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dimanche 19 janvier 2014

Matamore par le Cirque Trottola et le Petit Théâtre Baraque

Quand deux cirques associent leurs univers et leurs talents et leurs moyens pour explorer les mythes et les peurs ancestrales du monde forain cela donne un spectacle qui offre plusieurs facettes. Matamore est magnifique par sa rigueur et son professionnalisme. Epoustouflant par le niveau des numéros. Surprenant par leur enchainement, souvent inattendu. Drôle souvent, mais aussi tragique et angoissant parfois.

Ils étaient nombreux à faire la queue dans le froid pour entrer sous le chapiteau prêté par Trottola (qui avait déjà présenté Volchok à l’Espace Cirque d’Antony en décembre 2007) avant de grimper en haut de la piste, un peu à l'instar du tonneau du Petit Théâtre baraque, qui avait grandi pour l'occasion.
C'est toujours le même principe du regard plongeant des spectateurs au-dessus de l'aire de jeu mais cette fois on approche des 300 places (alors que nous ne pouvions guère dépasser la trentaine pour assister à Augustes, sur ce même lieu, dans le cadre du Festival Solstice, en juin 2010).
On devine des portes et des trappes en contrebas. C'est une piste pour cinq clowns (Nigloo, Titoune, Bonaventure, Branlotin et Mads) mais c'est surtout une arène où les combats s'enchaineront, le plus souvent en duos qui tournent au duel. Au début on regarde de haut, on entend de loin ... des grincements de coque de navire en dérive. Cela s'annonce féroce dans cette fosse où s'aiguisent nos désir et nos peurs ...

Titoune nous sert la Môme néant d'une voix grinçante et il faut connaitre ce poème de Jean Tardieu pour l'entendre sans frissonner (Yolande Moreau le fait réciter par un autiste dans son dernier film, Henri) :
Quoi qu'a dit ? - A dit rin.
Quoi qu'a fait ? - A fait rin.
A quoi qu'a pense ? - A pense à rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?

A' xiste pas.

Le ton est donné. Le spectacle est annoncé à partir de 10 ans. Ayant vu plusieurs adultes partir en cours de représentation avec leur progéniture (çà rigole pas trop murmurait mon jeune voisin de gauche à l'oreille de sa tata) je recommanderais de respecter cette précaution. Comme pour Risque zéro, en novembre dernier ... quitte à regretter de ne pouvoir venir au cirque en famille. Car si on est bien dans l'univers circassien, avec des numéros de voltige, de jonglage et des portés, les clowneries sont souvent mélancoliques, teintées de tragique.

Seul le numéro de dressage est sans danger pour les âmes sensibles. Il restera dans les annales. Il me semble avoir reconnu Nigloo derrière son énorme moustache et sous son smoking et la connivence qu'elle affiche avec son petit chien mériterait à elle seule une récompense dans un festival de cirque. Sa performance évoque Chaplin et sa Vie de chien, le film de 1918.

Titoune et Nigloo sont les deux femmes de l'aventure. Elles endossent tant de costumes qu'elles se démultiplient. L'oeil du spectateur a du mal à les repérer. Le nom d'artiste de Nigloo signifie hérisson en tsigane mais c'est Titoune qui a les cheveux en pétard tout rouges.

Coté masculin on brouille aussi les cartes. Les exploits de Bonaventure Gacon, le matamore de service, sont loin d'être imaginaires. Il est tour à tour monsieur Muscles, Hercule, Zampano, Faust, un ogre,  ou un toréador. Son allure fellinienne m'a fait penser à Anthony Quinn dans la Strada ... surtout quand il est dans les cintres avec Titoune, qui elle aurait pu être Gelsomina. leur numéro de voltige final est prodigieux.

A eux cinq ils savent tout faire : le fouet claque, le colt résonne, le pantin se désarticule au bout d'un tourniquet, le balai danse. Les corps sont à l'épreuve. Les têtes cognent. Les paroles aussi. On ne les comprendra pas toutes, cela fait partie du jeu. Les prises de risques sont plurielles et ce ne sont pas les photos que j'ai prises aux saluts qui peuvent en rendre compte.
Les propos sont assez effrayant sur la condition humaine. Nos marionnettes nous habitent scande Branlo, le clown blanc aux idées noires. Il peut bien traiter son partenaire d'espèce de matadore à la retraite. L'autre lui répond, en bon diable : Ecoutez, il est tard et on s'en fout.

Mads, qui est un jongleur danois, est le cinquième larron. Avec lui l'expression se tirer une balle dans le pied prend tout son sens. Et ses jongleries sont souvent acrobatiques et risquées.
Chacun intervient sur plusieurs registres. A tel point qu'on est étonné aux saluts, de ne compter que cinq artistes, s'attendant à une bonne douzaine.

A la sortie on remarque que les fauves sont parfois minuscules ...
A signaler qu'on peut se remettre de ses émotions en grignotant un plat sous le second chapiteau
Matamore
Par le Cirque Trottola et le Petit Théâtre Baraque
Du 18 au 26 janvier 2014 (horaires variables 17, 19 ou 20 h)
A l'Espace Cirque d'Antony, 01 41 87 20 84
Durée : 1h30
L'affiche est une création de Paille Veyser

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