Guy Pierre Couleau, directeur depuis juillet 2008 de la Comédie de l'Est -Centre dramatique régional d'Alsace à Colmar- a choisi de monter deux pièces de John Millington Synge qui est devenu son auteur de prédilection depuis que le Baladin du monde occidental a été unanimement salué par la profession.
Après la création à Colmar la troupe s'installe à Antony (92) pour une quinzaine de jours, bien décidée à faire vibrer le théâtre à un rythme irlandais, entendez "effréné et joyeux". Le public qui connait bien le metteur en scène, régulièrement invité à le surprendre, a été conquis dès la première représentation dont je reviens à l'instant.
Les deux pièces qui nous sont données à voir ont rarement été jouées en France et on a beau aimer Shakespeare ou Marivaux cela fait grand bien de découvrir des textes que l'on ne connait pas.
J'avais des réserves sur la scénographie, sur le thème, sur la traduction ... mais j'étais prête à quitter le campement de mes a priori. La présentation que Guillaume Clayssen, assistant à la mise en scène, et René Agostini, spécialiste de littérature irlandaise, avait faite samedi dernier à la médiathèque (et dont je rendrai compte ultérieurement) avait ébranlé mes convictions. Je continuais à craindre qu'il soit difficile de percevoir tout l'intérêt des dialogues et je pensais que les séquences de théâtre d'ombres collaient étrangement à la mode actuelle.
Mea culpa, mea culpa. C'était extra.
Le décor symbolise la croisée des chemins, métaphore de l'instant où tout peut basculer. Les ombres évoquent les croyances druistiques qui nourrissent l'imaginaire irlandais. La musique (originale) semble familière, tour à tour enjouée et mélancolique, donnant envie de claquer des doigts ou des cuillères (pendant les Noces) ou de taper des talons comme les danseurs de Riverdance (pendant la Fontaine)
Les costumes sont déjà marqués par le fardeau des années. La traduction de Françoise Morvan est incroyablement fidèle et suggestive. Les acteurs sont prodigieux. Les ingrédients sont réunis pour passer une belle soirée.
Une première partie menée à un rythme d'enfer avec les Noces du rétameur
Sarah Casey s'est mis en tête de se marier avec Michael Byrne et de faire bénir l'union par un prêtre, ce qui est loin d'aller de soi. Pour qui connait l'obstination farouche des rétameurs à vivre selon le rite gitan, en dehors de la norme et des contraintes sociales cette volonté relève de l'aberration.
Une énergie folle circule sur le plateau étroit comme une bande de terre. On y marche à grandes enjambées. On y court. On s'empoigne. On y danse la gigue. On se laisse tomber dans la terre quand on est au bord de l'épuisement. On ne s'assoit jamais : on s'accroupit pour être toujours prêt à se dresser comme un ressort.
Une joyeuse pause-dîner
Le foyer du théâtre a été transformé en taverne irlandaise. On s'installe à de grandes tables de ferme pour boire une Kilkenny et déguster un irish stew tout en écoutant un orchestre infatigable.
Une seconde partie plus chorale avec la Fontaine au saint
C'est une histoire simple et merveilleuse qui démarre comme un rêve avant de virer au cauchemar.
Un couple d'aveugles traverse la scène comme ils ont traversé leur vie, dans un amour fusionnel, en sublimant leur handicap et en partageant une même richesse intérieure : il y a un grand savoir dans l'aveuglement de nos yeux.
Ils passent de belles heures avec de belles histoires à dire. jusqu'à ce qu'un jour, alors qu'ils ne demandaient pas à y voir, un saint arrive au village avec une eau miraculeuse qui pourrait leur rendre la vue. La proposition est aimable et sans contrepartie. La pression sociale contraint les deux aveugles à accepter.
On les disait beaux. Ils le croyaient. Ils se découvrent d'une laideur extrême. Leur clairvoyance s'exprime avec humour : qu'est-ce que vous venez là nous rompre le répit ?
Le mal est fait. Ils ne se supportent plus et se séparent. Une réalité épouvantable va bientôt les accabler , à commencer par l'obligation de travailler.
De belles questions d'humanité
Les deux pièces interrogent sur la violence accompagnant l'assimilation, sur la notion de handicap et de différence, sur le bonheur, sur la règle, sur l'expression des émotions.
On finit par se laisser infiltrer par la syntaxe particulière des répliques et à se mettre soi-même à parler comme Synge écrit : ce qui pour sur est vérité c'est qu'on se pense le spectacle facile à plaire à vous autres si vous êtes pareil comme moi et que cela vous mènera grand bien de le voir.
(évidemment faudrait que vous puissiez l'entendre avec le ton). Plaisir garanti !
Après la création à Colmar la troupe s'installe à Antony (92) pour une quinzaine de jours, bien décidée à faire vibrer le théâtre à un rythme irlandais, entendez "effréné et joyeux". Le public qui connait bien le metteur en scène, régulièrement invité à le surprendre, a été conquis dès la première représentation dont je reviens à l'instant.
Les deux pièces qui nous sont données à voir ont rarement été jouées en France et on a beau aimer Shakespeare ou Marivaux cela fait grand bien de découvrir des textes que l'on ne connait pas.
J'avais des réserves sur la scénographie, sur le thème, sur la traduction ... mais j'étais prête à quitter le campement de mes a priori. La présentation que Guillaume Clayssen, assistant à la mise en scène, et René Agostini, spécialiste de littérature irlandaise, avait faite samedi dernier à la médiathèque (et dont je rendrai compte ultérieurement) avait ébranlé mes convictions. Je continuais à craindre qu'il soit difficile de percevoir tout l'intérêt des dialogues et je pensais que les séquences de théâtre d'ombres collaient étrangement à la mode actuelle.
Mea culpa, mea culpa. C'était extra.
Le décor symbolise la croisée des chemins, métaphore de l'instant où tout peut basculer. Les ombres évoquent les croyances druistiques qui nourrissent l'imaginaire irlandais. La musique (originale) semble familière, tour à tour enjouée et mélancolique, donnant envie de claquer des doigts ou des cuillères (pendant les Noces) ou de taper des talons comme les danseurs de Riverdance (pendant la Fontaine)
Les costumes sont déjà marqués par le fardeau des années. La traduction de Françoise Morvan est incroyablement fidèle et suggestive. Les acteurs sont prodigieux. Les ingrédients sont réunis pour passer une belle soirée.
Une première partie menée à un rythme d'enfer avec les Noces du rétameur
Sarah Casey s'est mis en tête de se marier avec Michael Byrne et de faire bénir l'union par un prêtre, ce qui est loin d'aller de soi. Pour qui connait l'obstination farouche des rétameurs à vivre selon le rite gitan, en dehors de la norme et des contraintes sociales cette volonté relève de l'aberration.
Une énergie folle circule sur le plateau étroit comme une bande de terre. On y marche à grandes enjambées. On y court. On s'empoigne. On y danse la gigue. On se laisse tomber dans la terre quand on est au bord de l'épuisement. On ne s'assoit jamais : on s'accroupit pour être toujours prêt à se dresser comme un ressort.
Une joyeuse pause-dîner
Le foyer du théâtre a été transformé en taverne irlandaise. On s'installe à de grandes tables de ferme pour boire une Kilkenny et déguster un irish stew tout en écoutant un orchestre infatigable.
Une seconde partie plus chorale avec la Fontaine au saint
C'est une histoire simple et merveilleuse qui démarre comme un rêve avant de virer au cauchemar.
Un couple d'aveugles traverse la scène comme ils ont traversé leur vie, dans un amour fusionnel, en sublimant leur handicap et en partageant une même richesse intérieure : il y a un grand savoir dans l'aveuglement de nos yeux.
Ils passent de belles heures avec de belles histoires à dire. jusqu'à ce qu'un jour, alors qu'ils ne demandaient pas à y voir, un saint arrive au village avec une eau miraculeuse qui pourrait leur rendre la vue. La proposition est aimable et sans contrepartie. La pression sociale contraint les deux aveugles à accepter.
On les disait beaux. Ils le croyaient. Ils se découvrent d'une laideur extrême. Leur clairvoyance s'exprime avec humour : qu'est-ce que vous venez là nous rompre le répit ?
Le mal est fait. Ils ne se supportent plus et se séparent. Une réalité épouvantable va bientôt les accabler , à commencer par l'obligation de travailler.
De belles questions d'humanité
Les deux pièces interrogent sur la violence accompagnant l'assimilation, sur la notion de handicap et de différence, sur le bonheur, sur la règle, sur l'expression des émotions.
On finit par se laisser infiltrer par la syntaxe particulière des répliques et à se mettre soi-même à parler comme Synge écrit : ce qui pour sur est vérité c'est qu'on se pense le spectacle facile à plaire à vous autres si vous êtes pareil comme moi et que cela vous mènera grand bien de le voir.
(évidemment faudrait que vous puissiez l'entendre avec le ton). Plaisir garanti !
Deux pièces de John Millington Synge, Texte français Françoise Morvan
Mise en scène Guy Pierre Couleau
Interprètes Les noces du rétameur
Xavier Chevereau Pascal Durozier
Flore Lefebvre des Noëttes Carolina Pecheny
Interprètes La fontaine aux saints
Xavier Chevereau, Pascal Durozier
Flore Lefebvre des Noëttes, Anne Mauberret
Philippe Mercier, Carolina Pecheny
Collaborateur artistique à la mise en scène Guillaume Clayssen
Scénographie Raymond Sarti, Costumes Laurianne Scimemi
Lumières Laurent Schneegans
Jusqu'au dimanche 28 mars 2010
Pour tout savoir des spectacles de la Scène conventionnée d'Antony-Châtenay : 01 41 87 20 84
et www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
Les photos non mentionnées A bride abattue sont de Christophe Urbain
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