C'est vrai que c'est un peu court, mais l'écriture est dense, le style efficace et le propos finalement rafraichissant ... après les interminables sagas importées d'outre-atlantique, envoyées par ELLE et s'échouant de mois en mois au pied de mon lit. Les fidèles lecteurs du blog ont sans doute constaté que le marathon littéraire m'essoufflait après les belles découvertes des premiers mois.
Paulus Hochgatterer est un auteur dit de premier plan dans son pays mais je dois à son éditeur français de me l'avoir fait connaitre, au dernier Salon du livre. Il est légitimement passionné de psychanalyse, (n'a-t-elle pas été "inventée"en Autriche ?) mais non moins de pêche.
En résumé : Trois « psy » prennent la route une matinée de septembre pour une partie de pêche à la mouche. Une journée très particulière au cours de laquelle leur brève rencontre avec une jeune serveuse sur une aire d’autoroute fait déjà bouger les rapports entre eux : rationalité extrême, obsession névrotique ou frustration, chacun prend plus ou moins ses marques. Derrière les leurres, qui avalera l’hameçon ? Subtil et discret hommage à quelques grands de la littérature américaine, le « réalisme vibrant » de Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer plonge le lecteur dans des eaux troubles et sombres comme l’inconscient et ferre la part d’ombre qui est en chacun de nous.
C'était un peu grandiloquent mais s'est révélé assez juste. J'ai apprécié l'économie avec laquelle l'auteur fouille l'inconscient masculin, plutôt amusée moi-même de vivre une journée dans le cerveau d'un homme. Ce roman prend la forme du récit d'une "non-histoire" car au fond il ne se passe pas grand chose : trois copains qui sont aussi collègues partent en virée au bord de l'eau pour pêcher des poissons qu'ils vont majoritairement rendre à leur milieu naturel, en nous faisant suivre au passage le vol d'un martin-pêcheur ou le piqué d'un cincle plongeur.
Leur voiture bringuebalante menace de les lâcher. Ils écoutent les musiques de leur jeunesse, Bob Dylan, Leonard Cohen, les Pink Floyd, Janis Joplin, Tom Waits en laissant leur esprit dériver et faire des associations de pensées au petit bonheur.
Tout le monde fait cela. Les longs trajets en voiture, les promenades dans la nature, ces moments où "il ne se passe rien" sont propices à l'introspection. Mais l'auteur n'est pas qu'écrivain. Il est aussi psychanalyste, ce qui dirige sa plume et notre regard. Il est manifestement imprégné de sociologie et a retenu les leçons de Roland Barthes. On le compare à Woody Allen mais son humour n'est pas aussi désespéré.
On peut facilement se faire le film de la journée et se laisser emporter par les fantasmes des trois compères. C'est fou ce que l'amabilité d'une serveuse de restoroute peut avoir comme influence sur le déroulement de la suite des évènements ... On peut aussi prendre une leçon de pêche. Manifestement Paulus sait de quoi il parle en nous expliquant la fabrication de la red butcher, d'une munro killer, d'une olive matuka, une temple dog, une snow flake, une egg-sucking leech, ou plus simplement, sur le plan du vocabulaire, une adams. On n'attrape pas les truites avec du vinaigre, ni avec de vulgaires insectes. Les mouches doivent être plus belles que nature et ont toutes des noms assez extravagants, parfois féminins comme la mrs Simpson qui n'a rien à voir avec la Marge du dessin animé.
La femme n'est jamais longtemps absente et les épouses apparaissent en filigrane. Prétextant nous expliquer comment nouer poils et plumes qui tenteront le poisson, l'auteur en profite pour glisser quelques réflexions personnelles sur son métier, lesquelles ne manquent pas de sagesse, estimant que la psychiatrie se confond avec le romantisme, comme la pêche à la mouche.
Chacun son mystère, maladie, enfant handicapé ... et nous ne saurons pas tout de la réalité du vécu des personnages. Vous ne croirez jamais ce qui s'est passé ... affirme l'un des trois à ses copains en raccrochant le téléphone dans les dernières pages.
Paulus est très fort car il ne racontera rien de plus, appliquant à la lettre sa philosophie (page 109) : la vie n'est rien d 'autre que de l'imagination d'une part, et, de la reconstruction narrative de l'autre. On pourrait en dire autant d'un roman.
Et sans doute aussi de La Douceur de la vie, que Quidam Editeur fera paraître l'an prochain toujours dans une traduction de Françoise Kenk.
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer chez Quidam éditeur, Traduit de l’autrichien par Françoise Kenk, 13 €
Paulus Hochgatterer est un auteur dit de premier plan dans son pays mais je dois à son éditeur français de me l'avoir fait connaitre, au dernier Salon du livre. Il est légitimement passionné de psychanalyse, (n'a-t-elle pas été "inventée"en Autriche ?) mais non moins de pêche.
En résumé : Trois « psy » prennent la route une matinée de septembre pour une partie de pêche à la mouche. Une journée très particulière au cours de laquelle leur brève rencontre avec une jeune serveuse sur une aire d’autoroute fait déjà bouger les rapports entre eux : rationalité extrême, obsession névrotique ou frustration, chacun prend plus ou moins ses marques. Derrière les leurres, qui avalera l’hameçon ? Subtil et discret hommage à quelques grands de la littérature américaine, le « réalisme vibrant » de Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer plonge le lecteur dans des eaux troubles et sombres comme l’inconscient et ferre la part d’ombre qui est en chacun de nous.
C'était un peu grandiloquent mais s'est révélé assez juste. J'ai apprécié l'économie avec laquelle l'auteur fouille l'inconscient masculin, plutôt amusée moi-même de vivre une journée dans le cerveau d'un homme. Ce roman prend la forme du récit d'une "non-histoire" car au fond il ne se passe pas grand chose : trois copains qui sont aussi collègues partent en virée au bord de l'eau pour pêcher des poissons qu'ils vont majoritairement rendre à leur milieu naturel, en nous faisant suivre au passage le vol d'un martin-pêcheur ou le piqué d'un cincle plongeur.
Leur voiture bringuebalante menace de les lâcher. Ils écoutent les musiques de leur jeunesse, Bob Dylan, Leonard Cohen, les Pink Floyd, Janis Joplin, Tom Waits en laissant leur esprit dériver et faire des associations de pensées au petit bonheur.
Tout le monde fait cela. Les longs trajets en voiture, les promenades dans la nature, ces moments où "il ne se passe rien" sont propices à l'introspection. Mais l'auteur n'est pas qu'écrivain. Il est aussi psychanalyste, ce qui dirige sa plume et notre regard. Il est manifestement imprégné de sociologie et a retenu les leçons de Roland Barthes. On le compare à Woody Allen mais son humour n'est pas aussi désespéré.
On peut facilement se faire le film de la journée et se laisser emporter par les fantasmes des trois compères. C'est fou ce que l'amabilité d'une serveuse de restoroute peut avoir comme influence sur le déroulement de la suite des évènements ... On peut aussi prendre une leçon de pêche. Manifestement Paulus sait de quoi il parle en nous expliquant la fabrication de la red butcher, d'une munro killer, d'une olive matuka, une temple dog, une snow flake, une egg-sucking leech, ou plus simplement, sur le plan du vocabulaire, une adams. On n'attrape pas les truites avec du vinaigre, ni avec de vulgaires insectes. Les mouches doivent être plus belles que nature et ont toutes des noms assez extravagants, parfois féminins comme la mrs Simpson qui n'a rien à voir avec la Marge du dessin animé.
La femme n'est jamais longtemps absente et les épouses apparaissent en filigrane. Prétextant nous expliquer comment nouer poils et plumes qui tenteront le poisson, l'auteur en profite pour glisser quelques réflexions personnelles sur son métier, lesquelles ne manquent pas de sagesse, estimant que la psychiatrie se confond avec le romantisme, comme la pêche à la mouche.
Chacun son mystère, maladie, enfant handicapé ... et nous ne saurons pas tout de la réalité du vécu des personnages. Vous ne croirez jamais ce qui s'est passé ... affirme l'un des trois à ses copains en raccrochant le téléphone dans les dernières pages.
Paulus est très fort car il ne racontera rien de plus, appliquant à la lettre sa philosophie (page 109) : la vie n'est rien d 'autre que de l'imagination d'une part, et, de la reconstruction narrative de l'autre. On pourrait en dire autant d'un roman.
Et sans doute aussi de La Douceur de la vie, que Quidam Editeur fera paraître l'an prochain toujours dans une traduction de Françoise Kenk.
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer chez Quidam éditeur, Traduit de l’autrichien par Françoise Kenk, 13 €
5 commentaires:
En effet, ça a dû te changer des lectures ELLE ;-) Je crois quand même que ce livre est trop philosophique pour moi en ce moment.
Ce n'est "qu'un peu" philosophique. Ce n'est pas du tout intello. C'est amusant de lire ce qu'on pourrait appeler des histoires de mecs dans un décor rafraichissant, je ne vois pas de meilleur mot.
Ah que l'adjectif "Brève" m'attire ! Comme toi, le Prix Elle a un peu émoussé mes capacités de lecture (pourtant phénoménales d'après mon entourage !). Je lirais bien cette histoire de "mecs". Actuellement, je fais une cure de littérature jeunesse pour aider à la sélection des romans pour le Prix Trégor Ados 2010-2011.
Comptes-tu te rendre à la remise des Prix ?
Oui je compte bien ne pas louper cette manifestation mais ...
Si tu viens je t'apporterai cette Brève histoire (qui ne prendra pas beaucoup de place dans mon sac) fort intéressante. c'est pas au poids qu'il faut juger, tu le sais bien;
J'ai été un moment férue de littérature jeunesse. Je reste toujours passionnée par ce domaine.
j'ai vu d'ailleurs avec plaisir que le spectacle Oh boy ! tiré du livre de Marie-Aude Murail a été couronné dimanche soir aux Molières .
Votre article m'a donné envie de lire ce livre. Je cherchais une nouvelle idée de lecture, je crois que je viens d'en trouver une. Merci pour cette découverte !
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