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jeudi 27 juillet 2023

La pisciculture de Jean-Claude & Aurélie Gandon au Moulin du Château (53320 Montjean)

L'eau est un élément majeur de la nature mayennaise, non seulement parce que la rivière traverse le département du nord au sud (et j'en reparlerai puisque j'ai effectué une navigation sur ce cours d'eau) mais aussi par le nombre d'étangs de pêche et de sites d'élevage. Qui plus est toutes les rivières y sont de première catégorie.

J'avais entendu parler de l’élevage de la truite de Parné-sur-Roc et j'étais intéressée de le visiter. J’ai visité de tels élevages notamment en Franche-Comté et sur l'île de la Réunion, et même d'esturgeons en Aquitaine où l'on produit un caviar IGP mais il s'agissait toujours d'élevage intensif.

J'ai eu la chance d'être conseillée par Mayenne Tourisme qui m'orienta sur la commune de Montjean où Jean-Claude et Aurélie Gandon exploitent non seulement un établissement piscicole mais aussi un lieu de séjour depuis que deux gites y ont été ouverts. La seconde particularité est que l'élevage y est extensif.

Quand dans les piscines on produit 100 kilos de poisson par mètre carré, ici en extensif, on obtient peu de poissons sur beaucoup d’eau, 200 kilos par hectare.

Breton, originaire d’Ile-et-Vilaine, Jean-Claude a fait ses études à Guérande. Il a d'abord été autocariste dans toute l’Europe avant d’arriver là, avec sa femme, il y a 25 ans, attirés par la combinaison du caractère historique, avec un château au bord d’un étang panoramique sur la digue, avec un bassin versant de 19 km² principalement composé de prairies et de cultures de céréales, et l'opportunité de pratiquer une production piscicole avec un réservoir de 25 hectares. Après avoir vécu sa passion pour les voyages il allait en assouvir une autre pour les poissons.
Jean-Claude m'a fait faire le tour de l'étang dont la profondeur maximale est de 3 mètres avec une moyenne de 1.8 mètres. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui faire la réflexion que chacun fait en découvrant son domaine : On s’attend pas à ça quand on arrive ici.

L'accès est d'ailleurs indiqué pour les gites, un petit chemin sur la gauche en venant du Nord par la Route de la Maison Neuve (la D 124) reliant Loiron à Cossé-le-Vivien, mais il est peu repérable si on vient du Sud. 

Il n'y avait alors qu'un ancien moulin avec certes 500 m² de dépendance mais sans eau courante ni électricité. D'autres auraient été découragés mais ils ont accepté de vivre trois ans dans un mobilhome, le temps de débroussailler puis de couvrir les bâtiments que traversaient les pluies. Après avoir garanti une habitation digne de ce nom ils ont créé deux gîtes de pêche.

L'étendue d'eau est splendide, au pied d'un château construit à l’époque de Charlemagne (qu'il ne faut pas photographier parce qu’il est totalement privé) dont l'histoire est détaillée sur le site du Moulin. On peut y lire que c'était un "moult beau lieu" qui a vu le passage du roi Louis XI en 1472.

Il est propice au repos et à la flânerie il ne l'est pas à la baignade qui est formellement interdite. Voilà pourquoi une piscine a été creusée pour permettre aux membres des familles qui ne pêchent pas de profiter des vacances.
Ils pourront aussi discuter jardinage et plantes fleuries avec Aurélie qui a la main ultra-verte ou observer les oiseaux exotiques pour lesquels elle déborde d'affection. C’est aussi une façon différente de penser aux voyages.
Toujours à l’écoute des demandes qui leur sont faites, et en réponse au manque de restaurants dans l’été parce que « tout est fermé aux alentours » ils ont créé un nouveau bâtiment avec une salle pouvant accueillir 60 à 80 personnes un peu dans l’esprit guinguette, ce qui a été rendu possible parce qu’ils disposent d’une licence 4, débit de boissons. Bien entendu ils ont dû fonctionner en extérieur pendant la pandémie, d’où la construction d’un immense toit.
Les projets ne s’arrêtent pas là mais étant seuls pour gérer le domaine le temps pourrait leur manquer pour installer par exemple un atelier de transformation de la chair de poisson. Leur activité est régie par une forte saisonnalité qui accorde peu de temps libre. Les étangs sont vidangés au 15 novembre, pour récupérer les poissons qui sont triés et placés dans de grands bassins abrités, pour pouvoir être commercialisés auprès de gestionnaires de plan d’eau.

La vidange permet de comptabiliser précisément le poids de la faune, de l'ordre de 15 tonnes, et le nombre de cyprinidés (nom de la famille de ces poissons d'eau douce) :
1 tonne de carnassiers
6 tonnes de gardons
- 8 tonnes de carpes, réparties pour moitié entre des poissons d'une moyenne de 8 kg et l'autre moitié pesant au-dessus de 10. 

Les lâchers de truites s'effectuent au printemps. Il existe des rivières à truites en nord Mayenne, dans des endroits plus frais où bien entendu il y a aussi des poissons sauvages. Ici l’eau serait trop chaude en été et on ne pêche pas la truite durant cette période.

Des parcours de pêche à la truite ou à la carpe sont proposés aux visiteurs et aux résidents des gites de mars à octobre et donc durant tout l'été. On vient de loin pour y capturer des carpes trophées, se prendre en photo avec et les relâcher ensuite. Voilà pourquoi il y a dans la pièce d'eau des spécimens très vieux, dont le poids peut s'approcher des 20 kilos. De quoi attirer les adeptes de cette pêche sportive et somme toute respectueuse de l'animal, encadrée par des règles draconiennes.

Le nombre de cannes est limité à 4 par pécheur, mais Jean-Claude m’apprend que rares sont ceux qui en positionnent moins. On n’a le droit qu’à l’ hameçon simple et sans ardillon (ardillon écrasé toléré, tresse interdite) car en cas de casse, le type de montage utilisé doit permettre au poisson de se libérer facilement et de poursuivre sa vie sans être blessé. Un tapis de réception obligatoire, pour, j’imagine, protéger Les écailles du poisson.

La pêche dite au accroc est formellement interdite de même que l’eschage ou l’amorçage à la graine crue. Je ne me rends pas compte de la nature exacte de ces restrictions mais elles parleront aux spécialistes.

La carpe se plait dans l'étang parce qu'il y pousse des bancs de nénuphars où elle aime se faufiler à la belle saison. Elle se régale des vers de vase présents dans de multiples zones. Leur nourriture varie en fonction de l'âge et des saisons mais la carpe commune est omnivore, plantonophage et benthophage à prédominence carnivore (larves d'insectes, mollusques, crustacés, vers...). Elle ne dédaigne pas les algues, les frais de poissons (les oeufs de ponte) et les graines. Les grosses carpes recherchent même des petits poissons, des écrevisses et des moules d'eau dont elles brisent la coquille avec leur dents phryngiennes. Il faut croire que le régime alimentaire leur convient puisqu’elles prennent deux kilos par an.
L’endroit est un paradis pour les carpes et les carpistes. On peut les imaginer passer la nuit, au bout de l’étang, tout près de leur toile de tente, surveillant leur quatre canes, scrutant le détecteur de touches, de mars en octobre.

Mais de petits plans d'eau plus modestes ont été prévus pour la pêche thématique à la truite, au carpeau et au silure. Ce n’est pas un loisir très coûteux : compter 15 euros la demi-journée par personne.
Ces pièces d’eau sont plutôt romantiques et Aurélie en agrémente les alentours avec des plantes de la variété des succulentes qui sont étonnamment prolifiques, sans doute en raison d’un micro-climat et d’une exposition favorables.
Le calme règne dans cet endroit et donne envie de flâner si on n’est pas féru de pêche.
Les abords des gites et de la salle de restauration sont très fleuris.
Dans les bassins couverts, Jean-Claude élève un cheptel qu’il fait grossir pour les pêcheurs. Également des carpes Koi, que des particuliers achètent pour repeupler leurs bassins, surtout après les passages de héron. La clientèle se situe dans un rayon de 1 heure, 1 heure 30 et pour le moment il n’y a pas de vente par correspondance. La commercialisation a lieu sur place (poissons d'étang de novembre à janvier et truites du 20 février au 15 octobre).  

Si les gardons, tanches, carpes, brochets, perches, sandres, se reproduisent naturellement par contre il faut acheter des larves de Koï à partir de reproducteurs en janvier. Il en commande 1 tonne pour en obtenir 4 en fin d’année. Il existe un centre français d’éclosion spécialisé sur tous les poissons où il se fournit en 10 000 larves d’un jour qui lui sont livrées courant mai. Chacune prend 1 cm par semaine. En fin de saison elles font 10 cm et pèsent chacune 25 grammes.
Les specimens que j’ai photographiés ci-dessus ont deux ans. Leur espérance de vie va jusqu’à 35 ans. J'en sais peu sur le sujet mais j'avais appris, en lisant Grand Platinum le premier roman d'Anthony Van den Bossche que la carpe Koï exerce une véritable fascination.

Et même si dans la région on n’est pas en pénurie d’eau, même si j’ai lu des recommandations limitant l’arrosage des potagers à la nuit, les Gandon sont soucieux de ne pas gâcher cette ressource naturelle. Ils ont donc réfléchi à faire pousser des salades et tomates hors-sol selon les principes de l’aquaponie. L’eau verte est riche en nitrates. Elle peut être envoyée aux tomates et aux salades pour en ressortir toute limpide, revenant aux poissons qui ainsi ne nageraient jamais en eaux troubles.

Le système a fait ses preuves l’an dernier pour 150 kilos de tomates mais n’a pas pu être mis en place cette année. Il sera de nouveau effectif en 2024. Ceux qui voudraient en savoir plus sur cette technique pourront visionner la vidéo qui figure sur le site de l'exploitation et qui montre bien toues les facettes de l'endroit.

Le Moulin du Château est un endroit calme et pourtant très actif. Il a été récompensé par le Premier Prix de la Dynamique agricole en 2008. les photos qui sont affichées dans une annexe témoignent de l’ampleur du travail accompli.

Il a accueilli l’an dernier la Compagnie Viva qui interpréta Beaucoup de bruit pour rien (d'après Shakespeare) devant 300 personnes dans le cadre du festival Les nuits de la Mayenne.

Pisciculture Jean-Claude & Aurélie Gandon
Le Moulin du Château - 53320 Montjean en Mayenne
06 20 39 21 03 - Tel : 02 43 68 90 52
Gites ouverts toute l'année - accueil camping-cars 
E-mail : _jcgandon@wanadoo.fr_
Leur site www.pisciculturegandon.com

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