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mardi 16 octobre 2018

Ana, ma chérie ! écrit et interprété par Jennifer Batten

Ana ma chérie revendique la spécificité d'être un seul-en-scène dramatique.

Ecrit (et interprété) par Jennifer Batten, il est probablement pour partie autobiographique comme l'étaient les spectacles de Zouc.

Excuse-moi mon chéri ... chéri ... chéri ... l'artiste suisse ne cessait d'interpeler ses enfants avec insistance. Avec pour seul costume une robe noire informe qui lui permettait de se détacher sur une toile blanche immaculée. Et pour accessoire une simple chaise.

Jennifer Batten porte une robe rouge éclatant qui magnifie sa silhouette. Le plateau est plongé dans un noir intense. Son accessoire est peu banal, une échelle transformable (de celles qu'on ne parvient pas à déplier dans les règles de l'art si on n'a pas Cap +24 en bricolage) et surtout ses propos ne sont pas, mais alors pas du tout situés dans le registre de l'humour, même noir et désespéré comme l'étaient ceux de Zouc.

Il n'empêche qu'elles ont probablement une certaine folie et une vision de l'enfermement en commun.

Au début du spectacle, la comédienne compte à mi-voix alors que le piano égrène des notes tantôt graves, tantôt légères, sur la conception musicale de Vincenzo Mingoia. Arrivée à cinquante elle passe aux couleurs. Elle aurait aussi bien enfiler des perles pour lancer le moteur des confidences.

Je suis Ana, comme ananas, ... Va-t-en, je ne t'aime pas.

Voilà, c'est dit. La mère assume ses propos. La fille moins. Tout aurait-il été différent si elle avait été un chevalier, ou un homme ? Seulement voilà, c'est une femme. Le coeur d'une femme a besoin d'amour pour battre. Celui d'Ana est en panne, une panne provoquée.
On suivra tout au long d'une heure la colère, la révolte, le désir de vengeance de la jeune femme qui vit sous nos yeux une crise de paranoïa. A la voir monter et descendre les barreaux (quelle symbolique avec une prison !) de son échelle on pense au mythe de la grenouille qui accepte que la température de 'eau de son bocal monte doucement en température.

Et quand elle évoque un suicide, un tabouret qui a été poussé, alors qu'elle est en équilibre précaire en haut de son échafaudage, on admet qu'elle ne veuille plus rien comprendre, juste respirer un peu d'air frais.
Ana, ma chérie ! raconte l'étau d'un secret de famille dont il est difficile de se libérer, quand bien même la porte serait restée ouverte. Encore faut-il trouver l'ultime ressource de courage pour faire quelques pas, et mettre la main sur la poignée.

La mise en scène est subtile, dirigée par un metteur en scène qui a trente ans d'expérience théâtrale, Jean-Luc Borras.
Ana, ma chérie !
Ecrit et interprété par Jennifer Batten
Mis en scène par Jean-Luc Borras
Conception musicale de Vincenzo Mingoia
Spectacle découvert au Théâtre du Marais
37, rue Volta, 75003 Paris

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