Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 20 novembre 2020

Le Poirier oléronais

Il existe la tarte Bourdaloue, fameuse dans la pâtisserie de la rue éponyme qui se faufile derrière Notre Dame de Lorette. Et il y a celle-ci ... sur pâte feuilletée, avec des noisettes concassées à la place de l’amande. Sans rhum mais elle sera inoubliable. Je la publie ici pour qu'elle demeure facilement accessible après l'avoir postée sur la page Facebook de A bride abattue.

Je rappellerai pour commencer le contexte de la situation avec un confinement qui ne me motive pas beaucoup à mettre à jour le blog. A quoi bon parler de spectacles qui sont inaccessibles en ce moment ?

Par contre vous donner mes meilleures recettes… oui. Il y aura bientôt ma manière de cuisiner les seiches (quel régal !) mais avant, et ici même voici la tarte Poirier (en attendant un meilleur nom). C'est un peu long mais vous allez en connaître toute l’histoire.

Il y a l’amandine, je veux parler de la tarte amandine, qui est au centre d’une célèbre scène de Cyrano de Bergerac. Il y a évidemment la Bourdaloue, du nom de la rue où pâtissait un homme qui immortalisa la fameuse recette. Il y a la version de Mercotte … et puis il y a le principe de réalité qui, en plein second confinement et malgré l’autorisation d’aller faire ses courses n’importe où, limite tout de même les approvisionnements.

Je n’étais pas chez moi (ceux qui me suivent sur les réseaux savent que je me trouve à Oléron) et n’avais pas à disposition les ingrédients soit-disant fondamentaux pour réaliser une tarte aux poires digne d'être présentée au jury du Meilleur Pâtissier. Je n’en avais d’ailleurs pas la moindre envie. Juste celle de faire un bon dessert.

Aucun des codes ne fut respecté. Une pâte feuilletée remplaça la traditionnelle pâte sablée. J’ajoutai de la crème fraîche à la préparation. J’eus un mal fou à obtenir un beurre pommade (car la température de la maison, voisine de 16 degrés ne s’y prêtait absolument pas, et je ne pouvais pas décemment utiliser le micro-ondes car il aurait fondu complètement la matière grasse). Je dus ruser en l’écrasant dans un petit bol au-dessus d’une casserole d’eau bouillante. Je n’avais pas la moindre goutte de rhum, ni aucun autre alcool.

J’avais acheté des poires "en solde" dans l’unique boutique du village et il n’y en avait pas deux de la même variété mais elles étaient toutes mûres à point, me permettant d’espérer pouvoir zapper l’étape d’un pochage préalable dans un sirop vanillé pendant 45 minutes. Car quand on est confiné en bord de mer on a d’autres centres d’intérêt que d’être bloquée en cuisine pendant des heures. Les photos qui ponctuent certains paragraphes parlent d'elles-mêmes.

Il est essentiel de maintenir sa forme et de faire quotidiennement les 10 000 pas recommandés par les médecins. Difficile de résister au spectacle d’un coucher de soleil couleur corail au-dessus de la pinède, ou doré au-dessus des vagues, aux envols de bécasses depuis les marais, à la recherche de coulemelles dans les sous-bois.

Sans parler du ramassage des pommes de pin pour démarrer le feu dans la cheminée. Bref, dans un tel contexte on essaie de faire une cuisine simple, sans sacrifier le goût tant qu’à faire.

Je n’avais pas davantage de sucre glace (dont j’évite d’ailleurs l’usage car, à poids égal, sa teneur en sucre est phénoménale). Et surtout je n’avais pas sous la main de poudre d’amande, et au final pas vraiment l’intention d’en chercher parce que je ne voulais pas d’un résultat proche d’une frangipane de type galette des rois, qui serait fade sans rhum, et pâteuse sous des fruits susceptibles de rendre de l’eau à la cuisson.

Par contre j’avais trouvé quelques jours plus tôt un sachet de 200 grammes de noisettes hachées et grillées (chez Lidl pour ne pas le nommer) et il y avait dans le placard, non pas de la fécule de pomme de terre mais de la maïzena.

Tout ceci étant dit, voilà comment j’ai procédé pour un résultat qui fut, je peux le clamer, exceptionnel. A tel point qu’il a fallu donner un nom à cette création qui mérite d’être rééditée.

Pour 6 à 8 personnes (mais on a failli la manger toute entière à deux)

Une pâte feuilletée
4 poires très mûres

Pour la crème : 150 grammes de sucre en poudre, 3 œufs entiers, 100 grammes de beurre pommade, 2 grosses cuillerées à soupe de maïzena, 100 grammes de noisettes hachées et grillées (un demi-sachet de 200 grammes) et une grosse cuillerée à soupe de crème fraîche.

J’ai mélangé les ingrédients de la crème dans l’ordre ci-dessus en battant à la fourchette et ai versé sur la pâte préalablement piquée à la fourchette.

J’ai disposé les demi-poires épluchées sur la préparation sans trop les enfoncer puis les ai tranchées dans le sens de la largeur avec la pointe d’un couteau.

J’ai enfourné à 200° pour 25 minutes.

Nous avons dégusté à la sortie du four. La sensation de fondant des fruits et de croquant des noisettes est absolument fabuleuse. Difficile de résister à se resservir.
Pour les puristes et passionnés de pâtisserie j'ajouterai que ce nom "Bourdaloue" semble d'abord avoir désigné un entremets aux amandes. Ce serait un pâtissier du nom de Nicolas Bourgoine qui aurait inventé le premier un gâteau à base d'amandes pilées, de sucre, d'œufs, de fécule, cuit puis glacé au kirsch. Il fut appelé le Bourdaloue car la pâtisserie où il oeuvrait, et qui s'appelait Lesserteur, était installée au début des années 1850 au 7 de la rue Bourdaloue, dans le 9e arrondissement de Paris.

Dix ans plus tard, le pâtissier Fasquelle déménage du 75 rue du Four-Saint-Germain pour succéder à Lesserteur rue Bourdaloue. C'est à lui que certaines sources attribuent la création d'un entremets Bourdaloue. Mais les recettes sont très variables. Selon les uns il s'agirait d'un gâteau aux amandes fourré de frangipane au kirsch et glacé avec une glace au chocolat ; pour d'autres d'un dessert aux fruits, tantôt des poires, tantôt des pommes ou encore des abricot. Le seul point commun est l'utilisation d'un appareil à base d'amandes hachées. Le Larousse gastronomique le décrit quant à lui comme "composé de demi-poires Williams pochées, noyées dans une crème frangipane vanillée, recouvertes de macarons écrasés, et glacées au four". Sa déclinaison sous forme de tarte serait plus tardive.

1 commentaire:

Noctenbule a dit…

Plus de théâtre mais du numérique,il faut malheureusement s'en contenter et ce encore pendant plusieurs mois.
Merci du partage de la recette. Et avec l'arrivée du troisième confinement, il va falloir aimer vraiment cuisiner :)

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)