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dimanche 3 avril 2022

Laurier, le restaurant de Mavrommatis

Je connais l’univers et la cuisine des frères Mavrommatis. Alors, forcément, l’ouverture d’un nouvel établissement ne pouvait que me donner très envie de le découvrir.

On vous dira que c’est un de ces restaurants suspendus au dernier étage d’un grand magasin, en l’occurrence les Galeries Lafayette au 60 des Champs Elysées. Cette installation n’est pas le fruit d’un hasard mais la conséquence d’un partenariat de confiance et de respect de près de 30 ans entre les deux maisons.

Laurier est aussi un espace un peu à part, pour son calme, sa sobriété élégante et la qualité de sa cuisine. Je rappellerai aux sceptiques que Mavrommatis est le seul étoilé proposant de la cuisine grecque, en dehors de la Grèce.

L’accueil y est soigné et attentionné. C’est la première fois que, demandant de l’eau, on m’interroge sur ma préférence à vouloir la boire fraîche ou tempérée. Geoffrey en est le directeur, et il a beau avoir oeuvré vingt ans en brasserie, il maitrise les codes de l’univers gastronomique.

Laurieren grec Daphné (Δάφνη), tel est le nom si intelligemment trouvé pour ce nouvel établissement en hommage à cette plante emblématique du bassin méditerranéen, rendue célèbre par un épisode marquant de la mythologie gréco-romaine. C’est le domaine d’Andreas, dont un ouvrage est mis en valeur à côté de la vitrine des pâtisseries, véritables appâts pour le commun des mortels.

Andreas est arrivé à Paris en 1977 pour étudier la psychologie à La Sorbonne. Il s’est finalement établi dans le quartier pour y faire une cuisine qu’il qualifie d’hellénique, faisant référence à l’archipel des îles qu’il aime tant et dont il connaît les producteurs.
Je feuillette son ouvrage de 45 recettes qu’il promet avoir pensé avec amour, en me régalant d’olives récoltées et préparées à Kalamata dans le sud du Péloponnèse. Avec leur robe violette, leur une chair ferme et généreuse et leur texture lisse et charnue, elles sont peut-être les meilleures olives du monde, n’en déplaise aux français. En plus d’avoir un goût incomparable et une grande force de caractère, elles ont des qualités nutritionnelles exceptionnelles pour la santé.

Elles accompagnent à merveille un verre de Santorin très aromatique que je déguste avec modération. J’apprécie son parfum très floral de fleur de cerisier qui contraste avec quelques bouchées de petit poulpe, croquant et piquant, et son assaisonnement de céleri branche, huile d’olive, vinaigre de xérès, origan.
Ce livre ouvre mon appétit. La présentation de chaque plat est soignée, tout en affirmant (en assumant pourrait-on dire) une forte identité méditerranéenne. J’y découvre des ingrédients méconnus comme le Tsaï tou vounou, un thé des montagnes que le chef utilise pour parfumer un pot-au-feu de légumes. Je m’arrête sur sa légendaire moussaka, dans sa version traditionnelle (p. 22) qui est aussi proposée en version végétarienne au restaurant. Les croustillants de sardines (p. 20) me semblent faciles à réussir l’été prochain tout autant que le jarret de veau braisé (p. 38).
C’est Andreas qui a choisi ce nom de Laurier. Si l’on en croit le récit qu’Ovide en fait dans ses célèbres Métamorphoses, la nymphe Daphné se serait transformée en laurier pour échapper aux avances du dieu Apollon. Par amour, celui-ci en aurait fait son arbre consacré, utilisé par sa célèbre prêtresse, la Pythie, pour effectuer ses prophéties.

Symbole de victoire et de sagesse, la couronne de laurier ceint depuis l’antiquité le front des grands hommes : leaders, poètes et scientifiques. Cette plante emblématique du bassin méditerranéen présente, entre autres vertus, celles de stimuler l’appétit et de faciliter la digestion. C’est sans doute la plante aromatique dont je me sers le plus souvent dans ma propre cuisine et dont je ne saurais pas me passer.
La conception de l’espace est astucieuse, avec des tables donnant sur les Champs, d’autres plus intimes. On peut choisir la ronde ou préférer un alignement rectangulaire, à plus ou moins grande proximité de la vitrine des desserts, pour éviter de succomber à la tentation.

L’agencement du restaurant est l’œuvre de Régis Botta. Cet architecte avait déjà signé la décoration du restaurant étoilé Le Mavrommatis, qui est un des fleurons de la Maison éponyme. Il a réussi à donner au laurier une place de choix dans l’ornementation des lieux.

Pour le mobilier et le choix des matériaux, il puise son inspiration directement dans l’antiquité, en particulier l’époque classique, apogée de la civilisation grecque antique. Tous les meubles ont été spécialement dessinés et réalisés pour l’occasion, faisant de ce lieu un endroit unique.
La carte des vins, qui évidemment a été établie sur le conseil de Dyonisos, propose un choix de blancs, rosés ou rouges.
Quelques éléments de décoration, en particulier des livres de recettes, ont manifestement été ramenés de là-bas et disposés pour conférer de l’humanité à un cadre qui est malgré tout assez épuré et géométrique.
 
Les entrées sont servies avec du pain Pitta tiède. 
Parmi les spécialités les plus connues, il y a cet émincé de concombre au yaourt grec, ail et menthe qui s’appelle Tzatziki (à gauche) et le taboulé vert, un grand classique des Mezedes (entrées) composé de persil plat, boulgour, tomate, huile d’olive et citron (à droite).
Ces deux petites assiettes sont parfaites pour accompagner un Fritto d’encornet, légumes croquants aux épices. Je reste sur un AOP Santorin, domaine Argyros, Ktima assyrtiko 2019 dont j’apprécie encore davantage le caractère minéral et sa longueur persistante en bouche.
Voici le délicieux thon rouge en ceviche, houmous de pois chiches, légumes en pickles, sauce aux agrumes.
Et puis la généreuse salade crétoise à base de romaine, féta AOP, olive Kalamata, tomate cerise, concombre, feuille de câprier, légumes croquants, biscotte crétoise à la farine d’orge.
Il est temps de passer à un verre de Santorin plus aromatique, domaine Argyros, cuvée Monsignori 2017, toujours un cépage Assyrtiko. Ce vin est élaboré à partir du raisin de vieilles vignes de 150 ans de moyenne d’âge qui garantissent la quintessence des vins blancs de Santorin : minéralité, vivacité, longueur en bouche, sapidité. 
Le Chef Andréas lui-même, a dessiné une rôtissoire verticale, spécialement conçue pour sa cuisine, en s’inspirant d’une méthode ancestrale de cuisson à la verticale. De cette manière les aliments ne cuisent pas au-dessus des flammes, mais à côté, au cœur. L’objectif est d’obtenir des viandes et des légumes juteux, savoureux et sains pour accompagner plats "signature" emblématiques autour de poulet fermier (Label Rouge), gigot d’agneau ou encore gambas (comme on peut en juger ci-dessous) ... mais aussi des légumes de saison, marinés au thym, à l’huile d’olive et à l’ail.
En plat, la brochette de gambas marinées à l’huile, citron et origan est servie sur un lit de riz, accompagnée de divers petits légumes rôtis. Une sauce est présentée à part dans un pichet miniature.
Cette petite pêche reprend les essentiels des plats de poisson : un morceau de dos de maigre (rôti au thym citron), Saint-Jacque rôtie, boutargue, cornilles au pesto (des haricots secs, à œil noir, autant intéressantes tant sur le plan gustatif que nutritionnel. et qui font intégralement parties du régime méditerranéen), condiment citron, encornet et gambas a la plancha, beurre roquette/basilic/poivre de Timut. Le tout baigne dans une soupe de poisson au safran de Kozani, légumes de saison.
Le macaron aux pistaches d’Egine AOP, produit-phare de cette île du golfe Saronique, au sud-ouest d’Athènes, est fourré d’une ganache praliné pistache est posé sur un jus d’agrumes parfumé à la rose. D’autres choix sont possibles. La vitrine ne manque pas de tentations.

Mais on pourrait aussi opter pour des pâtisseries orientales comme les Kourabiedes, un Cigare à la noix de cajou, une Rose aux noix de cajou, un Losange à la pistache, un Pavé semoule aux amandes, un Saragli aux noisettes, un Baklava aux amandes ou un Sablé fourré aux noix, à la datte ou encore aux pistaches.

Le voyage culinaire s’achève sur quelques gorgées d’Argyros Vinsanto, de 4 ans d’âge. Cette AOP Vinsanto est élaborée à partir de trois cépages (80 % Assyrtiko, 10 % Athiri, 10 % Aïdani).

J’ai apprécié, en toute modération, ses notes de noisette et de miel de thym, derrière lesquelles on retrouve le coing confit et le caramel.

On peut souhaiter poursuivre l’expérience à la maison par le biais de la vente à emporter de pâtisseries et divers produits d’épicerie grecque, tels que l’huile d’olive (la même que celle qui est à disposition sur les tables) et le miel forestier crétois ou de thym...
Nous avons dégusté des produits sains tout au long d’un repas composés d’assiettes modernes et respectueuses de la tradition gastronomique hellénique, unanimement reconnue pour ses bienfaits où tout est fait maison.

Je rappellerai à ceux qui l’ignoreraient que l’histoire de la Maison Mavrommatis, c’est avant tout l’histoire de trois frères originaires de Chypre que le destin a conduit à Paris après une enfance et une adolescence heureuse sur cette île de Méditerranée baignée de soleil.

Andréas, l’aîné, arrive le premier en 1978, Evagoras, le cadet, le suit un an après et Dionysos, le benjamin, les rejoint quelques années plus tard. La saga débute en 1981 avec l’achat de leur première épicerie, au pied de la montagne Sainte-Geneviève, qui connaît un succès fulgurant et qui est devenue depuis le restaurant Les Délices d’Aphrodite.

En 1988, ils ouvrent une cuisine centrale à Palaiseau (91) dans le but de développer un service traiteur de grande qualité. Un an plus tard ils signent une épicerie-traiteur à leur nom chez Lafayette Gourmet (elles sont une douzaine aujourd’hui en France). La même année leur table est élue "meilleure table étrangère de Paris" au Salon de l’agriculture et le Gault & Millau les référence.

Le restaurant éponyme ouvre en 1993 toujours à Paris. Il sera récompensé d’une étoile Michelin en 2018. Suivront le Bistrot de Passy et désormais Laurier.

Bien sûr il existe un restaurant à Chypre (et une boutique aux Galeries Lafayette de Berlin) mais c’est encore dans notre capitale que les formules sont les plus nombreuses, entre épicerie, salon de thé, bistrot ou restaurant, étoilé ou non.
Laurier - Restaurant Salon de thé
Galeries Lafayette Champs Elysées
60, avenue des Champs-Elysées - 75008 – Paris - 01 42 89 83 53
Ouvert 7j/7 en service continu de 11h30 à 20h00
Accueil déjeuner de 11h30 à 15h30

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