altérés (depuis très longtemps puisque déjà au Moyen-Age on avait la culture du propre partout, y compris dans les rivières) et leurs eaux vont plus vite à la mer, ce qui créé un assèchement progressif des zones traversées, qui se combine aux effets du réchauffement. Dans un cours d’eau en bonne santé les berges n’ont pas lieu d’être, comme je l’avais appris en naviguant sur la Mayenne cet été et en découvrant le fonctionnement des frayères.
Par une pratique appliquée du dessin mêlant exactitude scientifique, et visions holistiques d’une nature réenchantée, gouaches, aquarelles, et encres font renaître le visage oublié des rivières en bonne santé, des mille et une espèces en déclin, qui peuplent d’ordinaire son écosystème, et ravive notre lien originel à la zone humide.
Ne croyez pas que la vision de l’artiste soit idéalisée. Certains de ses dessins sont terriblement alarmants comme celui-ci ci-dessus.

Il est important d’aller voir cette exposition pour lutter aussi contre l’amnésie environnementale qui est le premier frein à la prise de conscience de la nécessité de changement.

Suzanne HuskyLe temps profond des rivières, co-pensé avec Baptiste Morizot,
Commissaire d’exposition : Lauranne Germond
Prix Drawing Now 2023
Du 26 janvier au 7 avril 2024
Darwin Lab - 17 rue de Richelieu - 75001 Paris

mercredi 24 janvier 2024

Cosmos de Kevin Keiss, mis en scène par Maëlle Poésy

Comme j'avais été (positivement) secouée par Anima alors il était hors de question de louper Cosmos (texte publié aux Éditions L’Œil du Prince) la dernière création de Maëlle Poésy, écrite en collaboration avec Kevin Keiss en faisant plus que s'inspire de faits réels.

Certes, dans les années 1960 aux États-Unis, en pleine guerre froide, un programme clandestin baptisé Mercury 13 a sélectionné de jeunes femmes pilotes d’avion pour participer à des tests afin d’éprouver leur capacité à partir à la conquête de l’espace. Certes, leurs résultats ont été largement supérieurs à ceux obtenus par les hommes. Certes, la première Américaine (l'astronaute Sally Ride) ne s'envolera que le 18 juin 1983 alors que la Soviétique Valentina Terechkova fut la première femme au monde à participer à un vol spatial le 16 juin 1963, deux mois après l'annulation du programme Mercury 13. Je rappellerai d'ailleurs que ce sont les russes qui ont lancé le premier satellite au monde, un Spoutnik.

Mais il s'agit bien plus que de cela. Maëlle Poésy entretient un rapport particulier avec l'espace et avec l'art de la suspension. Voilà pourquoi elle travaille avec des artistes de cirque dites "Aériennes". Outre le rapport à l'espace et de facto à la prise de risque, elle s'attache aussi à fouiller le rapport au temps, et aux limites de tous ordres.

Les deux auteurs sont partis de faits réels, et du matériau recueilli en entretiens auprès de scientifiques qui s'est enrichi des témoignages des interprètes, trois comédiennes (Caroline Arrouas, Elphège Kongombé Yamalé et Mathilde-Edith Mennetrier – en alternance avec Juliette Savary) et deux artistes issues des arts du cirque (Dominique Joannon et Liza Lapert).
Si l'espace est d'abord tout blanc, le décor évoluera de multiples manières. Il en résulte un spectacle qui bouleverse les codes, Et je préfère vous donner à visionner cette bande-annonce plutôt que d'en raconter l'essentiel.

Créé en octobre dernier au Centre Dramatique national du Théâtre Dijon Bourgogne qu'elle dirige depuis 2021, Cosmos interroge sur la science, et sur la pratique du cirque qui tous deux modifient nos limites et no rapports à la réalité, et donc à nos rêves. Avec la conclusion évidente que tout est relatif, sauf le besoin de survie qui nous oblige à regarder le ciel, puisque c'est là qu'on peut lire à la fois le passé et le futur.

Le résultat surprend, enchante, parfois bouleverse, notamment quand la démonstration nous est faite que l'amour défie le temps.

On se rappellera aussi la phrase de Kennedy : nous choisissons d'aller sur la lune, non pas parce que c'est facile, mais parce que c'est difficile.

On méditera bien entendu sur la puissance (et les limites) de la passion rassemblant un groupe de personnes immergées dans un milieu qui leur est a priori défavorable. Ce qu'il faut de ferveur pour gagner la reconnaissance de ses pairs ! Le théorème de Marguerite, en ce moment au cinéma, en est une autre démonstration.
Cosmos de Kevin Keiss et Maëlle Poésy
Mise en scène Maëlle Poésy.
Avec Caroline Arrouas, Dominique Joannon, Elphege Kongombé Yamalé, Liza Lapert, Mathilde-Edith Mennetrier.
A L'Azimut - Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry les 24 et 25 janvier 2024
Le spectacle sera ensuite accessible le 27 mars au Centre d'Art et de Culture de Meudon
Du 3 au 7 avril au Théâtre National de Strasbourg - TNS
et le 16 avril 2024 au Préau - Centre Dramatique National de Normandie - Vire

mardi 23 janvier 2024

Un déjeuner aux Chouettes

Il y a des avantages et des inconvénients à venir en bande découvrir un restaurant, en l'occurrence aujourd'hui Les Chouettes.

Les plus, c'est la convivialité de l'ambiance, la possibilité de commander (et de goûter si les camarades sont compréhensifs) plusieurs plats différents, de partager une bouteille de vin.

Les moins, c'est la tendance à comparer son assiette avec celle du voisin, et surtout à surenchérir en terme de critique ou de compliment, une réflexion entrainant un bon mot.

Vous aurez compris que le déjeuner fut animé ! Je vous dirai sans attendre ce que nous avons tous plébiscité. D'abord le cadre, ensuite la volonté de bien servir le client, la carte des cocktails, enfin la cuisine, avec peut-être une mention spéciale pour les desserts. Finalement ce palmarès suit logiquement la chronologie du moment passé aux Chouettes.

La nouvelle équipe qui vient d'arriver aux commandes, sous la direction d'Herwan de la Morandièrea bien conscience que si on entre dans le restaurant pour admirer l'incroyable décor d'Eiffel ou s'extasier sur l'ambiance des toilettes, il est impératif de donner envie de revenir. Pour cela il faut une cuisine soignée, un service aux petits oignons et une pointe d'originalité, qui signera la spécificité du lieu.

Commençons donc par le cadre. Pour moi qui découvrait l'endroit je dois dire que j'ai été agréablement surprise par la variété des ambiances. Je parie sur une terrasse qui sera prise d'assaut dès les premiers beaux jours.
J'ai apprécié aussi l'intimité de cette table ronde, située non loin du bar.
Le comptoir est encadré de splendides moulures et s'étend sur une belle longueur, bordant une série de tables carrés au charme rétro, qui sont toutes arrondies :
Ceux qui connaissent retrouveront évidemment la structure métallique de Gustave Eiffel, la magnifique verrière qui recouvre le patio à plus de 20 mètres de hauteur, les coursives des deux étages qui, le soir, dégagent une ambiance proche de celle à laquelle j'ai pris goût dans les anciennes haciendas mexicaines, 
et bien entendu … l'inoubliable sous-sol aux toilettes rouge vif et noir que je n'hésiterais pas un instant à privatiser pour surprendre mes clients en y servant un cocktail.
Et à propos de mixologie, profitez totalement du savoir-faire de Pablo, un barman expérimenté et créatif qui peut très bien vous servir une de ses spécialités même le midi (elles ne sont à la carte que le soir). Et sachez que les propositions sans alcool sont elles aussi fort tentantes. De toute façon il conviendra de consommer l’alcool avec modération.
A titre d'exemples voici au premier plan Pepino Crush : Mezcal, Chartreuse, sirop de sucre et concombre, derrière Blind Tiger : Gin piment, sirop rose framboise, jus de cranberry, jus de citron vert, gingembre ale, et Miss Gasby : Jus de litchi, jus de citron jaune, sirop de rose, champagne. J’avais commandé le premier, vif et floral, en souvenir de mes séjours au Mexique.
L’espace est vaste, chargé d’histoire pour qui tend l‘oreille. Il y aurait eu autrefois au centre du rez-de-chaussée un bassin dans lequel on aurait moulé la statue de la liberté. Nous nous sommes installés là car ce n'est que le soir que vous pourrez vous isoler sur une coursive, endroit idéal pour un tête-à-tête intime. Par contre vous vous priverez du spectacle de working flair de Pablo qui, en uniforme, maitrise l’art de jongler avec les bouteilles pleines et le shaker.
La décoration est un mix très harmonieux de bois, de rotin, de marbre, de cuir, de plantes vertes, le tout  inondé de lumière zénitale naturelle ou adouci par ces lampes-fleurs qui sont ravissantes, tout à fait en accord avec les tables :
J’ai beaucoup aimé la musique le jour de notre venue. Il me semble que je connaissais chaque morceau qui systématiquement réactivait d’heureux souvenirs. Comme La Rua Madureira, Tell All The People des Doors, Cry Me A River par Dinah Washington ou Beyond The Sea de Bobby Darin.
Le décor est insensé, mais ce qui est dans l'assiette a son importance. La soupière du velouté de potimarron aux châtaignes créa la surprise mais celle-ci ne se confirme pas une fois le couvercle soulevé. Des noisettes torréfiées écrasées ou un hachis de fines herbes auraient amélioré l'esthétique en apportant une saveur complémentaire.
Vous remarquerez sur les photos suivantes que le chef n'a pas lésiné sur la poudre de piment d'Espelette (il faudrait varier les plaisirs) et que la pâtissière adore le sucre glace, y compris que les assiettes blanches.
Défaut de précipitation, les oeufs cocotte à la crème de foie gras firent un aller retour en cuisine, passant de insuffisamment cuits à trop, mais délicieux, m'assura mon voisin de gauche, alors que celui de droite se régalait de la terrine de volaille façon grand-mère et de ses pickles.
L'assiette de foie gras (maison lui aussi) est classique, servie avec le chutney du moment.
Pour ma part je n'ai que des compliments à faire à propos du carpaccio de daurade, gingembre eet fruit de la passion.

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