- j'en écris un compte-rendu aussi fidèle que possible, en essayant de maintenir à distance raisonnable les opinions des bibliothécaires puisque je n'ai alors aucun avis personnel sur aucun titre,
- je me précipite pour lire les livres qui m'ont le plus tentée et qui sont disponibles (vous aurez donc compris le silence du blog depuis plus d'une semaine)
- je me sens ensuite redevable d'un rapport. Devoir dont je vais m'acquitter avec humour et légèreté car je ne me sens pas du tout l'âme d'un critique littéraire. Ma seule compétence est d'avoir -ou pas- été touchée par un écrit.
J'aime l'effervescence étouffée des bibliothèques, les commentaires échangés à mi-voix avec des inconnu(es) qui, au fil du temps, le sont de moins en moins.
Cela ne me gêne pas du tout de ne pas conserver les livres que j'ai aimés. Cela me plait de constater qu'un autre lecteur s'empare du titre que je viens de ramener. L'idée qu'un livre soit condamné à une lecture unique me désole.
Cela ne m'ennuie pas davantage de devoir attendre le retour d'un roman pour pouvoir l'emprunter à mon tour. Cela fait partie du plaisir. Le choix est si vaste que je ne suis jamais frustrée.
Depuis la rentrée j'ai lu, (ou du moins commencé) 6 romans. N'imaginez pas que je bénéficie de privilèges pour avoir pu en détenir autant. C'est "tout simplement" que je suis abonnée dans trois bibliothèques. Cela multiplie les occasions.
Saules aveugles, femme endormie, d'Haruki Marakami , un livre écrit en 2005, publié chez Belfond en 2008. C'est un recueil de nouvelles en marge de la réalité. J'ai beaucoup aimé le second texte (le Jour de ses vingt ans) qui m'a rappelé l'atmosphère des histoires extraordinaires d'Edgar Poe. Mais je n'ai pas réussi à entrer véritablement dans les suivantes. N'étais-je pas d'humeur ? Ou influencée par la crainte exprimée par les bibliothécaires que la traduction ne soit pas suffisamment excellente pour restituer l'atmosphère voulue par Haruki Marakami ?
J'ai fini par lâcher le livre pour en ouvrir un autre.
Sur la plage de Chesil de Ian McEwan, chez Gallimard, m'a rassurée sur mon aptitude à lire. Je l'ai commencé par bonheur un dimanche, ce qui m'a permis de le terminer le soir-même.
Ce récit entrecroisé entre fiction et compte-rendu socio-historique de l'Angleterre encore puritaine des années 60 se lit d'une traite. Rien ne se passe comme prévu et pourtant le drame est inéluctable dès les premières lignes. On imagine très bien l'adaptation cinématographique qui en sera sûrement prochainement faite.
Twist m'a également énormément plu. Au début c'est vrai que l'on a un peu de mal à comprendre qui est qui et quels sont les liens qui unissent les personnages. C'est l'histoire d'un rapt et nous sommes nous aussi sous l'emprise de la trame de l'histoire qui se lit chapitre après chapitre comme on suivrait un feuilleton. L'auteur excelle dans l'art de la description mais c'est surtout pour le sujet traité (le syndrome de Stockholm, c'est-à-dire une forme d'attachement de la victime à son bourreau) que j'avais choisi le livre.
Je ne saurais dire si c'est réfléchi chez Delphine Bertholon mais le premier acte de résistance de la jeune kidnappée est de désigner son ravisseur par une seule lettre. Réduire son identité à l'initiale de son prénom est déjà un signe de rébellion. Ensuite on relève des traces de mépris (p. 69 : D'après moi, R n'est pas très malin. Il n'est pas très beau non plus). On croirait que la jeune fille va vite se sortir de là. Sauf que c'est comme avec un ours : on le croit pataud alors que c'est l'animal le plus dangereux au monde. On sent que l'héroïne pourrait perdre la raison tant ses sentiments oscillent entre les extrêmes. (p. 93 J'essaie bien de transformer les larmes en méchanceté mais cela ne marche pas). Alors, troisième atout : obtenir un cahier et y écrire pour ne pas sombrer. (p. 72 : Ecrire à ton intérieur, c'est la seule chose qui me fasse du bien) Parce que la jeune fille déprime, évidemment. Elle a, nous dit-elle "le moral au fond des Converse". Ce qui est complexe c'est que sa grande intelligence ne lui est pas d'un véritable secours parce qu'elle a pour conséquence de trop intellectualiser les choses : je m'en veux mais j'arrive pas à lui faire du mal (p. 366). Sa capacité d'analyse l'aveugle : elle croit que la raison l'emportera alors que ce qu'elle vit est du domaine de l'irrationnel. Elle s'illusionne en appréciant d'avoir la capacité de vivre une expérience hors du commun, malgré le prix payé de la souffrance psychique. Les années passent et elle finit par comprendre que pour s'en sortir, au sens propre comme au sens figuré, il va falloir qu'elle admette qu'ils ne partagent pas les mêmes valeurs. Elle va réaliser qu'il lui ment, donc qu'il triche et qu'elle n'a que cette solution pour le piéger à son tour et se libérer. Autrement dit qu'elle ne pourra se sauver qu'en usant de la ruse. Le renversement d'opinion s'accorde parfaitement avec le titre (twist) qui fait écho au prénom de la fillette (Madison).
Les pages du journal tenu par la jeune fille alternent avec des lettres fictives, écrites par la mère, totalement bouleversante : j'ai pas besoin de pilules, j'ai besoin de toi. Ou encore (p. 12) j'essaie de m'intéresser aux toutes petites choses pour moins penser aux grandes. On lit aussi le récit d'un ami écrit a posteriori. On aimerait tant qu'à faire connaitre aussi le point de vue du ravisseur mais on n'apprendra rien de lui ni de ses motivations, comme si ce n'était pas le sujet. La fin du livre demeure assez énigmatique même si on devine qu'il n'y a pas de totale happy end.
Le roman évite l'écueil de la sensiblerie. Le ton est juste. Les personnages sont attachants et on ne se pose pas la question de savoir si c'est vrai ou vraisemblable. Pas plus qu'on ne s'était demandé si No avait vraiment existé (cf. No et moi de Delphine Le Vigan, un livre qui appartient à la même veine).
L'accordeur de pianos de Pascal Mercier, chez Meta-Editions s'ouvre sur trois citations qui résonnent comme trois petites notes de musique prometteuses. Après, c'est plus difficile. Nous étions prévenus : il fallait passer le cap des 100 premières pages. C'est vrai qu'il faut se concentrer pour entrer dans la narration et qu'on se dit à plusieurs reprises qu'il serait temps qu'on y voit un peu plus clair. Malgré ma bonne volonté j'ai été distraite de cet effort par un bouquin d'un nouveau genre : un bio-roman, qui arrivait au bon moment pour me divertir. Trop de mauvaises nouvelles m'avaient donné le bourdon (comme disait ma grand-mère) et entamaient mon capital de bonne humeur. Je n'ai pas renoncé à l'ouvrage de Pascal Mercier mais ai juste différé la suite.
La cellulite, c'est comme la mafia, ça n'existe pas, de Pulsatilla, publié au Diable Vauvert, a provoqué des éclats de rire à répétition dès les premières pages. Impossible dans ces conditions de refermer le livre. C'est le genre d'ouvrage que vous n'avez même pas envie de lâcher le temps de monter un escalier malgré le risque encouru. S'il faut le catégoriser je dirais que c'est une sorte de version italienne du Journal de Bridget Jones dans une écriture plus fluide et davantage imagée, libre de toute censure. Plus efficace pour vous remonter le moral qu'une boite entière de Prozac, et beaucoup moins dangereux pour votre santé. Pour vous en convaincre, écoutez l'auteur parler de son travail d'écriture ici.
Après cela on peut envisager d'entamer le Soldat et le gramophone de Sasa Stanisic dont Laurent Ruquier, dithyrambique, se plaignait avec humour sur Europe 1 qu'il allait falloir s'entrainer à prononcer le nom (Sacha Stanichitch) parce qu'il va devenir forcément un auteur qui va compter.
Vivifiant, intelligent, ce premier roman est salué par tout le monde à juste titre.
1 commentaire:
L'histoire d'Iles est enfin en ligne. Merci pour ta participation
http://framboisecuisine.blogspot.com/2008/10/histoire-diles-la-rcap.html
A bientôt-Bon week-end
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