
En Hidalgo un proverbe prévient que tout ce qui court, traine ou vole part à la casserole, ce qui explique que cet Etat possède la cuisine la plus identitaire de tout le Mexique.
Lorsqu’on échange avec les cuisinières traditionnelles de la région, elles racontent que cette philosophie de consommer tout ce que la nature offre remonte à l'époque préhispanique, une période où l'esthétique des plats importait peu. Cependant cet aspect est totalement satisfait aujourd'hui par la disposition artistique de quelques fleurs.

Je rappelle qu'elle a remporté la première place du concours national de cuisine "Le goût de la patrie" (Así sabe la patria), auquel participaient 300 autres cuisinières, avec son "lapin au four garni de fleurs sauvages, enveloppé dans des feuilles d'agave, sauce de figues de Barbarie rouges" en 2022. On a du mal à se l'imaginer mais la manifestation a présenté cette année 1400 plats différents. Le Festival de cuisine pré-hispanique se déroule la première semaine d'avril à Santiago de Anaya (à 133 km au nord de Mexico) et il est unique au Mexique.
Cette femme remarquable est une cuisinière traditionnelle qui a l'envergure d'une chef et c'est un honneur de la rencontrer.
Il est admirable qu'elle parvienne encore à vivre dans les traditions de sa région et de pouvoir ainsi en être la garante. Elle a appris à cuisiner dès l'âge de 8 ans, obligée par les circonstances de faire la cuisine pour ses 12 frères et soeurs. Malgré un sol de terre, sans table ni chaise et très peu d'ustensiles, concentré essentiellement sur le métate (une large pierre incurvée sur laquelle écraser les aliments au rouleau), elle cuisine toujours ce que sa mère trouvait dans la nature, vers, insectes, oeufs de fourmi, champignons, herbes, fleurs, qu'elle conserve déshydratées pour en disposer toute l'année. Du coup elle ne rencontra aucun souci d'approvisionnement pendant la pandémie puisqu'elle s'est affranchie du commerce depuis toujours.
Elle a eu la gentillesse de s'exprimer dans sa langue maternelle, l'ottomi, qui est la langue de l'amour. La conserver vivante est essentiel en ce moment où le gouvernement mexicain commence à donner leur place aux populations indiennes. Ceux qui ne connaissent pas le Mexique pourront à tors estimer que par exemple le port de vêtements traditionnels est un geste touristique. pourtant lorsqu'on y séjourne on constate que c'est encore tout à fait normal de le faire. Les broderies sont partout, sur les blouses, les robes, les serviettes et les nappes. Elles sont belles, très colorées et faciles à entretenir. Elles participent au régla des yeux.
Les insectes sont des aliments dont la consommation est très banale au Mexique depuis des milliers d'années, et surtout dans le centre du pays. On en trouve vendus sur tous les marchés (ci-dessus dans le quartier chic de Polanco, à Mexico) mais aussi dans la rue, proposés dans de grands seaux par des vendeurs ambulants.
Le plat qui nous a été proposé de partager après la conférence était une tostada de maïs bleu avec une sauce piquante et des insectes. Ceux-là vivent sous l'agave, ont été grillés pour les garder dans des bocaux réfrigérés. Ils étaient ultra croustillants, vraiment délicieux mais tous les participants n'ont pas été capables de les croquer. On sait pourtant que ce sera l'alimentation du futur … car ils sont une source de protéines toujours disponible.