
Jean-Christophe Grangé dresse une brève mise au point sur la progression de la maladie, car le SIDA reste très préoccupant (p. 22). Est-ce que cela explique que le style ait perdu de la vitalité en terme d’humour malgré, de temps en temps, des injonctions au lecteur, le suppliant : ne riez pas !
En tout cas les références à l’astre sont multiples et fréquentes. En voici quelques unes : fondre comme neige au soleil (p. 75), l’astre luminescent (p. 105), le soleil chatoie (p.115), le soleil est partout, non pas le soleil : l’infini (p. 127), soleil implacable (p. 131), course assassine du soleil dans le ciel (p. 132), coup de soleil (p. 138), le soleil et la mort s’unissent pour ne faire plus qu’un (p. 139), Heidi est submergée par le soleil, noyée d’éblouissement (p. 140), le soleil saigne (p. 144), le soleil ne perce pas la canopée (p. 152), abasourdi de soleil, des soleils ardents, le soleil blanc (trois mentions sur la seule page 218), le soleil revient en percée éblouissante avant de baisser déjà (p. 227), une jungle montante à l’assaut du soleil (p. 293), le soleil au garde-à-vous (p. 307), coucher de soleil rouge ardent (p. 354). Inversement on le compare parfois à la lune qui peut être à son zénith. Un soleil gelé (p. 61).
Et puis bien sûr c’est l’inscription Sans soleil, gravée à l’intérieur de l’anneau dit Prince-Albert qui apparaît pour la première fois p. 151 et revient régulièrement et justifie le titre du diptyque.
Manifestement Jean-Christophe Grangé est féru de musique. Il nous rappelle (p. 21) que Tainted Love, le tube de Soft Cell, qui est universellement connue et appréciée, est devenue une chanson sur le SIDA. Il a recours a deux références musicales pour caractériser les deux tomes. Le premier, "Disco Inferno", est une fameuse chanson des Trammps, créée en 1976 et tirée de l'album éponyme. Il atteint un succès considérable avec l'avènement de Saturday Night Fever, album-événement de la bande originale du film La Fièvre du samedi soir.
Quant au second, "Le Roi des Ombres" est aussi un titre de chanson, écrite et interprétée par Mathieu Chedid bien après la période au cours de laquelle se situe l'action du roman mais sans doute pas choisi par hasard car il y est tout de même question d'hécatombe …
Nous voilà en 1986, soit quatre ans après avoir quitté la fine équipe. Heidi est en vacances à Tanger dans le riad marocain du richissime publicitaire Caroco que nous connaissons déjà. Ségur est évidemment toujours confronté à cette maladie, désormais officiellement appelée Sida, qui ne cesse de faire des victimes. Swift est toujours à la PJ, sans crier victoire tant il est persuadé que le tueur court toujours.
Alors qu'ils n'ont plus de liens, Heidi leur envoie un appel au secours après la découverte du cadavre dépecé à la machette de son hôte... Swift et Ségur volent au secours de la jeune femme et c'est le début d'une nouvelle enquête. La rumeur a enflé à propos du patient zéro. A l’inverse de ce qu’on connaîtra pour la pandémie de Covid, on ne sait pas comment a démarré la maladie en France. La frousse est le seul argument (p. 16). Caroco est donc devenu un pestiféré et sa mort n'est pas une surprise mais la traque sera ponctuée d'épisodes plutôt étonnants.
Ségur manifeste pour el moment une certaine joie à ce voyage car il sent les vibrations de ce qu’il appelle sa Terre promise. Il s’était juré de retourner sur le continent africain qui l’avait tant touché quinze ans auparavant (p. 41). Nous voyagerons avec lui au Maroc, en Afrique noire, au Zaïre et en Haïti.
Le trio va de nouveau collaborer avec la police locale mais dans un pays qui est une dictature royale comme le Maroc elle n’est pas une science exacte (p. 82). Et pourtant, estime son collègue marocain, garder la foi, c’est la moitié du chemin parcouru.
On notera une certaine préoccupation écologique de l’auteur à propos du continent africain, soulignant combien des tas de sacs en plastique s’accrochent aux branches d’arbre faméliques comme des feuilles mortes de la modernité (p. 130).
Ségur entraînera la jeune Heidi -et nous avec- en la convainquant que tout le monde dans sa branche peut vouloir un jour se rendre utile. Quand ils seront en Haïti en juin 1986 ce sera l’occasion de nous faire revisiter l’histoire cauchemardesque, et souvent insoutenable, de ce pays (p. 191-96). Des évènements terribles hélas si vrais qu’il est inutile d’inventer. Il y a vraiment de quoi … être cramponné à sa table de lecture comme un môme à une auto-tamponneuse (p. 191).
Haïti c’est l’Afrique dans un verre de rhum, un patchwork qui cuit au soleil, tranquille (p. 264). Et ce sera là que le dénouement aura lieu.
Sans soleil de Jean-Christophe Grangé tome #2 Le roi des ombres