J'avais décidé d'attaquer les romans de la rentrée littéraire, non plus celle de septembre 2009, mais la nouvelle de janvier 2010 en commençant par le Grand loin parce que j'avais beaucoup aimé l'humour décapant de Lune captive dans un œil mort dont l'adaptation cinématographique était en chantier. Et puis je m'étais trompée de livre en prenant la Théorie du panda.
Ce roman m'avait tout autant réjouie. J'allais écrire un billet enthousiaste quand, voulant vérifier quelques informations sur l'auteur, je tombe sur une manchette étonnante : Pascal Garnier a rejoint le grand loin.
J'ai mis quelque temps à comprendre que cette nouveauté de la rentrée serait le dernier de ses romans noirs emballés dans du papier de soie rose. J'ai regretté de n'avoir pas lu plus vite, de n'avoir pas écrit plus rapidement. N'étant plus à quelques jours près j'ai lu le dernier livre et puis Chambre 12 dans la foulée ... et sans doute avec un autre regard.
Commençons par celui-ci, écrit en 2000 et paru chez Flammarion, qui s'ouvre sur une double citation prémonitoire : "C'est l'histoire d'un mec, il meurt" Libé, puis celle-ci page suivante "A la nôtre! ..." C'est l'histoire de Charles, 55 ans, qui subit les ravages d'une santé déclinante et que l'on sent proche d'être englouti par une catastrophe naturelle.
Un fond dépressif imprègne le récit tout entier. De la naissance ou de la mort on se demande vite quelle est la pire fatalité. Si le héros marche à coté de ses pompes depuis la prime enfance c'est sans doute qu'il n'est jamais revenu de ses premiers pas (p.14). Les dés sont jetés sur une route qui ne sera pas vue autrement que faite de pavés glissants. Çà ne s'attrape pas facilement le bonheur (p.78) et ni Arlette, ni les copains, ni la gentillesse de la patronne, ni gagner au Loto n'y changeront quelque chose. Il se sent l'éternel figurant d'un film dont le scénario ne varie pas d'une ligne (p. 115)
Dans la Théorie du Panda, parue en 2008 chez Zulma, Charles, rebaptisé Gabriel, n'est pas davantage un ange. Il navigue lui aussi entre un hôtel et un café. Le Balto est devenu le Faro. L'hôtel du Grand vals annonce le futur Grand loin. Les rencontres sont similaires. Il y a toujours un anniversaire à fêter. Un bord de mer où le héros finit sa course. Les personnages sont en fuite permanente d'un passé douloureux et houleux et le dénouement n'est jamais moins noir. L'idée sous-jacente est que si on s'arrête on mourra mais inversement on peut s'épuiser à force de courir.
Pascal Garnier n'est pas un joyeux. Il est obnubilé par le temps qui passe et par l'issue fatale. Mais il a des formules si belles qu'on aurait bien supporté de tourner les pages d'une vingtaine d'autres romans, au moins. J'en veux pour preuve : s'installer dans une conversation comme on ouvre un livre au hasard, gratter le globe (jardiner), les raies anorexiques (cerfs-volants), le temps se compte en évènements, pas en années ... le paysage est supposé, on n'est pas obligé d'y croire ... Il fait de belles références littéraires (le Journal d'une femme de chambre, Ainsi parlait Zarathoustra), cinématographiques (les vacances de Monsieur Hulot, avec l'hôtel de la plage de Saint Marc sur mer) ou musicales (Gainsbourg, Bashung) qui vont au-delà de la simple citation.
Il vivait (lui aussi) en Ardèche et écrivait (aussi) pour la jeunesse. Il était également peintre. Il appartient à cette catégorie d'auteurs qui donne vie au néant, qui décrit les petits riens qui font tout, qui pourrait vous convaincre que le carré blanc sur fond blanc de Malevitch recèle plus de paysages que n'importe quel Cézanne.
Avec le Grand loin Pascal Garnier, alias Marc, met en scène un "jeune" retraité accompagné d'une Chloé encore active et plutôt très sympathique. Malgré son état dépressif il semble faire quelques efforts pour la satisfaire et garder la tête hors de l'eau. La gratinée à l'oignon n'est pas une solution. Plutôt foutre le camp pour échapper, mais sans succès ... tant au passé dont le souvenir craque comme file un bas, qu'au futur avec lequel la collision est inévitable.
Mourir n'est pas un projet immédiat, mais allez savoir ... En fait de bout du monde Marc échouera au Touquet. Pascal Garnier est toujours mordant mais il m'a semblé grincer un ton en-dessous, nettement, comme s'il avait déjà baissé le son.
Les éditions Zulma consacrent un chapitre à Pascal Garnier. On peut notamment y lire la biographie de l'écrivain par lui-même, dans le style acide et tendre à la fois qui lui était si particulier. Il avait reçu le grand prix de l'humour en 2006.
Ce roman m'avait tout autant réjouie. J'allais écrire un billet enthousiaste quand, voulant vérifier quelques informations sur l'auteur, je tombe sur une manchette étonnante : Pascal Garnier a rejoint le grand loin.
J'ai mis quelque temps à comprendre que cette nouveauté de la rentrée serait le dernier de ses romans noirs emballés dans du papier de soie rose. J'ai regretté de n'avoir pas lu plus vite, de n'avoir pas écrit plus rapidement. N'étant plus à quelques jours près j'ai lu le dernier livre et puis Chambre 12 dans la foulée ... et sans doute avec un autre regard.
Commençons par celui-ci, écrit en 2000 et paru chez Flammarion, qui s'ouvre sur une double citation prémonitoire : "C'est l'histoire d'un mec, il meurt" Libé, puis celle-ci page suivante "A la nôtre! ..." C'est l'histoire de Charles, 55 ans, qui subit les ravages d'une santé déclinante et que l'on sent proche d'être englouti par une catastrophe naturelle.
Un fond dépressif imprègne le récit tout entier. De la naissance ou de la mort on se demande vite quelle est la pire fatalité. Si le héros marche à coté de ses pompes depuis la prime enfance c'est sans doute qu'il n'est jamais revenu de ses premiers pas (p.14). Les dés sont jetés sur une route qui ne sera pas vue autrement que faite de pavés glissants. Çà ne s'attrape pas facilement le bonheur (p.78) et ni Arlette, ni les copains, ni la gentillesse de la patronne, ni gagner au Loto n'y changeront quelque chose. Il se sent l'éternel figurant d'un film dont le scénario ne varie pas d'une ligne (p. 115)
Dans la Théorie du Panda, parue en 2008 chez Zulma, Charles, rebaptisé Gabriel, n'est pas davantage un ange. Il navigue lui aussi entre un hôtel et un café. Le Balto est devenu le Faro. L'hôtel du Grand vals annonce le futur Grand loin. Les rencontres sont similaires. Il y a toujours un anniversaire à fêter. Un bord de mer où le héros finit sa course. Les personnages sont en fuite permanente d'un passé douloureux et houleux et le dénouement n'est jamais moins noir. L'idée sous-jacente est que si on s'arrête on mourra mais inversement on peut s'épuiser à force de courir.
Pascal Garnier n'est pas un joyeux. Il est obnubilé par le temps qui passe et par l'issue fatale. Mais il a des formules si belles qu'on aurait bien supporté de tourner les pages d'une vingtaine d'autres romans, au moins. J'en veux pour preuve : s'installer dans une conversation comme on ouvre un livre au hasard, gratter le globe (jardiner), les raies anorexiques (cerfs-volants), le temps se compte en évènements, pas en années ... le paysage est supposé, on n'est pas obligé d'y croire ... Il fait de belles références littéraires (le Journal d'une femme de chambre, Ainsi parlait Zarathoustra), cinématographiques (les vacances de Monsieur Hulot, avec l'hôtel de la plage de Saint Marc sur mer) ou musicales (Gainsbourg, Bashung) qui vont au-delà de la simple citation.
Il vivait (lui aussi) en Ardèche et écrivait (aussi) pour la jeunesse. Il était également peintre. Il appartient à cette catégorie d'auteurs qui donne vie au néant, qui décrit les petits riens qui font tout, qui pourrait vous convaincre que le carré blanc sur fond blanc de Malevitch recèle plus de paysages que n'importe quel Cézanne.
Avec le Grand loin Pascal Garnier, alias Marc, met en scène un "jeune" retraité accompagné d'une Chloé encore active et plutôt très sympathique. Malgré son état dépressif il semble faire quelques efforts pour la satisfaire et garder la tête hors de l'eau. La gratinée à l'oignon n'est pas une solution. Plutôt foutre le camp pour échapper, mais sans succès ... tant au passé dont le souvenir craque comme file un bas, qu'au futur avec lequel la collision est inévitable.
Mourir n'est pas un projet immédiat, mais allez savoir ... En fait de bout du monde Marc échouera au Touquet. Pascal Garnier est toujours mordant mais il m'a semblé grincer un ton en-dessous, nettement, comme s'il avait déjà baissé le son.
Les éditions Zulma consacrent un chapitre à Pascal Garnier. On peut notamment y lire la biographie de l'écrivain par lui-même, dans le style acide et tendre à la fois qui lui était si particulier. Il avait reçu le grand prix de l'humour en 2006.
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