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dimanche 3 novembre 2024

Le musée de l’Orangerie pour y revoir les Nymphéas

Je suis allée au musée de l’Orangerie pour revoir les Nymphéas de Monet parce que mon souvenir était flou et que j’avais besoin de m’en approcher avant de terminer ma chronique du livre (plutôt polémique) de Grégoire Bouiller.

Cet écrivain, persuadé que Monet a enfoui un cadavre (ou plusieurs) quelque part, entreprend d'explorer les huit panneaux géants de quatre-vingt-onze mètres de longueur sur un peu moins de 2 mètres de hauteur, comme s'il s'agissait d'une scène de crime. Je consacrerai un article spécifique à l'analyse que je fais de la sienne.

J’espère que je n’aurai pas été influencée à mon insu par le raisonnement de l’écrivain qui est très critique, c’est le moins qu’on puisse dire. Toujours est-il que je ne fus pas longue à voir un visage dans ce panneau (ci-dessous). Étrange, non ?
Mais, curieusement, l’émotion tant attendue n’a pas été au rendez-vous. Peut-être parce qu’il y avait une affluence énorme, surtout de japonais qui n’arrêtaient pas de se photographier devant les toiles (si bien qu’on avait du mal à les voir dans leur intégralité), et beaucoup de bruit contrairement à la volonté de Monet et malgré les rappels à l’ordre (eux aussi bruyants) du personnel de surveillance.

Le peintre a conçu son cycle des Nymphéas de sorte qu’on ne puisse pas l’embrasser d’un seul regard. Ici, on a tout le temps l’œuvre devant soi et derrière soi. On est forcé d’être en mouvement. Forcé d’entrer la ronde. Impossible de voir les Nymphéas dans leur totalité. Si bien que, ne sachant où donner de la tête, on est un peu perdu, on est désorienté, on perd pied, déboussolé on est. On ne sait pas vraiment où se mettre ni ce qu’il y a à voir (…). Au vrai, on ne voit rien. Rien de précis. Rien de définitif. Il faut en permanence accommoder sa vue, entre s’approcher au plus près et se reculer au plus loin, entre myopie et hypermétropie (…) comme si son intention avait été de réaliser un film se déroulant dans le temps et dans l’espace ! (p. 25).

Je voulais faire l’expérience, ce fut fait. Et j’ai bien noté que Grégoire Bouiller n’a pas eu à chercher longtemps pour apprendre l’origine de cette série. Elle est mentionnée en toutes lettres sur le passage surélevé (qui n’est pas un pont japonais … ) : l’artiste a conçu ses toiles "sans dessin et sans bords" en hommage au 11 novembre en accord avec son ami Georges Clemenceau, glorieux "Père de la Victoire". Il a prévu les formes, les volumes, la disposition en continuum dans deux salles ovales, les scansions et les espaces entre les différents panneaux, le parcours libre du visiteur, la lumière zénithale, tout cela pour provoquer une expérience d'immersion totale dans la peinture. L'installation a malgré tout été faite bien après la mort de l'artiste.
Etant sur place, j’ai bien entendu visité les fonds permanents qui sont un émerveillement et qui à eux seuls méritent amplement qu’on se rende dans ce musée. L’exposition temporaire Heinz Berggruen, un marchand et sa collection (jusqu’au 27 janvier 2025) est elle aussi fort intéressante, permettant de voir des oeuvres rarement montrées au public parisien.

Autre chose m'a intriguée, les sièges disposés ça et là, et dont j’ai remarqué qu’ils composaient des lettres. J’ai cherché à en connaître l’origine. Appelées Matrices Chromatiques, ces sculptures fonctionnelle ont été conçues par Agnès Thurnauer pour offrir un signal visuel fort et élégant au musée de l’Orangerie rénové.
Ces sculptures bancs d’aluminium mat sont des lettres en creux à échelle du corps, installées dans plusieurs espaces du musée, dans l’objectif de diffuser l’aura de l’œuvre de Monet comme autant de "nymphéas-lettres" (ou "Nymphéas de langage" comme les nomment Cécile Debray, la directrice de l'Orangerie) et formeraient le mot "chromatiques" si on les juxtaposait.

Elles sont néanmoins fort pratiques et face aux chefs-d’œuvre, les Matrices/Assises ont vocation à réactiver notre capacité à les lire, en mesurant leur singularité et en recevant leur puissance. Enfin, qu'elles s’apparentent à du mobilier et soient éditées en série permet de toucher un public plus large.
Musée de l’Orangerie
Jardins des Tuileries - 75001 Paris
Ouvert tous les jours de 9 heures à 18 heures, sauf le mardi (jour de fermeture)
Nocturne le vendredi jusque 21 heures
Gratuit le premier dimanche du mois
(photo ci-dessus de l'ancienne porte d'entrée du monument)

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