Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 11 septembre 2011

Laïcité inch'allah de Nadia El Fani

Le film sort sur les écrans français ces jours-ci et le festival Paysages de cinéastes a effectué une projection unique aujourd'hui et en avant-première de ce documentaire.

On dit partout que le monde bouge, qu'il avance, que le progrès ne cesse de se manifester. Certes les téléphones portables sont accessibles en Tunisie comme ailleurs mais tous ceux qui ont connu ce pays il y a trente ans mesureront combien la liberté a reculé sous la pression religieuse.

Je me souviens d'un été à Tunis en plein ramadan, marqué par la tolérance qui dispensait les personnes âgées, les malades, les jeunes enfants, de cet interdit de ne pas boire ni manger avant le coucher du soleil. Je me rappelle combien nous étions joyeux de nous retrouver le soir autour de la longue table familiale. Le repas commençait toujours par la citronnade qui venait d'être faite avec les fruits du jardin. On partageait ensuite les nombreux plats que les femmes de la maison avaient préparés dans l'allégresse tout au long de l'après-midi.

Garçons et filles discutaient sans barrières. On sortait dans le patio fumer une cigarette dans une relative discrétion, les anciens faisant comme s'ils ne voyaient pas les jeunes, surtout les filles. Cela m'amusait.

L'organisation de ce qui ressemble a posteriori à des banquets ne s'improvisait pas. Dans la journée on allait au marché central. Et si je protégeais mon corps d'un grand voile (blanc) c'était autant pour passer inaperçue que pour éviter de rentrer les vêtements pleins de poussière, et aussi de diminuer le feu des rayons du soleil. Quand on avait fini on laissait les marmites mijoter doucement et on partait pour le hammam. C'était la récréation.

On passait la moitié de nos journées au bord de la mer sans se soucier de la superficie de nos maillots de bain. La plupart de mes amies travaillaient. Certaines avaient obtenu le divorce sans vivre de déchirantes procédures. Je découvrais un pays où il était facile de vivre et où tout semblait possible.

Autant vous dire que le film de Nadia El Fani m'a plutôt secouée.
Août 2010, en plein Ramadan sous Ben Ali et malgré la chape de plomb de la censure, Nadia El Fani filme une Tunisie qui semble ouverte au principe de liberté de conscience et à son rapport à l'Islam… Trois mois plus tard, la Révolution Tunisienne éclate, Nadia est sur le terrain.
Tandis que le Monde Arabe aborde une phase de changement radical, la Tunisie, ayant insufflé le vent de révolte, est à nouveau le pays laboratoire quant à sa vision de la religion.
Et si pour une fois, par la volonté du peuple, un pays musulman optait pour une constitution laïque ? Alors, les Tunisiens auraient vraiment fait "La Révolution".
J'ai entendu dire que la réalisatrice avait enregistré son travail sur une clé USB qui était arrivée à Cannes , dissimulée dans un gâteau -mais c'est peut-être une de ces légendes urbaines qui alimentent les conversations. Ce qui est certain c'est qu'elle a reçu des menaces précises sur sa personne et qu'elle se déplace désormais sous protection. Il est hors de question qu'elle retourne dans son pays tant que la situation politique ne se sera pas apaisée. J'ignore comment la Tunisie va évoluer mais ce que je sais c'est que le tabou de la question religieuse ne concerne pas que les pays du Maghreb.

Sait-on par exemple que dans des écoles de la République française et laïque on prive, sur simple demande orale des parents, les petits enfants de viande au motif qu'elle est impure ? Qu'un garçon de 4 ans peut saliver à la vue d'une cuisse de poulet dont se régale son voisin de table et auquel il n'a pas le droit de toucher ? Qu'il lui faudra hurler qu'il a faim pour fléchir un animateur de cantine, lequel demandera ensuite le soir pardon à la mère d'avoir fauté ?

Au nom de quelle liberté ? Pour maintenir quelle paix ? La réponse est bien entendu politique, au sens strict du terme puisqu'il s'agit de réglementer la vie de la cité. Il est bon que des films nous interpellent sur ce qui se passe "loin" de chez nous mais il est tout aussi crucial que nos yeux regardent la réalité sans se voiler la face, comme le dit la sagesse populaire.

Pour tout savoir de la 10 ème édition, horaires et programme du Festival : Le Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry - Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)