Quelques jours après l'émouvant Sono io ? je retourne le Circus Ronaldo pour un spectacle combinant tous les arts du cirque avec le théâtre.
Da Capo c’est une formule qui en musique signifie "reprendre au début". C’est le cheminement qu’a suivi Danny Ronaldo pour raconter l’histoire d’une dynastie de circassiens où certes, toutes les spécialités sont maîtrisées mais pour qui le théâtre et la musique sont terriblement importants.
Le résultat est éblouissant, foisonnant et surtout extrêmement joyeux sous la toile du chapiteau tendue comme un ciel bleu.
Danny arrive et commence par installer précautionneusement la doyenne de la troupe, sa maman Maria Van Vlasselaer, au premier rang avant de s’adresser au public en italien … et pourtant il est belge, et je me rendrai compte plus tard qu'il parle parfaitement notre langue. Il nous promet un "momento exceptional" en nous faisant comprendre qu'ils sont tous très honorés de présenter l'histoire du Cirque Ronaldo.
Cette histoire de famille va se dérouler sur sept générations en prenant la forme d'une grande parade, au cours de laquelle seize artistes de tous âges vont envahir la piste, et nous faire traverser les siècles pour parcourir l’histoire réinventée de 180 années de cirque et de partage. Jonglage, acrobaties sur fil, mime, artisanat, trompette, tuba et rock’n’roll seront au rendez-vous pour nous émerveiller et nous faire vivre un grand spectacle comme une célébration.
Ça commence avec l’entrée fracassante d’une 4 L rutilante. Nous sommes en 1971 et une dispute s’ensuit parce que tout a commencé bien plus tôt, à Gand en 1842, lorsque d’Adolf Peter Van den Bergh, un tout jeune garçon de quinze ans fugua pour rejoindre un cirque allemand comme palefrenier avant de tomber amoureux d’une comédienne de commedia dell’arte et plus tard de devenir cavalier acrobate.
Evidemment les lampes posées au sol comme des bougies sont emblématiques de la période. Tout comme les tréteaux du cirque ambulant d’autrefois sur lesquels s’ébattent Pierrot, Colombine et bien entendu Arlequin, dans la pure tradition de la pantomime. C’est une jolie idée de simuler le jeu des artistes derrière le rideau, situant de facto le public dans la position d’être installé dans les coulisses. Les rires enregistrés confortent cette impression.
On apprécie aussi de voir porté l’antique costume de clown qui était revêtu dans le Circus Wulff.
Nous ne serons pas à cheval sur les dates. Nous aurons compris que Danny situe la naissance du cirque contemporain de ses parents, donc en 1971, alors que son frère est plus rigoureux et impose qu’on remonte aux origines. Chacun cherche à imposer la pancarte comportant la date revendiquée plus haut que l‘autre. Nous concentrerons notre regard sur les performances dont certaines sont époustouflantes.et s’enchaînent avec virtuosité. Et nous dirigerons nos oreilles vers les musiciens qui jouent chacun de plusieurs instruments.
J’ai été éblouie par l’orchestre des cuivres menée par un géant dressé sur des échasses et un cracheur de feu, entraînant le bonimenteur et la petiote de la dernière génération en tutu.
J’ai adoré l’apparition du cheval articulé dirigé par deux hommes qui le font vivre comme un véritable animal qui va être dompté comme le ferait un torero dans une arène.
Ils sont capables d'exécuter des numéros sur une scène minuscule où la pitchoune minuscule devient jongleuse. Ta-ta-ta-ta … on nous fait chanter la marche nuptiale devient Mendelssohn fort à propos après nous avoir fait assister en « live » au fameux coup de foudre des ancêtres. Le chariot se. transforme en table de banquet et la musique prend des accents de musique tzigane.
Je n’avais jamais vu une ballerine faire des pointes sur des verres et des bouteilles. Quel numéro ! Sans doute un de ceux qui étaient pratiqués autrefois et qui ont disparu du répertoire. Et quel humour de nous montrer l’envers du décor en nous initiant aux bruitages avec la machine pour faire le vent, le bâton de pluie version XXL pour faire entendre le bruit des vagues, et la plaque de métal qui, secouée, résonnera comme le tonnerre.
On devine que l’électricité est inventée et plusieurs spectateurs sont invités à venir s’asseoir sur des bancs vite disposés sur la piste devant une scène improvisée, brutalement interrompue par une alerte aérienne, annonçant la guerre tandis que sonnent les cloches de l’église.
En cette période de pénurie il est légitime de nous offrir un ultra-simple numéro de marionnette avec juste un poupon manipulé par Danny sur le dessus de son pied avec une canne évoquant celle de Charlot.
On ressent combien le cirque empreinte au cinéma, y compris au muet et au noir et blanc, en réponse aux emprunts que le cinéma lui a fait dans les années précédentes. Et comme l’histoire avec un H majuscule se déroule simultanément on n’est pas surpris de voir les évocations d’épisodes qui ont marqué nos propres parents comme la libération de la France par les soldats américains débarquant sur un vrai Dodge WC 54 dont la taille est impressionnante et sur lequel les numéros de cirque réussissent à prendre appui.
Les circassiens étant aussi musiciens c’aurait été une grave erreur d’oublier le boogie-woogie, si proche du jazz et si populaire dans les années 30-40 tout comme le hula-hop qui est prétexte à nous montrer des numéros impressionnants, y compris en jonglage avec des massues en duo, puis en trio en débordant d’énergie.
Suivra un moment de nouvelle sollicitation du public en l’invitant à danser le rock sur l’air de Johnny Be Good de Chuck Berry et avec plus de calme ensuite sur Love me tender avant que la 4L revienne, puisque nous sommes arrivés aux années 70.
Le Boléro de Ravel accompagnera un numéro classique le magie. La jeune femme grimpe l’escabeau en posant les pieds sur les lames des sabres sous le regard et l’encouragement de l’aïeule qui a quitté son fauteuil du premier rang. Le numéro de lasso du cow-boy tranchant en deux la double page du papier journal, puis la simple feuille, puis le quart de feuille et un morceau encore plus petit mais cette fois par la femme … donc plus forte que son compagnon.
Tout cet ensemble est déjà éblouissant et ce n’est pourtant pas terminé. Voici les années 80 avec un numéro proche du transformisme, des cerceaux, des cordes, mais aussi le clown blanc qui s’oppose à son compère au nez rouge autour de la traditionnelle bagarre des tartes à la crème. Avec la différence que dans cette version le clown blanc, théoriquement toujours préservé, est ridiculisé en prenant la tarte sur le visage.
J’ai moins compris la justification du passage du convoi funèbre, signifiant peut-être la fin d’une forme de cirque traditionnel remplacé par ce qu’on a appelé le « nouveau cirque ». Suivra un beau numéro de trapèze mou, avant celui plus baroque avec un rouleau et le cracheur de feu pour finit par l’homme canon avant de finir dans une forme d’apothéose un peu foutraque. Avec toujours l’omniprésence de la musique.
A la toute fin ne restera sur la scène que les accessoires du spectacle, et singulièrement le cheval de bois. On quitte le chapiteau après des applaudissements nourris, le coeur empli de tant d’images.
On remarque qu’en fait rien n’est vraiment fini puisque la famille nous attend derrière le rideau pour un ultime sourire.
Da Capo, Conception et mise en scène Danny Ronaldo
Interprétation Danny Ronaldo, David Ronaldo, Nanosh Ronaldo, Pepijn Ronaldo, Angelo Ronaldo, Adanya Ronaldo, Karel Creemers, Corneel Didier, Rachel Ponsonby, Marie Parrinet, Elisa Cheryl Vizioli, Brechje De Ruysscher, Maria Ronaldo, Frauke Verreyde, Flor Huybens, Niko Heremans
Technique Flor Huybens, Niko Heremans
Mise en scène finale Frank Van Laecke
Création sonore David Van Keer, Steven Pringels, Pepijn Ronaldo, Rachel Ponsonby
Mise en scène finale Frank Van Laecke
Création sonore David Van Keer, Steven Pringels, Pepijn Ronaldo, Rachel Ponsonby
Du 6 au 15 décembre 2024 à 15, 18 ou 20 h 30 selon les jours
A l'Espace cirque d’Antony rue Georges Suant à Antony (92) avant de poursuivre la tournée
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